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De : Maedhros Date : Mardi 1 mai 2007 à 17:33:44 | ||
Une deuxième petite histoire. Juste quelques éléments mis en perspective. __________ La fleur dans la vallée. Nous courons tous. Sans réfléchir. Mes poumons sont en feu mais l’instinct de survie compense la douleur. J’arrête et ils seront sur mes talons. Je tombe et mes chances de rallier une enclave sécurisée se réduisent. Se concentrer sur le dos de celui qui est juste devant. Maintenir le rythme. La cadence. Et courir. Je ne suis pas un grand sportif. Même pas un amateur. Toutefois, l’aiguillon de la peur agit comme un stimulant chimique. J’ai vu les images à la télévision. J’ai vu ce qu’ils peuvent faire. Ils sont proches. Ils progressent sûrement à l’abri de la tempête électromagnétique qui a paralysé tous nos réseaux d’information. Ils ont défoncé toutes nos voies de communication bien avant l’aube. Aucune route carrossable. Les propriétaires des 4X4 ont eu plus de chance ou sont morts en voulant franchir la foule qui grondait, une envie meurtrière au fond des yeux. Les cyclistes sont loin déjà. Nous nous croyions à l’abri, loin de la ligne de front. Nous vivions dans une insouciance joyeuse malgré les scènes de guerre rapportées par les bulletins d’information. C’était loin de chez nous. Les images étaient si belles, en qualité numérique. Aussi propres et visuelles que dans Flashpoint, c’est dire la définition obtenue par notre technologie ! Ca donnait envie de se précipiter dans le plus proche bureau de recrutement. Enfin, c’est le concept qui plaisait, car tous nos combattants sont des professionnels payés pour tuer ou mourir. Qu’ils justifient leur solde. Oui, derrière nos barrières sophistiquées et nos drones de combat, sous la protection des anges géostationnaires et de nos Patriots de dernière génération, la guerre et ses horreurs étaient si loin ! Ce confort a disparu. Au milieu des autres je suis seul et impuissant. Que s’est-il passé ? Cela fait des heures que je cours. Ma montre ne serait pas d’accord avec cette affirmation et si je lève la tête, la course du soleil dans le ciel me donnerait tort également. Le point de côté a disparu. Toutes mes articulations sont douloureuses. Mes pieds ne sont qu’ampoules. Ma peau vaut plus que ça. Combien étions-nous dans la cité, cette fleur dans la vallée ? Trois cent mille citoyens, sans compter les sans-papiers et les chômeurs. Ceux-ci ne rentrent pas dans les statistiques officielles. C’était une capitale régionale de moyenne taille, sans importance particulière. Ceux qui sont restés sont morts à présent. Bon sang, je n’ai jamais oublié de faire un chèque pour les Téléthons et autres pays pauvres (toujours ça de déduit des impôts). Devant moi, les fuyards quittent l’autoroute dévastée pour s’enfoncer dans les sous-bois, répondant à une consigne inconnue. Certains s’arrêtent, pliés en deux, les mains sur les genoux, tentant de reprendre leur souffle. Ils regardent vers la ville et leurs yeux s’écarquillent emplis d’une terreur indicible. Des doigts tremblants se tendent pour désigner un point derrière moi. Ils bredouillent des mots incompréhensibles et reprennent leur fuite, ne se souciant pas des branches basses qui leur cinglent le visage. Une ombre passe rapidement au-dessus de nous, occultant la lumière du matin. Un grand cri résonne dans le ciel, glaçant ceux qui l’entendent, les jetant au sol comme des pantins aux fils coupés. Je vois un militaire dans son treillis de camouflage qui pleure tel un enfant, ses mains encombrées d’une arme automatique dont il ne sait plus que faire. Je l’accoste brutalement, c’est avec mon argent qu’il est payé. Il doit aller me défendre, j’ai payé pour ça ! « Soldat, où est ton régiment, où sont les chars, où est l’aviation ? Où sont nos armées, nos généraux, nos forces spéciales ? Où sont-ils tous passés?» Je le secoue comme un prunier. Il ne dit rien. Ses larmes délavent le maquillage noir et vert de ses joues. C’est pathétique. Je vais pour le laisser à son sort de trouillard quand il me répond. « Le front a cédé en plusieurs endroits peu avant l’aube. Ils étaient partout. Nous avons résisté mais ils sont si différents de nous. La couverture aérienne est venue à notre rescousse : des F18, des F15, des Rafale, des Sukhoï 27 et beaucoup d’autres, des vagues entières.... Les Sidewinder, les Mica, les Sparrow, les Amraam ont saturé l’air. C’était magnifique et vain. Le ciel était en fleurs, accueillant ses nouveaux maîtres. Ensuite, mon unité a été rappelée en urgence vers l’arrière quand la nouvelle tête de pont a surgi près d’ici ! Nous n’avons pas eu l’ombre d’une chance. Que pouvons-nous contre leur magie ? » Un autre cri strident déchire le ciel. Je contemple une dernière fois le parachutiste. Nous nous comprenons. C’est notre crépuscule. Nous ne nous reverrons plus. L’ombre plane là-haut. Je sais ce que je verrais si je lève la tête. Les Lingwilóke, leurs semblables aquatiques, ont dû livrer de formidables batailles sous-marines. Notre sort est scellé. La prophétie disait qu’il reviendrait à la fin du monde. Je reprends ma course. J’ai perdu trop de temps à parler. La lisière est toute proche. Dans la profondeur des bois, nous sommes moins vulnérables. Encore quelques mètres, juste sauter par dessus ces arbustes. Je vais réussir quand de grandes griffes se referment sur moi, m’emportant dans l’azur. Dans le détachement sensoriel qui précède l’inconscience, je peux voir la ville qui se meurt. Ses plus hautes tours s’effondrent sans bruit. Malgré la distance, je distingue parfaitement de grandes silhouettes rougeoyantes qui manient de longs fouets de feu. Les Balrogs sont là. M Ce message a été lu 6764 fois | ||
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