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De : Elemmirë  Ecrire à Elemmirë
Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com
Date : Mercredi 15 octobre 2008 à 17:42:58
Le tour de chacun



Il s’agit d’un monde sans peine, sans douleur, sans mal. Chacun est libre dans la mesure et le partage, et si la vie n’est pas égale à chaque instant, le tour de chacun viendra.

Chaque matin, Éléa choisit ses vêtements du jour au Dépôt Central, qu’elle rapportera le lendemain lavés et pliés. Elle choisit une voiture sur le Parking Central, selon ses besoins du jour : monoplace, biplace pour les matins en couple ou en co-voiturage, minibus lorsqu’elle prend soin des enfants. Elle se rend au poste qu’elle a choisi d’occuper parmi ceux proposés par le Grand Organiseur. Chaque tâche doit être accomplie, mais aucune n’est attribué exclusivement à l’un ou l’autre : le tour de chacun viendra, d’être éboueur, médecin s’il a choisi d’y être formé, ingénieur, couturier. Éléa s’est formée à la jardinerie, l’enseignement, la pédiatrie, le tri du courrier. Après sa tâche quotidienne, elle suit sa prochaine formation sur l’écran du Grand Formateur, la plomberie : le Grand Organiseur prévoit un déficit dans ce domaine pour décembre, selon les statistiques des décès.
Chaque midi, Éléa s’assied avec les citoyens présents sur le secteur, et partage le repas choisi en leur compagnie. Ils font connaissance, rient ensemble, et s’enrichissent les uns les autres de leurs savoirs. Parfois, si un citoyen lui plaît, s’il le souhaite aussi, ils choisissent un logement pour deux personnes pour la nuit suivante. Demain, ou un jour prochain, Éléa découvrira le corps d’un autre citoyen : chacun a ses qualités et ses charmes, et le tour de chacun vient toujours. Éléa a ainsi découvert les beaux yeux de Lucile, le sourire de Jérémy, la voix chaude de Paul, le crâne lisse d’Anselme, la vivacité de Juliette. De ces rencontres est né un enfant, qui a rejoint les autres à l’École Centrale. Éléa aime s’occuper des enfants, comme elle aime chacune de ses attributions. Lorsque c’est son tour, elle leur enseigne le fonctionnement de la cité, les formations accessibles dès leur douzième année, et ce qu’ils savent déjà d’instinct, l’importance du respect des autres dans les choix quotidiens et l’équilibre parfait de la Cité grâce à la liberté de chacun. Chaque enfant écoute et apprend. La vie est un éternel fleuve de sérénité, où le bonheur et l’innocence sont les fruits du partage et de la mesure. Chacun sait vivre du nécessaire, sans priver un autre de ce dont il a besoin. Le travail de chacun profite à tous, et nul ne songe à posséder quoi que ce soit : le tour de chacun vient toujours.

Lorsqu’un citoyen atteint sa quatre-vingtième année, et s’il a accompli douze formations complètes, il peut choisir d’être formé par les Veilleurs. Peu en font la demande, mais un citoyen est toujours volontaire lorsque cela est nécessaire pour la Cité. On lui enseigne alors les rituels de début et fin de vie, l’Ultime Remerciement et le rituel de la Naissance, qui protège les citoyens du paradoxe du Vieux Monde, paradoxe que l’on appelle Passion. Seuls les veilleurs savent ce que signifie ce concept, sans pour autant pouvoir ressentir ce dont il s’agit : une maladie terrible qui dominait l’époque heureusement révolue où l’amour menait à la haine, le plaisir à la douleur, où l’excès et la déraison guidaient les êtres. Ceux qui reçoivent ces enseignements perçoivent simplement combien l’érradication de la Passion a sauvé la Cité de l’horreur et du désordre. Il est bien mieux que le tour de chacun vienne, et la légère cicatrice qui orne le front de chaque citoyen prend toute sa valeur, celle de la marque d’un paradis sauvegardé.

Les Veilleurs, dont le nombre varie en fonction des décès et des besoins liés au nombre de naissances, recueillent les nouveaux-nés pour pratiquer sur eux la chirurgie salvatrice qui corrige les deux erreurs de la Nature sur l’Homme : l’appendice, erreur mineure, et les Passions, erreur majeure. La cicatrice en demi-lune sur le haut du front signe leur appartenance à la Cité. Par la suite, les enfants sont remis dans les mains des hommes et des femmes qui, chaque jour, choisissent d’accomplir le rôle de nourrice.
Chaque naissance, chaque décès est répertorié afin que le grand Organiseur recalcule les besoins de la Cité. Les bornes informatiques présentes partout proposent à chacun la liste des postes à pourvoir pour le lendemain, en fonction de l’avancement des tâches, des besoins et des compétences de chacun. Nul besoin de monnaie, puisque chacun peut se procurer la nourriture, les vêtements, les médicaments dont il a besoin, lorsqu’il en a besoin, parmi ceux disponibles dans la Cité.
Le Grand Formateur, centre informatique situé dans l’enceinte de l’École Centrale, forme les hommes et les femmes aux métiers nécessaires, alors que les enfants, jusqu’à leurs douze ans, sont éduqués par les adultes. On leur enseigne le partage, la mesure, le respect de chacun, et la façon dont leur contribution permettra à la Cité de perdurer sans que personne ne manque de quoi que ce soit. À douze ans, ils choisissent leur première formation, et en entament une seconde dès la première terminée, chaque soir après le travail. Chacun doit et souhaite se former en continu, pour agrandir ses connaissances et améliorer le service de la Cité. Chaque citoyen participe à produire pour tous de quoi se loger, se nourrir, se soigner, s’instruire, et prendre soin des personnes dépendantes, vieux, enfants et handicapés. Chacun doit avoir sa place dans la Cité, et lorsque le handicap ou la vieillesse empêchent définitivement la personne d’accomplir la moindre tâche utile à la Cité, il est remis aux mains des Veilleurs qui lui injectent l’Ultime Remerciement. Les Veilleurs ne sont pas considérés comme supérieurs, ils se mêlent aux citoyens avec leur treizième formation, et continuent d’occuper tantôt un poste d’électricien, tantôt celui de technicien de surface, tantôt celui de Veilleur, tant que leur état de santé le permet. Chacun est seul juge de ses capacités, et nul ne songe à mentir : le bien de tous passe par la participation de chacun, dans la mesure et le partage. Le tour de chacun vient toujours.


  
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Réponses à ce message :
z653z  Ecrire à z653z

2008-10-16 14:06:35 

 le grand organiseur...Détails
... qui est-il ?

"Chacun doit et souhaite se former en continu" <--- je crois que cette tournure est volontaire mais elle me choque un peu...

"l’érradication" <-- un r de trop ;)

Il n'y a pas d'artistes ? Ni de loisirs ?

Et ça doit être une sacrée organisation pour gérer les différents choix de membres de la cité ? Tout le monde choisit en même temps la tâche du lendemain ou y a-t-il des petits malins qui choisissent les premiers (pour avoir plus de choix) ?

J'attends la suite :)

Ce message a été lu 6896 fois
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2008-10-16 21:27:25 

 La science sans passionDétails
Le Grand Organiseur n'est qu'un bête ordinateur.

Des artistes? Sans Passion?? ^^ Donc non, pas d'artistes, de la musique d'ascenceur tout au plus. Les loisirs, j'y avais pensé, c'est vrai que je ne l'ai pas développé mais en fait chaque personne qui apprend une technique de loisir (par exemple, le tennis, la broderie) le fait aussi pour l'enseigner par la suite, puisque le savoir est le principal plaisir de la Cité.
Ceux dont la tâche du jour finit plus tôt choisissent d'abord, mais pour personne ça n'a la moindre importance, personne ne se sent plus malin de choisir d'abord ou lésé de choisir en dernier, puisque les tâches choisies en premier ne sont pas forcément les moins difficiles: le tour de chacun vient toujours, et chacun sait doser ses actions pour que tous puissent satisfaire à leurs besoins, dans une équité pas forcément immédiate, mais qui viendra forcément avec le temps.

Quant à la suite, euh, j'en ai pas la moindre idée, comme toujours! Si certains d'entre vous veulent réutiliser des débuts de textes à moi pour écrire des scénars, servez-vous, je vous offre mes photos pour faire un film avec :)

Elemm', créatrice de statique.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-10-22 17:37:02 

 Commentaire Elemmirë, exercice n°46Détails
Un monde glacé, follement raisonnable... Ca me fait penser au Village (« Le Prisonnier »). A certaines collectivités aussi (abeilles, fourmis...), où le collectif prime sur l’individu. Ton texte renvoie à l’Eternelle Question : qu’est-ce que le bonheur ? C’est bien pensé, c’est bien écrit, c’est original et c’est cohérent. Ta petite musique, précise, en couleur pastel, faussement innocente et très ravellienne, enserre progressivement le lecteur dans un étau de malaise d’autant plus inconfortable que oui, c’est vrai, on ne peut rien reprocher à ce système, pas de misère, pas de souffrance, l’égalité, la fraternité... C’est quoi la liberté ? La liberté de souffrir ?
Il manque un tout petit détail pour coller à la consigne : l’aspect politique. Qui est le Grand Organiseur ? Si c’est un ordinateur, qui fait le programme ? Qui dirige cette société ? Comment est-il choisi (élu) ?
Tu ne précises pas non plus la durée de vie moyenne de tes citoyens. On peut supposer qu’elle est très élevée, puisqu’ils deviennent Veilleurs à 80 ans.
Etrange cette aversion pour l’appendice, petit doigt de gant innocent accroché au caecum, et qui chez de nombreuses personnes ne fait jamais parler de lui... Un psychiatre freudien y verrait sûrement une métaphore phallique...
Une faute de frappe : érradication (un seul r).
Au total : un très bon texte, intelligent, logique, envoûtant, et désagréable à souhait !
Narwa Roquen, chevaucheuse de consignes

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-10-31 14:57:38 

 SimCity 224Détails
Je rattrape le temps perdu...

et ton texte me fait penser justement au roman de HG Wells, « la machine à remonter le temps ». Tu sais, l’univers des Elois. Non que le contexte soit le même, loin de là, mais plane sur les deux textes cette « riante et inquiétante monotonie ». Il ne semble pas y avoir de secret derrière cette société paisible et normalisée, où tout est neutre comme l’emploi que tu fais des termes « chacun « (21 citations) et de citoyen (9 citations). Cela donne l’impression d’une charge contre une utopie socialiste où tout est tellement équitablement réparti et où l'individualité s'efface tant derrière le collectif, que cela en devient tout simplement insupportable !

Tu utilises un style assez professionnel, avec des tournures de phrases qui pourraient être tirées de rapports administratifs. Un style volontairement banal, lisse qui renforce le côté normatif de ce monde où tout est réglé, de la naissance à la mort, avec un dévouement individuel aux tâches collectives digne des meilleures imaginations des planificateurs des célèbres gosplans. Peu de couleur dans ton texte. Cela conforte le style et l’univers. Car les passions sont au départ des couleurs et sans passion, la vie n’a pas de couleur non ? J’ai été un peu surpris par cette écriture qui me semble être aux antipodes de ta nature. Mais c’est sans doute encore une fois volontaire ! Oui, cette histoire me fait penser finalement à ces jeux dans lesquels il faut bâtir une ville avec tous ses services publics, jusqu’au moindre détail, une ville où les humains ne sont que des silhouettes très pixélisées, un legoland peu attrayant...

Au rang des broutilles, j’ai rangé :

-Organiseur : sauf à me tromper, ce terme désigne en français nos petites machines facilement transportables qui gèrent agenda et répertoire téléphonique. J’aurais utilisé « organisateur » ou « planificateur ».
- « Chaque tâche doit être accomplie, mais aucune n’est attribuée »

M

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2008-11-11 22:18:31 

 Avec plein de retard :)Détails
Merci pour ton commentaire. C'est vrai qu'organiseur a ce sens-là d'habitude, mais je reconnais que quand j'écris, je m'inquiète peu de faire des recherches pour mon texte, je prends "comme ça vient" ^^ C'est d'ailleurs pour ça que je ne sais pas qui programme le Grand Organiseur, si quelqu'un parmi vous a une réponse intéressante à cette question considérez-la comme vraie! (Je sais que je vais faire bondir Roquen là, avec ma flemme de répondre moi-même à la question ^^)

C'est vrai que les émotions ont généralement une place prépondérante dans ma vie et dans mes textes. Dans une période où elles m'emmerdent dans ma vie, je les vire aussi de mes textes, c'est mieux :) Bon j'avais une idée pour qu'elles reviennent avec la suite de l'histoire, mais je ne sais toujours pas qui est derrière le Grand Organiseur, j'ai du mal avec les scénar, et j'ai encore plus de mal à écrire à partir d'une idée précise que juste à partir des mots qui passent par ma tête ^^

Mais si j'y arrive, promis, je vous ferai part du résultat!


Elemm', yé souis oune artiste, mais faut pas mé démander dé travailler mon talent! :s

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-12-12 17:08:15 

 Exercice 46 : Elemmirë => CommentaireDétails
Ce texte court contient d’excellentes idées. Et ton gimmick : « le tour de chacun vient toujours » rythme très judicieusement le récit.
Ta société semble assez agréable, par opposition aux deux précédentes. Evidemment, elle repose sur la bonne volonté et, comme je ne crois guère que l’humain en soit pourvue, il y a du y avoir une époque où des despotes éclairés l’ont imposée de force. Ah oui, voici l’explication : « la légère cicatrice qui orne le front de chaque citoyen ». Idée géniale que cette opération !
Tout le monde aime ce qu’il fait, et flotte dans un bonheur tranquille, il n’y a plus d’argent... voilà un doux rêve, un Meilleur des mondes. Sauf que c’est une vraie prison. On n’y est libre que de faire comme tout le monde, sans réfléchir. Le détail vraiment horrible est l’élimination des vieux. Le nom poétique est d’ailleurs très bien trouvé. J’attends la suite avec impatience pour voir si ça va s’effondrer. Un excellent texte !

Est', en pleine lecture

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