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 WA, exercice n°66 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 27 aout 2009 à 23:39:08
Que voilà une idée étrange... Et en même temps, la gymnastique intellectuelle que suppose cet exercice me semble tout à fait appropriée à une remise en forme de rentrée...
Vous allez raconter une histoire à la première personne du pluriel (nous). Mais bien sûr, pas le "nous" de majesté, le vrai "nous", le "nous" collectif.
A mon avis, dès que vous aurez trouvé qui est ce "nous", votre histoire sera presque écrite! Cela peut déboucher sur une réflexion intéressante sur l'individuel et le collectif...
Bon courage! Vous avez deux semaines, jusqu'au jeudi 10 septembre.
Si vous ne voyez vraiment pas ce que je veux dire, relisez les passages de Pratchett sur les Contrôleurs (par exemple dans le génial "Procrastination".
Narwa Roquen,et que cela ne vous mette pas à je-nous!


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-09-08 22:29:54 

 WA - Participation exercice n°66Détails
UN PETIT JEU ENTRE NOUS



Avons-nous encore quelque chose à nous dire ? Avons-nous encore quelque chose à partager ?

Nous n'étions qu'une poignée de voyageurs égarés au milieu d'un univers distant et parallèle, ensorcelés par ses innombrables dimensions féériques. Nous étions un équipage de bric et de broc, l’équipage un peu fou d’un vaisseau ivre qui a vogué sur les vagues lumineuses de l’océan spatial, virtuel et inexploré. Nous avons tous fui l’espace connu et repéré, avec ses autoroutes des étoiles et ses quasars maquillés en station-service. Nous partagions alors un rêve secret. Un rêve qui nous faisait voir au-delà des limites de la galaxie, loin derrière la dernière constellation. Il y avait quelque chose de brillant qui nous appelait entre les étoiles et dont l’écho palpitait en chacun de nous. Et cela nous a tenu chaud quand la route est devenue obscure et le froid mordant, quand nous nous sentions perdus et oubliés dans le néant silencieux et sans limite. Oui, nous étions tous habités par un rêve noble et beau, délicat et inaccessible comme tous les rêves. Nous avons ri quand nous avons découvert l’interstice tout au fond du trou noir. C’était là. A portée de main. A portée de coeur. Comme nous l’avions tant espéré. Il fallait simplement pousser la porte.

Que sommes-nous devenus ?
Qu’est-ce qui a changé ?
Que nous est-il arrivé ?
Nous ne sommes plus ce que nous avons été. Nous ne le serons jamais plus sans doute.
Tant que nous resterons ensemble.
Qu’est-ce qui nous a changé ?
Que sommes-nous devenus ?

Au milieu du vide, nous avons créé un monde. Ce monde. Chacun et tous ensemble, le rendant merveilleux et toujours différent, le parant de paysages hors du commun, conçus à partir de nos rêves et de nos aspirations, de nos passions et de nos cauchemars. Nous avons mis beaucoup de ce nous étions pour le modeler à nul autre pareil. Et sur ce monde multicolore, infini et hors du temps, nous avons insufflé la vie. Qu’il est enivrant de jouer à Dieu !

Ainsi, nous l’avons peuplé de créatures imaginaires, à la fois si proches et indiciblement éloignées de nous. Nous avons passé des heures à les contempler sous toutes leurs facettes, commentant nos progrès et nos échecs, mais sans jamais renoncer. Elles ignorent l’attention que nous leur portons bien entendu. Evoluant sur leurs trajectoires prédéterminées, elles nourrissent nos joies et nos doutes, nos exaltations et nos frustrations. Mais elles sont là. Nous les plaçons sur la ligne de départ et nous les regardons avancer sur la route que nous leur traçons. Et ce monde, au début silencieux et désert, s’est peu à peu rempli jusqu’à bruisser et frémir de mille vies tumultueuses et bigarrées.

Pour les créatures qui peuplent ce monde, nous sommes des dieux. Elles courbent la tête en passant craintivement sous les colonnes doriques de nos temples. Oui, pour les êtres qui peuplent ce monde, nous sommes des divinités impalpables et lointaines, étranges et mystérieuses, vaguement menaçantes. S’ils savaient! Mais comment le pourraient-ils ? Nous écrivons leur destin avec une encre singulière. C'est un peu de notre sang, un peu de nos passions et un peu de notre temps que nous avons mélangés pour sublimer l'encre de leurs veines. Oui, ils nous doivent leur vie mais au bout du compte n’incarnent-ils pas nos désirs cachés? Ne vivent-ils pas la vie que nous voudrions vivre? Une sorte de contrat d’existence par procuration. Nous ne les modelons pas à notre image. Non. Nous sommes déjà faits à l’image d’une autre Dieu. Nous les modelons différemment comme pour mieux les abuser et leur faire croire qu’ils sont libres alors qu’ils sont à jamais prisonniers des chaînes invisibles dont nous les chargeons. Ils n'iront pas plus loin que le dernier point de la dernière ligne du dernier paragraphe.

Nous nous amusons de leurs microscopiques déboires, de leurs amours lilliputiennes, de leurs joies sans lendemain et de leurs douleurs subatomiques. Oui, nous sommes des dieux qui tirent les ficelles de leurs pauvres existences. Au fond, que sont-ils ? Rien qu’un jeu complexe de signes que nous juxtaposons en grappes signifiantes.

Sommes-nous devenus aveugles?

Ils nous survivront sur ce monde quand nous l’aurons quitté. Même vivant leur vie en boucle, ils resteront bien après que nous ayons tous disparu. D’ailleurs ne sommes-nous pas de moins en moins nombreux? Certains d’entre nous, parmi les plus puissants, se sont endormis au sommet de la Montagne, là où nous finirons tous. Là-haut, nos compagnons dorment d’un sommeil lourd et sans rêve. Ils se réveillent parfois mais cela se fait de plus en plus rare. Nous nous targuons d’être éternels alors que nous savons pertinemment que rien n’est moins vrai. Nous nous endormirons les uns après les autres, rattrapés par tout ce que nous avons voulu fuir. Il n’y aura aucune rémission. Aucune échappatoire. C’est écrit dans nos gènes.

Avons-nous encore quelque chose à donner à ce monde que nous avons chéri et façonné de nos mains? Même si cela doit faire mal, il faut se poser la question. Je me la suis posée.

Je n’ose pas écouter la réponse que me souffle mon coeur mais j’ai la nostalgie d’un petit coin de paradis entrevu là-bas sur la Montagne.

M

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-09-09 11:46:52 

 WA 66 - ParticipationDétails
Pourquoi Nous?


Dans la perspective de Husserl, le noumène n'est effleurable qu'aux confins de l'intelligence, lorsque l'agitation des mots et des concepts cesse, lorsque l'intelligence à l'état pur n'est qu'intuition silencieuse, ou lorsque les mots ne sont plus des mots et alors toute tentative d’accéder au monde nouménal relève davantage de la poésie et de l’art.


Pourquoi Nous?
Je veux dire pourquoi Nous et pas vous par exemple?
Vous Nous aviez habitué à des imaginaires plus singuliers, en tout cas moins sujets à discussion.
Nous sommes prêts. Jouons, mais à un jeu en somme... nul. Jeu de panache, où l'on mise tout pour la partie: synecdoque. Jeu, et un autre: Nous.

Nous de circonstances, exténuantes, dans ces mouvantes multitudes où chaque Nous est nouveauté. Ainsi nous votons. Pour décider d'une direction, dans la perspective de Husserl: pour décider où tout cela noumène. L'enfer, c'est les autres: pas Nous.

Mais sans vous, Nous ne serions plus rien ni pluriel, alors chacun de Nous vous doit un peu de ce qu'il est: ne vous en déplaise, Nous pratiquons l'altérophilie de masse, Nous autres, nosaltres. Mieux! Nous créons du lien entre les êtres: nous nouons.

A partir de deux, Nous nous... dénombrons. En fin de compte il ne reste que Nous, les yeux dans les yeux dans les yeux. Nous verrons bien: à trois comme à Troie, il est prématuré d'être romantique. Achille à Iphigénie: Songez-vous quel serment vous et moi nous engage? Et pourtant sacrifiée, à un Nous familial, où Nous prenons Racine.

Une statue pour Monsieur, une Staël pour Madame: Nous sommes parfois juste Oswald et Corinne: Ils étaient des amis qui voyageaient ensemble; ils commençaient à dire nous. Ah qu'il est touchant ce nous prononcé par l'amour! Italien ou italique, le Nous est un peu nouille. Nous ne nous consommons qu'al dente, croquant dans nos chairs et le plaisir et la douleur d'être ensemble.

...

L'abri grinçait désormais à chaque coup de vent. Nous étions vingt ou trente sur le bateau, mais ne restaient maintenant que Nous, accrochés l'un à l'autre et n'espérant plus rien. Nous avons parcouru ensemble le sentier qui mène à la côte.

Qui étions-Nous avant que la mer nous rejette?
De quelles immensités sommes-Nous l'engeance?

Ce que Nous cherchons dans l'océan est peut-être à l'intérieur d'une larme.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-09-10 23:19:43 

 WA, exercice n°66, participationDétails
IN MEMORIAM




Nous vivait en paix entre le lac et la forêt, comme les pères avaient vécu, et les pères des pères. Nu, Nous ne possédait rien et vivait en profitant du soleil, des rires, des fruits et de la chasse. Chaque matin était le premier matin du monde, et Nous ne souhaitait rien de plus que de voir un autre matin se lever.

Midi Libre, 13 octobre 2015
Hier soir le Pr Ligier, chef de Service du Département d’Anthropologie Clinique de Montpellier, a trouvé la mort dans l’incendie de sa voiture. Les premiers éléments de l’enquête orientent vers un attentat criminel ; les restes d’une bombe artisanale ont été retrouvés parmi les débris du véhicule.

Midi Libre, 16 octobre 2015
Un jeune homme de 25 ans, étudiant en Anthropologie, a été interpellé et mis en garde à vue. Il est soupçonné du meurtre du professeur Guy Ligier, le célèbre anthropologue. Il aurait reconnu les faits et déclaré aux policiers : « Je ne sais pas ce qui m’a pris. Des voix dans ma tête m’ont dit de le faire. Non, je ne suis pas fou. Il y avait cinq voix, cinq, je vous assure. » Bien que dénué de tout antécédent psychiatrique, ce jeune homme sera néanmoins examiné par les experts.


Nous avait quatre-vingt huit membres, le plus souvent. Quand l’un de Nous mourait, les hommes choisissaient une femme pour qu’elle porte un enfant. Seule la vieillesse était responsable des morts. Il n’y avait pas de maladie, pas de bête sauvage, et Nous surveillait et protégeait tous les enfants. Il n’y avait jamais eu de noyade dans le lac, la nourriture de Nous était saine et Nous vivait isolé du monde, donc sans conflit.


La Dépêche du Midi, 30 octobre 2015
Un homme de quarante ans s’est spontanément présenté à la gendarmerie de Tournefeuille ce matin pour s’accuser du meurtre du Pr Léa Sentenac, ce professeur de Psychologie expérimentale de la Faculté du Mirail, sauvagement assassinée devant son domicile le 21 octobre dernier, et dont le corps portait les traces de cinq coups de couteau, tous mortels. Voisin de la victime, l’homme a déclaré : «Je n’y comprends rien. Je connaissais à peine cette femme, je nourrissais son chat quand elle
s’absentait. Mais j’ai entendu des voix dans ma tête, et je ne pouvais pas y résister, il a fallu que je la tue. Il y avait cinq voix, ça, j’en suis sûr. »
Expert-comptable de son métier, cet homme marié et père de trois enfants menait jusque là une vie paisible et ordonnée, sans alcool, sans tabac ni aucune autre drogue, en tout cas à la connaissance de son entourage.


Nous était sans vice et sans méfiance. Quand un homme blanc, portant des vêtements et des chaussures, est arrivé au village, Nous a partagé avec lui les fruits et la chasse. Il s’est baigné dans le lac et sous la cascade, il a dormi près des feux de Nous et ri avec Nous du bonheur de vivre. Il est resté une lune, communiquant par gestes, apprenant quelques mots de la langue de Nous, curieux des coutumes et des goûts. Souvent il parlait dans une petite boîte qui gardait sa voix. Il a fait écouter à Nous. C’était comme si le temps revenait en arrière. Nous reconnaissait les mots qu’il avait prononcés juste avant. Il voulait que Nous parle aussi, mais Nous n’a pas voulu. Le temps comme le fleuve ne peut couler que dans un sens.
Quand il est reparti, il a remercié Nous en souriant.



Ouest-France, 3 novembre 2015.
C’est un bien étrange suicide que celui de Robert Dennereau, retrouvé pendu hier soir dans son appartement du centre ville de Nantes. Cet éminent linguiste, mondialement connu pour ses travaux sur les peuplades sauvages d’Amazonie, a laissé une lettre manuscrite dont l’authenticité ne fait pas de doute, mais dont le contenu garde tout son mystère.
« Ils ont raison. Ce que nous avons fait est impardonnable. J’ai été le complice d’un génocide involontaire mais bien réel. Il en reste cinq ! Il n’en reste que cinq ! Leurs cinq voix me hantent sans cesse, et ils ont raison, je suis un criminel, nous nous sommes tous comportés comme des criminels. J’ai appris que Ligier et Sentenac avaient été assassinés, ils sont en train de faire justice, et même si je ne comprends pas comment ils ont réussi, je ne peux pas le leur reprocher. Qu’ils sachent que je leur demande pardon. »


L’homme blanc revint six lunes plus tard, lourdement chargé. En riant il montra à Nous des choses brillantes, dures comme des cailloux, qui reflétaient les images mieux encore que la surface du lac. Il les tendit à Nous et Nous ne comprit pas ce qu’il voulait que Nous en fasse. Il se désigna et prononça un mot « Ligier ». Puis il montra certains de Nous et attendit une réponse que Nous ne trouva pas. Il tendit alors le doigt vers le feu, le lac, un arc, un couteau, et donna le nom en langue de Nous. Nous hocha la tête avec satisfaction, il avait bien appris. Il refit alors le même geste vers Nous, attendant encore une réponse. Nous était intrigué. Alors l’un de Nous éclata de rire et expliqua en langue de Nous :
« Il croit que les membres de Nous sont des morceaux seuls et qu’ils ont des noms comme les bêtes et les choses ! »
Jamais Nous n’avait autant ri que ce jour-là ! L’homme sembla étonné, voire déçu. Nous pensa qu’il n’avait pas compris.
En partant il voulut laisser à Nous ces bouts durs de lac qu’il appelait « miroirs », et de petits cailloux brillants assemblés en bracelets et en colliers. Mais Nous n’en avait pas besoin.
Quelques lunes plus tard il y eut comme un bruit d’orage, mais le ciel était clair. D’immenses oiseaux tournoyaient dans l’azur, et leur chant était assourdissant. Ils ne ressemblaient pas vraiment à des oiseaux, et pourtant ils volaient. Ils envoyèrent de la fumée grise, une étrange fumée qui faisait tousser et brûlait les yeux. C’était en plein jour mais Nous a eu très sommeil et Nous s’est endormi sur la rive du lac.


Nous n’est plus que cinq. Nous grelotte en permanence malgré les vêtements qu’ils ont donnés, Nous boitille dans les sacs de faux cuir qu’ils appellent chaussures et où ils ont enfermé nos pieds. Nous est encore plus nu que quand Nous était nu parce qu’un vide immense est maintenant dedans et dehors. Nous n’est plus que cinq.
« Je veux bien écrire votre histoire», nous a dit Jean qui a très vite compris qu’on pouvait Penser avec Nous. Il a expliqué à quoi servait l’écriture, à transmettre la mémoire de Nous. Cela nous a semblé moins dangereux que la boîte à voix.
« Nous s’est réveillé enfermé entre des murs de pierre, enfermé dans des habits et dans des chaussures, chacun de Nous seul dans une pièce, même les enfants. La nourriture était mauvaise, l’eau était mauvaise, les odeurs étaient mauvaises. Nous s’est mis en colère, mais les hommes blancs étaient nombreux, ils étaient armés d’épines qui perçaient la peau et après Nous avait sommeil. Les hommes blancs portaient un habit blanc sur d’autres habits tous différents. Ils voulaient que Nous apprenne leur langue, mais Nous n’en avait pas besoin. Ils voulaient nous faire croire que chacun de Nous devait avoir un nom, mais le seul nom possible pour Nous c’était Nous. Ils ont planté des épines dans nos bras, volant le sang de Nous ; mis des fils sur nos têtes, reliés à de grosses boîtes qui faisaient de la lumière et du bruit. Et toujours cet homme qui était venu sur la terre de Nous, qui avait partagé la chasse et le feu, qui avait souri en partant alors qu’il projetait déjà d’enfermer Nous...Et avec lui une femme et un autre homme, commandant tous les autres, toujours à harceler Nous, à tenter de parler la langue de Nous pour mieux imposer leur volonté absurde. C’était de la torture, et Nous ne comprenait pas. Nous tuait les bêtes pour les manger, mais Nous n’avait jamais torturé, ça aurait gâté la viande. Les hommes blancs ne semblaient pas vouloir manger Nous, ce qu’ils faisaient n’avait pas de sens.
Plus les heures passaient, plus c’était un déchirement que de ne plus voir, entendre et toucher les autres membres de Nous. Alors Nous est tombé malade, les enfants d’abord, puis les plus âgés, puis presque tous. Et la mort a emporté l’un après l’autre presque tous les membres de Nous. Et à chaque mort, Nous souffrait, et Nous savait qu’un membre était mort. Enfin, une nuit, ce qui restait de Nous a découvert la Pensée. Nous s’est remis à parler, et Nous n’a plus eu peur. Nous s’est mis à sourire aux hommes blancs, à feindre la soumission et la bonne volonté. La surveillance s’est un peu relâchée, et un soir Nous a pu s’enfuir. Courant d’un même pas dans le jardin autour de la maison en pierre, Nous a rencontré Jean qui venait travailler. Nous avait connu Jean quand il entrait pour laver le sol. Jean avait toujours souri à Nous, et n’avait jamais rien voulu prendre de Nous. Mais ce qui donna le plus confiance à Nous, c’est que quand Nous a hurlé « à l’aide ! » en Pensée, Jean a Pensé à son tour « venez avec moi : je sais où vous cacher ». Et Nous a suivi Jean.
»


L’esprit des morts est en Nous, et c’est ce qui donne à Nous le pouvoir de la Pensée. Pourquoi Jean a-t-il ce même pouvoir, Nous ne le sait pas. Peut-être est-il, lui aussi, le dernier d’un Nous mort.
Les morts ont crié vengeance et Nous s’est vengé. Aucun autre Nous n’aura plus à souffrir de ces trois blancs.
Jean a écrit notre histoire.
Et maintenant Nous ne sait plus quoi faire. Jean dit que Nous devrait revenir sur la terre de Nous, qu’il y a des hommes blancs qui aideraient Nous. Mais à quoi bon ? Nous n’est plus que cinq, et avec deux femmes seulement Nous ne peut pas redevenir comme avant.
Nous va mourir ce soir, dans cette maison abandonnée froide et silencieuse où Nous a trouvé refuge. Jean amène du bois tous les jours et le feu brûle en permanence dans la cheminée. Le feu est le même partout.
Ce n’est pas difficile de mourir. Les mains unies, Nous s’en va lentement. Jean peut garder notre mémoire. Il est le seul homme blanc à avoir compris ce qu’est Nous.
« Vous pensez toujours la même chose, c’est ça ? Et vous êtes toujours d’accord ?
- La main est toujours d’accord avec le pied, non ? Et la bouche ne ferait jamais de mal aux jambes...
»
Le sourire de Jean ressemble au sourire de Nous . Au sourire d’avant, quand Nous était nu et libre. Quand Nous était vivant.




Narwa Roquen, shootée seulement au noir-noisettes
Narwa Roquen, shootée seulement au noir-noisettes

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z653z  Ecrire à z653z

2009-09-13 22:51:13 

 belle signatureDétails
Peut-être pour montrer qu'elles sont plusieurs Narwa. Même si plusieurs n'est certainement pas le bon terme.

88 : le double signe de l'infini...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-09-15 16:22:29 

 Commentaire Maedhros, exercice n°66Détails
Que de nostalgie dans ce texte court et délicieusement poétique, à la gloire – ou à la mémoire ? – d’une communauté qui nous est chère. J’adore cette manière que tu as d’écrire entre les lignes, laissant quelque vague indice abandonné ça et là, comme une lampe posée au bord de la route au bénéfice d’un éventuel vagabond. Et si personne ne passe, tant pis. Le don est oblatif – par essence. Mais si un exilé, un fugitif, un mendiant, un être abandonné sans espoir et sans but, traînant ses pieds fatigués dans la poussière âcre du chemin, si cet humain rejeté de tous au point de se demander ce qui le relie encore à l’humanité, si ce paria trouve ta lampe... Peut-être s’assiéra-t-il auprès, émerveillé de l’aubaine, dans le halo doré riche de protection, de savoir, de chaleur, peut-être s’en saisira-t-il en tremblant, après avoir regardé par-dessus son épaule comme un voleur de pommes, et repartira-t-il joyeux, empli d’un nouveau courage, remercient sa bonne fortune du fond de son coeur las, n’osant même pas imaginer qu’un homme ait pu concevoir de lui faire du bien.
Et toi, tu ne le sauras probablement jamais, mais ça n’a aucune importance. Tu as laissé la porte ouverte à l’Espoir, et l’Espoir a rejailli sur toi, faisant naître sur tes lèvres, au fond des nuits sans lune, un sourire esquissé que personne ne peut comprendre.
Merci.
Narwa Roquen, Istar errante

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-09-17 17:22:46 

 Commentaire Maeglin, exercice n°66Détails
Désolée pour le retard de ce commentaire, je suis un peu au four et au moulin...


Quel texte étrange ! C’est une suite de libres associations autour du « nous », de la philosophie à la littérature, en passant par quelques jeux de mots savoureux, dont le fleuron est cette altérophilie qui m’a mise en joie !
La dernière phrase est bien jolie...
L’ensemble, ma foi, est un brin décousu, mais agréable à lire si on a fait ses humanités... ou si Google est notre ami. Ca manque un peu d’intrigue (ceci est une litote).
Je constate que le « nous » n’a pas déchaîné l’imagination des foules. Peut-être avais-je mal présenté mon affaire, ou peut-être est-ce l’empreinte d’une société individualiste où l’union n’est plus que contractuelle et où les Ego ont triomphé des égaux... Bon, tant pis...
Narwa Roquen, avec mes remerciements à Google, Wikipédia, et autres Encyclopédia universalis...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-09-19 12:56:59 

 Phénouménal !Détails
Bel exercice de style ! Une forme de jeu qui pétille comme un feu d’artifice. J’ai retrouvé cette jubilation oratoire qui habite littéralement « la horde du contrevent », pour moi un ouvrage définitivement culte. Cette façon de réinventer élégamment les mots, jouant avec leurs sonorités et leurs doubles sens, cette fascination du contre appel, le vertige des homophonies, la tentation de la résonance et des allitérations... Oui, c’est assez bluffant et il faut aimer les mots pour leur faire dire ce qu’ils ne sont pas, sans que cela ne ternisse leur harmonie!

Je connais fort mal Husserl l’Aryen et j’ai bataillé un moment pour m’imprégner de son Epoché moniale. Trop allemand pour moi qui me suis nourri à d’autres mamelles, plus au sud, là où la mer se marie comme nulle part ailleurs avec la pierre.

Et puis il y a cette parenthèse qui ouvre et qui ferme ce texte sans l’expliquer. Singulièrement, on y trouve aussi un bateau perdu et un équipage décimé, ne sachant plus très bien si la route empruntée les ramène au port ou les chasse des parages marins! La dernière phrase résume bien l’ensemble. Est-ce la fameuse réduction phénoménologique ?


M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-09-20 19:28:19 

 Daemon ex machinaDétails
Une fine parabole tracée à partir de la notion anthropologique de la conscience collective. En ce sens, la consigne a bien été respectée. Sans inviter Durkheim au débat, ce texte dichotomique présente deux facettes de l’évolution humaine. L’une célèbre la communion intime tant entre les individus d'une communauté qu’avec l’univers qui les entoure, abolissant toute forme de discrimination, un peu à l’instar de ces anciennes civilisations précolombiennes, ces peuples racines dont les indiens Kogis figurent parmi les derniers héritiers. L’autre, la nôtre, est prédatrice jusque dans sa façon d’explorer et d’essayer de comprendre. Le contact entre les deux scellera le sort de la plus fragile qui va disparaître après avoir trouvé néanmoins le moyen de terrasser ses dragons.

J’aime bien la narration au singulier du pluriel, l’absence de précision quant à la situation de ce peuple bien étrange ainsi que la mise en scène du récit, qui alterne réalité et spiritualité. Il y a aussi cette boucle, le second contact, avec Jean qui pourrait passer pour simple d’esprit ou à tout le moins, un être plus frustre aux facultés intellectuelles amoindries qui l’autorisent à être plus réceptif, plus ouvert et ainsi entendre la Pensée. J’ai par contre plus de difficulté à comprendre la froide détermination des survivants à exterminer les trois responsables de leur malheur. N’est-ce pas trop demander à une tribu qui semble avoir vécu paisiblement depuis des temps immémoriaux ? Ou alors ils ont acquis bien vite les plus noirs défauts de la civilisation dominante. Mais c’est une option qui se respecte ceci dit.


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-11-24 16:26:14 

 Exercice 66 : Narwa => CommentaireDétails
Une histoire très intrigante que celle-ci. On comprend facilement que les premiers paragraphes de Nous sont des flash-back. L’exercice avec le pronom "nous" est délicat mais tu t’en sors bien. Les détails du fonctionnement du collectifs ne sont pas précisés. Partagent-ils leurs pensées ? Le fait qu’ils tombent malades et meurent quand ils sont séparés fait basculer la nouvelle vers le fantastique. La Pensée, c’est de la télépathie ? J’ai trouvé curieux qu’ils ne les aient pas poussés à se tuer, ces anthropologues, au lieu d’utiliser des intermédiaires. La fin est bien triste. Y a une chouette ambiance en tous cas.

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-11-24 16:33:29 

 Exercice 66 : Maeglin => CommentaireDétails
Bourré de jeux de mots, ce texte. Et plein d’idées bizarres. La fin tranche fort avec le reste, j’ai trouvé. C’est poétique et joli mais j’ai rien compris. Et j'avoue ne pas avoir eu le courage de faire des recherches sur Google...

Est', et je grignote mon retard, et je grignote...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-11-24 16:37:03 

 Exercice 66 : Maedhros => CommentaireDétails
Ce « nous » est plus classique que les précédents. Pas d’entité multiple ici, pas de calembours. C’est bien écrit mais j’ai pas tout compris et je trouve que ça manque un peu de fin.
Une chtite faute : « nous sommes des dieux qui tirent » : tirons.
Une bonne âme pour m'expliquer ce que j'ai loupé ?

Est', et je grignote...

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