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De : Maedhros Date : Dimanche 6 juillet 2008 à 21:14:05 | ||
Une courte mini-série. Plantons d'abord le décor... avant de planter autre chose! DECOR EN EAUX PROFONDES I. PROLOGUE Cela commença par des rires et des exclamations s’élevant du sentier qui descendait vers le lac. L’air était vif dans le petit matin, malgré l’éclatant soleil annonçant une magnifique journée de juillet sur la belle province. Un grand héron, surpris, se détourna de sa partie de pêche et, effectuant un virage serré pour remonter vers la cime des arbres protecteurs, poussa un puissant « frawnk » pour alerter ses congénères sur l’arrivée des intrus. Ceux-ci se révélèrent être trois couples de jeunes gens qui cheminaient vers la petite anse habillée de sable fin, loin de tout autre signe d’activité humaine. Les endroits de ce genre n’étaient guère difficiles à trouver autour d’un lac qui s’étendait sur plus de cent kilomètres. Il fallait simplement connaître les lieux et posséder un véhicule tout-terrain pour s’approcher suffisamment de la rive. « Tu crois que nous avons une chance de l’apercevoir ? » demanda Tom en réajustant les bretelles du lourd sac à dos qu’il trimbalait depuis une bonne paire d’heures à présent. « Quoi ? Le monstre ? » s’esclaffa Marie en poussant du coude Judith qui marchait à ses côtés. « Ben oui, le monstre aquatique. On est venu pour ça non?» Répondit Tom. Il avait terminé une année épuisante à l’université d’Ottawa, dans son cursus pour décrocher une maîtrise en criminologie. Il avait ingurgité jusqu’à plus soif les théories biologiques, psychologiques et sociologiques du crime, de la déviance et du contrôle social entre 1920 et 1960, année où avait émergé la théorie de l'étiquetage. Il avait atteint la fin de l’année en quasi apnée ! Mais ses résultats avaient été suffisants pour qu’il obtienne les crédits nécessaires pour poursuivre son rêve. «Un peu... pour ça!» Concéda Nicolas, son ami d’enfance, comme Marie et Nancy. Nicolas, outre un aussi volumineux sac sur le dos, transportait une Gibson dreadnought à l’aspect usagé. Nicolas avait choisi le département de musique qui jouissait d'une solide réputation. C’était ce côté prestigieux et rassurant qui avait endormi les craintes de ses parents mais lui rêvait de concerts et de scènes immenses. Son groupe, Timiskaming Nation, commençait à faire parler de lui dans le landernau underground québécois. Cette histoire de monstre, au coeur de sa région natale, ne pouvait que l’inspirer. «J’ai hâte de piquer une tête dans le lac!» s’exclama Nancy en ébrouant ses longs cheveux blonds qui lui arrivaient presque jusqu’à la taille. Ses jambes fuselées et bronzées ne l’empêchaient pas d’être une brillante étudiante en droit, déjà remarquée par plusieurs recruteurs. «J’espère que l’eau ne sera pas trop froide!» « En cette saison, la température moyenne du lac est d’environ 70 degrés fahrenheit, ça devrait aller. Ce n’est pas la Californie certes mais Malibu, c’est beaucoup plus loin. Et notre budget est des plus serrés cette année.» Précisa Jérémy, le scientifique de la bande. Lui s’était inscrit dans le département de physique, filière biologique. Il expliquait doctement que cela lui permettrait de mieux comprendre les mécanismes de contrôle génétique et architectural des voies de transduction dans des cellules normales et pathologiques. Cependant, quand il finissait sa phrase, pour lui d’une clarté biblique, les mimiques désolées de ses amis trahissaient leur totale et abyssale incompréhension. Mais c’était leur pote, alors ils lui pardonnaient sans réserve. C’était ce côté professeur Tournesol qui avait plu à Judith, l’aide bibliothécaire à l’université, au caractère souvent taciturne. Judith ne disait jamais rien sur elle. C’était une allophone, la fille d’immigrants vietnamiens arrivés au Québec dans les années soixante dix, comme l’attestaient ses jolis yeux, longs et liquides, effilés comme des amandes. Les six amis avaient voulu célébrer la fin de l’année universitaire en revenant chez eux, à Ville-Marie, leur ville natale allongée au bord du lac Témiscamingue. A vrai dire, c’était plutôt une grosse bourgade, qui devait son nom à Marie Immaculée, sainte patronne des Oblats, un ordre religieux ayant beaucoup oeuvré pour convertir les amérindiens. De leur jeunesse insouciante, les jeunes gens avaient conservé l’amour des espaces sauvages et le goût des mystérieuses légendes du peuple algonquin, les premiers habitants de cette contrée. Ils avaient ainsi décidé de passer une semaine au nord du lac, une partie peu connue, loin de tout, pour évacuer le stress de l’année écoulée. La légende du monstre aquatique constituait la cerise sur le gâteau. «Enfin, voilà le lac!» Cria Marie en débouchant sur la petite plage où venaient mourir d’inoffensives vaguelettes. «Je vais tâter l’eau!» Elle se déchaussa à la va-vite et, en laissant choir son sac-à-dos sur le sable, elle courut vers le rivage pour patauger jusqu'à mi-mollet dans l’eau étale. «Elle est excellente!» Lança-t-elle à Nancy, en riant aux éclats. «Ca fait du bien après cette marche matinale!» Les garçons, tout en se débarrassant de leur barda avec soulagement, échangèrent un long regard. Au-dessus de leurs têtes, le ciel était d’un bleu profond et le soleil commençait à chauffer au-dessus des prucheraies de bouleaux jaunes. Un temps idéal, un endroit préservé et trois filles à leurs côtés, le séjour s’annonçait merveilleux. M Ce message a été lu 6471 fois | ||