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De : shaana  Ecrire à shaana
Date : Mercredi 30 juin 2010 à 14:13:26
Après réflexion, je ne suis pas certaine d'avoir suivi la consigne ... A vous de voir
_________________________________________

DEUX ENFANTS ET TROIS SECRETS

Il était une fois une gentille petite fille du nom d’Emma. Emma avait douze ans et habitait dans le Lyon de 1943. Elle était élevée par son oncle depuis que ses parents avaient péri dans un tragique accident de voiture il y avait presque cinq ans.

Emma disait peu les choses, le souvenir des tôles entrechoquées la hantait encore et vivre avec son oncle, un hombre sombre et mystérieux, ne facilitait guère l’épanouissement de l’enfant. Emma se sentait malaimée.

Emma allait à l’école de son quartier où elle suivait les cours du certificat d’étude avec difficulté : les lettres et les chiffres se mélangeaient dans sa tête. La petite fille se sentait idiote : les zéros pointés qu’elle récoltait à foison avait fait d’elle la risée de sa classe et une source de dédain supplémentaire pour son oncle. Elle restait donc, à longueur de récréations, à dessiner car Emma, digne fille d’artistes-peintres, savaient transformer ses rêves sur le papier et sa vie morne, en vie de princesse.

Mais un jour, l’institutrice indique la chaise voisine à celle d’Emma, celle qu’aucun élève de la classe ne voulait occuper, à un nouveau venu. Le petit garçon s’appelait Jean Marchand et venait d’arriver de Besançon. Emma l’observa à la dérobée. Plutôt menu, il semblait l’élève sérieux par excellence : de fins cheveux blonds coupés au carré, des crayons de bois taillés au plus fin, des pantalons courts aux plis impeccables, Jean semblait être l’archétype de l’élève modèle. Emma se doutait bien que le blondinet allait se presser, comme les autres élèves, vers la sortie de la classe pour aller en récréation.

Mais il n’en fut rien. Jean, à la grande surprise d’Emma, fit tout juste comme elle : ouvrir un cahier à spirales. Si dans celui d’Emma volaient des oiseaux multicolores et couraient des animaux fantastiques, celui de Jean était couvert de mots, de phrases, d’aventures.

Leurs yeux se croisèrent simplement, leur amitié naquit à la lumière d’un sourire complice.

Emma dessinait, Jean écrivait. Puis l’un des oiseaux d’Emma vint taquiner le point d’un i. Ce fut le début de chevauchées communes, portées par la magie d’une créativité grandissante. Parfois, un des dragons s’échappait de la page et venait ranimer le charbon du poêle de son souffle. Parfois encore, des lutins facétieux remplissaient les cahiers de commentaires fantaisistes, tels que “devrait s’arrêter de s’habiller comme le roi Dagobert” ou “Attention, danger! A la dentition d’un crocodile!” Heureusement, les phrases, comme ces êtres d’imagination, s’évanouissaient lorsque l’institutrice faisait rentrer les élèves en classe. Jean et Emma avaient tout juste le temps de ranger leurs cahiers à spirales dans leurs cartables noirs, en essayant de ne pas pouffer de rire.

Jean et Emma étaient heureux, heureux alors que la guerre et sa stupidité faisait rage autour d’eux. Mais Emma avait quand même un doute et elle se devait de demander quelque chose à Jean.
-- “Jean, es-tu mon ami ?”
Jean la regarda, surpris.
-- “Oui, Emma, je suis ton ami. Et pour te le prouver, je vais te dire quelque chose qu’il ne faudra surtout pas répéter à qui que ce soit. Je ne m’appelle pas Jean. Mon nom, c’est Samuel, Samuel Rosenberg. C’est mon secret.”

Le petit garçon expliqua tout à une Emma si absorbée par le récit de son ami qu’elle ne remarqua pas que sa meilleure ennemie, Rose, avait tout entendu de sa place trop proche.

Emma rentra chez elle pour découvrir que Rose avait piqué la curiosité de son oncle à vif : elle tomba, en effet, sur son minois tout frais alors que cette dernière sortait du bureau de son oncle. Emma se rappela que les roses appartenaient à la même famille que les ronces lorsqu’elle aperçut le regard vicieux de Rose posé sur elle.

Son instinct lui disait que la mort rodait et qu’elle frapperait bientôt. Elle se pencha pour regarder par le trou de la serrure et elle vit son oncle au téléphone.
-- “Oui, c’est ça, Herr colone, ya ... Ro-sen-berg.” Il raccrocha, alluma une cigarette. Puis, Emma le vit prendre un verre de vin italien, puis deux, puis trois. Il commençait à tanguer, se balançant d’un pied sur l’autre, au rythme de “Mein Berlin, oh, Mein Berlin”.

Emma ne comprenait pas. Elle le vit sortir un cadre qu’elle connaissait bien du tiroir de son bureau : la photo de ses parents, le jour de leur mariage. La première fois qu’Emma avait vu la photo dans le tiroir, elle fit une chose incroyable, poussée par un besoin irrépressible de savoir : elle avait osé demander à son oncle pourquoi il la mettait là. Il lui avait froidement répondu, comme il en avait l’habitude, que cela lui faisait trop mal de la voir.

Son oncle regarda longuement la photo, puis se mit à la lécher et dit : “Ca a pas de goût les bolchéviks.” Il jeta ensuite le cadre à terre, défit son pantalon et urina dessus en hurlant : “Putain! Ca me fait presque autant de bien quand je vous ai fait buter!”

Emma recula, pleine d’horreur : c’était là son secret.

Emma courait à perdre haleine sur les pavés, Emma devait sauver Jean, Samuel, tous les Rosenberg, les oiseaux, les dragons et les cahiers à spirales. Elle connaissait tous les raccourcis, les ruelles et les ruisseaux qui mouillaient les chaussettes mais qui permettaient de ne pas arriver trop en retard à l’école. Ces chemins de traverse, les voitures de police ne pouvaient pas les prendre. Elle trouva les Rosenberg, le père, la mère et Samuel en train de diner. Elle n’avait jamais eu les idées aussi claires et savait déjà où les emmener.

Elle s’appelait Morgane et tenait la librairie du quartier. Emma l’avait rencontrée un jour où une pluie diluvienne l’avait obligée à se réfugier sous le premier porche venu. Le porche juxtaposait une vitrine où s’étalaient des livres d’art. Emma en avait oublié la pluie et n’avait pas vu le soleil renaître derrière les nuages : elle avait fui dans ce paysage anglais, puis s’était perdue dans les cubes de cette autre peinture.

Morgane l’avait invitée dans sa boutique en lui offrant une tasse de chocolat chaud, un miracle par ces temps de restriction. Sans devenir vraiment amies, la femme mûre et élégante qu’était Morgane semblait comprendre la petite.

Morgane dénichait toujours de nouveaux trésors pour Emma qui lui rendait souvent visite : des estampes japonaises, des affiches publicitaires pour la compagnie de chemin de fer ou des reproductions de peintures rupestres. Elles se souriaient, se faisaient confiance et cela suffisait.

Pourtant, Emma ne lui avait jamais autant parlé que cette après-midi-là lorsqu’elle lui présenta Jean et sa famille. Tandis qu’elle lui révélait l’horreur de ses découvertes, Morgane observait tour à tour ces innocents qu’on lui amenait. Son examen achevé, son regard tomba sur le cahier à spirales que Jean tenait à bout de bras, le seul objet qu’il ait eu le temps d’emporter dans sa fuite.

“Puis-je voir ?” Son doigt manucuré feuilletait les pages. On n’entendait que le bruissement des feuillets. Parfois, lorsqu’un oiseau s’échappait d’une page, Morgane souriait doucement.

Tout en continuant à feuilleter, elle se dirigea l’air de rien vers une grande table de chêne rouge. Le cahier y fut posé et ouvert en grand sur une aventure africaine du crû de Samuel et richement illustrée par Emma.

“Voilà! Il est temps de partir pour vous ... et pour Emma de retrouver une famille.” Morgane amena un par un les Rosenberg au-dessus du cahier pour qu’ils puissent plonger plus aisément dans les hautes herbes de la savane. Samuel, quant à lui, sauta bravement sur le dos d’un rhinocéros savant et Emma fut enlevée sur les ailes d’un ibis géant sorti faire un tour dans la librairie.

Morgane ferma le cahier à spirales, examina ses mains et sourit. “Quel est l’idiot qui a dit qu’ils devaient sûrement être crochus ?!” Cette libraire avait encore un peu de magie incandescente au bout des doigts.

Sorcière ou fée ? Ca, cela devrait rester son secret.
Shaana (qui a VRAIMENT du mal à tenir les délais)


  
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Réponses à ce message :
3 Jumanji - Maedhros (Dim 10 oct 2010 à 10:54)
3 Exercice 78 : Shaana => Commentaire - Estellanara (Jeu 26 aou 2010 à 17:14)
3 autres détails - z653z (Jeu 15 jul 2010 à 17:56)
3 Commentaire Shaana,exercice n°78 - Narwa Roquen (Dim 4 jul 2010 à 22:00)


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