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De : Netra Page web : http://terredelune.eu Date : Mercredi 30 mars 2011 à 12:37:22 | ||
Ce texte est la suite (encore plus longue) de Nouvelle Lune. Il raconte le Passage de Lou, forcément, ça c'est pas un scoop. Ceci dit entre la fin de la WA 83 et ce texte-ci, il s'est passé une vingtaine de jours durant lesquels elle a découvert que son croc était une excellente arme anti-vampires, et beaucoup d'autres choses qui les ont finalement amenés à Paris. C'est là que commence l'histoire. Érik est l'ange gardien et Sigismund, que Lou appelle Sig', est un jeune vampire qui, bien qu'il soit passablement cinglé, leur a donné un certain nombre d'informations. Dernière chasse, première chasse Histoires de savons - Lou ? - Laisse-moi tranquille ! C'est pas la peine, je le sais bien. Mael n'est pas du genre à se démonter pour des râleries. Il va trouver le moyen de m'obliger à aller à l'étuve, rien que parce qu'il est plus fort que moi, et de convaincre une servante bien trop gentille de démêler mes cheveux en me faisant très mal et de m'habiller avec une de ces robes pas pratiques dans lesquelles je me prends les pieds à tous les coups. Après, je devrais encore suivre damoiselle Hildegarde je sais pas où, en ne l'ouvrant que pour lui signaler qu'elle a encore la tête en l'air et qu'elle n'a même pas entendu ce qui se murmure autour d'elle, et en n'ayant en remerciement que de méchantes réflexions sur mon odeur ou mes vêtements. Pendant le voyage, elle m'a à peu près appris à me tenir dans une cour, ce qui signifie ne pas parler sauf pour saluer les gens qui sont d'un rang supérieur au mien. - Et pour ceux qui sont d'un rang moindre ? - Y'a pas, avait tranché damoiselle Hildegarde. Ça, au moins, c'était dit. Y'a qu'à moi qu'elle cause comme ça, même Mael a droit à un langage un peu plus relevé. Pourquoi personne veut jamais m'adresser la parole normalement ? Je suis pas un chien, que je sache ?! Seul Bartholomey me parlait comme à une humaine, et il est mort maintenant. N'empêche qu'Hildegarde, elle me délègue sans vergogne le rôle que ses yeux et ses oreilles devraient tenir... Je veux plus. D'abord, je déteste cet endroit. On est depuis trois jours dans cette grande ville tout en pierres, sale, puante, où tout le monde se marche dessus et où il n'y a nulle part où trouver à manger sans qu'on vous y demande des sous. Et moi j'ai pas de sous, donc je me retrouve encore à dépendre de damoiselle Hildegarde. Et comme Érik ne m'a pas laissée rentrer à l'ermitage, je suis forcée de suivre ses histoires. Ensuite, j'ai plus le droit de rien faire à part attendre, cloîtrée dans les appartements qu'on a donnés à damoiselle Hildegarde, que tout le monde ait statué de son sort, ainsi que de celui de Mael et du mien, dans lequel nous n'avons tous deux plus rien à dire. Remarque, moi j'ai l'habitude d'occuper le dernier rang de la société, ça fait cinq ans que c'est le cas. On peut toujours considérer ça comme un mieux... Enfin, il y a le coup du corps de Bartholomey qui n'est plus dans la cabane qu'on jurerait qu'il s'est envolé, et que je ne peux dire à personne à part Érik, qui pour le moment est complètement inaccessible. Donc je suis triste, frustrée et fâchée, et Mael a intérêt à ne pas trop m'embêter sinon je vais devenir méchante. - Lou, sois raisonnable... Aucune envie. Je reste où je suis, assise sur le banc de la fenêtre, les cuisses contre la poitrine et la tête sur l'épaule pour pouvoir regarder dehors tranquille. Et si tu te figures, Mael, que je vais me tourner pour te voir, tu te fourres le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate. T'as peut-être peur de ce qui va se passer cette nuit, mais moi pas, alors c'est pas la peine d'essayer de te trouver un passe-temps et un passe-nerfs en me collant au bain pour la troisième fois du mois. Je sers déjà de joujou à Érik, Hildegarde, et heureusement que le prévôt de Dinan et Sig' sont à au moins dix fois vingt milles d'ici ! Alors tu vas pas t'y mettre toi aussi ! - Messire Érik ne va pas aimer ça. Pendant que tu iras à l'étuve, je demande qu'on te lave tes vêtements, ils seront secs ce soir et tu pourras les remettre. Cause toujours. En plus Érik il s'en fout pas mal que je sente la bestiole, tout comme il se fout que je serve d'animal de compagnie à une damoiselle capricieuse et bornée. - Ma petite Lou, si tu continues comme ça, ça va pas le faire ! - Gné ? Aïe. Pas tout compris mais mauvais présage. Très mauvais présage. - Lève-toi et viens avec moi à l'étuve. Tu te saliras autant que tu veux demain pour retrouver ton odeur naturelle de marcassin fangeux, mais d'ici là... - Hya ! Il m'attrape par le col de mon gilet en lapin un poil avant que j'essaie d'esquiver. Je me débats comme une diablotine, mais il est plus fort que moi et vu que je suis 'luquette, il me décolle les pieds du sol pour que je me calme. Sensation que, d'ailleurs, je déteste. Je fais semblant d'arrêter, pour qu'il me repose et que je puisse en profiter pour m'esbigner, mais il me grille et me coince sous son bras. Raté... Je ressors de l'étuve le visage récuré, le corps étrillé, la peau irritée, les cheveux tiraillés en une tresse trop tendue et habillée avec une robe pas pratique et trop longue dans laquelle je me prends les pieds, pieds d'ailleurs à présent chaussés d'une paire de bottines exiguës dans lesquelles ils ruent pour se libérer. J'ai réussi à échapper à une servante beaucoup trop zélée qui voulait me faire des macarons en la mordant bien fort à l'avant bras, pour la convaincre de laisser sa copine s'occuper de mon cas et surtout d'une coiffure simple et pratique. Maintenant je pue le savon à dix lieues, c'est une horreur, j'ai l'impression de sentir comme damoiselle Hildegarde. Mael, lui, a l'air un peu plus calme que tout à l'heure, comme si donner des ordres et des indications aux servantes l'avait détendu, mais il a tenu parole : quand je rentre, mes vêtements sèchent au soleil du printemps. Ça m'ennuie, ils auront perdu l'odeur de la forêt. Il n'y a qu'une seule personne que mon odeur de forêt n'incommode pas, c'est Érik, et si j'ai bien compris il n'est pas tout puissant ici comme il l'est dans les bois environnant Dinan. Ça fait un peu bizarre d'ailleurs. Érik m'a toujours protégée, même s'il m'a aussi longtemps collé la chair de poule. J'ai l'impression qu'ici si je suis en danger ça ne sera pas pareil, on n'est pas chez nous, lui et moi. Donc soit je me tiens à carreau et je fais ce qu'il attend de moi, soit il me re-colle une triple cicatrice plein dos comme la dernière fois. Tu parles d'un ange gardien ! Je rentre dans les appartements qu'on a prêté à damoiselle Hildegarde. En tout et pour tout c'est une chambre avec un petit salon, seule pièce où elle nous tolère, Mael et moi. Tous ces jours-ci, je suis allée dormir dans l'écurie, j'y suis mieux qu'ici. Le gars est plus dévoué, il a dormi sur une paillasse qu'il planque le jour dans l'un des deux coffres de la pièce. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup de bancs, de coffres et de chaises ici, et même des coussins, un fauteuil (mais il est pour la damoiselle, je l'aurais essayé si ça n'avait pas impliqué une sacrée rossée...) et des tapis et des tapisseries dont une sur laquelle il y a une femme à l'air très douce, habillée comme Hildegarde. En plus, il y a les deux servantes (celle que j'ai mordue et celle qui est gentille) et un page à sa disposition, là ils sont tous dans la chambre et je crois qu'elle est en train de se faire belle. Je suis mal à l'aise ici, j'ai jamais vécu dans un endroit aussi meublé, décoré et riche. La damoiselle par contre a trouvé ça « modeste ». Bizarre. Mais elle a pas demandé plus, parce que Sig nous a bien fait comprendre que tout ce qu'on demandait, on aurait à le payer par un service ou autre chose. L'avantage, c'est que je crois que personne ne me fera payer la paille de l'écurie, celle que je partage avec les chevaux. Je m'assois talons contre les fesses sur le banc des domestiques, à côté de Mael, qui polit son épée en silence, et je commence à écrire mon alphabet sur le dos de mon pied avec mon croc en bougonnant. Ça ne lui plait pas, évidement. Peut pas me laisser tranquille ? - Arrête de geindre tout de suite si tu veux pas t'en prendre une, compris ? T'as plus de chance que nous. J'aime pas qu'on menace de me frapper. Quand j'ai fait une bêtise à la rigueur, mais là j'ai rien fait, je révise mon alphabet, et voilà qu'il m'agresse, méchant ! - Pardon ? - De nous trois, tu es la seule à connaître ton... Comment disait messire Sigismund ? Ton Sire. - Mon Père. - Érik sera sans doute un père pour toi, du moins jusqu'à ce que tu saches te débrouiller toute seule, mais damoiselle Hildegarde et moi... - Sig' a dit qu'ils étaient supérieurs à Érik, j'y ai demandé. - Peut-être, mais nous ne les avons jamais vu. Nous ne parlons pas des convives d'un repas de noces, Lou, mais de notre mort, au cas où tu l'aurais oublié. Et l'autre chose que tu sembles avoir oublié, c'est que nous sommes chrétiens ! Serons-nous punis pour avoir choisi cette voie ? Est-ce l'oeuvre de Dieu ou les tentations du Diable qui nous ont poussé à accepter ce pacte ? Je ne sais même pas qui sera mon Sire, et damoiselle Hildegarde non plus. Alors que tu connais Érik depuis longtemps et qu'il a déjà fait beaucoup pour toi. - Beaucoup tu parles ! Il me castagne pour des raisons que je comprends même pas et ne répond jamais quand je lui pose une question qui l'ennuie ! - C'est moi que tu ennuies pour le moment, Lou. Ça, c'est l'entrée de damoiselle Hildegarde. Elle a mis une robe tellement magnifique que je savais même pas que ça existait, et elle elle a pas échappé aux macarons, mais sur elle c'est beau, noble, élégant... Elle a choisi un rouge de vin fort, qui tranche avec sa peau blanche, et elle s'est même maquillée. À croire qu'elle va vraiment à une noce... - Mael, si tu es si pressé de connaître ton Sire, tu seras bientôt fixé : le soir tombe. Je crains qu'il ne soit trop tard pour avoir peur de la damnation. Du damoiselle Hildegarde tout craché. Tranquille, paisible, on devinerait pas qu'elle va se faire tuer ce soir... Elle a été beaucoup plus choquée par la perte de son château qu'elle ne semble l'être par la perte de sa vie. Elle a même pas les foies, ou alors elle se croit toute-puissante. Je les laisse causer de choses de riches et je vais chercher mes vêtements, qui sont secs. Je retrouve avec délice ma jupe en lambeaux si légère, ma chemise de haillons qui me laisse libre de mes mouvements et surtout, surtout mon très cher et adoré gilet en peau de lapin que j'ai mis tout un automne à faire, pour tanner et coudre les peaux ensemble sur deux couches chaudes et douces. Il descend délicieusement jusqu'à mes cuisses comme je ferme ma ceinture, que Mael appelle ironiquement mon lacet, parce que j'ai pas de boucle donc je fais un noeud. J'abandonne aussi les bottines. Même si la pierre du sol est froide et dure sous mes pieds, rien à voir avec la chaleur moelleuse des sous-bois, je suis plus à l'aise les orteils à l'air. Je retourne avec Mael et la damoiselle. Ils ont changé de sujet, ça jacte de la foire de Lehon. Une idée à Mael, ça. Faire une foire pour réunir de l'argent pour reconstruire l'église. Ils veulent la faire en pierre, je crois qu'ils regrettent un peu celle en bois que j'ai brûlée. Enfin ça ils sont les seuls à le savoir. En fait je leur aurais pas dit si j'avais pas été obligée. Mais quand la damoiselle s'est emportée et a failli jurer de pendre celui qui avait allumé l'incendie, j'ai dû l'en empêcher, parce qu'elle aurait fini par savoir. Érik aurait pas vendu, mais Abélard a survécu et lui, il se serait pas gêné. Surtout s'il avait eu vent du serment qu'elle a failli faire ! Enfin maintenant ça fait cinq personnes en plus de moi au courant, dont deux susceptibles de vendre la mèche. Sauf que d'ici deux ou trois heures, ça n'aura plus d'importance : Érik sera devenu mon père. Netra, première session d'enregistrements J-19 Ce message a été lu 7724 fois | ||
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