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De : Estellanara  Ecrire à Estellanara
Page web : http://estellanara.deviantart.com/
Date : Mercredi 24 aout 2011 à 09:39:28
Un peu de temps libre et je fais un passage parmi vous. J’espère que vous allez tous bien. Je pense bien à vous malgré mon peu de présence.
J’ai fait un rêve étrange il y a quelques semaines et j’ai eu envie de l’écrire. J’aurais souhaité en faire un poème mais je suis trop mauvaise pour écrire des vers... Il n’y a pas vraiment d’histoire, juste des impressions.




Je pars avec eux







Ma place n'est plus ici. Je m'en vais, ma toute belle. Pourras-tu me pardonner ? Ma plume court en silence sur le vélin. La nuit est tombée sur la ville. Je n'ai jamais vraiment appartenu à ce monde. Ce soir, je l'abandonne. Je t’abandonne.
Je pars avec eux.

Adieu, ma soeur bien-aimée, ma tourterelle. J’ai pris ma décision. Ce soir, je sortirai et, quand la Cohorte passera, je me joindrai à elle. Je marcherai enfin parmi les miens. Ce soir, j’accepte ma vraie nature. Depuis que je suis née, on m’a appris à les craindre, à les haïr. «Ferme bien les volets quand le Voile s’effiloche.» «Ne sors pas dans les rues à la lumière de la Lune Ombreuse.» «Ne les regarde pas passer sinon ils t’emporteront.» Je les ai regardés, ma toute belle. J’ai vu leur étrange et fantastique beauté. A chaque fois, j’ai écarté les planches de bois et je les ai contemplés en secret, prudemment, du coin de l’oeil, sans m’attarder sur aucun d’entre eux. Je les connais. Ils sont moi. Je l’ai toujours su mais je ne voulais pas te laisser. J’ai longtemps hésité. Jusqu’à ce soir.
Je pars avec eux.

Je les entends. Encore une fois, le Voile se déchire et nos deux mondes se rapprochent, se mêlent. Ils ont franchi les portes de la ville. La Cohorte arrive ! J’entends sa musique, baroque et saugrenue, les éclats de silence, l’harmonie d’un désordre joyeux. Ne peux-tu l’entendre dans ton sommeil tranquille ? Ils chantent et leurs voix sont d’eau et de ténèbres. Ils jouent et leurs notes explosent et se figent et caressent mon coeur. Bientôt, mon chant se mêlera aux leurs. Ah ! que ces derniers instants d’attente me semblent longs ! Pardon, ma soeur adorée, j’ai hâte de quitter cette maison, de te quitter. Les larmes ruissellent sur mon sourire radieux et viennent tâcher mes derniers mots. Tu es forte. Tu survivras sans moi. Je ne manquerai à nul autre. Maman me hait depuis le premier jour. Je hurlais, couverte de sang et de fluides, je cherchais son sein mais elle a vu la marque sur mon épaule. Quand aux autres, ils me craignent et se signent sur mon passage. Je n'ai jamais vraiment appartenu à ce monde. Mon vrai peuple approche, dans la lumière de la Lune Ombreuse.
Je pars avec eux.

Des volets claquent, des clés tournent précipitamment, on mouche les chandelles. Cachez-vous, honnêtes gens, car la Cohorte arrive ! Tremblez, fermez les yeux ! Leur regard peut vous envouter, vous subjuguer, et vous persuader de les suivre. Ils approchent. A leur tête, je le sais, marche un enfant infiniment vieux. Sa peau est lisse comme le tronc d’un arbre et ses yeux brillent comme nuages d’orage. Il tient une lumière magique qui projette des étincelles de bronze et d’ambre. Tant de fois, je l’ai contemplé ! Qu’il me tarde donc de le suivre ! Derrière lui avance un être aussi gigantesque que le temps, aussi doux que la solitude, aussi terrifiant que la vie elle-même. A sa gauche, clopine toujours cet autre aux membres de fumée. Sa main qui n’en est pas une brandit un flambeau à l’éclat d’encre. Ils avancent, troupe formidable, mosaïque d’êtres splendides et biscornus, irradiant de magie. Je suis l’une d’eux. Ma soeur, toi seule connais mon pouvoir. Toi seule as vu les fleurs de lumière sucrée et entendu le discours des chats. Je ne veux plus me cacher. Je sais que tu comprends, ma toute belle, ma tourterelle. Ta main n’a que cinq doigts et le lait n’a jamais tourné sur ton passage. Mais je sais que tu comprends. Me pardonneras-tu ?
Je pars avec eux.

Je les sens dans mes os ; ils sont dans l’air que j’inspire. Ils sont moi. Je l’ai toujours su. Tant de fois, je les ai vus passer. Tant de fois, j’ai résisté à l’impulsion de les suivre. Pour toi, ma soeur bien-aimée. Ce monde de haine et de peur, ce monde de froid et de douleur, de gris, d’ennui, de désespérance... ce monde n’est pas le mien. Ce soir, je l'abandonne. Je t’abandonne. Lorsque le Voile se reformera, lorsque nos deux mondes se sépareront, alors tu seras seule. Penseras-tu à moi ? Me haïras-tu ? Et lorsque reviendra la Lune Ombreuse, me guetteras-tu par la fenêtre ? Ils sont là à présent. Ils passent devant notre porte ouverte. Ma toute belle, tu dors innocemment, notre mère tremble et se recroqueville sous les draps et moi, je les regarde enfin librement. Ils avancent, tous à leur manière singulière, flottant, glissant, tombant, vibrant... Ils sont environnés de lumières aux couleurs indéfinissables, inconnues de ce monde. Il y a dans leurs rangs des êtres à tête de pluie et à queue de phénix, des monstres superbes et des dryades inquiétantes. Une femme à neuf bras, belle comme le poison, ondule une danse immobile. Une chimère translucide, le corps caché sous une toge de cendre, exhale des parfums tranchants. Il est temps.
Je pars avec eux.

Adieu, ma soeur, ma tourterelle. Je lâche la plume et je sors dans la rue. Je me mêle à la Cohorte. Enfin... enfin ! Un sphinx sans visage se retourne et me sourit. Une créature aux cheveux de foudre et aux yeux de brume prend ma main et la serre doucement. Je suis chez moi.

Estellanara, a ghost in the shell


  
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Réponses à ce message :
z653z  Ecrire à z653z

2011-09-01 15:37:24 

 originalDétails
Il y a juste la fin au présent qui me gêne un peu vu qu'elle est sortie de la maison et qu'elle ne peut plus écrire (à moins qu'elle commande aux objets). Je l'aurais mise au futur.
Sinon, les répétitions sont comme la musique d'une marche où le même thème se répète (pas sûr que ça plaise à tout le monde).
Par contre, c'est assez bizarre comme rêve, les miens sont terriblement terre à terre (peut-être le surmoi).
C'est court et efficace avec une agréable petite musique/ambiance de fond.

Ce message a été lu 7306 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-09-02 14:09:24 

 Merci pour ta lecture !Détails
Contente que ça t'aie plu ! Ben, en fait, c'est pas la lettre mais les pensées du personnage qu'on suit... Chais pas trop comment corriger le problème, du coup.
Ben moi, je fais souvent des rêves hyper bizarres... J'en ai encore trois à écrire si je trouve le temps.

Est', bradeuse déchainée.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-09-03 22:07:33 

 Commentaire Estellanara, exercice n°95Détails
Excellent! C'est rythmé, poétique, imaginatif. Il n'y a pas d'histoire mais c'est l'histoire d'une vie, le tournant d'une vie. Irréprochable. Juste la bricole d'un ^ sur envoûter. C'est cohérent, riche, techniquement très bien maîtrisé.
Un exercice très réussi. Un exercice.
Et si tu allais plus loin? Plus loin que ces exercices scolaires qui à ton niveau sont un jeu d'enfant... C'est une introduction parfaite pour une histoire plus longue. Elle part, elle revient, et qui sait, elle pourrait sauver sa soeur d'un danger quelconque... Mais c'est à toi d'écrire l'intrigue...
Je suis ravie que tu te souviennes de nous et te lire est toujours un bonheur. Mais j'ai envie de hurler à la lune devant tant de talent si peu exploité!
Alors haïs moi, insulte moi, maudis moi... mais écris!
Narwa Roquen,résolument odieuse et consciente de l'être

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-09-04 12:29:22 

 Va, je ne te hais point. (^-^)Détails
Rhooo merci... *rougit* Merci pour ta lecture et pour ta critique.
Ah, c'est que je ne prends pas le temps d'écrire des choses longues... Et puis, je ne sais pas, je m'y sens moins à l'aise. Et je ne suis pas sûre du tout, de mon côté, d'avoir le moindre talent à exploiter...
Et puis, j'aime le côté percutant des nouvelles. Et leur brièveté me permet de les finir. J'ai plusieurs textes longs en cours depuis de longues années, jamais finis. J'ai beaucoup de mal à m'astreindre sur la durée, de façon régulière, ce qui fait que j'abandonne les textes. Puis, quand je les reprends, mon style a changé ou le début ne me plait plus... Je songe à me ménager, un jour, une vraie plage de temps pour écrire avec régularité. Si je le fais, vous serez les premiers à me lire !!
Oh mais je ne vous oublie jamais ! Je passe régulièrement en fantôme, sans poster, pour voir qui parle.
Hihihi ! Mais je ne te hais pas du tout et je suis quelqun de très poli (quoique...) ! J'ai commencé quelque chose pour le 94; j'espère pouvoir le publier.

Encore merci pour ton avis !
Est', a ghost in the shell.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-09-04 17:39:46 

 Song from HamelinDétails
Je joindrai mes voeux à ceux de Narwa afin que tu puisses trouver le temps de baguenauder dans les chemins de traverse des WA. Chaque fois que tu postes une contribution, une jolie musique se fait entendre, une petite mélodie bien agréable à l’oreille et ce n’est pas ce récit qui scintille d’une douce lumière cendrée qui me démentira.

J’ai beaucoup apprécié la construction, toute en retenue, en demi-jour, qui effleure les choses plutôt qu’elle ne s’y attarde au risque de briser la magie qui se dégage de ce long poème en prose. Il y a de belles choses qui murmurent entre les lignes. Le regret indicible de l’adieu et l’attraction magnétique de l’inconnu. La Cohorte, des mondes (ou des univers !) qui se rapprochent le temps d’une procession, le mystère et la séduction, l’altéralité puisque j’ai compris que l’héroïne est différente.

J’aime aussi le rythme qui emprunte aux anciennes psalmodies, avec les répétitions qui battent la mesure et équilibrent l’ensemble. Le style est fluide et impeccable. Les images sont délicates et dégagent un charme singulier.

Epistolaires ou parlés, ces adieux en forme de délivrance illustrent de la plus belle des manières ton talent. Bienvenue parmi les tiens.


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-09-05 11:31:34 

 Merci, vraiment (^-^")Détails
Je suis ravie que tu apprécies mon modeste texte... Faut me dire les trucs qui vont pas, aussi, pour que je m'améliore ! C'est bien agréable de repasser par ici, n'empêche.

Est', a ghost in the shell.

PS : j'y ai pensé aussi, en me relisant, au joueur de flûte.

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