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De : Maedhros Date : Samedi 8 decembre 2007 à 17:43:06 | ||
Bon, une histoire courte en deux parties. La première plante le décor et l'atmosphère. C'est la stricte vérité! ________________ REDIMERE « Amenez-le moi ! » Je consulte mon chrono. Trop de temps perdu. Trop loin de l’objectif. Trop chaud. Trop épuisé pour gueuler. Je jette un coup d’oeil sur ma meute, vautrée près des rochers qui bordent la petite rivière. Je m’attarde surtout sur les trois absences, silhouettes invisibles qui cheminent comme des ombres parmi nous. Les autres parlent peu. La journée fut rude et glauque. Enfer et damnation. Mon bréviaire dans la poche est un maigre réconfort. Nous défendons Dieu et son royaume. Ne sommes-nous pas les légions célestes, apportant la paix et l’amour entre nos mâchoires de fer et sous nos semelles de plomb ? Et moi, qui suis-je ? Rien qu’un archange, à la tête d’une phalange d’assaut, emmenant sa meute sur les collines pelées de cette région paumée de ce monde oublié. Putain, les anges ont une drôle d’allure ces temps-ci ! « Ca vient ? » Il arrive, entravé et hagard, poussé, bousculé par mes chiens de garde. Ils rigolent quand il tombe. Je souris en les voyant l’aider à se relever à grands coups de bottes dans les reins. Au-dessus de la scène, les lourds nuages couleur opaline ondulent vers l’ouest, striés d’éclairs violacés. Les conditions météo sont franchement limites. Impossible d’établir une liaison avec La Passion, le vaisseau-dieu qui plane en orbite haute. Je connais un des séraphins qui veillent sans relâche sur les opérations de reconquête. Elle a les yeux pâles et les lèvres douces. Mais elle est trop loin derrière ce ciel fermé. Ne pas penser à elle. Mes yeux reviennent sur la prise de l’après-midi. Il est juste devant moi, crotté et poussiéreux, maintenu debout par l’amicale pression de mes chiens courants. Je prends le temps de le détailler de la tête aux pieds. C’est un homme entre deux âges, un nez long et courbe au-dessus d’une bouche sinueuse. Ses yeux sont étonnamment vifs et profonds, couleur de l’eau dormante, entre vert et terre. Il soutient mon regard malgré la fatigue qui tire ses traits, malgré les coups reçus, malgré la précarité de son sort. La ligne de ses épais sourcils inspire force et détermination. Il a le front haut et noble et son crâne brille au-dessus d’une couronne de cheveux noirs. Il est vêtu d’une longue robe de toile grossière serrée à la ceinture par une simple corde. Ses pieds sont chaussés de sandales artisanales. Je fais confiance à mon flair, c’est une bonne prise. Ce soir, les séraphins seront aux anges ah ah ah !!!! Et moi, j’irai me saouler avec les miens et ruminer sur les voies du Seigneur en me demandant pourquoi elle m’aura encore dit non . « Bon, tu vas commencer par me dire ton nom et ensuite, quel est ton rôle dans cette histoire. » Foutu village. Un point sur une carte, un bled sans importance. Quelques pierres déguisées en maisons, des enfants braillards jouant avec une poignée de chiens galeux. Même pas la peine de s’y arrêter pour racheter quoi que ce soit. Qu’ils aillent tous griller en enfer. J’en ai ma claque de crapahuter pour rejoindre l’objectif et ses milliers d’âmes. Nous qui venons du haut des cieux, qui vivons dans la gloire de Dieu, pourquoi là-haut ils refusent de nous déposer directement sur la cible ? J’ai hâte de rentrer chez moi, là où le miel coule comme de l’or liquide, là où aucune ombre ne m’accompagne lorsque je marche dans les vastes prairies élyséennes. Et l’embuscade. Leurs armes de bric et de broc, leurs arcs hétéroclites et leurs frondes vrombissantes n’ont pas éveillé nos détecteurs. Si fiers dans leurs cuirasses en vermeil, la visière relevée, Sitael et Reiyel sont tombés à mes pieds les premiers, leurs belles faces transpercées par un carreau d’arbalète. J’ai regardé stupidement le sang rouge maculer leurs magnifiques chevelures blondes. Et puis Nanael, le rêveur, le poète, a roulé aussi dans la poussière quand une pierre aiguisée a fracassé son front glorieux. Hélas, sa voix ne se joindra plus au choeur céleste. Il ne chantera plus à la droite de Dieu. Notre courroux a été terrible. Oeil pour oeil et dent pour dent, au centuple. Quand nous eûmes terminé, tout n'était que ruines et désolation et plus aucune âme à racheter. La terre est calcinée jusqu’à sa racine. Rien ne poussera ici dans les mille ans à venir. C’est en repartant que Lecabel et Damabiah, mes anges gardiens, mes chiens courants, l’ont épinglé alors qu’il se faufilait parmi un glacis de rochers tourmentés. Il y a un quart d’heure. Il me toise sans rien dire. « Dépêche-toi de parler, misérable ver de terre! Je ne suis pas un ange de miséricorde entends-tu ? La vengeance crie dans mes veines. As-tu idée de ce que tu as fait ? Aussi vrai que nous sommes descendus sur Terre pour la dernière bataille, aussi vrai que je m’appelle Rémiel, je te sortirai les tripes de mes mains pour t’aider à délier ta langue! » Je sais que dans ces moments-là, mon apparence est divinement effroyable. Je brûle d’un feu froid et secret qui terrifie mes adversaires, brillant comme une lame chauffée à blanc. Nul ne soutient mon regard sans sentir son coeur se flétrir et son sang refluer de ses membres. Je suis l’alpha et l’oméga, le symbole parfait du courroux de Dieu, l’expression ultime de sa colère. Car je suis Rémiel, le fidèle entre les fidèles et le vrai servant de la Foi. La meute fait cercle autour de nous. Je suis plus lumineux que l’astre accroché au firmament en cet instant. Je suis immense et ma taille tutoie l’infini. Ma voix est comme la tempête qui ébranle la côte. « Parle ! » M Ce message a été lu 6749 fois | ||
Réponses à ce message : |
3 impression bizarre - z653z (Mar 11 dec 2007 à 17:36) |