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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 29 octobre 2011 à 13:01:50
Cepreval ouvre les yeux. Il est vivant. Vivant ! Au-dessus de sa tête, le ciel est d’un bleu cobalt. Complètement vide. Un goût salé envahit sa bouche. La vague le surprend et il roule plus loin sur la plage déserte. Un sable blond crissant sous lui, il se met à genoux pour recracher une longue humeur aqueuse. S’essuyant la bouche d’un revers de manche, il examine l’endroit où la marée l’a rejeté. C’est une petite plage blottie au fond d’une crique enserrée par de hautes falaises qui se referment doucement sur elle. Il a réussi. Après tout ce temps, il est finalement rentré chez lui !

Il se souvient du naufrage. La tempête de fin du monde. Les éclairs innombrables qui zébraient la nuit. Les esclaves épouvantés qui gémissaient sur les bancs de nage, essayant de suivre le rythme saccadé du tambour. Les coups de tonnerre étourdissants qui roulaient sur la mer déchainée. Les fouets des maîtres-chiourmes qui claquaient sans relâche, laissant des traînées sanglantes sur les épaules et les dos dénudés. Il se souvient aussi de la sinistre silhouette qui se découpait en ombre chinoise sur l’horizon quand un jour éphémère inondait l’océan durant une seconde. C’était celle de la caravelle qui les poursuivait, apparaissant et disparaissant au-dessus des crêtes ondulantes, au gré des vagues monstrueuses venant s’abattre sur leurs têtes. La galère, toutes griffes dehors, mordait l’écume comme un chat enragé. Son capitaine se tenait, stoïque, sur le frêle château arrière, tout près du timonier dont les mains avaient été attachées à la barre. Les arbres grinçaient malgré leurs voiles affalées. Mais Cepreval avait remercié le Ciel car, sans cette tempête providentielle, la caravelle lancée à leurs trousses n’aurait eu aucun mal à rattraper la lourde galère et remettre la main sur lui.
Il ferme les yeux, revivant les épreuves qu’il a récemment traversées.

Alors qu’il avait presque renoncé à se rebeller, acceptant son misérable sort comme tant d’autres avant lui, il avait découvert par hasard ce qu’il ne cherchait même plus ! Cette découverte l’avait galvanisé et lui avait donné la force nécessaire pour organiser sa fuite. Il n’aurait droit qu’à une tentative.

Il avait préparé durant de longues semaines son évasion. Quand tout avait été prêt, il avait attendu patiemment le moment propice. Celui-ci était advenu quand on lui avait intimé l’ordre de se rendre chez un orfèvre très réputé qui résidait dans une bourgade distante de quelques dizaines de lieues. Escorté par un petit détachement de soldats, il s’était mis en route, tirant derrière lui un cheval de bât transportant un petit coffret qui contenait, en piastres d’or, le prix du somptueux collier commandé à l’artisan. La nuit précédant leur arrivée chez l’orfèvre, il avait faussé compagnie aux gardes après leur avoir administré un puissant somnifère. Il n’avait pu se résoudre à une mesure plus définitive qui aurait été contraire aux valeurs morales qu’il avait toujours observées. Il s’était éclipsé en emmenant avec lui deux montures supplémentaires, après avoir dispersé celles de l’escorte et avoir glissé dans ses fontes, le sac en cuir rebondi renfermant les rouleaux de pièces d’or.

Il ne pouvait compter que sur une poignée de jours avant que l’alerte soit donnée et que les janissaires se lancent à sa poursuite, d’autant plus ardemment que la disparition du calice à la valeur inestimable avait été évidemment découverte. Il avait pris soin de masquer ses traces et avait multiplié les fausses pistes pour retarder ses poursuivants. Au lieu de se précipiter vers l’ouest pour gagner Caireel, le plus grand complexe portuaire des îles-royaumes de l’Archipel du Morient, il avait bifurqué vers le sud-est où la côte était bien moins hospitalière et les routes maritimes bien moins nombreuses. Il y avait là néanmoins une petite cité, Ascat, qui possédait un port principalement destiné aux exportations d’huile de palme vers l’Île-continent.

Quand Cepreval était arrivé à Ascat, les janissaires le talonnaient désormais.

Pour payer son passage, il avait largement graissé la patte du capitaine, un vieux loup des mers qu’il avait repéré peu avant sur les quais. Son navire, aux formes ordinaires, était une galère de commerce aux lignes fluides et robustes, taillée pour fendre les mers de ce côté-ci du monde. A ce qu’il en avait pu voir, son équipage libre lui avait paru expérimenté et loyal. Les esclaves enchaînés aux bancs de nage lui avaient semblé plutôt dociles et bien nourris. Sa décision avait été rapidement prise. Il avait suivi le capitaine jusque dans un bouge du quartier portuaire, un endroit crasseux et anonyme tout au fond d’une ruelle sombre et boueuse. Le capitaine y avait apparemment ses aises. Il s’était dirigé sans hésiter vers une table inoccupée tout au fond de la grande salle. Sans qu’il eût besoin de manifester sa présence, une serveuse boudeuse était venue déposer devant lui un flacon de vin et un verre presque propre. Cepreval, accoudé au bar, l’avait observé sans se presser. Le vin pouvait se révéler son meilleur allié en cette circonstance. Il avait donc patienté jusqu’au moment où le capitaine avait attiré l’attention de la serveuse et lui avait fait comprendre ce qu’il voulait en renversant le flacon vide. La fille avait obtempéré sur le champ et avait prestement rallié le tenancier pour se ravitailler.

Cepreval s’était alors approché tranquillement et avait tiré une chaise pour s’assoir en face du capitaine. Celui-ci avait levé sur lui des yeux inexpressifs, ce genre de regard qui, généralement, dissuade les importuns et les fanfarons. Mais Cepreval ne s’était pas laissé impressionner.

« Holà Capitaine, je viens vous proposer un honnête bargain ! »

Le capitaine s’était reculé sur sa chaise, ses doigts tripotant le verre presque vide. Son visage était toujours sans expression. Aussi Cepreval avait-il joué son va-tout.

« Un passage pour Port Céleste ! »

« Ma galère ne prend pas de passager, monsieur ! avait répondu le capitaine, son ton poli était aussi glacial et roide que l’acier. Pour vous rendre sur la Grande Ile, il vous suffit d’acheter un billet aux Comptoirs du Ponant. Des galions partent tous les jours, vous n’aurez que l’embarras du choix ! »

Cepreval avait compris que la partie allait être serrée.

« Certes ! Disons que je désire également voyager discrètement et ces lignes régulières souffrent, disons, d’une absence totale d’intimité! Je vous rassure, je paierai votre prix, dans la mesure du raisonnable ! »

Plus tard, derrière les rideaux fermés d’une alcôve de l’établissement, il avait aligné sous les yeux éblouis du capitaine, plusieurs dizaines de piastres d’or qu’il avait tirées d’une grosse bourse de cuir fauve. Un cuir précieux. Un cuir princier.

Cela n’avait pas été suffisant. Il avait jeté sur le tas de pièces, l’anneau d’or massif qu’il portait à son doigt. Un anneau finement ciselé dont la face interne portait une courte inscription runique. Le capitaine l’avait alors dévisagé un long moment, sa grosse patte posée en travers du trésor qui brillait sur la table.

« Je vous en donnerai autant quand je débarquerai à Port Céleste ! » avait promis Cepreval de l’autre côté de la table.

Le capitaine avait tenté de jauger cet homme aux mèches grisonnantes, au visage émacié. Mais il irradiait cependant une étonnante vitalité. Peut-être était-ce à cause de l’éclat extraordinaire qui, par intermittence, s’allumait au fond de ses yeux délavés. Il avait détaillé ses vêtements de marchand, dépareillés, qui semblaient trop grands pour lui. Il avait ensuite baissé ses regards sur les mains de l’homme assis en face de lui. Des mains fines et blanches. Pas des mains de manant ni de commerçant. Elles étaient certes en sale état mais elles avaient conservé cette délicatesse qui ne signifiait pas forcément faiblesse. Il avait noté que Cepreval avait tiré soigneusement le bout de sa manche pour cacher son poignet droit. Le capitaine avait frissonné juste à ce moment. Il avait alors regardé Cepreval d’une toute autre façon.

« Tope-là Chevalier ! » avait-il conclu à mi-voix. « Tu rentres chez toi ! »

« Ne m’appelle pas ainsi, l’avait prévenu Cepreval, il n’y a pas de chevalier ici ! »

Le capitaine n’avait rien répondu mais s’était contenté de lui tendre une main, paume en l’air, où l’anneau d’or jetait un feu terni. Cepreval le reprit en inclinant simplement la tête.

On lui avait fait une toute petite place au milieu des tonneaux formant la cargaison chargée par les esclaves manutentionnaires. Lorsque la patrouille des quais s’était présentée pour la visite de contrôle, l’alcool bleu avait coulé au fond de petits gobelets et des pièces d’argent avaient changé de main. Peu après, la galère se propulsait à la force de ses rames hors du port. Elle se coula sous la gigantesque statue qui enjambait la rade en tenant, entre ses mains jointes, un feu qui jamais ne s’éteignait.

Cepreval avait senti ses yeux s’embuer de larmes lorsque la côte s’était peu à peu éloignée. Il avait laissé beaucoup derrière lui. En fait, il avait laissé une part de lui-même. Une part importante. Il avait souffert en ces lieux. Horriblement souffert. Et au milieu de cette inexprimable souffrance, il avait aimé tout aussi intensément. Un amour qu’alimentait sa souffrance. Un matin, il avait compris qu’il avait besoin de l’un comme de l’autre et que le manque d’un seul le rendait affreusement faible et malade. Il avait espéré perdre la raison. La folie aurait été pour lui une forme de libération. Mais ni sa souffrance ni son amour n’avaient permis qu’il s’affranchisse aussi facilement de leur étreinte.

Quand la galère avait été drossée brutalement sur les rochers affleurants que le pilote n’avait pas repérés, ce fut comme une explosion. La coque s’était littéralement désintégrée sous la violence du choc, éparpillant les hommes et les débris du bateau de tous côtés, comme des fétus de paille. Cepreval s’était désespérément accroché à la corde entourant un tonneau qui s’agitait comme un bouchon de liège dans la mer rugissante. La tempête ne faiblissait pas. Au contraire, la pluie cinglait son visage sous la force d’un vent tourbillonnant. Il avait entendu durant un long moment des cris perçants s’élever autour de lui mais n’avait jamais réussi à apercevoir un seul de ses compagnons d’infortune lorsque les éclairs illuminaient les montagnes liquides et mouvantes qui l’entrainaient au loin. Bientôt, les appels s’étaient tus et il était resté seul, balloté dans tous les sens au gré d’un courant qui le chassait dans une direction inconnue. La nuit n’en finissait pas et sentant ses forces le quitter, il avait, dans un dernier effort, noué la corde autour de ses poignets afin qu’il ne soit pas séparé du tonneau. Puis, à bout de forces, il avait remis son âme entre les mains de son Gardien.

A partir de ce moment, il ne se rappelle plus de rien jusqu’à ce qu’il rouvre les yeux sur cette petite plage ensoleillée.

Il ne sait pas encore qu’une caravelle orientale a accosté le matin même dans un port situé plus au nord. L’officier de permanence de la capitainerie qui a accouru pour procéder aux formalités d’enregistrement, a eu la surprise de voir, lorsque l’échelle de coupée a été jetée sur le quai, s’avancer vers lui une femme élancée aux longs cheveux noirs. Son justaucorps de cuir également noir et ajusté, à la ligne agressivement masculine, ne pouvait cacher cependant ses formes exquises. Oui en effet, la beauté de cette femme était à couper le souffle et son allure princière imposait le respect. L’officier ne s’y est d’ailleurs pas mépris. Ployant le genou, il a salué la belle inconnue d’une profonde révérence. A un pas derrière leur maîtresse, les silhouettes de plusieurs janissaires se découpaient sur le bleu du ciel et le blanc des voiles.

M


  
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3 deux histoires parallèles ça va - z653z (Jeu 17 nov 2011 à 16:28)


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