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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 5 avril 2008 à 16:05:39
Une histoire de méchant....du plus méchant d'entre tous... selon M(oi) bien entendu...


ANALOGON



Elle est partie comme tous les matins. Elle a éteint la lumière et a claqué la porte. Mais tout, à mes pieds, rappelle sa présence : fioles, flacons et tubes éparpillés en désordre. Comme chaque matin, elle est pressée. Je vais attendre son retour. C’est naturel, je ne sais faire que ça. Sans ennui et sans remords. Elle me hait chaque matin un peu plus quand elle se penche vers moi, m’interrogeant du regard, ses grands yeux agrandis par une inquiétude naissante. Elle m’en veut chaque jour un peu plus. De façon étonnante, plus elle me hait et plus elle passe du temps avec moi. Je ne lui réponds pas, me contentant de lui renvoyer ce qu’elle craint toujours d’apercevoir. Je suis le méchant de l’histoire, le grand méchant qu’elle ne peut quitter.

Toute la pièce s’étend devant moi, une pièce emplie de sa présence jusque dans le moindre objet. Le lit défait aux draps roulés en boule. Le tableau accroché au mur qui explose en couleurs crues et passionnées. Le vase, sur la console Louis XV, où elle a composé hier un bouquet de fleurs de saison et de feuillages odorants. Elle a choisi de longues amarantes aux somptueuses inflorescences pourpres, de gracieux nuages d’hortensias bleus et une tendre poignée de roses aux teintes délicates. Elle a également ajouté quelques feuilles de géranium citron, de cassis et de menthe. Ce bouquet lui ressemble tant. Elle a un vrai talent pour tisser une symphonie de couleurs et de parfums. Je suis jaloux de cette harmonie. Il ne saurait être question d’éternité ici. Ma jalousie fanera bien vite l’éclat et l’opulence de ces herbes colorées jusqu’à ce qu’elle les jette, flétries, dans la poubelle. Elle recommencera c’est sûr, mais je resterai vigilant. Tout passe. C’est ce que je lui murmure chaque matin. Tout passe...si vite... et j’aime ça !

Elle a encore soupiré cette nuit, cherchant un sommeil capricieux et long à venir. Elle a murmuré un nom, j’en suis certain. Un autre. Un nouveau. Encore un. Je suis silencieux. Elle est si belle lorsque le premier rayon de lumière caresse ses boucles auburn, arrachant quelques orages rougeoyants. Elle est si fragile au seuil du réveil, si vulnérable, presque adolescente. Elle fait une petite moue enfantine, une main cachée sous l’oreiller. Je la connais depuis si longtemps que nos tête-à-tête quotidiens deviennent lourds d’une intensité particulière.

Elle a beau me tourner contre le mur dans un mouvement de colère quand elle n’est pas contente de moi, elle ne tarde pas à me pardonner pour saisir son pinceau ou son gloss. Le temps passe si rapidement. Elle le sent dans chaque fibre de son corps. Aujourd'hui, elle est parvenue au zénith de sa beauté, une beauté pleine et sensuelle. Elle a atteint cet instant de perfection et d’équilibre presque surnaturels, cet instant magique qui a toujours fasciné les artistes. Quand elle se penche vers moi pour traquer le premier signe d’une altération inévitable, sa gorge sublime est une vallée qui s’enténèbre, serrée entre deux tendres collines. Alors je m’amuse à voiler certains détails pour qu'elle se penche plus encore pour mieux me scruter et vérifier que cette infime ride au coin d’une paupière torturée n’est qu’un reflet sur le grain de ma peau.

Elle m’avoue ses secrets à mi-voix, d’un air léger car je suis son confident. Son bourreau sans doute mais aussi son confident le plus fidèle. Nos rapports sont d’ordre passionnel. Elle me hait mais ne peut se passer de moi. N'ai-je pas dit que j'étais d'une extrême jalousie? Elle croit vraiment à l’amour et au prince charmant. Moi non. J’en ai vu passer, rencontres éphémères ou d’autres plus prometteuses. Mais aucun de ces hommes n’est resté. Ils s’enfuient en emportant à chaque fois une infime part de son âme. Elle ne parvient à en retenir aucun. Elle ignore qu’il y a ici quelque chose qui les effraie, qui tourmente leur sommeil, qui les pourchassent sans pitié le long d'obscurs et cauchemardesques labyrinthes. Qui peut me soupçonner? Je les ai vus lorsqu’ils la prennent dans leurs bras, lorsqu’ils dominent son corps au creux de la nuit. Je n’aime pas ça. Je les ai vus faire lorsqu’ils investissent son intimité. Ils polluent mon univers avec leurs gestes brusques et leurs silhouettes, lourdes et sans grâce. Je les déteste quand ils se croient maîtres de mon domaine, maîtres de son corps et de son âme. Ils sont si grossiers, tellement imbus de leur masculinité agressivement phallique. Et par-dessus tout, je hais leur façon de ne pas me révérer. Je la fais souffrir, je sais. Par ma faute, n'arrachent-ils pas sans le savoir les plus tendres pétales de ma douce marguerite? Elle m'aimera... un peu.. beaucoup... passionnément... à la folie... Ne suis-je pas le méchant de l’histoire? Elle me hait plus encore quand elle cherche dans mon regard les premières traces d’une défaite qu’elle redoute.

Pourtant, qui la réconforte quand son visage est dévasté comme un champ de bataille, quand ses yeux sont rougis par des larmes intarissables? Sinon moi. Qui l’apaise peu à peu quand ses mains tremblantes arrachent les kleenex les uns après les autres? Sinon moi. Je suis d'une patience infinie dans ces moments-là, magnifiant légèrement ses efforts pour se refaire un semblant de maquillage, étalant ses crèmes et soulignant d’un trait sombre la courbe d’un sourcil. Car je connais l’art éternel de modifier imperceptiblement la surface aérienne de la réalité. Quelque part, ne suis-je pas le plus grand des magiciens ou plus certainement le plus pervers des démons? Quand enfin elle sourit, quand elle me sourit enfin, toute son âme resplendit comme une flamme droite et vibrante. J’emmagasine cette lumière car ma soif est inextinguible. Je m’abreuve à cette fontaine d'énergie vivifiante.

Elle est à moi chaque jour un peu plus, se perdant chaque jour davantage. Elle se cherche chaque matin au plus profond de moi, tentant désespérément de retrouver celle qu’elle fut la veille mais qu’elle n’est plus désormais. Je ne lui montrerai jamais ce qu'elle veut voir. Pourtant, elles sont toutes là car je les retiens prisonnières et jamais ne les libèrerai. Elles m’appartiennent, épinglées au fronton de mon autel secret, kaléidoscope d’émotions et de visages entremêlés. C'est un grand livre d’images, mon seul livre d’images, toutes identiques et pourtant chacune subtilement différente, comme les jours qui s’effacent les uns à la suite des autres...

Elle ne sait pas. Non. Elle ne saura jamais. Ne suis-je pas le méchant éternel? C’est une histoire de possession et de solitude, de fantôme et de ténèbres, de peur et d’amour. C’est notre histoire. Elle est contente lorsque je lui murmure, avant qu’elle ne parte, qu’elle est toujours la plus belle...


M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 35 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Jeu 10 jul 2008 à 15:28)
3 Au début... - Liette (Mar 22 avr 2008 à 20:19)
3 Version actualisée... - Maedhros (Ven 18 avr 2008 à 10:59)
3 très joli texte - z653z (Ven 18 avr 2008 à 00:27)
       4 M comme ... - Elemmirë (Ven 18 avr 2008 à 10:36)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°35 - Narwa Roquen (Jeu 17 avr 2008 à 18:13)


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