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De : Maedhros Date : Mardi 13 mars 2007 à 20:38:55 | ||
Bonsoir L'exercice n'est finalement pas si simple. J'ai voulu écrire une histoire "délirante" qui égrène une conjugaison infernale. C'est assez loin de mes jardins de prédilection et le thème n'est pas entièrement absent...mais je dirais assez distordu...avec au passage un clin d'oeil g_o_t_hique.. Bonne lecture. ----- JE VOUS TU... Je vais vous dire qui je suis. En tous cas, je vais essayer de vous décrire ce que je suis devenu. Vous avez écouté les infos, vous avez fait des recherches, vous avez même eu la visite des hérauts de la sécurité publique. Je ne vous cacherai pas plus longtemps la réalité. Ce que vous savez sur moi est vrai...du début à la fin...Mais cela n’est qu’une partie de ma réalité. Je vais vous en dire plus...beaucoup plus. Je ne suis pas certain que vous allez aimer ce que vos oreilles vont entendre .Mais vous êtes là pour ça non ? Par où commencer ? Le début serait approprié : la naissance du monstre en quelque sorte. Car je suis un monstre, c’est bien ce qu’ils disent. Croyez-vous que je sois un monstre ? Ah, j‘oublie que vous ne pouvez répondre, c’est l’ironie de la situation. Moi, je suis dans le réel tandis que vous, vous êtes aussi impalpable qu’un rêve strié de rouge et noir. Vous n’êtes pas de mon monde mais vous m’écoutez, c’est évident. Je me rappelle la première fois où j’ai regardé dans le miroir. Cette image n’était pas moi, n’était plus moi, oh non ! Une qualité et une profondeur de regard différentes, une crispation incontrôlée des paupières et la commissure des lèvres légèrement tirée vers le haut. Je vous assure que j’ai aussi sursauté en découvrant cette facette de ma personnalité qui surnageait à travers la buée recouvrant la grande glace de la salle de bain. Je me suis rapproché de cet inconnu si familier qui me dévisageait également de l’autre côté. J’avais quel âge ? Seize, non dix-sept ans. J’étais jeune, si jeune...J’ai si intensément plongé mes regards dans ses regards que, finalement, je n’ai plus su qui regardait l’autre. Et j’ai soudain vu un adolescent effrayé qui respirait difficilement, les mains cramponnées sur le rebord du lavabo, une expression paniquée lui dessinant un masque pathétique. Le robinet était grand ouvert à tel point que l’eau a fini par déborder de la vasque. Une eau teintée de rouge...Je garderai toujours en mémoire ce visage lunaire et enfantin qui pleurait, qui pleurait, mais qui ne le savait pas. Ses larmes baignaient le carrelage à ses pieds en longues traînées vermillon. Voilà comment je suis né. Vous voyez, il n’y pas eu de pacte diabolique, ni de sorcière sur un grand balai. Pas plus qu’une créature de cauchemar aux formes tourmentées et aux babines retroussées sur des canines démesurées. Non. Juste une image différente. Une autre façon de lire l’âme humaine. Vous écoutez toujours ? Je sais qu’il est tard et que vous êtes fatigué, mais vous êtes fasciné par mon histoire n’est-ce pas ? C’est l’ironie de la situation. Regardez-moi. Vous me trouvez horrible ? Vous me trouvez repoussant ? Ne faites pas attention à l’odeur. Cette pièce n’est pas suffisamment ventilée. Oh, vous avez vomi ? Je peux comprendre. Je répète la question charitablement. Me trouvez-vous repoussant avec ma barbe de quinze jours, mes dents cariées et mon haleine de hyène ? Me trouvez-vous horrible avec ces scarifications sur les joues et le front et ces tatouages serpentins autour de mes avant-bras. Non, ça, n’importe quel g_o_t_hique extrême ne serait pas moins écoeurant. Tiens, vous souriez, bravo, je vois que vous n’avez pas perdu le sens de l’humour ! Hélas, le monstre n’est pas caché là ! Mais pouvez-vous affronter mon regard ? Non, vous détournez les vôtres. C’est ici que vit ce monstre que vous brûliez de connaître. Au milieu du chemin de ma vie, je me suis retrouvé au fond d’une forêt obscure, car j’avais définitivement quitté la voie droite. Je me suis alors enfoncé dans le Cocyte où m’attendaient mes trois compagnes, les voix de l’Enfer. J’ai longtemps marché dans l’ombre de mes péchés, laissant derrière moi des traces barbares. La route a été jalonnée de stations cruelles où je t’ai cherché dans le moindre des miroirs. J’ai souvent cru t’avoir retrouvé. Mais à chaque fois, ce n’était qu’un reflet mensonger qu’il m’a fallu détruire pour ne plus être abusé. J’ai brisé ces verres incapables de te montrer le chemin qui te ramènerait vers moi. J’ai disposé leurs éclats étincelants dans l’eau maculée en retournant cependant contre terre leur face fallacieuse. Oui, je t’ai cherché longtemps dans ce regard meurtrier qui devenait de plus en plus fou. Tu étais parti...loin de moi, loin de moi...j’ai appelé ton nom, déchirant ma gorge qui ne parvenait plus à en prononcer correctement les syllabes. Il y avait derrière moi des lumières tournantes, des cris, des pleurs et des supplications. Les voix dans l’enfer de ma tête murmuraient sans relâche, jusqu’à ce que je finisse par les écouter. L’une d’entre elles surtout. Elle me promettait constamment le repos et l’apaisement après un ultime baiser. Elle me chuchotait que ce baiser m’apporterait la rédemption et que je regagnerais ainsi mon âme perdue. Vous ne me dites toujours rien. Vous me connaissez si bien pourtant. J’ai exaucé votre voeu le plus cher. Approcher le monstre, dépeindre son aristie pour pénétrer dans sa légende. Vous avez chèrement payé pour ça. Mais ils vont vous aimer pour ça. C’est vrai que cet égout est sinistre, le passage du métro fait trembler les murs en soulevant la poussière tamisée par la luminosité blafarde qui filtre de l’avenue au-dessus. Votre monde est là-haut. Dans la vraie lumière de Dieu. A portée de main, si loin de vous. Ici, c’est un monde souterrain, mon jardin de Gethsémani où je me terre le jour pour mieux le chercher la nuit venue. Il y a cet immense miroir laissé là par des ouvriers négligents. Il est magnifique n’est-ce pas ? J’ai patiemment nettoyé et poli sa surface jusqu’à ce que s’ouvre cette fenêtre magique. C’est par là qu'il viendra, je le sais. Je regarde par cette fenêtre au plus profond des ombres épaisses qui s’élèvent en volutes grisâtres. Je vois un visage au contour familier qui émerge lentement du néant. Les traits se précisent et s’affinent. C’est toi, n’est-ce pas ? Tu es si jeune et si vieux à la fois. Si vieux et si jeune. On dirait que le temps est passé sur toi comme une locomotive. Tu glisses dans ma direction. C’est vraiment toi. Après toutes ces années tu es revenu enfin. Le vide sera comblé et le tout reformé. J’ai tellement attendu cet instant, tellement souffert pour te retrouver. Je n’entend plus les voix dans mon crâne. Elles se sont finalement tues. Laisse-moi t’embrasser et mon âme me sera rendue. Tu as fini de fuir. Tu n’es plus ce jeune garçon terrifié par ses propres actes, qui s’est réfugié loin de ce monde pour nier ce qu'il avait fait. Les docteurs ne m’ont pas perverti. Je n’ai pas accepté leurs trente pièces d’argent. Ils sont loin ou morts à présent. Que tes lèvres sont dures et froides... Mais vous, vous qui regardez, vous êtes bien celui qui montre aux autres n’est-ce pas ? Un journaliste du sensationnel. Votre enquête vous a mené sur des rivages dangereux. Vous allez mourir. Encore l’ironie du sort. Car je vais vous confier un secret : le monstre n'existe que dans le regard de l'autre, telle est sa vraie nature. J’espère pour vous qu’ils trouveront cette caméra qui filme toujours. Non, ne criez pas. Ici bas, personne ne vous entendra. La curiosité a tué le chat, disent les anglais ! M Ce message a été lu 7523 fois | ||
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3 Exercice 12 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Lun 18 jun 2007 à 17:27) 4 Voici la monnaie... - Maedhros (Mer 22 aou 2007 à 20:35) 3 commentaire Maedhros, ex n°12 A - Narwa Roquen (Jeu 22 mar 2007 à 15:53) 4 Droit de réponse... - Maedhros (Ven 23 mar 2007 à 19:13) |