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De : Maedhros Date : Vendredi 14 mai 2010 à 17:37:27 | ||
a short story... CA S’EN VA ET CA REVIENT La porte a claqué. Elle est partie. Je sors sur le balcon qui surplombe la rue. Juste à temps pour l’apercevoir surgir de l’immeuble et remonter le trottoir vers la bouche de métro. Elle marque un temps d’arrêt mais ne se retourne pas. Je pourrais encore l’appeler. La retenir. La rejoindre et reconnaître que cela n’en vaut pas la peine. Je laisse mourir cet instant unique où tout aurait été différent. Possible. Sans l’ombre d’un regret. Comme d’habitude. A quoi bon? C’est trop mièvre, digne d’une histoire à l’eau de rose. Les histoires d’amour finissent mal. Je ne cesse de le vérifier. Encore et encore. Le monde ne s’arrête pas. Le ciel ne s’est pas ouvert et la foudre ne m’a pas frappé en plein coeur. Elle a disparu quand je reporte mes regards vers l’endroit où elle se tenait. Engloutie. Enterrée. Il n’y a pas eu de crise, pas eu de cris. Une banale histoire s’est achevée. Une histoire comme il s’en est écrit des milliers. Et comme il s’en écrira encore beaucoup plus. Il fait presque beau en cet après-midi de mai et Paris demeure la plus belle ville du monde. J’aime cette ville. La façon dont elle traverse les époques sans se perdre ni se renier. Je laisse glisser mes regards vers le fleuve qui scintille sous le pont et les vers d’Apollinaire me reviennent en mémoire : Ni temps passé Ni les amours reviennent Les statues contemplent l’onde qui fuit sous les arches. Je connais leur secret mais le tairai à tout jamais. Elle est partie. Je la reverrai. Je les revois toutes. C’est une malédiction. Pour moi. Pas pour les autres non. Mon coeur espère mais ma raison désespère. Elles se ressemblent tellement. Comme les images successives d’un folioscope. Mais il manque toujours un détail, un insignifiant détail qui jette une ombre sur le tableau, qui me fait immédiatement comprendre que je me suis encore trompé. Oh, pas grand chose. Presque rien. Mais cela fait toute la différence et corrompt l’accord parfait. Ce n’est pas elle. Alors inévitablement, je suis aspiré dans une spirale infernale qui me conduit vers la même et tragique fin. Une fin qui se répète inlassablement. Il n’y a pas de bonne façon de mettre un terme à une histoire d’amour. Ceux qui vous racontent le contraire sont des bonimenteurs. J’ai l’expérience. Une très longue et éprouvante expérience. A présent, ce n’est plus douloureux, juste malaisé. Des approches et des évitements, des phrases en guise de balises et des gestes très légèrement décalés. Un processus irrésistible et infaillible au résultat assuré. Les premières fois, cela fait mal. La douleur est un moyen confortable de se pardonner. J’ai souffert alors cela veut dire que j’ai payé le prix. C’est aussi une illusion. Une forfaiture. Une trahison. Car elles ignorent ce que je sais. Elles ne me reconnaissent pas, contrairement à moi. Cela me confère un avantage déloyal. Je suis conscient de ce qui m’arrive mais je ne parviens pas à m’évader du monde du désir. Telle est ma malédiction. Alors je laisse dans mon dos la porte-fenêtre grande ouverte et j’enjambe sans hésiter la balustrade. Je reviendrai. L'enfer est fait de tous petits riens. M Ce message a été lu 6942 fois | ||
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