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 Répondre à : WA, exercice n°54, participation 
De : Narwa Roquen  Ecrire à <a class=sign href=\'../faeriens/?ID=25\'>Narwa Roquen</a>
Date : Jeudi 19 fevrier 2009 à 00:01:47
Promesses


Une fumée noire monte du petit bois de Valocsa. Heureusement Jolan, bercé par le tangage de la roulotte, ne s’est pas réveillé. Les jambes tremblantes, le coeur écrasé par une angoisse insupportable, Amalia regarde le nuage funeste endeuiller le ciel du petit matin. En faisant demi-tour, si Gyozo galope tout le long, elle peut arriver dans... deux heures ? Mais le cheval galopera-t-il aussi longtemps ? Ou le dételer, et laisser Jolan... Jamais !
Un frôlement derrière le rideau et Mozès saute sur la banquette. Il lève vers elle la profondeur de ses yeux verts, étoiles scintillantes dans la nuit de son pelage soyeux.
« Et que ferais-tu ? Nous ne sommes pas des guerriers. Les gens du village les mettront en terre. Il faut continuer la route.
- La route, je sais, mais... Bianka, Bettina ! Je dois savoir ! »
Le chat secoua la tête.
« Qu’est-ce que cela changera que tu le saches ? Est-ce que tu les aimeras moins ou davantage ? De toute façon elles seront toujours dans ton coeur. S’il est bon que tu le saches, les cartes te le diront.
- Et Rafael ? »
Le chat monte délicatement sur ses genoux et s’y pelotonne langoureusement.
« Chaque chose en son temps, petite soeur. Je ne peux rien te dire. Il y a trop de possibles... »
Amalia refoule ses larmes. L’horizon est loin devant, au bout d’une interminable plaine où des traînées de brume embrassent lascivement la terre labourée, amantes paresseuses amenées par la nuit, que le soleil jaloux chassera pour la journée. Amalia fait claquer sa langue, et le docile Gyozo reprend le pas. Le salut est toujours dans le mouvement. «Lorsque tu restes immobile, la sueur qui tombe de ton front creuse ta tombe, alors voyage », disait nagypapa Miklos. Et le pas du cheval berce la tzigane aux longs cheveux noirs, et le chat, et le jeune garçon qui dort toujours à l’arrière, fatigué de la longue nuit.


« A-ma-lia ! A-ma-lia ! »
Ils avaient scandé son nom pour qu’elle danse, autour des feux de joie, parce qu’il n’y a pas de noce sans belle danse, et qu’elle avait toujours été la meilleure danseuse des quatre filles de Vendel. Bettina, rouge de plaisir au bras de son tout jeune mari, avait battu des mains, enthousiaste, comme une petite fille – elle était encore si jeune pour se marier, seize ans !
Amalia s’était arrachée à regret à la conversation paisible qu’elle menait avec nagyneni Dorina, la soeur de sa mère, et avait demandé le silence.
« Je danserai... seulement si Jolan veut bien m’accompagner. »
La moustache des hommes avait frémi. Certes, Vendel n’était plus et son père Miklos l’avait rejoint cinq ans plus tard au Paradis des Hommes du Vent. De fait, Amalia était chef de famille – famille qui ce soir, après le mariage de Bettina, se réduisait à Jolan, le dernier enfant de Vendel et Aida. Mais Proposer un enfant pendant une noce... qu’est-ce qu’une femme connaissait au violon ?
L’enfant ajusta sa ceinture, cala son violon, leva son archet. Si son coeur battait plus vite, il n’en montrait rien. Ses yeux noirs étaient brillants de défi et de fierté. Grand-père Miklos le lui avait dit : « Un jour, mon petit, tu Joueras. » Le regard complice d’Amalia lui avait donné le signal, et l’archet avait attaqué.



Danse, Amalia, danse pour les Hommes et les Femmes du Vent, danse pour ceux qui n’ont de frontière que l’horizon et de destin que le voyage. Danse pour l’oiseau libre et l’arbre protecteur, danse pour le printemps qui réveille et l’automne qui apaise, danse pour ceux qui jamais ne reviennent sur leurs pas. Mais tant de chemins se croisent et tant de rencontres sont possibles ! Danse, saute, tourbillonne, ta robe est un brasier qui chauffe le coeur des hommes, tes mains sont des alouettes vives qu’aucune cage ne retient, tes pieds bottés de noir sont des marteaux puissants qui sculptent le rythme et font vibrer les âmes. Danse pour les yeux noirs, les cheveux de jais, la peau couleur olive, pour ton peuple danse ! Frappe et frappe la terre qui porte ton pas toujours plus loin, car tu as promis, Amalia, tu as promis à Miklos le Survivant comme lui-même avait promis à son père Szervac.
« Promets ! De ne jamais t’arrêter, non, promets ! De toujours continuer...»
Le dernier frappement de pied scelle une fois de plus le pacte ancestral, au moment même où l’archet jette le dernier son, le dernier éclair, la dernière fleur... Et le silence sec comme une branche qui casse arrête le cours du Temps qui se fige d’émotion.


La Famille applaudit à tout rompre, hurle de joie, les hommes portent Jolan en triomphe.
« Il a Joué, il a Joué, nous avons un Homme de plus ! »
Le garçon avait eu du mal à retenir ses larmes et ses yeux agrandis par la joie avaient trouvé ceux d’Amalia. Elle avait souri, puis était retournée s’asseoir près du feu. Domotor avait voulu lui prendre la main, mais elle avait dit : « J’attends Rafael. » Autour d’elle les danses endiablées avaient repris, puis avaient été remplacées par les chants nostalgiques. Elle entendait le violon de Jolan se mêler aux instruments des autres, le petit prenait sa place, bien... A voix basse, tante Dorina continuait à lui donner des nouvelles de la Famille, de Gizella, sa soeur puînée, qu’on ne voyait plus depuis qu’elle avait épousé le duc de Szartas, du cousin Lénard qui était parti loin vers l’ouest, qui avait pris femme, qui avait déjà trois garçons, de Csanad, l’ami d’enfance, qui s’était échappé des prisons du Roi...
Un peu après minuit Mozès avait quitté la roulotte et était venu la chercher.
« Il faut partir, Amalia, il est tard.
- Ce soir ? Nous pourrions dormir ici...
- Il faut partir, la route t’attend. »
Elle l’avait regardé tristement.
« Rafael doit venir...
- Il y a un temps pour chaque chose. Et tu as promis. »
Elle l’avait suivi.
Jolan dormait déjà, sur le matelas au fond de la roulotte, serrant dans ses bras son précieux violon, complice de sa première victoire. Elle l’avait retiré tout doucement et rangé dans son étui. Puis elle avait abreuvé Gyozo avant de l’atteler. S’arrachant à la douceur chaude des foyers, elle avait passé un châle sur son boléro noir, et la route l’avait reprise.


Le soleil est bien haut dans le ciel quand Jolan vient s’asseoir près d’elle.
« J’ai faim.
- Il y a des biscuits dans la boîte en fer.
- Oui mais... Je les ai finis... et j’ai encore faim !
- D’accord. Je vais m’arrêter. »
Mozes ouvre un oeil.
« Pas longtemps. »
Amalia soupire.
« Oh, Gyozo. Oh là. »
Amalia saute à terre, dételle le cheval qui va brouter un peu plus loin. Elle allume un feu, prépare le repas. Jolan va chercher de l’eau. Fébrilement, elle tire de sa poche les tarots. Bettina... Oh non !... Bianka ?... Ce n’est pas clair, mais elle a pu survivre. Rafael... L’Amoureux, la Lune, le Diable, la Roue de la Fortune, et le juge du jeu est ... L’Arcane Sans Nom ? Il serait mort, lui aussi? Mais pourquoi le Diable avec la Roue ?
Jolan revient, Amalia range les cartes. Elle déjeune à peine, remet tout en ordre, s’apprête à repartir, le coeur serré.
Le bruit d’un galop dans la plaine derrière elle, et juste après, laissant les rênes sur le dos de son splendide étalon gris, Rafael est à terre, près d’elle, dans ses bras...
« Je pensais que tu m’aurais attendue...
- Que s’est-il passé à Valecsa ? As-tu vu mes soeurs ?
- Mais oui, bien sûr ! Bettina avait les yeux un peu cernés, ce matin, c’est plutôt bon signe... Et j’ai croisé Bianka quand elle repartait...
- Mais ce feu ? Cette fumée noire ?
- Quelle fumée ? Oh, ça devait venir du village, j’ai vu un fermier brûler des mauvaises herbes... »
Amalia le regarde éberluée, elle ne demande qu’à le croire mais tout à coup le soleil est moins brillant, le sol moins stable, le vent amer...
Un autre cavalier arrive ventre à terre, et d’un bond il est sur Rafael, il roule au sol avec lui, le plaque au sol, lève un couteau...
« Csanad ! Qu’est-ce que tu fais ? », hurle Amalia horrifiée et en même temps étrangement soulagée.
Sans la regarder, l’homme s’adresse à Rafael :
« Dis-lui ! Mais dis-lui, traître ! Je t’ai vu empocher l’argent du Capitaine du Roi ! Pour combien nous as-tu vendus, Judas ? Bettina est morte, Amalia, et tante Dorina, et la plupart de tous les nôtres qui étaient là-bas...
- Tu es devenu fou, Csanad ! Tu es jaloux, c’est ça, parce que c’est moi qu’Amalia a choisi ? Allez, baisse ce couteau, de toute façon tu ne l’auras jamais ! Je te l’ai dit, Amalia, j’ai vu Bettina ce matin...
- Egorgée et baignant dans son sang, oui, tu l’as vue, et je l’ai vue aussi ! »
D’un geste rapide, Rafael a désarmé son adversaire, et les deux hommes se battent dans la poussière. Rafael a pris le dessus, ses mains enserrent le cou de Csanad, qui n’arrive pas à se défaire de l’étreinte mortelle...
Amalia, au désespoir, regarde le chat au poil hérissé qui n’a pas quitté la roulotte.
« Mozes !
- Tu connais la vérité, tu la connais ! »
En un éclair, la longue dague effilée siffle dans les airs, accrochant le soleil au passage. Rafael s’effondre. Amalia le regarde, pétrifiée, rendre son dernier soupir. Jolan s’est précipité vers elle et la serre très fort en sanglotant.



Gyozo marche du même pas tranquille, et le cheval de Csanad s’est résigné à l’accompagner dans cette allure qui ne lui est pas naturelle.
« Où comptes-tu aller ?
- A Matvan, pour l’hiver. Jolan a besoin encore de prendre des cours de violon, et il y a un vieux professeur qui...
- Est-ce que je peux venir avec toi ? Les soldats pourraient...
- Matvan est loin de la capitale, et j’y ai des amis.
- Je ne veux plus te perdre, Amalia. J’attendrai... Ou bien, si un autre homme te demande, je cèderai la place. »
Amalia le regarde sous cape. C’est vrai qu’il est beau garçon. C’est vrai aussi qu’il est loin le temps où tous les deux couraient pieds nus dans la prairie et se baignaient ensemble dans les rivières. Il y avait de grandes caravanes, alors...
« Je veux bien faire un bout de chemin avec toi. Pour le reste, comme dit Mozes...
« Il y a un temps pour chaque chose », répète complaisamment l’intéressé, qui, trônant sur les genoux de Jolan, affiche un vrai sourire de chat.




La musique qui a inspiré ce texte est la Danse Slave n°8 en sol mineur, opus 46, de Dvorak. Vous pouvez l'écouter
...si ça passe, parce que hier ça allait bien et aujourd'hui je n'y arrive pas! Peut-être quelqu'un de plus doué que moi peut-il trouver un autre lien?
Narwa Roquen, on the road again

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