Version Flash ?

Messages FaeriumForum
 Ajouter un message Retour au forum 
 Rechercher un message Statistiques 
 Derniers messages Login :  S'inscrire !Aide du forum 
 Afficher l'arborescence Mot de passe : Administration
Commentaires
    Se souvenir de moi
Admin Forum 
 Derniers commentaires Admin Commentaires 

 WA n°97, participation, première partie Voir la page du message Afficher le message parent
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Dimanche 25 septembre 2011 à 23:10:28
LA COUPE DES SEPT MONDES




« Alors, Coach, des nouvelles ?
- Oui. Il est forfait.
- Evidemment ! Ces Zolpidiens, tous des paresseux, des lâches, des bouffeurs de salade ! Je te l’avais dit, un gars du nord, ça ne va jamais au bout !
- Il a une double fracture de la mâchoire, Président. Comment veux-tu qu’il Souffle dans cet état ?
- Mais c’est le Multiversal ! Notre Multiversal, chez nous ! Je n’ai pas envie d’attendre encore sept ans pour remporter la Coupe !
- Les Soigneurs font ce qu’ils peuvent, mais il en a au moins pour trois semaines. Et Manikos pense... qu’il ne Soufflera plus jamais... en tout cas, à un niveau planétaire...
- Nous sommes maudits ! Mais qu’allait–il faire aussi dans cet escalier ?
- Il descendait du secrétariat, Président. Il était allé saluer Ariténa, poliment, et il a glissé.
- Poliment ? Tu parles bien d’Exythron ?
- Tout à fait, tout à fait... »
Le Coach Novetz prit son air le plus angélique.
« Bon », maugréa Boudjellak, « tu vas me faire monter un gars du Centre de Formation. Ce petit Doussentos, par exemple...
- Doussainx ? Bof...
- Quoi, bof ?
- Il est prometteur... Mais son dragon n’est pas stable, il ne tient que trente secondes au plus. Pas de quoi faire un tsunami !
- Mais alors qui ? Teuletz ? Ou le petit nouveau, là, Duppinak ?
- Buttinak, Président. Pas prêt. Très bon garçon, mais pas prêt.
- Bon sang, on a une Coupe à jouer, Coach ! J’ai mis deux millions de gouttes d’or dans cette affaire, moi ! Et... il ne s’agit pas que de l’honneur des Dragons de Tolsa ! Toute la planète est derrière nous ! »
Le Coach regardait ailleurs.
« Hem ! »
Les deux hommes tournèrent la tête. La jeune fille qui nettoyait les carreaux avec son seau et sa petite éponge leur faisait face.
« Je peux prendre la place d’Exythron. »
Le Président hurla de rire.
« Novetz ! Je rêve ! Rappelle-moi d’arrêter de boire ! La fille de ménage ! »
Elle restait impavide, son regard clair de glacier bleu nullement impressionné.
« Qui es-tu, mon enfant ? » demanda le Coach.
- Je m’appelle Kallhydra.
- Qui t’a entraînée ?
- Mon grand-père. »
Le sourire des deux hommes se figea en un rictus éberlué quand elle laissa tomber avec nonchalance :
« Akt. »
Novetz fut le premier à réagir.
« Akt ? Notre Akt ?
- Sans nul doute. Le plus grand Souffleur de Fontaine que Lagona ait jamais porté. Il m’a entraînée pendant dix ans. Je suis prête. »
Le Président Boudjellak chercha dans sa mémoire.
« Akt... C’était il y a longtemps... Il avait un fils...
- Mon père. Quand mon grand-père lui a affirmé qu’il n’avait pas assez de talent pour Souffler, il s’est suicidé. Que son âme se baigne en paix dans le Lac Eternel. »
Novetz fusilla le Président du regard.
« Boudjellak, fils de morue, tu es aussi bête que riche. Pardonne-lui, mon enfant, il n’a pas voulu te blesser. »
La jeune fille haussa les épaules.
« La vérité ne blesse que ceux qui en ont peur. »
Novetz la détailla de son regard perçant, ce regard qui savait jauger en moins d’une minute les aptitudes et le potentiel d’un joueur. Elle devait avoir une quinzaine d’années. Blonde aux yeux bleus, un visage d’une beauté lumineuse, la fraîcheur délicieuse de l’enfance dans un corps délicatement féminin. Elle aurait pu poser en couverture des magazines de charme pour vieux milliardaires en quête de sensations, et faire fortune en quelques mois. Elle était fine, et même menue. Mais musclée. De bons appuis. Une force vitale irradiante. Une volonté de fer. Une aura chaude, puissante, imperturbable. Une aura de Dragon.
« Entraînement demain matin à huit heures. »
« Tu es fou, Novetz ! Sans le moindre essai ?
- Je suis le Coach.
- Et c’est mon fric ! Vas-y, poulette, montre-nous ce que tu sais faire. Il reste de l’eau dans ton seau, non ?
- Ici ? Vous voulez que je mette de l’eau partout et que je passe la nuit à faire le ménage ? »
Boudjellak tapa du pied, le visage tremblant de colère.
« Ecoute-moi, espèce d’algue verte ! Si tu me perds cette Coupe, tu es viré ! Et compte sur moi, tu ne retrouveras plus jamais du travail, même à l’autre bout du Multivers, et même comme videur de poubelles ! Et toi, espèce de grenouille prétentieuse, tu as oublié un détail important : tu es une fille !
- Et alors ?
- Il n’y a pas de filles dans le Jeu.
- Mais rien dans le règlement ne mentionne que c’est interdit. J’ai plus de quinze ans, je ne suis pas pluricéphale, je ne me déplace pas en sautant, je n’ai jamais pillé, tué ou violé... Mon organisme ne contient aucun élément de métal... et dès que j’aurai signé ma licence je serai à jour de ma cotisation, je travaille, j’ai de quoi payer. Est-ce que ce ne sont pas les huit règles ?
- Bande de goujons hallucinés ! Vous me le paierez cher ! »
La porte tremblait encore d’avoir été claquée avec violence, quand Novetz se remit à sourire.
« Demain matin huit heures.
- OK, Coach. »
Et il y avait des étoiles dans ses yeux.



«Bon, les gars, échauffez-vous un petit quart d’heure et on commence.
- Eh, Coach, c’est qui la sardine qui court toute seule, là-bas ?
- J’ai dit « échauffement », Ducalcos. Exécution ! »
Les souffles embuaient l’air frais du matin. Le soleil n’avait pas commencé à s’entraîner, il s’étirait encore dans sa couette de nuages, avant de se lever paresseusement au nord, comme depuis les premiers temps du Monde, sur Lagona aux trois millions de lacs. Petite planète bleue, recouverte aux quatre cinquièmes par de l’eau claire et froide, mais dont la terre riche et précieuse nourrissait fidèlement ses habitants.
« Ca va, les garçons. Porteurs : Massos, Servatz, Lakafix, Bonnairos. Placez-vous. Pour le plateau d’opposition : Picamos, Papetz, Pierros, Estebanetz. En place. »
Chaque joueur s’installa à son poste, une épaule calée sous le grand plateau en minolène, l’alliage aussi résistant que léger qui avait fait la fortune de la famille Boudjellak. Du côté libre leur bras portait l’épée. Au centre du plateau s’élevait une mince colonne dorée qui supportait une vasque de fontaine, surmontée à l’avant d’une tête de Dragon doré aux yeux bleus ; le corps s’enroulait lascivement autour du pilier.
Etait-ce la courbe gracieuse de l’encolure ou la finesse de l’oeil en amande ? Novetz avait toujours pensé que c’était une dragonne. Mais il l’avait gardé pour lui. Un gros rustre comme Boudjellak n’aurait jamais compris. Et il ne pouvait pas risquer de perdre un atome de son autorité sur les garçons.
Il aboya :
« Parros, Trinhdux, Traillos, Médark, Mermos, Rougertz, Nalletz, Heymanos, Clerx, Dusautak, équipe A. Palissos, Ouedraogos, Harinordoquix, Martix, Guirados, Yachvilix, Szarzewskix, Ducalcos, Barcellak, Poutz, équipe B. Souffleur de l’équipe B : Doussainx. Pour l’équipe A, comme vous le savez, Exythron est forfait pour une durée indéterminée. Donc nous allons essayer d’autres Souffleurs. Et alors, Doussainx, pas encore là-haut ? »
Le jeune garçon de dix-neuf ans se fit faire la courte échelle par Papetz, le Porteur Nord, et se hissa sur le plateau pour prendre sa place devant la fontaine.
Novetz fit signe à la jeune fille qui étirait longuement ses bras vers le ciel, sous le regard gourmand des garçons. Elle portait le survêtement doré réglementaire. Elle s’approcha au petit trot.
« Je vous présente Kallhydra. Notre Souffleur.
- Ah ouais, Coach, la bonne blague !
- Une gonzesse, ça c’est de l’humour !
- Trop fort, le Coach !
- Eh, mignonne, tu fais quoi ce soir ? »
Novetz fronça le sourcil et son chuchotement glaça les vingt-neuf joueurs qui écarquillèrent leurs yeux dans un silence profond comme le Lac Limpide.
« Ceci n’est pas une plaisanterie. »
Quand elle fut près de lui, il lui glissa à l’oreille :
« Tu devrais attacher tes cheveux. »
Elle secoua la tête.
« Rien ne doit entraver l’Energie, Coach. »
Il ne répondit pas.
Docile mais malgré tout amusé, Massos, le Porteur Nord de l’équipe première, cala son épée entre ses cuisses pour l’aider à monter. Mais Kallhydra, après avoir sautillé sur place, posa la main sur son épaule droite et se lança en l’air. Au terme d’un saut de carpe aussi léger qu’harmonieux elle se retrouva accroupie sur le plateau et se posta rapidement à sa place.
Trente regards ahuris firent silence.
« Mets tes pieds dans les cales », réussit à articuler Novetz avec un mince filet de voix. Mais dans un déluge de cheveux blonds que le vent du matin faisait tourbillonner, la Souffleuse répondit :
« Il faudra les enlever. Rien ne doit entraver l’Energie. »
Le Coach haussa les épaules. Elle devenait agaçante. Si elle se couvrait de ridicule, tant pis pour elle.
« Allez.»



Les deux équipes se rendirent chacune à une extrémité du terrain, au pas de course. Les Porteurs de l’équipe B plaisantaient et riaient fort à propos de la nouvelle recrue, et les soubresauts de leurs épaules compliquaient la tâche de Doussainx, qui avait du mal à trouver son équilibre. A l’inverse, Kallhydra semblait ancrée au plateau, enfoncée comme un pilotis au plus profond d’un lac gelé. Seul Novetz remarqua les imperceptibles oscillations de ses hanches, de ses genoux et de ses chevilles. Cette fille avait l’équilibre dans le sang. La perception exacte de son centre de gravité. Une concentration sereine se lisait sur son visage. Elle était sérieuse. C’était déjà ça.
« Tout le monde est prêt ? Simulation de match. Vous jouez pour votre sélection, les gars ! Engagement, précision,rythme ! »
Les deux équipes s’élancèrent, les épéistes précédant le plateau.
La vasque était remplie d’eau à ras bord. D’un souffle léger Kallhydra maintenait la surface immobile malgré les secousses de la course. Devant elle, au centre du terrain, se rapprochait à vive allure la Butte de l’Affrontement, une surface plane située au sommet d’un monticule, et qui ne donnait place qu’à un seul plateau. Le premier arrivé avait l’avantage de la position. Sinon, il faudrait que les dix épéistes fassent reculer les adversaires pour reconquérir la Butte. Elle connaissait les règles par coeur. Elle en rêvait toutes les nuits depuis dix ans.
Dans un grand cri les spadassins de son équipe franchirent le promontoire et elle entendit les chocs répétés du combat qui commençait, avant que le plateau ne s’immobilise sur la hauteur. Novetz, dans son vaisseau monoplace, était en stationnaire au-dessus de la plateforme, tel l’arbitre d’un match. Dans la tête du Dragon, sur la vasque, il y avait un récepteur par lequel il pouvait communiquer ses ordres. Mais il gardait le silence. Kallhydra observait attentivement les combattants. L’équipe B, en aval de la pente, souffrait davantage mais tenait bon. Elle avait étudié scrupuleusement toutes les vidéos. Avec Novetz comme entraîneur mondial, il n’y avait jamais d’équipe bis.
Au bout de vingt minutes, le Coach fit grésiller son micro.
« Ca va, les gars, pas d’exploit inutile. Laissez faire les Souffleurs, maintenant. »
Le combat cessa. L’arbitre avait à tout moment la possibilité de faire de même, mais la règle était qu’il ne sifflât que lorsque au moins cinq combattants d’une équipe étaient à terre.
Doussainx gonfla ses joues. Kallhydra prit une profonde inspiration en visualisant la surface étale d’un lac scintillant. Elle avait tout le temps. Rester concentrée. Ne pas se précipiter. La puissance ne se hâte jamais. Un Dragon émergea de la fontaine de son adversaire, fait d’une multitude de gouttes d’eau qui s’irisaient dans la lumière. Il était bien fait, de taille moyenne, la queue un peu courte, la forme un peu floue...Elle jeta sur lui un arc en ciel aveuglant de couleurs vives, du rouge sang au violet profond, qui se déroula dans l’azur comme une écharpe ondoyante et alla s’enrouler autour de l’encolure du Dragon. Doussainx recula, épuisé, tandis que sa créature se répandait au sol en fines gouttelettes de rosée. D’un geste, Kallhydra récupéra son arc en ciel qui vint s’engouffrer dans l’eau restante de la vasque. Des applaudissements spontanés fusèrent des deux équipes. Mais la jeune Souffleuse, campée sur ses pieds, restait attentive.
« Ouais », commenta Novetz, « original et efficace, bon. Mais je pourrais voir ton Dragon ? »
Sans répondre, Kallhydra se remit à souffler sur la surface de l’eau. D’un seul jet puissant, précis, interminable. Et s’éleva dans le ciel de Lagona un immense Dragon aux reflets dorés, l’oeil bleu et vif, la gueule béante crachant des flammes d’eau, le corps tendu dans l’action de combat, les ailes gigantesques déployées de toute la majesté de son envergure, tandis que sa queue brillante et nette jusqu’à son extrémité fouettait l’air avec une vigueur inouïe.
« Le Dragon d’Akt ! », murmura Novetz avec stupeur, « morue borgne! »
De nouveaux applaudissements éclatèrent, parmi lesquels ceux de Doussainx n’étaient pas les plus timides, et se mêlèrent aux cris de joie, devenant bientôt des frappements rythmés qui marquaient les secondes. Vingt secondes... quarante... soixante...
A une minute et demie, le Coach reprit la parole.
« C’est bon, Kallhydra. Inutile de t’épuiser. Fin de la séance. Les gars, nous avons un nouveau Souffleur ! »
Aussitôt le Dragon referma ses ailes et plongea dans la fontaine, sans qu’aucune goutte d’eau ne soit perdue.
« Kallhydra, tu viendras signer ton contrat dans mon bureau. Rentrez doucement, les gars, je vous attends dans une heure pour le débriefing-vidéo. Douchez-vous, et mettez les bières sur mon compte. »
Un « hourrah » unanime salua la bonne nouvelle. Kallhydra sauta à terre dans un double saut enroulé ; la réception était parfaite, pieds joints, buste droit, immobilité.
« Eh, attends, princesse », lui hurla Massos, « on peut te porter !
- Sympa, les gars, mais je rentre toujours à pied. Ca m’aide à récupérer. On se voit là-bas. »
Elle partit en petites foulées souples, d’une régularité de métronome.
« Etonnante, non ?
- Tu rigoles, Dusautak ? C’est le truc le plus époustouflant que j’aie vu dans ma chienne de vie, nom d’un brochet à deux têtes ! », s’exclama Servatz le vieux briscard qui ne galvaudait guère ses compliments.



« Coach Novetz, on dit qu’Exythron est forfait pour la Coupe ?
- Exact.
- Qui va le remplacer ?
- Nous avons un nouveau Souffleur.
- Coach ! Ce changement de dernière minute... Avec un Souffleur inconnu, sans expérience... Quelles sont les chances de Lagona ?
- Ce sera difficile... Mais c’est toujours difficile... Nous avons à affronter les six meilleures équipes du Multivers.
- Coach ! Est-ce que vous êtes confiant ?
- Ce que je peux vous dire, c’est que nous ne lâcherons rien. Il faut prendre les matches les uns après les autres, et faire le travail.
- Et vous, capitaine Dusautak, pensez-vous que les Dragons peuvent gagner la Coupe ?
- Les Dragons sont unis par les valeurs de notre Jeu : engagement, humilité, solidarité. Nous porterons fièrement le maillot doré.
- Coach Novetz ! Il se murmure que le nouveau Souffleur serait une jeune fille, ce qui est déjà inhabituel... et qu’elle n’aurait jamais joué en mondial... Alors, en interplanétaire ! Est-ce que le Président Boudjellak vous soutient dans ce choix somme toute hasardeux ?
- Allons, mes amis », sourit Novetz de son air de requin ironique, « vous savez bien que c’est à la fin de la pêche qu’on compte les prises. La conférence de presse est terminée. Merci à tous. »



La nuit était tombée, froide et limpide. Tout commençait demain. Ici et maintenant, le calme, la beauté, l’espoir. Les garçons n’allaient pas tarder à aller se coucher. Pour lui l’angoisse, le doute, la responsabilité. Demain, il ne pourrait pas se battre à leur place. Pour l’heure, tout allait bien.
Il y avait de la lumière à l’étage des dortoirs. Flairant le piège, Novetz se précipita, entrant sans frapper dans la chambre d’Exythron.
« Ah, monsieur Holtx ! Ravi de vous voir. Comme vous le savez, notre cher Exythron est forfait. Je vous serais reconnaissant de ne pas publier une ligne de votre interview. Faute de quoi vos caméras de multivision seront exclues de la Coupe.
- Vous n’avez pas le droit, Coach. La liberté de la presse...
- Non. Je n’ai pas le droit. Mais le Ministre des Transmissions est mon beau-frère. Oui ou non ?
- ... OK, Coach. Mais c’est vraiment dommage... Désolé, Exythron. Bonne soirée à tous les deux. »
Le Souffleur était assis sur son lit, de lourds cernes douloureux sous ses yeux furieux.
« Tu vas foutre le camp d’ici tout de suite. Je t’appelle une navette. Ou je dois te casser la jambe, pour que tu comprennes ? C’est fini, mon vieux, fini.
- Mais Coach, elle était d’accord...
- Bien sûr ! Quand une femme hurle « Non ! Assez ! Arrête ! », c’est qu’elle est d’accord ?
- Je serai sur pied pour la finale ! Tu ne peux pas gagner sans moi ! »
Novetz laissa un silence pesant retomber sur la petite chambre austère.
« Je vais te dire, mon gars. Je préfère perdre cette Coupe, et en même temps perdre mon job, je préfère tout perdre et me retrouver clochard plutôt que de gagner grâce à toi. Tu as enfreint les Règles. Tu es un sale brochet, lâche, vaniteux, fat. Ah tu es doué, c’est vrai, mais tu n’as aucune fierté, aucun honneur ! Enfin ce soir je suis satisfait : ta carrière est finie. »
Le Coach tourna les talons et mit la main sur la poignée de la porte.
« Mais je... »
Novetz se tourna à demi, couvrant l’ancien Souffleur d’un long regard méprisant.
« Fais-moi plaisir, Exythron. Dis un mot, un seul mot de trop, et demain tu fais la une de tous les journaux. Et crois-moi, ce ne sera pas pour parler de tes exploits passés. »
La porte claqua.
Novetz, en rentrant chez lui, contempla le ciel étoilé où la Constellation du Dragon scintillait de tous ses feux.
« S’il existe un Dieu qui m’entende », murmura-t-il, « c’est le moment de nous aider. »
Narwa Roquen,entre confiture de poires et rage de dents, qui avance malgré tout...


  
Ce message a été lu 5827 fois

Smileys dans les messages :
 
Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-09-29 22:42:25 

 WA n° 97, suite et pas finDétails
LA COUPE DES SEPT MONDES (suite)







Le Stadium Paradis était plein comme un oeuf. C’était le match d’ouverture. Les Dragons contre les Tigres de Rosbiffa, une planète lointaine, isolée, qui vivait essentiellement des échanges commerciaux qu’entretenaient ses vaisseaux rapides avec tout le Multivers. Un peuple fourbe, trapu, taiseux, rude à l’impact et prêt à toutes les ruses pour remporter sa deuxième Coupe. Tandis que le peuple se massait dans les tribunes au sol, maquillé aux couleurs de son équipe et agitant les drapeaux à son emblème, les officiels et les riches gagnaient lentement, par l’escalator géant, les places plein-ciel dont les immenses baies vitrées étaient disposées en vis-à-vis, sur chaque longueur, à trente mètres au dessus du sol. Dans la loge VIP, le Président Boudjellak et le Président Tomsk, de Leices, échangeaient des grimaces en forme de sourires fair-play.
L’arbitre et ses deux assesseurs survolaient déjà le terrain dans leurs monoplaces. La foule du bas se leva avec des hurlements déchaînés quand les deux équipes entrèrent sur la pelouse : à gauche, les Dragons dans leur combinaison bleue portant l’emblème d’or sur la poitrine, et à droite, les Tigres en vert et rouge, dont l’animal aux dents cruelles ricanait en blanc brillant sur le maillot rayé. Novetz avait eu beau insister, Kallhydra avait raccourci la longue robe bleue pour qu’elle ne couvre que le genou, et elle était pieds nus, et sans cales ! En face, Flooditch, le redoutable Souffleur des Tigres, arborait fièrement sa nouvelle chasuble vert et rouge, dessinée pour lui par un couturier d’Elysée, la planète de la mode, bijoux et accessoires. « Sur Elysée, vous serez transformés ! », tel était leur slogan. La coupe ample et les épaulettes à franges rouges rehaussaient encore son aspect massif. Face à cette armoire sur pattes, Kallhydra avait l’air si fluette...
« Pas grave si on perd », pensa Novetz en tripotant nerveusement son micro. « Il reste encore cinq rencontres préliminaires avant les demi-finales. Mais, nom d’une carpe lubrique ! c’est le match d’ouverture ! »
Les deux équipes s’élancèrent et les Dragons gagnèrent la Butte. Dans la pente, les guerriers bataillaient dur.
« Cinq hommes à terre chez les Tigres », annonça l’arbitre, quatre chez les Dragons. Cessez le combat. Soufflez ! »
Flooditch lança sa bête féroce, aveuglante d’un blanc pur, la gueule ouverte découvrant des crocs rouge sang. En face, un petit Dragon doré, ridicule dans sa minceur... Un goujon face à une baleine. Novetz se força à garder les yeux ouverts. Le Dragon s’envola, souple comme une anguille, virevoltant et pirouettant dans l’azur, échappant sans peine aux attaques puissantes du prédateur blanc. Le Coach regarda son chronomètre. Presque une minute...
« Nom d’un bro... Elle est... maligne ! »
A quatre-vingts secondes, le visage écarlate et le front trempé de sueur, Flooditch recula et sa créature se disloqua dans les airs. Le petit Dragon doré resta debout, figé au dessus de sa Fontaine.
« Victoire des Dragons de Lagona, 15 à 4 ! »
Novetz se laissa tomber sur sa chaise. Puis tandis que les joueurs rentraient lentement aux vestiaires, il hurla dans son micro :
« Kallhydra ! Qu’est-ce que c’était que ce Dragon minable ? »
La réponse lui fut chuchotée avec une assurance espiègle.
« Eh, je n’allais pas tout leur montrer le premier jour...
- Morue borgne ! Nom d’un filet troué ! La stratégie, c’est moi ! Toi, tu Souffles ! Je... Tu... OK, c’était bien joué. Débriefing dans une heure.
- Merci, Coach. »
Manifestement, elle se foutait de lui. Mais cette satanée femelle avait fait gagner l’équipe, et avec la manière, encore. Nom d’une raie sauvage ! Quelle classe !



« Bienvenue, chers multivisionneurs, sur le plateau de Dixétrans, la chaîne mondiale de Dixé, la planète des arbitres. Nous recevons ce soir, en direct de Lagona, la planète des lacs, Algony, journaliste à Lagosport, Texhianov, responsable des sports sur Glaciovision, Ouanida, correspondant de Mélanhypertrans, et enfin notre cher ami Sigorius, de la verte planète Chloé. Nous avons assisté aujourd’hui à la sixième journée des matches préliminaires, où s’opposaient Lagona et Mélan, Rosbiffa et Glaces, et enfin Noos et Nésée, la planète des Iles. Je pense qu’aucun de mes invités ne me contredira, ce fut une journée passionnante, n’est-ce pas ?
- Sans doute », rétorqua Ouanida avec un air mauvais, « mais largement ternie par cette lamentable erreur d’arbitrage qui nous a injustement privés d’une victoire méritée sur ces misérables Lagoniens !
- Allons, mon cher ami, modérez vos propos... La probité et la compétence des arbitres de Dixé ne sauraient être mises en doute. Nous arbitrons toutes les rencontres depuis les débuts de la Coupe, et personne...
- Ah oui », ricana le Mélanien, « personne n’ignore que vous avez choisi l’arbitrage parce que vous étiez tellement réfractaires aux subtilités du Jeu qu’aucune de vos équipes ne pouvait se qualifier !
- Une page de publicité ! Nous revenons dans quelques instants... »


Novetz baissa le son. Sur le canapé, près de lui, Kallhydra avait l’air absent.
« Qu’est-ce que tu en penses, petite ? Est-ce qu’il y a vraiment eu erreur d’arbitrage ?
- Non, Coach. Non. Dusautak a été le cinquième à tomber, mais il a entraîné son adversaire avec lui dans sa chute. Et après... »
Les larmes lui montaient aux yeux, elle n’en voulait rien montrer, mais elle était à bout. Elle reprit bravement.
« J’ai tenu, Coach. Ses éclairs me trouaient la peau, mais mon Dragon les a encaissés, il a dispersé les nuages, il n’aurait pas pu en jeter un de plus... Mais c’est vrai que je n’aurais pas non plus pu résister très longtemps... »
Elle éclata en sanglots nerveux.
« Tu es épuisée, petite. Je t’ai beaucoup demandé. Le tirage au sort ne nous a ménagé aucun repos jusqu’à maintenant, contrairement aux autres. Mais nous sommes qualifiés pour les demi-finales, et nous avons huit jours sans match. Tu vas pouvoir dormir... Et s’il le faut, je te remplacerai contre le Trèfle. On les a toujours battus... »
Elle secoua la tête.
« Ils ont un nouveau Souffleur, et il est habile... Je serai là. Mais j’ai besoin de retourner à Védarnaz. Besoin de nager dans le lac Perle où j’ai dispersé les cendres de mon grand-père. Là, je trouverai la force.
- C’est un trajet de presque une demi-journée ! Plus le décalage horaire... tu vas rater combien d’entraînements ?
- Le décalage horaire, on le rattrape sur le retour, Coach. Et demain c’est journée de repos. Je ne raterai qu’une séance. Je veux rester deux jours. J’en ai besoin.
- Les espoirs d’une planète reposent sur toi, Kallhydra. C’est une lourde charge...
- Je ne vous décevrai pas, Coach. Laissez-moi partir. Nous gagnerons la Coupe. »



Dans l’astronef, Kallhydra gardait un air distant et renfermé. Puis brusquement elle leva un regard bleu mouillé sur le capitaine Dusautak.
« Je suis désolée, Capitaine. J’ai failli tout faire rater.
- Ne dis pas ça, Kallhydra. Ces merlans sont très forts. Leurs épées sont forgées dans un alliage dont ils ont le secret, et ils arrivent à transpercer nos combinaisons de néokrafe. Ils ont remporté les quatre dernières Coupes, ils sont largement favoris, et leur Souffleur est réputé le meilleur de toutes les galaxies ! Aucune équipe n’avait pu arracher le nul depuis vingt-huit ans !
- Mais je pouvais ! Je sais que je pouvais...
- Kallhydra ! C’est un jeu ! Peut-être que nous gagnerons le trophée, et peut-être pas. Mais Lagona ne s’arrêtera pas de tourner pour autant. C’est un jeu !
- C’est plus qu’un jeu ! », cria-t-elle dans un sanglot de désespoir, avant de fondre en larmes.
La main du jeune homme se posa sur la sienne, forte, douce, réconfortante. La nuit tombait déjà. Huit heures de vol. Quand ils arriveraient, avec le décalage horaire, là-bas, la journée serait bien avancée.



Etrange gamine. Volontaire, méticuleuse, impudique. Généreuse et pleine de délicatesse, et pourtant capable de remettre à leur place d’un seul regard tous les gros du dix.
Elle avait refusé de descendre à l’hôtel de Védarnaz.
« Tout se sait, ici. Ma grand-mère habite à deux kilomètres de la ville.
- Elle doit être fière de toi !
- Le Jeu lui a pris son mari, son fils, et son unique petite-fille. A ton avis ? »
Elle avait monté seule une vieille tente, au bord du lac, en refusant l’aide qu’il aurait été bien en peine de lui apporter. Sans un regard vers lui, impatiente, tendue, elle s’était ensuite précipitée vers le rivage, y avait déposé ses habits en un tas informe et avait plongé.
Elle ne ressemblait pas à ses soeurs. Ni à Nelka, sa puînée, préoccupée de toilettes et de maquillage. Ni à Devena, toujours le nez dans les livres. Peut-être un peu à Ania, la petite dernière, sa préférée, qui courait, sautait, dansait sans arrêt, et se passionnait pour le Jeu.
« Capitaine, je te la confie », avait décrété Novetz. Tu as trois soeurs, non ? Et je sais que tu es un gars sérieux. »
Le message était clair.
Cela faisait une heure, maintenant, qu’elle nageait dans cette eau où il n’avait pu tremper qu’un orteil horrifié. Glaciale ! Et elle plongeait, disparaissant pendant de petites éternités... Il se levait, aussi effrayé à l’idée de la perdre qu’à celle de devoir se mouiller pour lui porter secours. Elle refaisait surface, il se rasseyait.
Le lac Perle était entouré de montagnes abruptes dont les sommets étaient encore recouverts de neige en cette fin de printemps. Des oiseaux noirs, blancs, gris, tournoyaient en criant au-dessus de lui, puis s’éloignaient dans l’azur. Il ne savait pas leurs noms. Des plantes odorantes mélangeaient leurs parfums à celui, familier, de l’herbe touffue. Il se demandait si l’école l’aurait rendu plus savant, à condition qu’il se montre plus assidu... Mais il n’avait que le Jeu en tête. Se battre encore et encore, être plus rapide, plus fort, plus précis Et puis, sur le pavé des villes, il ne pousse que des crottes de chien. Des pigeons, quelques moineaux, c’étaient les seuls oiseaux de son monde de néons et de ciment.
Il cessa de la surveiller. Elle était trop loin. Il n’aurait rien pu faire. Il s’allongea dans l’herbe, surpris de la trouver si drue, si chaude, si moelleuse, comme le corps d’une femme gigantesque, plantureuse et accueillante. Pas comme sur les terrains dont le contact rude signifiait défaite et remontrances. Et ce ciel... Cet infini profond, sans limite d’immeuble ou de tribune plein-ciel, enivrant de son bleu intense, de la couleur exacte du maillot Dragon, mais tellement plus apaisant...
Etre un oiseau, déployer ses ailes, virer sur le vent, libre de chasser ou de voler plus haut, sans aucune consigne, aucun objectif... Il roula sur le ventre, releva la tête. Les montagnes. Ces gros chats accroupis étincelants de blancheur, immuables et patients... Aucun bruit de moteur, aucun cri humain... Des gazouillis, des bourdonnements, le cancanement rustre des canards, le « ploc » d’une grenouille qui sautait dans l’eau calme. Le Jeu... Quelle importance ? La gloire, l’argent, pour quoi faire ? Comment pouvait-on quitter cet endroit après l’avoir connu ?
Il se leva, s’approcha du bord. Il redoutait d’avoir froid, d’être saisi par une crampe, de mettre en danger ce corps affûté qui était son outil de travail et son bien le plus précieux. Mais il ressentait l’envie irrésistible d’aller au bout. Il laissa ses vêtements près de ceux de Kallhydra et lentement, comme s’il célébrait un rite inconnu et néanmoins inéluctable, il entra dans l’eau bleue. Une gerbe glacée éclata devant lui, d’où émergea, rayonnante, la tête de Kallhydra, des cheveux plein les yeux.
« Ne reste pas immobile ! Viens nager, ça te réchauffera ! »
Cela faisait cinq ans qu’il haïssait de tout son être la séance hebdomadaire de piscine que leur imposait Novetz. Pour la première fois, ébahi et émerveillé, il découvrait le bonheur de sentir son corps musclé fendre le flot avec aisance. Et l’eau qui glissait sur sa peau, enveloppe impalpable et fuyante, loin de le figer, semblait lui donner à chaque brassée une énergie nouvelle, joyeuse, intarissable, euphorisante, et c’était une eau pure, bonne à boire, jamais eu tant de plaisir à boire de l’eau...
« On rentre ! Sinon, demain, tu n’auras plus de jambes ! »
Comment pouvait-elle nager si vite ? Il l’aurait jetée à terre d’une simple bourrade. Et elle était déjà dix mètres devant lui !
Il bâillait devant le feu qu’elle avait allumé comme si elle l’avait fait toute sa vie – était-ce le cas ? Elle faisait griller les saucisses, appliquée, tranquille, et lui se laissait lentement glisser dans un engourdissement béat...
« C’est prêt ! »
Elle avait jeté des herbes sauvages dans le feu, et il avait l’impression que toutes les senteurs du lac entraient en lui en une communion plénière.
« Merci de m’avoir permis de t’accompagner, Kallhydra. »
Elle se mit à rire.
« Je n’ai pas eu le choix ! Le Coach ne m’aurait pas laissée partir seule, et de toute façon je n’ai pas ma licence de vol. »
Elle mit fin à son air dépité en ajoutant :
« Mais je suis contente que ce soit toi mon chaperon. Depuis des années que je regarde tous les matches... Eh bien mais... C’est vraiment cool. »
Il lui semblait qu’elle rougissait un peu. Ou bien c’était le reflet du soleil couchant.


La journée du lendemain passa comme dans un rêve. Ils nagèrent longuement dans le lac, jouèrent à s’éclabousser l’un l’autre, nus et innocents, comme au premier matin du monde. La veille au soir, Dusautak avait pensé proposer de rester hors de la tente, pour respecter son intimité, et puis il s’était tu. Il avait craint de la gêner. Fille unique, élevée par un grand-père Souffleur obsédé par le Jeu, elle-même jeune adolescente, que pouvait-elle savoir des pulsions et des désirs d’un homme célibataire de 23 ans ? Ils avaient dormi côte à côte, dans leurs sacs de couchage. Il s’était éveillé avant elle, et il était resté longtemps à la regarder dormir, heureux d’être là, heureux d’être avec elle, tandis qu’au dehors à la pâle lueur de l’aube succédait la tiédeur du soleil qui se levait par-dessus la montagne.
Après la baignade, ils se séchèrent au soleil et le sommeil les reprit pour une longue sieste paresseuse. Le bruit d’un plongeon fit sursauter le Capitaine. Le temps qu’il cherche autour de lui, effaré et inquiet, et déjà Kallhydra sortait de l’eau en tenant une truite dans chaque main, qu’elle lança sur le rivage.
« Allume un feu, je reviens ! »
L’après-midi tirait à sa fin et la fraîcheur les avait fait se recouvrir de leurs survêtements dorés.
« Il va falloir rentrer », se résigna-t-il à prononcer à regret.
« Attends ! Avec le décalage horaire, si on part tôt demain matin, ça ira... Tu as déjà Soufflé ?
- Mais... Je n’ai pas le Don ! »
Elle secoua la tête.
« Tout le monde peut courir, non ? même sans être un champion. Tout le monde peut Souffler. Viens là. »
Elle remplit d’eau la casserole qui avait servi pour le thé du matin.
« L’eau du lac Perle est chargée d’Energie. C’est encore plus facile. Quel est ton animal préféré ?
- Je ne sais pas... J’ai eu un chat quand j’étais petit... Il s’appelait Asso.
- Assaut... Evidemment ! Ferme les yeux, pense à ton chat. Revois la forme de sa tête, la couleur de ses yeux, ses moustaches... Seulement la tête. Concentre-toi. Respire. Garde les yeux fermés. L’eau est devant toi, pose les mains sur les bords de la casserole. Et maintenant Souffle, Souffle pour donner la vie à ton rêve, Souffle avec douceur, avec constance, avec humilité... Ouvre les yeux, regarde ! »
La stupéfaction lui coupa le Souffle. Alors elle le remplaça, et la tête du chat demeura suspendue en l’air, devant lui, une tête ronde, blanche et rousse, avec de longues moustaches...
« Eh ! Il m’a fait un clin d’oeil ! »
Kallhydra éclata de rire et le chat se dispersa en gouttes fraîches qui les arrosèrent tous les deux.
« C’est toi qui a fait ça.
- Non. Je n’avais jamais vu ton chat. Recommence, en gardant les yeux ouverts. »
Il n’aurait jamais cru cela possible. Il Soufflait !


Le Coach les attendait sur l’astroport.
« Ah, vous voilà, quand même ! Huit heures de vol, j’imagine dans quel état vous êtes ! Filez vous coucher, à quatorze heures sur le terrain ! »
Mais les deux jeunes gens se mirent à rire à l’unisson, et se dirigèrent d’un pas ferme vers leurs co-équipiers. Novetz se jura de ne rien leur laisser passer.
Dusautak balaya à lui seul trois adversaires, et jamais le Dragon de Kallhydra n’avait été si grand et si brillant. Elle le tint plus de trois minutes, sans effort apparent.
«Maudits jeunes ! Sens que je vais y envoyer tout le monde, au bord de ce lac... Nom d’un héron bègue ! Moi qui ai toujours eu horreur de l’eau... »
Narwa Roquen,fatiguée...
Narwa Roquen,on a gagné...

Ce message a été lu 5774 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-10-09 23:34:44 

 WA, exercice n°97, suite et finDétails
Le Trèfle. Des hommes verts aux cheveux roux, venus de la planète Eyra, faite de landes, de rochers et de mer. Buveurs de bière, mangeurs de mouton, réputés pour leur jovialité et leur tempérament farceur. Mais aussi intrépides, endurants, têtus. L’expression « ne rien lâcher » avait due être inventée pour eux. Même avec quatre hommes à terre, ils éructaient des plaisanteries vaseuses tout en se battant comme des morts de faim. Depuis deux ans, ils avaient un nouveau Souffleur, le redoutable Ogara, qui alliait la puissance d’un homme des cavernes à la roublardise élégante d’un financier de haut vol.
Novetz avait rassuré ses troupes.
« Le Trèfle, on l’a toujours battu. Que de la gueule. »
Mais quand les deux équipent entrèrent sur le terrain, il croisa les doigts de ses deux mains, en regrettant de n’avoir pas la souplesse nécessaire pour en faire autant avec ses orteils. Rapides comme des comètes, les Trèfles gagnèrent la Butte. Le combat s’engagea, et les Eyriens cédaient du terrain, mais ils reculaient de travers, entraînant les Dragons sur le côté et laissant les deux plateaux face à face. Le plateau du Trèfle chargea. Les Hommes Verts étaient un peu plus grands que les Lagoniens, ils avaient plus d’allonge. Massos et Servatz, respectivement en Nord et Ouest, combattaient comme de beaux diables, mais ils étaient en contrebas, et la lutte des épéistes s’éternisait.
« Tournez ! », leur cria Kallhydra. « Tournez, relayez-vous, je ne tomberai pas ! »
Massos comprit tout de suite. Il bondit sur sa gauche, obligeant le plateau à décrire un quart de tour. Lakafix, qui était derrière lui, se retrouva face à l’adversaire. Il échangea quelques coups, puis sauta de côté à son tour. Le plateau se mit à tourner de plus en plus vite, et à chaque tour il gagnait du terrain vers le haut. Avant que les Trèfles ne se décident à les imiter, le plateau du Dragon était sur la butte et le combat se terminait, cinq Verts à terre pour trois Dorés.
« Soufflez ! »
Le Trèfle s’épanouit, émeraude liquide mouvante et chatoyante, tige gracile et frêle portant trois feuilles palpitantes. Le petit Dragon doré lui fit face, sa gueule dessinant un sourire ravi, l’oeil en amande semblant vouloir aguicher son ennemi. Brusquement des ramifications innombrables surgirent de la tige, enlaçant l’encolure et le corps du Dragon, s’enroulant tels des serpents étrangleurs pour étouffer leur proie. Toujours souriant, le Dragon grandit un peu et glissa sa patte dans une protubérance sur son flanc droit qui ressemblait à... un sac ? en bandoulière ? Il en sortit une paire de ciseaux d’or pur, et après avoir hésité un instant à se tailler une griffe, il coupa à la vitesse de la lumière toutes les branches suffocantes, tout en grandissant encore et encore...
Ogara éclata de rire et abaissa son Trèfle. Autour de lui, son équipe s’esclaffait à qui mieux mieux et au milieu de l’hilarité générale on entendit à peine l’arbitre proclamer la victoire du Dragon.
« La tournée est pour nous ! », brailla Ogara. « Vous êtes les plus forts, mais ce soir on va vous noyer dans la bière !
- Aoh ! On aurait dû en planquer sur le plateau », ajouta son Capitaine. « On crève de soif, ici ! »
Alors le Dragon ressortit de la vasque, et se déployant au dessus des deux équipes, il les arrosa d’une gerbe continue de gouttelettes fraîches... bientôt rejoint par le Trèfle dont les feuilles se penchèrent vers le sol pour ajouter de l’eau à la douche improvisée. Les joueurs dansaient et chahutaient comme des enfants en vacances, et ils quittèrent le terrain bras dessus bras dessous dans une cacophonie joyeuse de chants entremêlés, sous les applaudissements de la foule survoltée.
« Ah la Dragonne, trop cool !
- En plein combat, se tailler les ongles !
- Et le petit sac... génial !
- On parie sur vous, les Dragons !
- Longtemps qu’on avait pas autant rigolé ! Ca, c’est du Jeu ! »



Les Dragons étaient en finale. Les Eclairs de Mélan avaient facilement disposé des Tigres de Rosbiffa, 15 à 2. La presse spécialisée était unanime : les Dragons n’avaient aucune chance. Les Mélaniens avaient concédé le nul pendant les Préliminaires pour ménager leurs forces et duper leur adversaire. Une source secrète avait révélé que Novetz était très contesté, que le Président Boudjellak ne le soutenait plus, et qu’au sein même de l’équipe l’ambiance était détestable et le moral au plus bas. Novetz en profita pour surfer sur la vague.
« Je suis très fier de mon équipe », déclara-t-il en conférence de presse. « Les joueurs ont tout donné, et nous avons atteint notre objectif, nous sommes en finale. Les Eclairs de Mélan sont imbattables, et nous allons simplement essayer de donner un beau spectacle, par respect pour tous nos supporters et pour tous les spectateurs et visionneurs de toutes les Galaxies. »
Kallhydra fit la grimace, mais Dusautak lui adressa un franc sourire.
« Ce n’est pas au vieux brochet qu’on apprend à croquer le goujon ! Ils vont se croire beaux, les Noirs... Quand ils comprendront, ils auront déjà pris la marée... »



Cependant la semaine de préparation fut émaillée d’évènements désagréables. Quatre jours avant la finale Lakafix glissa dans la douche et se luxa l’épaule. Novetz le remplaça par Papetz. Le lendemain la mère du Coach fut retrouvée morte dans son sommeil dans sa petite maison au nord de Tolsa. Novetz déclara que les funérailles auraient lieu après le match, ce qui lui valut les foudres de toute sa famille. Il éteignit son téléphone, l’enferma à double tour dans un tiroir de son bureau et refusa de recevoir les journalistes.
Enfin, deux jours avant l’échéance fatidique, vingt-deux joueurs, dont Dusautak, furent pris de violents maux de ventre avec des vomissements incoercibles. Les Soigneurs étaient aux abois, courant d’une chambre à l’autre et multipliant injections et perfusions. Novetz, devant son large bureau en minolène, se tenait la tête à deux mains. Il marmonna « Entrez » sans bouger d’un pouce quand on gratta à sa porte.
« Coach... »
Kallhydra se tenait devant lui, détendue et souriante. Il se sentit insulté, ouvrait déjà la bouche pour hurler sa colère...
« Si vous permettez, Coach... J’ai ramené deux bidons d’eau du lac Perle. Les joueurs seront sur pied après-demain. Si vous m’autorisez... »
Tout autre qu’elle se serait fait agonir d’injures. Il soupira.
« Pour quoi faire ? »
Elle expliqua. L’eau, l’Energie. Et ajouta :
« Si je peux faire une suggestion... Prenons tous nos repas en commun jusqu’au match. Et que la cuisine soit préparée par des gens de confiance. Des protéines nobles, beaucoup de sucres lents, de la sauge, du thym, des bananes et du cacao... Et des noix, aussi. »
Il n’aurait pas ouvert les yeux plus grands si elle s’était transformée en sirène.
« Allô, chérie... J’ai besoin de toi... »
Et c’est ainsi que Galla, la femme du Coach, et leur fille Talia se mirent aux fourneaux dans l’enceinte même du Centre d’Entraînement, avec pour marmitons trois gaillards qui devaient se baisser pour passer sous les portes, tandis que les quatre autres rescapés convoyaient Kallhydra pour assurer l’approvisionnement. Lakafix, malgré son bras en écharpe, avait insisté pour être du nombre.


Le Coach observait ses hommes dévorer à belles dents la viande rouge et saignante et les pommes de terre rissolées saupoudrées de thym et de sauge. Ils avaient tous l’oeil vif et l’air enjoué, la mine fraîche et la voix joyeuse. Dusautak se leva, son verre d’eau à la main.
« Les gars, je voudrais qu’on remercie très fort les Soigneurs, Galla et Talia... et bien sûr notre bonne fée Kallhydra, grâce à qui le Dragon est à nouveau prêt à rugir ! »
Les applaudissements firent trembler les murs.
« Et Coach... On s’est tous mis d’accord pour donner une prime au personnel de l’entretien. Ils nous ont aidés à déménager les lits. Ce soir on dort tous ensemble dans la salle de conférence. Et ton lit est déjà prêt, Coach ! Comme ça ta femme va pouvoir se reposer ! »
Des hurlements de rire accueillirent cette remarque. Novetz en tremblait. De fatigue, sans doute.



Les Noirs entrèrent sur le terrain, le torse bombé et le sourire aux lèvres. Les Dorés marchaient lentement, traînant la jambe, les yeux au sol. Kallhydra se fit aider pour grimper sur le plateau.
« Ils veulent de l’intox ? », leur avait suggéré Novetz dans les vestiaires. «On va leur en donner. »
Et pendant qu’il se lamentait haut et fort sur la méforme de son équipe devant les caméras de multivision, son quinze clopinait tant bien que mal jusqu’au bout de la pelouse, Kallhydra assise sur le plateau et s’accrochant désespérément au rebord de la vasque – tout en continuant à souffler doucement sur la surface horizontale.
« A mon commandement ! », cria l’arbitre. « Pour la Butte... Allez ! »
« Contrôle antidopage ! Il faut un contrôle antidopage ! », glapit Henru, le Coach des Mélaniens, quand le plateau du Dragon gagna la Butte avec cinq secondes d’avance sur sa dernière course. Furieux, Cartru, le Souffleur invaincu, haranguait ses troupes qui, dans le contrebas, étaient balayés par le raz de marée bleu et or.
« 5 à 0 », hurla l’arbitre, « avantage aux Dragons. Fin du combat. Soufflez ! »
Kallhydra prit une profonde inspiration. Désormais, tout reposait sur elle. Elle sentait quatorze regards braqués sur elle, elle s’autorisa, une fraction de seconde, à chercher le soutien de deux yeux noirs... Il lui sourit. Son visage se détendit. Elle monta son Dragon, plein, brillant, la gueule ouverte. En face, d’immenses nuages noirs sortaient de la fontaine ennemie, traversés par des éclairs sauvages qui rugissaient avant de bondir. Le stade semblait pétrifié dans un silence de mort. Même les journalistes restaient bouche bée devant leurs micros. Alors le Dragon déploya ses ailes et ouvrit sa gueule encore plus grand tout en gonflant son poitrail, encore et encore... La foule d’en bas partit d’un seul long cri unanime et médusé :
« Ooooh... »
Les nuages, les affreux nuages Noirs étaient aspirés irrémédiablement dans la gueule ouverte. Cartru se débattait, s’époumonait, acculé et impuissant. Le Dragon enflait, se dilatait, devenait gigantesque, obscurcissait le ciel de sa dorure magnifiée, jusqu’à ce qu’il n’y eut plus, autour de lui, que du bleu, du Bleu et de l’Or... Alors son Souffle titanesque recracha sur le Souffleur Noir une trombe d’eau étincelante dont la puissance le jeta à bas du plateau...
La foule hurla, couvrant presque le verdict de l’arbitre essoufflé qui, la gorge nouée, réussit à articuler :
« Vic... victoire... incon...testable... du Dragon de La... gona ! 15 à 0 ! »
Jamais le Stadium Paradis n’avait résonné d’autant de hurlements surexcités. Même les supporters des Mélans applaudissaient à tout rompre. Novetz était en larmes. Boudjellak répétait comme un cube enrayé « je le savais, je le savais, je leur ai toujours fait confiance, je le savais... ». Cartru s’était relevé et regardait Kallhydra comme un enfant devant le lever du soleil. Dusautak avait sauté sur le plateau et avait monté Kallhydra sur ses épaules. Elle tendit les bras vers le ciel et ferma les yeux, tandis que la chaleur des mains de son Capitaine, posées sur ses jambes, irradiait dans son corps tout entier.
« La première victoire est inoubliable », lui avait dit Akt. « Surtout quand tu sais avec qui la partager. »
Narwa Roquen,on a gagné...

Ce message a été lu 5880 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-10-10 21:08:53 

 L’Eden donne dans la farce!Détails
Oui, je sais, c’est un jeu de mots venu de loin (sic !) mais je trouve qu’il rend hommage à la gouaille bon enfant qui émaille cette histoire que n’aurait sans doute pas reniée Pratchett.

En effet, cette histoire abracadabrantesque qui revisite de façon complètement barrée une compétition antipodaire (ça ce dit ça ?) qui se déroule actuellement. Des déguisements très light ne peuvent pas vous empêcher de reconnaître au détour des noms inventés, des personnages truculents de l’Ovalie, des joueurs présents et passés, des entraîneurs toulousains, des journalistes beau gosse, jusqu’à un président extraverti d’un club du sud-est pas très loin de Marseille et qui n'est pas un Mayol! Je ne peux les citer tous (car certains sont restés récalcitrants) mais chaque nom peut cacher une illustre figure, française ou étrangère (les angliches, les trèfles, les noirs, sympa !...). Même le Stadium Paradis résonne comme un Eden Park ! Tonnerre de Brest ! A la fin, les dragons (j’aurai bien vu un Coq à la place mais il aurait fallu parler de coquette, ce qui change le répertoire !)

Le tournoi est ébouriffant, mélange de bouclier de chef gaulois, façon Astérix, de jeu d’eau façon bulles d’eau savonnée, et d'épées mais au final, le miracle, c’est que cela se tient! C’est joyeux de bout en bout, enlevé, jamais méchant et jubilatoire. Le rythme est effréné (la succession des noms, des équipes, des lieux...), les rebondissements s’enchaînent les uns à le suite des autres (sympa, le le coup de la gastro...) et chute finale en forme d’augure pour la finale espérée des antipodes, dimanche en quinze. Bref, un grand moment d’imagination délirante et débridée. J’espère que Fladnag aura été conquis et qu’il aura sorti ses baskets sans lacets !

Si j’osais une seule critique, c’est justement cette profusion de noms et de lieux qui pourrait saturer un peu le lecteur. Moi, j’ai l’habitude et à cet égard le Silmarillion en est un parfait exemple. Mais je connais des lecteurs (trices) qui n’ont pas dépassé la vingtième page à cause de la multiplication des noms à retenir !

Au rayon des bricoles :
« La probité et la compétence (...) ne sauraient être mise en doute : mises

En tout cas, un beau mix de fantaisie et de sport !

M

Ce message a été lu 6450 fois
z653z  Ecrire à z653z

2012-01-06 14:13:14 

 3 mois aprèsDétails
1-J'ai un peu mal à m'imaginer le jeu avant les souffleurs, une sorte de combat à l'épée tout en portant un bouclier ? Il aurait peut-être fallu un intermède où le jeu est expliqué à un néophyte.
2-La victoire finale est un peu trop rapide et éclatante.
3-Pour revenir aux multiples personnages, on n'a pas trop de le temps de s'y attarder vu qu'ils n'apparaissent que quand le rythme du récit est rapide.
Sinon, (presque) tout le monde s'amuse dans cette histoire et ça change les idées.

Ce message a été lu 6352 fois


Forum basé sur le Dalai Forum v1.03. Modifié et adapté par Fladnag


Page générée en 932 ms - 305 connectés dont 3 robots
2000-2024 © Cercledefaeries