Version HTML ?

Messages FaeriumForum
 Ajouter un message Retour au forum 
 Rechercher un message Statistiques 
 Derniers messages Login :  S'inscrire !Aide du forum 
 Masquer l'arborescence Mot de passe : Administration
Commentaires
    Se souvenir de moi
Admin Forum 
 Derniers commentaires Admin Commentaires 

 WA - Participation exercice n°59 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Mardi 5 mai 2009 à 19:28:56
Très en retard... mais débordé ces temps-ci!

----

SEPULTURE PUB

L’alarme du radio-réveil retentit. Et si ce n’était qu’un mauvais rêve après tout? Un de ceux qui persistent quelques fractions de seconde après le réveil. Un laps de temps où vacille la perception du réel. Juste le temps de se poser la question. Pas un cauchemar, non, un mauvais rêve qui charrie cette étrange sensation que cela pourrait être vrai. De toute façon, je n’ai pas le choix. Si je pouvais décrocher le téléphone et me faire porter pâle. Si je pouvais rester planqué ici jusqu’à ce que cela se tasse. Car cela va disparaître. Forcément. Je ne suis pas fou et il doit y avoir une explication logique. Consulter un médecin ? Hors de question. Les symptômes que je lui décrirais m’enverraient tout droit au fond d’une cellule capitonnée d’un asile d’aliénés. Je connais leurs méthodes. Mince, je vire paranoïaque! Il faut que je me secoue car aujourd’hui sera une journée décisive.

Alors j’allume la télé. Les images du monde défilent dans le journal du matin. La grippe porcine progresse inéluctablement. Des nouveaux cas sont recensés un peu partout. C’est curieux, je n’arrive pas à me convaincre qu’il y a un risque imminent de pandémie. A ce jour, mille cas d’infection ont été officiellement déclarés à l’OMS dont vingt-trois décès. C’est peu pour une maladie annoncée comme la énième plaie d’Egypte. Bénéfice collatéral, les risques sociaux en paraissent singulièrement atténués. En plus, je voudrais bien connaître le nombre de morts causées par le paludisme. Peut-être une toutes les 30 secondes. Il n’y a pas photo. Je me sens tout ragaillardi. J’éteins la télé à l’instant où résonne le jingle de la coupure publicitaire.

Les infos m’ont remis l’esprit à l’endroit. Tant mieux. En sifflotant un air à la mode, je me prépare une tasse de café. Je ne me sépare jamais de ma petite machine à expresso. J’ouvre la mallette qui contient une collection impressionnante de dosettes aux couleurs variées. J’adore son packaging étudié et luxueux. Je caresse l’écrin de papier de soie qui entoure les dosettes et j’en choisis une noire. Un café fort. Un café mexicain. Un Altura Pluma à l’arôme intense. Excellent choix monseigneur. J’ai une pensée amusée pour le Gringo de la pub. J’espère qu’il survivra à la grippe! Il a intérêt à éviter le Mexique. Je file ensuite dans la salle de bain. Douche et rasage. Le miroir me renvoie l’image d’un homme dans la force de l’âge à la silhouette finalement pas si épaissie que ça, aux cheveux coupés en brosse et aux yeux gris implacables. Les pensées funestes semblent s’être enfin dissipées. Je me fais des idées. J’ai un paquet de rendez-vous ce matin.

Dans mon métier, la relation humaine est primordiale. Je suis un chargé des relations institutionnelles au sein d’un grand groupe mondial, leader dans son domaine d’activité. Je suis l’un de leurs meilleurs spécialistes. Dans le cercle restreint de la profession, on m’a surnommé Shuar-Z. Un jeu de mots pour initiés. Mes maîtres furent des vétérans américains de la guerre psychologique, des sorciers vaudous, des conjurateurs de la City et des moines tibétains renégats. Je suis un magicien chez les magiciens. Car mes employeurs sont bien des magiciens. Des magiciens modernes mais des magiciens comme Merlin n’en a jamais rêvé. S’ils n’ont pas de chapeau pointu ou de baguette magique, ils étudient de sombres formules cabalistiques et dans leurs laboratoires high tech, d’étranges élixirs sont concoctés au fond de marmites d’alu brossé. Là où ils interviennent, les rendements se multiplient.

Je jette un coup d’oeil sur le ciel de Strasbourg. Gris et terne. L’Alsace ne m’aime décidément pas. Aucune importance. Je ne suis pas d’ici et sitôt le job fait, je m’envolerai vers des rivages plus cléments. Monaco, Majorque ou Malaga. Mes employeurs me paient bien. Il y a ici un endroit qui m’attire comme l’aimant attire la limaille. Le Parlement européen, l’instrument de normalisation législative d’un marché de plusieurs millions de clients potentiels. Je dois rencontrer aujourd’hui plusieurs eurodéputés. Les rencontrer et les convaincre que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé des consommateurs. J’ai un attaché-case rempli de solides arguments. Certains ont des contreparties sonnantes et trébuchantes. J’aime mon travail : circonvenir subtilement et gagner une nouvelle voix à la cause. Enfin, la cause de ceux qui me paient. Je suis un lobbyiste. Mon laissez-passer nominatif est renouvelé sans difficulté chaque année par les questeurs.

Je vérifie une dernière fois mon apparence dans le miroir du vestibule. Je modèle ce sourire rassurant et compétent qui plait tant aux technocrates et aux politiques. Irréprochable dans mon complet veston acheté dans une boutique huppée de Londres, on me donnerait l’absolution sans confession. Je connais ma partition sur le bout des doigts. Si à midi, je n’ai pas débauché au moins deux eurodéputés pour réduire l’écart qui me sépare de la majorité de l’Assemblée, je ne m’appelle plus Shuar-Z. Mon second surnom est Terminator. Rien à voir avec le gouverneur de la Californie ou avec l’androïde venu du futur même si cela explique le Z de Shuar-Z. Après moi, rien ne repousse.

Je referme la porte de l’hôtel. Ma chambre y est réservée à l’année. Je laisse la machine lustrer mes souliers vernis et je ramasse le journal « Les Dernières Nouvelles d’Alsace » qui traîne sur un fauteuil. Je vais pour l’ouvrir à la page « Economie » quand je blêmis en voyant ce qui me saute aux yeux sur la dernière page. Je ferme vivement les paupières et puis les rouvre mais c’est toujours là. Ce n’est pas possible. J’ai déjà vu cette pub avant. Elle n’était pas comme ça. Le grain grossier du papier journal souligne davantage le caractère inconcevable de cette image. Je suis saisi d’un tremblement incoercible, laissant tomber le canard sur la moquette du couloir. Calme-toi ! Reprends-toi !

Je respire profondément tel un plongeur qui se prépare à une périlleuse descente en apnée. Mes rares leçons de sophrologie, ou ce qu’il m’en reste, m’aident du mieux qu’elles peuvent dans cet exercice. Je recouvre peu à peu une contenance toute relative. Un autre pensionnaire de l’hôtel surgit alors de l’ascenseur. Il me fait un signe cordial, l’air vaguement étonné. C’est sûr qu’il y a de quoi l’être en me voyant immobile au milieu du couloir, avec un journal éparpillé autour des pieds. Tant pis pour ma réputation, il faut que je récupère un semblant d’équilibre.

Ce n’était donc pas un rêve. Cela a recommencé. Je suis victime d’hallucinations. Des hallucinations sélectives. Avec un contexte récurrent. Je ne suis même pas sûr que mes symptômes soient répertoriés dans le grand livre des désordres mentaux. Je dois m’enfoncer dans une sorte de folie puisque je suis le seul à qui cela arrive. Paranoïa. Schizophrénie. Psychose. Névrose. Tous les termes psychiatriques me reviennent en mémoire. Au moins celle-là ne flanche pas. Mon mobile sonne, me tirant brutalement de ma rêverie. C’est une alarme préprogrammée me rappelant que l’heure de mon premier rendez-vous approche et que le temps de trajet pour me rendre au Parlement va rapidement écorner mes chances d’être ponctuel.

Je finis tant bien que mal de m’extirper de cette angoisse tétanisante. Je froisse le journal en boule, et, en veillant à ne pas le regarder trop directement, je le jette dans la corbeille du couloir avant de me précipiter dans l’escalier. Il me faut rejoindre la station du tramway qui m’amènera directement au Parlement. J’ai choisi un hôtel proche de la ligne E. La circulation est dense sur le boulevard et je dois attendre un répit dans le flot des véhicules qui défilent sur l’asphalte. Entre deux voitures garées le long du trottoir, je surveille le bon moment. L’air est vif. Une sorte de brume, légère et grisâtre, stagne sur la métropole alsacienne. Je me sens beaucoup plus à l’aise au milieu de toute cette agitation : les bruits des moteurs et des pots d’échappements, les sirènes de police dans le lointain, les coups de klaxon, les crissements des freins, les visages des passants, les couleurs, les odeurs... le carrousel de la vie quoi ! Le feu passe au rouge et la file de véhicules s’immobilise progressivement jusqu’à mon niveau. Je traverse à grandes enjambées, pouvant déjà distinguer la borne qui signale la station du tramway, à quelques distance de là.

J’atteins l’autre trottoir et j’accélère encore le pas. Le chronomètre tourne toujours. Il n’y a pas un instant à perdre. Je longe la voie protégée du tramway quand j’aperçois l’aubette sous laquelle se serrent quelques voyageurs qui attendent la prochaine rame. Comme tous les mobiliers urbains, elle est le support idéal pour les publicités. Celle-là ne faillit pas à la règle et même si je suis encore assez loin, je devine qu’il s’agit d’une publicité pour une marque très connue de sous-vêtements féminins. Elle appartient à cette catégorie d’affiches qui jouent discrètement avec le porno chic. Un mannequin de luxe BCBG aux proportions idéales, des dentelles et des bas résille, un éclairage charnel et tamisé et une pose suggestive pour aguicher le regard. Personnellement, dans le genre, je préfère la série des leçons qui, à mon avis, sont encore plus sensuelles car cadrées au plus près de la peau, vaguement intemporelles dans leur composition en noir et blanc. Mais celle-ci est l’affiche du moment, placardée à tous les coins de rues. Il faut être aveugle pour ne pas la remarquer.

Je m’approche et les contours s’affinent. Mes regards sont magnétiquement drainés vers l’affiche dont les détails se précisent. Encore quelques pas. J’ai un haut-le-coeur que je ne peux réprimer totalement. Ce n’est pas un mannequin qui me lance une oeillade blasée et mordorée. La lumière ne joue pas avec les pleins et les déliés de ses seins et le galbe de ses cuisses. Non. Pourtant les sous-vêtements sexy et provocants sont bien les mêmes. Le porte-jarretelle en dentelles est parfaitement à sa place et les bonnets du soutien-gorge modèlent des cônes irréprochables. Mais il n’y a pas cette magnifique créature qui joue distraitement avec une boucle de sa chevelure blonde. Non. C’est un cadavre qui m’observe, un cadavre aux chairs putrides et sanguinolentes, aux couleurs violacées et maladives. Sous un crâne dégarni, son nez est rongé par les vers, ses yeux roulent dans des orbites creuses tandis que sa bouche, où les lèvres ont disparu, baille dans un rictus grotesque. Mais le plus effroyable, c’est qu’elle paraît me regarder moi... on dirait qu’elle me connaît... Hypnotisé par cette vision d’horreur, au réalisme défiant toute imagination, je fais encore quelques pas, une envie de vomir remontant douloureusement dans la gorge. C’est réel. Je crois que je ne suis pas loin de m’évanouir. Je lutte contre une vague nauséabonde qui menace de me submerger. C’est ça devenir fou ?

Les autres voyageurs ne remarquent pas mon vertige. Ils contemplent des points distants, indifférents à ma détresse. Je desserre le noeud de ma cravate en soie italienne. Une fine sueur perle sur mon front que j’essuie du mouchoir tiré d’une poche. Les globes de gélatine me fixent toujours. Dans ma poitrine, j’ai le coeur qui bat la chamade. Je ne peux me retourner, fuir leur regard. Non. Une force implacable me pousse à demeurer en face de cette... chose.

Heureusement, la cloche de la rame en approche me libère de ce joug infernal. Les portes s’ouvrent et je me jette dans le wagon, bousculant un homme qui me lance d’abord un regard mauvais. Puis, voyant l’état dans lequel je me trouve, il se ravise et en maugréant, s’éloigne vers l’autre extrémité de la voiture. Le tramway s’ébranle et l’aubette disparaît. Mon délire a un lien avec les publicités. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Hier à l’aéroport, ce matin dans le journal... cela empire manifestement. C’est décidé. Je vais rechercher un spécialiste dès ce soir.

Je consulte ma montre. Je suis dans les temps. J’essaie de me reconcentrer. Mon coeur se calme et retrouve un rythme plus normal. La crise est passée mais elle est chaque fois un peu plus violente, un peu plus profonde, un peu plus déstabilisante. Pourquoi verrais-je des cadavres à la place des mannequins de mode qui s’exhibent sur les panneaux publicitaires? Des cadavres de plus en plus déliquescents, de plus en plus décomposés. Hier, la femme sur la publicité pour ce parfum, à l’aéroport. Elle avait des cloques et des abcès qui lui couvraient toute sa peau dénudée. Des vésicules lourdes de flux malsains et des bubons difformes et purulents. Et puis cet homme dans le journal de ce matin qui vantait les mérites de ce roadster allemand. Son visage était horriblement écorché. La peau avait complètement disparu, laissant à nu les tendons et les muscles faciaux. Ils ont un point commun. Cette connivence qui semble les unir à moi. Ne plus y penser. Je souffre d’une pathologie mentale sérieuse. Il faut que j’aille voir un psy ou un docteur. Ou le curé ? Je suis peut-être possédé ? Pardonnez-moi mon père parce que j’ai péché ! Il y a ce film où des extra-terrestres se dissimulent sous les traits d’êtres humains ordinaires. Avec la bonne paire de lunettes, on peut les découvrir sous leur apparence réelle. Ils ressemblent aussi à des cadavres. Comment s’appelait ce film bon sang? Le nom m’échappe. Ou alors le monde est une matrice dans laquelle nous évoluons sans nous rendre compte de la réalité extérieure. Par un étrange concours de circonstances, je suis le seul à voir ce qui se cache derrière le décor. Mince, suis-je l’Elu? Non, je divague. Je suis un lobbyiste et mon job est justement de convaincre les élus, pas devenir l’un d’eux !

Sans m’en rendre compte, mon regard glisse vers l’extérieur où le ciel s’est éclairci. Le tramway ralentit. NOOONNN... je suis harponné par les deux cadavres qui évoluent sur une plage paradisiaque. Ils s’enlacent tendrement, avec derrière eux, la mer des Caraïbes à leurs pîeds. La décomposition des chairs est encore plus avancée. Mon petit déjeuner remonte à toute vitesse le long de mon oesophage. Ne pas vomir. Des lambeaux de chairs se détachent de leurs bras et de leurs jambes. Une vermine infâme grouille dans l’ombre de leurs orbites aveugles et de leurs bouches édentées. Dans leurs ventres flasques, les entrailles sont grignotées par des larves translucides. Ce n’est pas réel... je rêve... Je suis au bord de la syncope. Paralysé, je ne peux détacher mes regards... Le tramway avance au ralenti... gommant le panneau publicitaire.

NOOOONNN...

Il est immédiatement remplacé par un autre. Celui-là je le reconnais bien. Les produits laitiers. La blancheur immaculée qui sied si bien à cette gamme de produits. C’est bon le lait, les yoghourts, les fromages... Et puis mes employeurs déploient de gigantesques efforts pour promouvoir des engrais plus efficaces, des maïs aux rendements améliorés qui permettront que les vaches aient plus de lait. Mais alors que je voudrais voir les visages heureux de cette famille unie, le sourire attendri et attentif de la mère, l’attitude protectrice et virile du père et la joie débordante de leur fille et de leur garçon, il y a quatre squelettes qui dansent en exhibant leurs échantillons de produits laitiers. Quatre squelettes qui me regardent tristement, figés dans leurs gestes théâtraux. Plus aucune trace de chair, rien que le côté poli de l’os couleur vieil ivoire. L’un des squelettes d’enfants tient un verre de lait qui manque de déborder, l’autre tend une portion de fromage appétissante. Les deux plus grands squelettes se penchent au-dessus d’eux et leurs têtes de mort me crucifient du fond de leur néant.

Quand le tramway stoppe à la station du Parlement, je suis anéanti. Je titube en sortant de la voiture et mets un pied hésitant sur le quai. L’imposant édifice s’élève non loin, derrière les mâts où flottent les drapeaux des pays membres de l’Union européenne. C’est là que je dois me rendre. Mais je ne sais plus vraiment si je réussirai à rejoindre ce bâtiment où m’attendent mes rendez-vous. Il ne faut pas que j’oublie pourquoi je fais le siège des eurodéputés. Il ne faut pas que j’oublie pourquoi mes employeurs me paient très cher. Il faut que les européens acceptent les cultures transgéniques et les organismes génétiquement modifiés. C’est ce qui nourrira le monde quand la pression démographique deviendra insupportable et que les paysans ne pourront plus faire face à la demande. Il n’y a pas vraiment de risque pour la santé humaine. J’ai un tas de bonnes réponses pour chaque question posée. J’ai des études scientifiques et des pages pleines de camemberts multicolores qui prouvent par A plus B que la biochimie est l’avenir de l’homme. Je suis le meilleur. Il ne reste qu’une poignée de députés à convaincre. Je peux y arriver. Je peux faire basculer le vote de l’Assemblée pour faire plier les lobbies des paysans et des écologistes qui défendent encore l’agriculture traditionnelle et anachronique. Une fois le vote du Parlement assuré, la Commission n’est pas un problème. J’ai plein d’amis parmi les commissaires, plein d’amis qui sauront écrire les bonnes directives. Celles qui mettront hors la loi communautaire les mesures protectionnistes de certains états membres.

Mais pourquoi le malaise qui m’étreint s’amplifie au fur et à mesure que je me rapproche de l’édifice ? Pourquoi ne vois-je que des squelettes qui se tournent vers moi sur toutes les affiches publicitaires tout autour? J’ai de plus en plus de mal à respirer et je me retrouve au centre d’un manège tournoyant de squelettes blancs et pâles qui me fixent tous de leurs regards morts et remplis de compassion. Je manque d’air. Je porte une main à la gorge pour desserrer encore davantage la cravate. J’étouffe. Je tombe à genoux... Au secours, aidez-moi... Mais la ronde infernale tourne de plus en plus vite et des milliers de squelettes m’emprisonnent au centre d'une ronde cauchemardesque... Je ne peux plus respirer... La douleur naît dans mon bras gauche et fulgure brusquement dans la poitrine. J’entends à peine les cris affolés et je ne vois personne dans le brouillard qui tombe devant mes yeux. Je m’écroule sur le flanc, la bouche ouverte sur la dalle de béton. La douleur augmente. Je vais mourir....Je vais mourir. A cet instant, tous les squelettes s’immobilisent. Ils sont innombrables. Ils attendent en silence. La sirène des pompiers ne parvient pas à me retenir. Elle faiblit jusqu’à ne devenir qu’un murmure cotonneux. Juste l'air démodé d’une vieille chanson...
* * *


« Vous avez eu de la chance monsieur ! » dit l’infirmière qui m’apporte le plateau-repas. L’équipe du SAMU a cru un moment qu’elle vous avait perdu! »

Elle est séduisante, cette jolie infirmière, avec ses boucles blondes et son accent alsacien. Un soleil radieux pénètre par la fenêtre. Il fait beau et c’est le printemps. J’ai le fin mot de l’histoire. Une crise cardiaque. Rien qu’une crise cardiaque. Toutes mes hallucinations devaient résulter des premiers signes avant-coureurs que je n’ai pas su comprendre. J’ai lu ça quelque part. Peut-être dans la bouche de Dr House. C’est ça...

« Bon, je vois que tu es entre de bonnes mains, mon salaud! » me dit à l'oreille Hans, un ami qui fait le même boulot que moi.

« Tiens, je t’ai acheté en bas le dernier numéro de ton magazine préféré ». Il me fait un clin d’oeil entendu en me glissant une pochette plastique avant de quitter la pièce.

L’infirmière tire les rideaux puis elle m’aide à me redresser sur le lit. Elle si est proche de moi que je la soupçonne de le faire un petit peu exprès. Elle est définitivement ravissante. Je lui décoche mon sourire n°4, celui qui plait tant aux escort girls. Elle sort de la chambre en refermant doucement la porte. Avant de disparaître, elle m’adresse un dernier et intense regard. Je peux me tromper bien sûr, mais j’ai la vanité de croire que j’ai une touche. Légère mais réelle. Les affaires reprennent.

Bon, la nourriture du plateau est conforme à ce qu’on peut attendre de la bouffe hospitalière. Une nourriture de malade conçue pour les malades. Je chipote un peu la compote et je laisse tout le reste. Je tombe sur la poche de la boutique de presse. Je connais Hans et ses vannes à deux balles. Gagné. J’extirpe le dernier numéro de Playboy et je me mets à rire... Un rire nerveux et irrépressible....

La pensée est incontrôlable. Je ne sais pas si je pourrais retrouver toutes mes "sensations" en fantasmant sur ces squelettes blanchis photographiés dans des positions très explicites.

M


  
Ce message a été lu 6613 fois

Smileys dans les messages :
 
Réponses à ce message :
3 Exercice 59 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Ven 18 sep 2009 à 16:05)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°59 - Narwa Roquen (Mer 6 mai 2009 à 22:59)
       4 "Chi va con lo zoppo, impara a zoppicare." - Maedhros (Jeu 7 mai 2009 à 07:25)
              5 Dove vai? - Narwa Roquen (Jeu 7 mai 2009 à 13:07)


Forum basé sur le Dalai Forum v1.03. Modifié et adapté par Fladnag


Page générée en 1868 ms - 642 connectés dont 2 robots
2000-2024 © Cercledefaeries