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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 26 septembre 2007 à 19:37:24
Dimanche aux Ecuries (suite)




Loba la Bergère somnolait encore, la tête sur les pattes, sur le paillasson de la Grande Niche. Elle serait bien allée se soulager, mais elle rechignait à déranger Mélusine, la chatte grise, qui dormait contre son flanc, et plus encore ses quatre petits, qui s’étaient nichés pour la nuit dans l’épaisseur de son pelage noir et feu. Ils n’avaient pas bougé, même quand la mère était partie chasser. Le petit noir avait levé la tête, tétouillé vaguement une de ses mamelles, et s’était rendormi aussitôt.
C’était Jour-Sans, et Loba s’en réjouissait. Elle aimait bien les enfants qui venaient jouer avec les chevaux, tous les autres jours, mais ils étaient turbulents et braillards comme des chiots mal élevés, et le Maître était beaucoup trop patient avec eux. Une petite bourrade de temps à autre, voire un coup de dent pour les plus délurés, permettait de garder un peu d’ordre dans la meute. Mais ce n’était pas sa meute, et quand ils se montraient trop pénibles, elle allait se réfugier dans la haie de thuyas tout en déplorant la décadence de principes éducatifs qui avaient fait leurs preuves.
Doucement, elle commença à toiletter la chatte, qui s’étira langoureusement sous la truffe humide ; elle mâchouilla quelques puces, lissa le poil soyeux de sa langue affectueuse, puis fit de même avec les chatons profondément endormis. Tout à coup ses oreilles se dressèrent. La Volante décrivait des cercles concentriques au dessus du Centre Equestre, en lançant des cris à intervalles réguliers : c’était manifestement une opération de recherche.
« Le troupeau ! » sursauta Loba. Son troupeau ! Le troupeau était sous sa garde, elle en était responsable et elle le savait. Délicatement, elle fit glisser les petits contre le ventre de leur mère, où, attirés par l’odeur, ils se mirent à téter sans même ouvrir les yeux. Loba s’étira, pattes avant, pattes arrière. Un petit détour derrière le noyer et, plus légère, elle trottina jusqu’aux écuries.
« Tu tombes bien, Bergère », lui lança Akhbar. «Mélinda a disparu, et les hirondelles n’arrivent pas à la localiser. »
La chienne jeta un regard vers l’arrière : la chatte, les petits... Qui les protègerait ? Mais le troupeau...
« Je m’en occupe », soupira-t-elle.
Elle flaira longuement le box vide. Un seul crottin... Elle avait dû partir bien avant le matin. Quelques vieilles odeurs humaines... Sur le loquet, même chose, plus de cheval que d’humain.
« Je pense qu’elle a fugué, une fois de plus », conclut-elle.
Elle revint vers la graineterie.
« Est-ce que la porte était ouverte, ce matin ?
- Oui », répondit Marinette. «Mais hier soir...
- Je sais. J’ai fait ma tournée, hier soir. La grande porte des écuries était ouverte, comme toujours en été, mais la petite porte coulissante près de la graineterie était fermée, de même que la graineterie, la sellerie et le club-house. Mélinda était dans son box, et le loquet était tiré. Ne vous inquiétez pas, je vais la retrouver. »
Loba se mit à flairer le sol près de la porte du box. Puis elle partit en direction du chemin de promena de, la truffe frémissante, le corps tendu de concentration. Elle était sur la piste, et rien ne pourrait l’en détourner.



Shetlock, toujours suivi de Marinette et d’Akhbar, se posta au milieu des écuries où les chevaux réclamaient avec impatience le repas du matin.
« Silence ! Vous mangerez quand j’en aurai fini avec vous. Quelqu’un a vu ou entendu quelque chose, cette nuit ? »
Sept regards vides de vache ruminante le contemplaient.
« Alcibiade ! Sors la tête du box ! Mélinda habite juste derrière chez toi, tu as forcément quelque chose à me dire ! »
Le grand selle français apparut, légèrement en retrait, les oreilles un peu en arrière, d’inquiétude contrariée.
« J’ai... J’ai entendu des voix... »
Les sept autres s’esclaffèrent bruyamment.
« Il entend des voix ! » ricana son vis à vis, Prince, un ibérique bai de dix ans à la longue crinière noire, fier comme un hidalgo. Il donna de grands coups de sabot dans la porte du box, et les autres chevaux l’imitèrent en hennissant de rire.
« Assez ! », tonna Akhbar. « Inutile de se moquer. Tu as peut-être passé le feu autrefois, mais le ruisseau de la Pradasse c’est autre chose, hein ? »
Prince recula d’un pas, et son voisin l’entendit marmonner « ...grenouilles... »
Alcibiade, réconforté, murmura :
« Il y avait des humains dans la graineterie. Ils sont entrés par la petite porte. D’abord ils chuchotaient, puis ils ont crié, et il y a eu des chocs sourds...
- Comme un sac de grain qui tombe ?
- Je ne sais pas...
- Et puis ?
- L’un des deux s’est enfui en courant. L’autre a dit « Merle ! » et est reparti aussi.
- Note, Marinette. Tu as reconnu les voix ? »
Alcibiade se retira au fond du box.
« Allons, mon garçon... Il y a eu deux meurtres ! Allez, viens me dire ça à l’oreille. Personne ne saura que c’est toi... »
Shetlock recueillit la confidence en opinant du chef.
« Eh oui... », soupira-t-il en regardant Marinette très absorbée dans son carnet de notes.
« Je vous rappelle à tous que les omissions et les fausses déclarations feraient de vous des complices... »
Soledad, la voisine d’Alcibiade, une anglo-arabe grise réputée pour sa vaillance sur les terrains de cross, s’écria aussitôt :
« Nom d’un panoramique ! (1) Tant pis pour elle ! Cette nuit, quand les humains sont partis, Mélinda a ouvert son box. Je l’ai entendue manger dans la graineterie, pendant au moins le temps d’une reprise (2)...
- Comment sais-tu que c’est elle ?
- Il n’y a qu’elle dans les écuries extérieures, les autres poneys sont au pré même la nuit. Et puis elle a ronflé trois fois, sans doute en découvrant le cadavre de Renifleur, et tu sais que Mélinda ronfle toujours quand quelque chose ne lui plaît pas... Mais ça ne lui a pas coupé l’appétit !
- Bien ! », déclara Shetlock. « Nous avançons. Tu peux nourrir, Marinette. Et n’oublie pas mon demi-litre... »
Marinette distribua le foin et le grain et mit de l’ordre dans la graineterie. Les corps des victimes furent rendus à la Brigade.
Un jappement joyeux fit lever les nez des mangeoires. Loba, l’oeil radieux et la queue battant à la mesure de sa fierté, faisait avancer en lui mordillant les jarrets une Mélinda récalcitrante qui traînait d’un pas lourd un ventre rebondi comme une outre trop pleine.
« Formidable, Loba ! » s’exclama Akhbar.
« Elle était dans le bois, juste après la barrière... qui n’était pas fermée... Je me demande qui a pu faire ça, je l’avais vérifiée hier soir...
- C’est pas moi », soupira la ponette. « Je n’ai eu qu’à la pousser... Je voulais juste me mettre au frais pour la nuit !
- Et le grain ? Ce n’est pas toi peut-être ?
- Mais je n’ai pas tué Renifleur ! Il était déjà mort ! Et je sais qui c’est !
- Moi aussi », trancha Shetlock en jetant un regard oblique à Marinette. Et je vais tout vous expliquer.
- D’abord », intervint Akhbar, «rentre-moi cette voleuse et mets-lui un panier (3). A la diète jusqu’à demain ! Et qu’elle s’estime heureuse si elle ne se met pas en coliques ! »
Marinette attrapa la fugueuse par la crinière et l’enferma dans son box. La ponette se laissa passer le panier sans rien dire.
« Shetlock ! Shetlock ! », scandaient les chevaux – et Alcibiade n’était pas en reste. « La vérité ! »
Le poney se campa sur ses quatre sabots et , laissant tomber sa pipe dans la main de Marinette, attendit le silence.
« Vous avez tous compris que Mélinda a profité des sacs éventrés pour se goinfrer sans mesure, et qu’ensuite elle est allée se cacher dans le bois, profitant de ce que la barrière était ouverte. Mais effectivement, elle n’est coupable de rien d’autre. Qu’en penses-tu, Akhbar ? Une journée de diète et seulement un peu de foin demain, est-ce que cela te semble une punition suffisante ?
- Tout à fait.
- Bien. Pour le reste, voici ce qui s’est passé. Ma petite Marinette... Nous t’aimons tous beaucoup, tu t’occupes bien de nous et nous te faisons tous confiance... »
Marinette rougit.
« Mais tu m’as menti, coquine ! »
Les chevaux manifestèrent leur mécontentement, qui en tapant dans la porte, qui en ronflant. Alcibiade coucha les oreilles vers l’arrière d’un air méchant.
« Cependant je te pardonne, car tu as voulu protéger quelqu’un que tu aimes... Cette barrette à cheveux que nous avons trouvée, tu sais à qui elle appartient, n’est-ce pas ? »
Marinette acquiesça en silence.
« La semaine dernière nous avons reçu une colonie de garçons. Et le Jour-Sans juste avant, tu as entièrement nettoyé la graineterie avec Henri, oui ou non ?
- Oui.
- Tu as les cheveux courts et tu ne mets pas de barrette. Donc la seule fille qui a pu la perdre, c’est...
- Julie ! », s’écria le choeur des chevaux.
- Eh oui, Julie, ta grande soeur, qui hier soir était dans la graineterie avec un garçon. Et je vais même vous dire qui c’est ! »
Les chevaux avaient les yeux rivés sur Shetlock, et les oreilles pointées vers lui. La BSS, au grand complet, était rangée en ordre devant le Trou Nord. Loba gardait la sortie, assise bien droite sur le pas de la grande porte. La Volante, répartie sur le haut des grilles des boxes, ne remuait pas une plume.
« Le garçon a traversé un champ de luzerne pour venir ici, et il en a laissé un brin derrière la porte de la graineterie. Il est reparti par le bois, en oubliant de fermer la barrière...
« Kévin ! », hurlèrent les chevaux au paroxysme de l’excitation.
« Eh oui, le jeune Kévin, que nous avons tous vu depuis quelque temps tourner autour de Julie, comme une mouche autour d’un...pot de miel. Kévin, qui habite à Pique-Talen, de l’autre côté du bois et du champ de luzerne... Or voilà, à mon avis, ce qui s’est passé : Kévin a donné rendez-vous à Julie et l’a entraînée dans la graineterie. Mais notre Julie, même si elle joue à la femelle avec ses maquillages de spectacle et ses T-shirts minuscules, est encore timide comme une jeune pouliche. Le garçon avait installé un lit douillet en ouvrant la balle de foin, mais Julie a pris peur et s’est mise en colère. Il a insisté, ils se sont battus. Je pense que Renifleur a été piétiné dans la lutte. Kévin porte en général des tennis. Donc je crois que c’est Julie, avec ses grosses chaussures de rando, qui en lui lançant des coups de pied a éventré les sacs de grain. L’un ou l’autre a fait tomber un sac qui a malheureusement écrasé la pauvre Virgule. Et voilà ! »
Akhbar hennit un bravo retentissant, auquel les chevaux firent écho.
Shetlock s’inclina en une révérence parfaite, comme au bon vieux temps de ses années de cirque.
« Tout ceci est parfaitement exact », déclara alors Blaise en s’étirant de tout son long. « J’étais là, j’ai tout vu.
- Et tu ne pouvais pas le dire plus tôt ? », rugit Akhbar.
«Tu ne m’as rien demandé... Le chat ne parle que si on l’interroge... et lorsque tel est son bon plaisir... », miaula insolemment le chat, en déployant dans un rayon de soleil la courbe harmonieusement redoutable des griffes de sa patte, avec une satisfaction non dissimulée.
« Hem... », toussota Shetlock, « eh bien, puisque tout est dit... Pour le châtiment, Akhbar, nous t’écoutons.
- Il n’y a pas eu de préméditation, ni d’intention de donner la mort. Néanmoins ces deux jeunes gens sont coupables de deux meurtres, et d’avoir mis en danger la vie de Mélinda en laissant les portes ouvertes – chacun sait qu’elle ouvre son box quand elle veut. Je sanctionnerai davantage Kévin, qui est responsable de la bagarre, en ayant voulu forcer une pouliche... euh, une jeune fille. Voilà ce que je propose : Prince, tu emmènes Julie en balade, demain ?
- Oui, normalement après Jour-Sans c’est balade.
- Je te confie le soin de la décharger, un peu rudement, et de préférence devant les enfants. Fais en sorte qu’elle ne se blesse pas, mais un bon gros bleu sur une fesse...
- Compte sur moi, Akhbar, ce sera fait. Un bon gros bleu...
- Kévin, maintenant. Il a dit qu’il venait faire les boxes aujourd’hui, Marinette ?
- Oui, parce qu’il veut sa journée demain.
- Parfait. Mes amis, allez à vos abreuvoirs, buvez autant que vous voulez, et ensuite déposez-y un joli crottin. Et ensuite, quand il fera les boxes, vous êtes autorisés à le pousser contre le mur, à lui marcher sur les pieds ou à le mordre (mais pas trop fort, ne lui cassez rien, ne le faites pas saigner).
- Je peux le botter ? », demanda Prince.
- Non. Ca, c’est moi qui le ferai, parce que je ne suis pas ferré et que je sais doser mes coups. De plus j’ai une réputation d’agressivité... à entretenir, et il n’est pas question que l’un d’entre vous soit sanctionné pour l’application d’une juste punition. Est-ce que tout le monde est satisfait ? »
L’assemblée approuva.
« Et maintenant, Marinette, nous allons raccompagner chez lui notre bon ami Shetlock, et en même temps nous fermerons la barrière. Tu devras informer ton père pour Mélinda, mais le reste ne regarde que les Ecuries. »



Henri se réveilla vers neuf heures, hésita à se le reprocher, mais après tout c’était dimanche. Il soupira devant la place vide près de lui, comme chaque matin. Il se leva. Sans bruit il entrouvrit la porte de la première chambre. Julie dormait toujours, au milieu d’un désordre inqualifiable. Il soupira encore. Elle ressemblait tant à sa mère... Le lit de Marinette était fait au carré, sa chambre était rangée. Elle avait laissé du café au chaud. Par la fenêtre de la cuisine, il la vit revenir vers les écuries, montée à cru sur Akhbar, sans même un licol. Il soupira.
« Comment fait-elle ? Personne n’approche ce cheval à moins de deux mètres, et elle le monte comme si c’était un roudoudou de poney... Moi aussi, quand j’étais jeune... Je me rappelle que je pouvais les monter tous... C’est d’ailleurs tout ce dont je me souviens... Pourquoi est-ce qu’on oublie tant de choses quand on devient adulte ? »







(1) obstacle panoramique : obstacle de cross, donc fixe, situé dans une descente
(2) leçon d’équitation : elle dure en général une heure
(3) quand on veut laisser un cheval à la diète et qu’il est sur litière de paille, on fixe un panier en plastique, perforé, sur son museau ; le cheval peut respirer et boire, mais pas manger
Narwa Roquen,toujours pas complètement adulte


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 22 : Narwa => Commentaire - Estellanara (Jeu 11 oct 2007 à 17:29)
3 très bien écrit :)) - z653z (Jeu 27 sep 2007 à 17:11)


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