| ||
De : Elemmirë Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com Date : Dimanche 16 novembre 2008 à 23:22:17 | ||
Chuis à la bourre, chuis à la bourre! Pour ne pas perdre complètement le fil, je poset déjà la première partie. Je ne suis pas très contente de mon écriture, mais bon veuillez m'excuser, toute ma concentration était focalisée sur le scénario, et moi si je peux plus faire du spontané, les mots et les émotions ont plus de mal à venir! Ce matin-là, Eléa s’éveilla dans un grand lit, moelleux comme le sont tous les lits de la Cité. Pierre, qui avait rejoint hier la formation en plomberie, s’affairait déjà en cuisine. L’odeur du café monta aux narines d’Eléa qui s’étira rapidement avant d’enfiler le peignoir accroché derrière la porte de la chambre, comme dans toutes les maisons de la Cité. Pendant qu’elle prenait sa douche, la radio personnalisée annonçait à Eléa le contenu de sa tâche du jour, les prénoms des enfants dont elle s’occuperait, ainsi que les informations générales, décès et naissances. Un nouveau Veilleur avait été nommé hier soir. Eléa sourit en apprenant qu’Anselme allait être initié aux rituels de début et fin de vie. Lorsqu’elle arriva dans la cuisine, Eléa trouve Pierre étendu au sol, la gorge fendue d’une immense plaie, le sang rouge vif se déversant encore par jets successifs sur le carrelage immaculé. Sidérée, interdite, Eléa resta là, debout, pendant une durée non prévue dans son emploi du temps du jour. Elle regardait le corps étendu là devant elle, ce corps qu’elle avait appris à connaître cette nuit, le corps d’un citoyen jeune, valide, productif. Puis, elle finit de se préparer, au ralenti, comme étourdie après un coup, et se rendit sur le Parking Central où elle signala sur la borne qu’une voiture monoplace suffirait à la conduire à la crèche. Eléa tenta de se raccrocher à la réalité et entama sa journée de travail. Le Grand Organiseur prit note du décès de Pierre sans broncher, et envoya les techniciens de surface et les pompiers nettoyer la maison et rapatrier le corps aux Veilleurs. Les pompiers furent sidérés de trouver un corps jeune et mutilé. Ils échangèrent des regards vidés, et aucun n’osa questionner les autres sur cet événement insensé. Les Veilleurs se réunirent dès l’arrivée du corps pour tenter de comprendre la place de cet événement dans la vie de la Cité. On réétudia la situation de Pierre, trente-huit ans, productif, valide, on se questionna les uns les autres pour savoir si l’un des Veilleurs aurait commis une erreur absurde, une imprudence impensable, une étrange réalisation de l’Ultime Remerciement d’une façon absolument inédite et contraire à celle enseignée, hors des lieux requis, sur un Citoyen dont le tour n’était pas venu d’accéder à la fin de vie. Aucun ne put justifier, expliquer, comprendre, donner du sens à ce corps qui gisait là, devant eux. La sidération se propagea dans la Cité comme une trainée de poudre. Les tâches du jour furent effectuées, les citoyens travaillèrent, se restaurèrent, firent connaissance, mais un vague engourdissement saisissait ceux qui apprenaient la surprenante nouvelle. Le lendemain matin, lorsque les citoyens occupant la fonction de pompiers furent sollicités à nouveau par le Grand Organiseur pour confier aux Veilleurs le corps de Mathilde, vingt et un ans, la sidération laissa la place à un sentiment incompréhensible, dépassant tout ce que la Cité pouvait imaginer : la Peur. La Peur fit son apparition dans la vie de la Cité, et grandit de matin en matin, de décès insensé en décès insensé. Le Grand Organiseur fut questionné par les Veilleurs, mais resta de marbre. La recherche sur un décès non programmé, survenant sur des citoyens utiles à la Cité, hors du contrôle des Veilleurs, ne donnait aucun résultat. Les Veilleurs sollicitèrent les citoyens ayant reçu une formation d’ingénieurs informatiques pour repérer le bug du Système, le Grand Organiseur ne pouvant pas ignorer les réponses nécessaires au bon fonctionnement de la Cité. Mais celui-ci n’avait pas intégré cette tâche à celles disponibles sur la journée, de sorte que les ingénieurs furent tiraillés dans un dilemme impossible, choisir d’obéir au Grand Organiseur en occupant l’une des tâches proposées, ou désobéir... et rechercher une réponse à la stupeur qui frappait l’ensemble des citoyens. Les citoyens prirent position, un par un, encourageant la résistance au Grand Organiseur, soupçonnant les Veilleurs de complot pour prendre le pouvoir, ou redoutant les foudres de l’Organiseur, préssentant des maux qu’ils n’avaient même jamais conceptualisé. Certains crurent que ce choix les mettrait à l’abri, mais chaque aurore sur la Cité drainait son cadavre ensanglanté, jeune, vieux, homme, femme, résistant ou soumis, Veilleur ou boulanger. Le Grand Organiseur augmenta simplement la vitesse de formation et proposa d’avancer l’âge d’entrée dans l’activité afin de pallier à ce manque de main d’oeuvre. Les Citoyens découvrirent le sentiment d’abandon, dans le silence froid du Grand Organiseur devant leur détresse. La résistance aux commandes du Grand Organiseur dérégla le fonctionnement de la Cité : des repas manquèrent, des éviers restèrent bouchés, des enfants restèrent livrés à eux-mêmes, et ce malgré les constantes mises à jour que s’efforçait de faire la machine ; elle interrompait un citoyen dans sa tâche pour lui ordonner, de sa voix suave jaillissant des micros de la Cité, de rejoindre l’Ecole Centrale au plus tôt, de remplacer sa formation de fin de journée par une seconde période de travail pour pallier aux manques créés par la Peur. Le désordre était en place. Les Veilleurs firent appel aux citoyens formés à la médecine pour comprendre comment un sentiment de Peur pouvait émerger dans une Cité a priori débarrassée de ses Passions. Les médecins étudièrent la question, et découvrirent avec effroi que le sentiment de Peur semblait vivre hors du centre nerveux des Passions. La Peur fut théorisée comme la seule réponse biologique possible à l’incompréhension et au désordre. Certains proposèrent de mener des expériences sur les nouveaux-nés pour agrandir la zone cérébrale ôtée. Chaque décision, chaque idée, chaque proposition entraînait l’angoisse et l’inquiétude d’être livré à soi-même, une incompréhension de plus. La Cité se disloquait, chaque citoyen s’individualisait à chaque prise de décision contrainte, le discours du Grand Organiseur ne correspondant plus à la réalité des faits. La nourriture manqua et la jalousie apparut. Les citoyens se pressaient sur les lieux de restauration bien avant l’heure, abandonnant leur tâche du jour pour espérer être nourris convenablement, comme avant... Ceux qui ne pouvaient manger à leur faim tentèrent d’abord de se conforter à l’idée que leur tour viendrait, mais découvrirent rapidement que leur tour ne venait que s’ils l’arrachaient de force par leurs actions délibérément choisies. Certains citoyens décidèrent de se regrouper la nuit, laissant vides les appartements individuels et dormant à cinq ou six, serrés les uns contre les autres, dans la peur de mourir avant l’heure. Chaque matin, la radio crachait la liste des naissances et celle des décès oeuvrés par les Veilleurs, niant toujours la réalité de ces mares de sang insensées. Avec la Peur, la suspicion grandit. On soupçonna les vieux de perpétrer ces actes par jalousie, on soupçonna les amants de s’entretuer pour ne pas se perdre, on découvrit des explications aux choses par l’existence de l’amour et de la haine, de la possessivité et de la colère. Le chaos régnait sur la Cité. Ce message a été lu 7108 fois | ||
Réponses à ce message : | ||||||