Shâh mat, le Roi est mort.
La bataille a transformé la prairie verdoyante en un charnier puant où les mouches et les corbeaux se partagent la chair et le sang. Ici on gémit encore, là on saigne en silence et la Mort recouvre la terre fertile de son aile immense et fétide. De deux armées fringantes, rutilant au soleil levant, ordonnées méthodiquement comme les sillons du semeur, il ne reste que quelques survivants qui se regardent hébétés sans savoir ce qu’ils sont censés faire. Deux soldats ennemis partagent la même gourde, un officier miséricordieux achève ses hommes blessés et leur pose une pièce dans la bouche. Le Roi vainqueur regagne à pied, en boitant bas, l’ombre morcelée de sa forteresse, dont une seule Tour est restée dressée, pointée vers le ciel comme un index accusateur. Ses fidèles généraux ont mordu la poussière, et de sa belle Cavalerie aux fiers destriers ne subsistent que quelques fantômes hagards qui se croisent sans se saluer.
Un vagabond, besace sur l’épaule, poursuivi par un chien errant qui lui mord les mollets, traverse la plaine massacrée en trébuchant sur les membres disloqués et les têtes coupées. Ses yeux ont un regard d’indifférence démente, et nul ne vient s’opposer à ce macabre voyage.
« Une autre partie ? »
Il a le regard flamboyant des Dieux triomphants, pour qui le sort des Hommes ne pèse pas plus lourd qu’une petite pièce de bois peint. Seul compte pour lui le Plaisir du Jeu.
Je secoue la tête en m’efforçant de lui sourire d’un air charmeur. Les Hommes ont besoin d’un peu de répit.
« Ganymède nous a préparé de son sublime nectar... »
Il m’emboîte le pas, en fredonnant un air de danse.
Sur l’échiquier, le Roi noir est couché.
Shâh mat.
Venez nous conter, Amis Faëriens, vos plus éclatantes victoires ou vos plus sombres défaites, afin que nous en partagions l’horreur ou la liesse dans la chaleur accueillante du Cercle...
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