| ||
De : Maedhros Date : Samedi 2 juin 2007 à 21:21:56 | ||
Hum, une histoire comme que je les aime...saurez-vous l'apprécier? Dormez bien! ________________ LA TACHE SUR LE MUR Il y a une tache sur le mur. Une tache sombre. Elle grossit, vous savez ? Personne ne la voit à part moi. Mais je ne dis rien. Un matin elle était là. Je la fixe tout le temps, c’est comme ça que je l’ai vue grandir. Au début, elle n’était pas plus grosse qu’une pièce de cinq francs. Je devais me concentrer pour la retrouver sur le mur. Cela rompait la monotonie de mon univers. Je suis en prison vous savez. Là, il ne se passe pas grand-chose. Juste fixer cette tache sur le mur, sans bouger. Le temps s’écoule mais je reste sur la berge, regardant ce flot argenté passer sans moi. Cela fait longtemps que je suis ici, prisonnier. La lumière se lève et disparaît, un même cycle pour moi. Au début, la tache est devenue peu à peu mon amie. Une amie lointaine et silencieuse. Un élément largement différent de son environnement Quelque part, un peu comme moi. C’est vrai qu’elle me ressemble à bien des égards. Sur le pan de mur, elle se détache nettement, étalant ses ramifications dans toutes les directions. Une sorte de fleur grisâtre qui s’ouvre pour moi. Un curieux sentiment m’a envahi au fur et à mesure qu’elle croissait. Une intimité dévoilée, une sensation presque organique, parfois à la limite de la gêne. Je ne peux détacher mes regards, m’oubliant parfois dans l’infinie délicatesse de ses détails. Je me perds en elle souvent, les yeux grand ouverts, drainé par son coeur qui plonge comme un puits en son centre. Je ne cligne jamais des paupières vous savez ! Alors, je ne parviens pas à me libérer de son attraction. Elle draine mon énergie par un étrange sortilège. Quand je reviens à moi, je ne retrouve plus mes repères chronologiques. Les autres n’y prêtent aucune attention. Ils sont si loin de moi. Si loin de ce que je suis devenu. Ils me sont totalement étrangers à présent. Je ne leur dis jamais rien. Comment pourraient-ils me comprendre, là où je suis. En outre, il ne faut pas parler aux étrangers disait ma maman. Pourtant, ceux-là cherchent obstinément à entrer en contact. Je m’en rends bien compte. Cependant, tous leurs efforts restent vains. Si vains. Je suis seul dans ma prison. Je compte les jours et les nuits, un compte abstrait et puéril. Finalement, c’est une question de lumière. Une fois ce principe admis, la nuit n’est pas pire que le jour. Voulez-vous savoir depuis combien de temps je suis ici ? Longtemps. Très longtemps. Une éternité. La peine a été lourde, à la hauteur de mon crime. J’ai accepté la sentence. La faisant mienne. Ne me dites pas que c’est ma faute ! Les juges ne m’ont pas condamné. Si vous ne comprenez pas ça, vous êtes comme ceux qui restent dehors. Ceux qui se débattent à la périphérie de mon champ de vision. Vous, vous pouvez voir la tache sur le mur. Vous me croyez quand je vous la décris. Une tache qui éclabousse à présent le pan du mur devant moi. Ce n’est pas une tache ordinaire. Elle est aussi visible la nuit, sans aucune lumière, qu’en plein jour. Vous ne partez pas, n’est-ce pas ? Vous restez encore un peu avec moi. C’est la première fois que je peux m’exprimer de cette façon. Je sais que vous ne répondrez pas. Vous ne pouvez pas me répondre. Je vais vous confier un secret. J’ai peur maintenant. Un visage apparaît dans la tache sur le mur. Au début, ce n’était qu’une ombre chinoise, au contour vague, une ombre dans l’ombre de la tache. Puis le contour s’est affiné, affirmé, tout en restant néanmoins indéchiffrable. Une photographie prise dans un violent contre-jour. Pourtant, sans vouloir réellement l’admettre, l’évidence s’est imposée. Ce portrait ne m’était pas inconnu. Une familiarité dérangeante sourdait de ses lignes. J’aurais voulu fermer les yeux, nier son existence. Lâcheté indisponible. Mes yeux sont rivés sur la tache contre le mur. Je sais ce que je vais y voir. Cela me terrifie vous savez. Cela me glace le sang. Et il n’y a nul endroit où je pourrais me cacher. Que me murmurez-vous ? Je devine vos lèvres bouger tout autour de moi. Que me dites-vous ? Je n’ai pas oublié. Je vous le jure. Je n’ai pas oublié malgré toutes ces années passées dans cette prison. Comment oublier ? Dites-moi comment oublier ? Sans m’en rendre réellement compte, le visage s’est enfin révélé. Comme un de ces vieux polaroids de mon enfance, qu’on tenait à bout de bras en espérant que ce qui allait apparaître sur le carton correspondrait à ce qu’on avait visé. C’est elle, elle est revenue. Dieu, elle est si belle. Un regard tendre et espiègle, une mèche rebelle qu’elle tentait sans illusion de dompter. Je ne peux détacher mes regards. Vous vous rappelez, je ne peux fermer mes yeux. Je vais devenir fou si elle reste là, étonnée et muette. Aucun reproche dans ses yeux, juste une immense incompréhension. Je vais devenir fou. Les autres ne pourront rien pour moi. Dans cette prison, je suis seul et impuissant. Et ce n’est que le début. Elle n’est que la première. Elles vont venir, elles vont toutes venir. Toutes celles que j’ai connues. Elles sont toutes là, dans les profondeurs du puits sombre. La tache sur le mur les appelle et elles répondront à son appel. Je ne pourrai rien y faire. Les jours et les nuits deviendront des enfers où je brûlerai à chaque minute. Ne partez pas ! Ne partez pas, ne me laissez pas seul ici. Je ne vous perçois déjà plus vraiment. Vous quittez cette cellule, horrifiés comme les autres. Finalement, vous êtes comme eux, à la fois présents et absents. Ils se déplacent autour de mon lit, dans cette cellule toute blanche et capitonnée. Ils se penchent vers moi mais je ne les entends pas. Je ne leur dis jamais rien. Il ne faut pas parler aux étrangers. Même s’ils s’occupent de moi, changeant les draps et me lavant. Je ne bouge pas. Je ne bougerai jamais, les yeux fixés sur la tache qui a envahi tout le mur. Pour moi, ils sont hors du monde, malgré leurs drogues et leurs attentions. Ils ne pourront jamais briser les murs de ma prison. La prison de chair qu’est devenu mon propre corps. Non, non...je commence à l’entendre. Ses lèvres s’ouvrent et elle hurle, elle hurle...elle n’arrête pas de hurler sa terreur...et je ne peux pas me boucher les oreilles ! Elles vont toutes venir me hanter, toutes ! M Ce message a été lu 6809 fois | ||
Réponses à ce message : |
3 Exercice 17 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Lun 9 jul 2007 à 15:17) 3 Commentaire Maedhros, ex n°17 - Narwa Roquen (Mer 13 jun 2007 à 18:27) 4 Dans la tête de.... - Maedhros (Mer 13 jun 2007 à 19:40) 5 cela méritait évidemment une... - z653z (Mer 13 jun 2007 à 22:19) 6 *se ressert en Nutella* - Elemmirë (Jeu 14 jun 2007 à 08:03) |