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L'inspection

Il était une fois, une mine nommée " Kassâd Ke Dalle ". C'était une mine aussi banale que les autres, avec ses chefs de chantiers nains, ses tortueux et obscurs tunnels, ses chariots, ses pioches, quelques familles de taupes, et une cantine particulièrement infecte. Une mine banale, donc... à un détail près. On n'y trouvait ni or, ni cuivre, ni diamant. Et pourtant, Kassâd Ke Dalle était prospère. On y creusait beaucoup et profondément, les chariots remontaient toujours plein à craquer, et le bureau du directeur de la mine était littéralement noyé sous les commandes venant des quatre coins du royaume. D'ailleurs, le taux de stress de ce brave nain battait des records à chaque nouvelle apparition de la brouette quotidienne apportant les commandes : il devait alors souffler dans un sac en papier pendant une bonne dizaine de minutes avant de retrouver son calme.

Mais, me diriez-vous, que pouvait-on bien extraire de cette mine, s'il ne s'agissait ni d'or, ni de cuivre et ni de diamant ? En réalité, à Kassâd Ke Dalle, on extrayait... du rien. Et croyez-moi, le rien était un matériau très demandé dans le royaume. Et s'il vous prenait l'envie (suicidaire) de faire remarquer que les chariots et les caisses de transport n'étaient, somme toute, que remplis de beaucoup d'air et de vide, pensez donc aux dégâts que peuvent occasionner environ huit cent nains, du matériel minier et une fierté exacerbée... sur votre personne.

Dans l'ensemble, les mines de rien étaient sans nul doute les plus rentables du royaume. Elles ne devaient cependant répondre qu'à une seule exigence : ne produire que du rien. Si un matériau autre que le rien en était extrait, la mine devait immédiatement être fermée et condamnée. Chaque année, toutes les mines de rien du royaume faisaient l'objet d'une inspection générale comparable à un audit d'entreprise, avec tout le cortège des désagréments qu'une telle opération impliquait. Et c'est précisément ce jour-là, le jour de la visite de l'Inspecteur des Mines, que notre récit commence.

Bureau du directeur de la mine de Kassâd Ke Dalle, Viktor Desclous, huit heures trente du matin. Sur le plan de travail, une montagne de papiers prenait ses aises. A ses côtés, une misérable petite tasse de café essayait de se faire oublier. Et au beau milieu de ce capharnaüm, entre le plafond et le haut de la pile de papiers, les sourcils de Viktor Desclous surnageaient à la manière d'un périscope pris de hoquet. Finalement, ils disparurent et Desclous émergea à la droite du bureau, un sac en papier dans la main et la mine hagarde. Il s'adressa à un nain à la barbe grisonnante et artistiquement relevée en deux larges bandeaux noués sur sa tête (à la mode de Heidi), pris en sandwich entre le mur opposé et son bloc notes :
- Et ça s'est passé ce matin ? ...
- Il y a environ une heure, Monsieur.
- Et vous êtes absolument sûr et certain qu'il s'agit bien...

Le nain sténographe déglutit lentement, puis murmura :
- Oui, Monsieur. Il s'agit bien... d'or.

Le directeur gémit et se mit à souffler dans son sac en papier. Son interlocuteur, qui répondait au nom de Machin, attendit quelques instants, puis se hasarda à demander :
- Et, pour l'inspection ? Qu'allons-nous faire ?

A ces mots, Desclous souffla tellement fort que le sac en papier explosa et son contenu (son déjeuner) s'éparpilla aux quatre coins de la pièce.
- Bons dieux ! L'inspection ! s'écria t-il. Qui et quand ?
- L'Inspecteur des Mines habituel, Monsieur : Roland Blatte. Il est attendu pour quatorze heures, répondit Machin tout en retirant des morceaux de tomates écrasées de son bloc-notes.

Le visage de Desclous s'illumina :
- Bon, alors, on a peut-être une chance de limiter les dégâts.

Puis, il s'adressa à Machin :
- Mettez-moi en congé maladie les équipes d'excavation du filon d'or. Ensuite, prenez trois équipes de maçonnerie et envoyez-les colmater la faille. Plus important encore : tenir éloigné l'inspecteur du périmètre du tunnel sinistré. C'est bien compris ?

Machin acquiesça et se dépêcha de sortir du bureau. Desclous prit une profonde inspiration, se tourna vers la porte, et entra en collision avec un Machin essoufflé et hystérique.
- Espèce de triple buse ! hurla t-il. Qu'est-ce qui vous prend de...
- C'est l'Inspecteur des Mines, Monsieur ! Il est arrivé avant l'heure !
- Quoi, déjà ? ! Bon, pas de panique... Faites-le monter, je vais m'occuper de lui.

Machin eut soudain l'air gêné.
- C'est que... il y a un problème.
- Quoi ? Quel problème ?
- Euh... Le Service d'Inspection des Mines a apparemment modifié son équipe... et il semblerait que Roland Blatte en soit absent.
- Mais alors, qui... ?

Machin indiqua la fenêtre et dit :
- Vous devriez pouvoir l'apercevoir d'ici. Je ne pense pas qu'elle soit allée bien loin...
- Elle ? !

Desclous se précipita à la fenêtre et eut le choc de sa vie.

Elle ne devait pas être bien grande, même pour une femme. Ses cheveux noirs étaient tirés en arrière et noués en un chignon bas, ce qui avait pour effet d'agrandir démesurément son front et de lui donner un air de mépris savant et soigné. Elle portait une longue robe bleue marine à col haut sur lequel étaient piqués les insignes de sa profession : un vautour perché sur une canne, elle-même dans la gueule d'un boa constrictor. La femme leva les yeux et croisa ceux du directeur, qui s'empressa de reculer hors de portée de tir. Il ressentit la désagréable impression d'être un témoin de meurtre surpris par l'assassin.

Desclous se tourna vers le nain sténographe et lui décocha le regard incrédule et atterré typique de ceux qui se disent " je vais me réveiller... ce n'est qu'un cauchemar ".
- C'est une blague ?!
- Malheureusement, non.
- L'Inspecteur des Mines est une... elle ?!
- En général, elle préfère qu'on l'appelle " Inspectrice des Mines ".

Les deux nains se retournèrent brusquement vers la porte. La femme se tenait dans l'encadrement, calme et immobile. Seuls ses yeux verts bougeaient, repérant le moindre petit détail dans l'arrangement de la pièce et dans le comportement de ses occupants. Elle était beaucoup plus jeune qu'elle n'y paraissait, vue du haut de la fenêtre : elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Une minuscule chaîne en or était enroulée autour de son poignet droit : une clé y était suspendue.

Desclous sentit sa gorge s'assécher. Après plusieurs tentatives infructueuses, il parvint à articuler :
- Je vous souhaite la bienvenue à Kassâd Ke Dalle... Veuillez nous excuser pour le désordre, nous ne vous attendions que pour cet après-midi mais j'ose...
- J'ai changé mes horaires pour cause de compression des effectifs, l'interrompit-elle. Le Service des Inspections a subi une restructuration complète due à de nombreux départs en retraite.
- C'est que... nous avions l'habitude de recevoir la visite de Monsieur Blatte.
- Roland Blatte est parti à la retraite le mois dernier. Mais rassurez-vous, je saurai me montrer aussi compétente que lui.

" C'est bien ma veine ", pensa Desclous.
- Puisque je suis ici, autant commencer l'inspection sans perdre de temps, continua la jeune fille.

Le directeur se mit à paniquer :
- Le voyage a sûrement dû vous fatiguer, pourquoi ne pas vous reposer quelques instants ? Après tout, la mine ne risque pas de se tailler !

La jeune fille lui lança un regard froid. Voyant que sa plaisanterie restait sans effet, Desclous congédia le nain sténographe :
- Allez-y, et surtout n'oubliez pas ce que je vous ai dit !

Puis, se tournant vers l'Inspectrice, il tenta le tout pour le tout et dit :
- Je pense que nous devrions commencer par les rapports d'excavation du premier trimestre, mademoiselle...
- Agnès La Source. Et je pense que nous devrions plutôt faire une petite visite de la mine.
- Mais, ce n'est pas ainsi que procédait Monsieur Blatte...
- Ne vous inquiétez pas, mes méthodes valent largement les siennes.

La jeune fille sortit dans la cour, accompagnée du directeur de la mine. Son cheval attendait là, de même qu'un mulet lourdement chargé d'un large tonneau à bière. Quelques nains l'aidèrent à le décharger, et Desclous constata que le récipient était parsemé de petits trous et fermé par un cadenas. Il semblait être occasionnellement agité de brefs soubresauts entrecoupés par des gémissements inarticulés. Il crut toutefois discerner le mot " or " parmis ces onomatopées plaintives. La jeune fille dégagea la clé de sa chaîne et saisit le cadenas du tonneau.
- Qu'est-ce que vous tenez enfermer dans ce tonneau ? demanda Desclous, loin d'être rassuré.
- L'une des toutes dernières trouvailles de la section des fraudes du Service des Inspections.
- Fraudes ?! Mais, nous n'avons jamais fraudé, à Kassâd Ke Dalle ! répondit Desclous avec toute la force du désespoir.
- Je n'ai jamais dit le contraire. Voyez-vous, dans le temps, une visite d'inspection de mine prenait une journée entière. Maintenant, grâce à cette astucieuse invention, en moins de trente minutes l'inspection est accomplie.

Le directeur fit le geste de porter son sac en papier à ses lèvres, mais s'interrompit juste à temps.
- Et... comment appelle-t'on cette invention ? demanda t-il.
- Cela dépend : la mienne se nomme " Barbon 04 - Sganaron ".

Et d'un geste vif, la jeune fille ouvrit le couvercle du tonneau. Aussitôt, la tête décharnée d'un vieillard en jaillit, les yeux écarquillés et l'air hagard. Il portait un costume noir avec une collerette blanche, et des chaussures à boucles dorées. Il s'écria d'une voix stridente :
- Mon or !! Où est mon or ?!!

Le vieux barbon se hissa hors du tonneau et bondit vers le directeur. Desclous recula précipitamment, terrifié.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?!
- Je viens de vous le dire : c'est un barbon. Il est entraîné à flairer toute trace d'or dans un rayon de cent kilomètres.

A ces mots, le directeur pâlit. La jeune fille retint le vieil homme par son col de chemise :
- Je vais le lâcher dans la mine et dans moins de trente minutes, nous serons fixés sur la nature de sa production. Faites en sorte que vos ouvriers ne se trouvent pas sur son chemin, il risquerait de s'en prendre à eux.
En effet, le vieux barbon commençait à regarder avec méfiance les autres nains, en marmonnant :
- Mon or... On m'a volé mon or... Où est mon or...

Desclous sentit clairement la terre s'ouvrir sous ses pieds. A ce moment-là, Machin fit irruption hors de la mine. Il s'approcha du directeur, tout en évitant soigneusement le vieux barbon, et dit :
- Dois-je faire envoyer les équipes de maçonnerie pour la f..., euh, l'incident ?
- Un incident ? demanda la jeune fille, d'un air intéressé.
- Oh, rien de bien grave, rassurez-vous, s'empressa de répondre Desclous. Un... un éboulement dans l'un de nos tunnels. Mais je vais faire envoyer une équipe spéciale pour résoudre ce petit contretemps. Malheureusement, le tunnel est pour l'instant condamné, et vous ne pourrez pas l'inspecter.
- Ne vous inquiètez pas, Sganaron a été spécialement dressé pour ce genre de " petit contretemps ". Il peut flairer même à travers l'eau ou un tout-à-l'égout.

Desclous commençait sérieusement à être agacé par l'assurance de la jeune Inspectrice. Où était donc passé le respect entre les différentes générations ? Et puis, cette manière qu'elle avait de tenir absolument à le rassurer ne faisait qu'empirer son angoisse et son stress.

La mine fut évacuée en une dizaine de minutes. La jeune Inspectrice s'apprêtait à lâcher le vieux barbon, lorsqu'elle se tourna vers Desclous et demanda :
- A propos... quel est le numéro du tunnel sinistré ?
- C'est le..., commença Machin.
- Je vais vous y conduire, l'interrompit Desclous. On ne sait jamais, vous pourriez vous perdre dans ce dédale de tunnels.

La jeune fille haussa un sourcil, puis finit par acquiescer. Desclous prit la tête du petit groupe, suivi de près par la jeune Inspectrice et son barbon. Le directeur n'avait aucun plan précis dans son esprit, mais il tenait absolument à conserver sa précieuse mine. Mentir et dissimuler ne rentraient pas dans ses pratiques habituelles, toutefois il considérait ces recours comme infiniment moins salissants et plus innocents qu'un meurtre. De plus, il ne savait pas comment le barbon réagirait en cas d'attaque sur sa maîtresse... Les éloigner du tunnel sinistré restait une bonne solution.

Le petit groupe s'engagea dans la partie Est de la mine, là où le rien abondait. Le malheureux barbon errait comme une âme en peine, poussant quelques " Mon or... où es-tu, mon or ?... " plaintifs. Il reniflait les chariots croulant sous le rien, tâtait les parois rocheuses et humides, lança même une pioche contre le plafond, au cas où une pépite d'or ou deux en tomberait, puis finit par éclater en sanglots déchirants. Desclous leur montra les sections nord-est, puis sud de la mine, tout en évitant soigneusement le côté ouest où se trouvait le fameux tunnel. Une précaution qui s'avéra inutile car l'Inspectrice le lui fit remarquer :
- Bien, il ne nous manque plus que la partie ouest de la mine à contrôler.

Le nain réprima un hoquet de terreur :
- Ouest ? Oh, vous savez, une fois qu'on a vu une section d'excavation, on les a toutes vues...
- J'aimerai tout de même y jeter un rapide coup d'oeil.
- Il n'y a pas grand-chose à y voir... Cela risque de vous ennuyer.
- Monsieur Desclous, si je n'avais pas eu la volonté de prendre ce risque à chaque nouvelle inspection, je serais déjà mariée et mère de trois enfants. Maintenant, ayez l'obligeance de me montrer le chemin, je vous prie.

La mort dans l'âme, Desclous la conduisit à travers les tunnels de la section ouest. Mais il contourna le tunnel condamné, une nouvelle précaution tout aussi inutile que la première. Alors qu'il proposait de regagner la sortie, le vieux barbon commença à s'agiter. Il allait et venait entre l'Inspectrice et le tunnel de droite, en murmurant :
- Mon or... Je sais que tu es là...

La jeune fille se tourna vers Desclous et dit :
- Vous ne nous avez pas encore montré le fameux tunnel sinistré, je crois.
- Oh, il n'est vraiment pas accessible pour le moment. Mais je vous promets de vous envoyer un rapport sur son contenu dès qu'il sera déblayé.

La jeune fille fixa le nain de ses yeux perçants et articula très lentement :
- Monsieur Desclous, s'il y a de l'or dans cette mine, mon barbon le trouvera. Rien ne sert de le cacher.
- Mais... je ne cache rien.

Tout à coup, le barbon hurla " Mon or !!! ", et s'élança dans le tunnel de droite. Desclous poussa un glapissement de surprise et courut sur ses talons. Le nain connaissait évidemment mieux la mine que ses visiteurs, mais le barbon était guidé par un odorat hyper-sensible. Ils arrivèrent donc tous les deux en même temps devant le tunnel sinistré... qui s'avéra être en parfait état, mis à part la petite faille dans la paroi de gauche. Un faible scintillement en sortait. Le barbon prit son élan mais Desclous le plaqua au sol. Le vieillard rampa lentement vers la faille, tandis que Desclous s'accrochait à ses chevilles, des larmes de rage aux yeux. Sa main chercha désespérément un appui contre la paroi ; elle se referma sur le manche d'une pioche. Desclous la brandit au-dessus de sa tête... Il sentit soudain une pression au niveau de son poignet. Il leva les yeux, et rencontra le regard de l'Inspectrice. Elle se tenait penchée sur lui, sa main retenant celle du nain.
- A votre place, je ne ferai pas ça, dit-elle.

Le barbon en profita pour se dégager et se ruer sur l'or de la faille. Desclous bondit sur ses pieds, mais fut arrêté dans son élan par la jeune fille.
- Je vous l'avais bien dit, que je trouverai de l'or s'il y en avait, fit-elle.
- C'était un accident !
- Cette mine doit être fermée.
- C'était un accident !

Agnès le contempla d'un air songeur :
- Votre cas n'est pas isolé, Monsieur Desclous. Cela devait arriver : la moitié des mines de rien du royaume ferment leur porte au bout de la dixième année d'exploitation. Vous voulez savoir pourquoi ?

Le nain la contempla nerveusement : il n'aimait pas trop la tournure que prenaient les évènements.
- Euh... Pourquoi ?
- Parce que la plupart des mines de rien sont en réalité des mines d'or.

Le directeur lui lança un regard étonné :
- Comment est-ce possible ?... Mon permis d'excavation certifie que Kassâd Ke Dalle est une mine de rien.
- Jusqu'à ce matin, où vos ouvriers sont tombés sur un filon d'or.
- J'imagine que vous allez devoir fermer la mine et nous congédier.
- En fait... le Service des Inspections des Mines a quelque peu changé ses directives.
- Dans quel sens ?
- L'objectif n'est plus de fermer les mines de rien " contaminées par l'or " mais plutôt... de trouver ces types de mine et les transformer en mines d'or.
- Mais... je croyais que l'or valait beaucoup moins que le rien ! Vous n'avez qu'à constater le nombre de commandes de rien, qui ne cesse d'augmenter !
- C'est un leurre. Dans quelques années, le rien n'aura plus aucune valeur, et l'or sera le premier matériau exploité dans les mines du royaume.
- Alors, le barbon vous sert à repérer les futures mines d'or, n'est-ce pas ?... Et que faites-vous du personnel minier ? Nous serons tous au chômage technique, avec l'arrivée de l'or sur le marché !
- Une reconversion du personnel minier dans le secteur de l'or est prévue pour toutes les mines de rien. Personne ne sera au chômage.

Desclous aurait normalement dû se sentir plus soulagé par la perspective de conserver son poste. En vérité, l'annonce ne fit qu'augmenter sa propre nervosité. Pourquoi cette Inspectrice lui avait-elle confié ces informations ?

La jeune fille lui tourna le dos et se mit à fouiller ses poches.
- Bon, et bien, l'affaire est réglée, n'est-ce pas ?fit le nain.
- Oh, non, Monsieur Desclous. Il nous manque un léger détail à régler.

Le nain fronça les sourcils et vérifia bien que la pioche se trouvait dans les environs immédiats de sa main.
- Et de quoi s'agit-il ?
- De vous, Monsieur Desclous. Votre prise en charge de la mine est loin d'être blâmée. Mais la conduite dont vous avez fait preuve ce matin, en dissimulant des informations importantes concernant le fonctionnement de la mine, en entravant l'accès au tunnel, en agressant un fonctionnaire du Service et en perturbant le déroulement de l'Inspection, vous a condamné aux yeux de cette institution. Nous ne pouvons donc plus avoir confiance en vous.

Desclous se rapprocha de la pioche. Il n'aimait pas du tout le ton de l'Inspectrice.
- Je suis désolé de vous avoir déçu à ce point, dit-il, mais, comprenez-moi : cette mine est toute ma vie. Ma famille en est légataire depuis mon arrière-grand-père. Si je la perds, je perds tout : ma dignité, mon honneur, ma...
- Vous n'aviez pas à nous mentir. A présent, je ne peux plus rien faire pour vous. Nos consignes sont devenues très strictes. Nous ne pouvons nous permettre de bons sentiments, il y a trop en jeu.
- Vous allez devoir me renvoyer, n'est-ce pas ?...
- J'ai bien peur que non.

Agnès se tourna brusquement vers Desclous et l'aspergea d'une fine poussière dorée. Le nain recula en toussant, avant de perdre l'équilibre et de tomber sur le dos. La jeune fille haussa la voix :
- Car, comment pourrais-je avoir confiance en un VOLEUR D'OR ?...

A moitié aveuglé, Desclous tâtonna le sol autour de lui, à la recherche de la pioche. Il avait vaguement conscience qu'il devait à tout prix sortir d'ici. Sauver sa peau. S'appuyant contre la paroi du tunnel, il se remit péniblement debout. Il ne savait plus dans quelle direction aller et ses yeux le piquaient affreusement.

Un grognement rauque résonna dans le tunnel. Dans le brouillard doré devant ses yeux, Desclous aperçut une silhouette voûtée s'agiter là où se trouvait la maudite faille qui l'avait conduit à sa perte. Il se mit à courir, butant contre les parois et les chariots à présent vides, trébuchant sur les rails et gémissant de terreur. Il n'eut pas le temps d'aller bien loin. Un formidable cri retentit derrière son dos, et les derniers mots qu'il entendit furent " Au voleur !!! ", avant de rouler par terre sous le poids du barbon.

© Tesclaff

(qui remercie Molière et Pierre Dac de l'avoir inspirée...)

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Publication : Concours "Mine de rien" (Novembre 2002)
Dernière modification : 07 novembre 2006


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