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 WA - Participation exercice n°107 -part I Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 20 mai 2012 à 20:52:55
Allez, on y retourne... la bataille n'est pas commencée!
Cette suite s'articule en deux volets!
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ENSEMBLE, NOUS TIENDRONS...


La première bande-son

A l’aube du troisième jour, les combats se poursuivaient.

Les troupes taurines progressaient inexorablement dans le défilé comme le mascaret d’un torrent de montagne dévale la vallée après que le barrage ait rompu. Les Fauconniers avaient farouchement résisté mais devant cette armée innombrable, ils avaient cédé peu à peu du terrain.

D’abord, des créatures ailées aux formes viles et repoussantes, précipitèrent du ciel des outres rebondies. Les Fauconniers apprirent très vite à leurs dépens à se méfier de ces projectiles. Ils étaient remplis d’un liquide huileux qui brûlait comme un feu invisible le moindre pouce carré de peau nue ou insuffisamment protégée par plusieurs épaisseurs de vêtements. A son contact, l’épiderme se couvrait de champignons rougeâtres et urticants. Les malheureux, en se grattant jusqu’au sang, les percèrent et accélérèrent leurs tourments. Par une réaction infernale, un fluide visqueux se mit à suinter des ignobles bubons et s’enfonça profondément dans les chairs, progressant jusqu’à l’os. La douleur submergea les blessés, les faisant hurler comme des damnés. Rien ne réussit à calmer leurs souffrances, pas même les décoctions savantes de fleurs de genêt royal, acheminées à grand frais de brandes lointaines, et de pétales de pavot. Beaucoup supplièrent leurs camarades de leur couper les chairs infectées pour mettre fin à leur supplice. D’autres, rendus fous par l’effroyable douleur, se précipitèrent du haut des falaises. Ceux qui avaient résisté à l’envie de percer ces ignobles cupules n’en furent pas quittes pour autant. Les cloques infernales s’étendirent progressivement sur tout le corps, les démangeaisons devenant insupportables. Aucun onguent ne vint à bout de cette infection. Au crépuscule de la terrible journée, ils étaient tous morts.

Devant cette hécatombe, le Duc fut contraint d’assigner de nombreux archers, parmi les plus émérites, à surveiller le ciel pour empêcher les harpies d’approcher trop près des falaises. Il ne pouvait les distraire de cette mission, les créatures ailées tournoyant sans répit, glapissant au sommet du ciel et restant hors de portée des arcs longs. Dans leurs serres crochues, les outres du diable étaient bien visibles. Les archers ainsi occupés, manquèrent dans les lignes de défense destinées à endiguer les vagues ennemies qui assaillaient le défilé.

Ensuite, le danger prit un autre visage. Des hommes frêles et de petite stature se hissèrent le long des falaises abruptes, trouvant des prises et des appuis là où tout autre n’aurait vu qu’une succession de dalles de pierre grise uniformément lisses. Ils portaient dans le dos de larges boucliers ronds qui les protégeaient, durant leur ascension, des tirs provenant de l’autre versant du canyon. Il fallait à chaque fois plusieurs flèches, atteignant bras ou jambes, pour leur faire lâcher prise. Ils furent nombreux à s’écraser au pied des falaises mais bien plus nombreux à s’élancer à l’assaut des murailles naturelles pour remplacer leurs compagnons abattus. Quand ils parvenaient sur les chemins de ronde, ils se révélèrent de redoutables combattants. Ils se précipitaient dans les échauguettes et les fortins, armés de haches à double tranchant ou de glaives courts qu’ils maniaient avec une dextérité incroyable, compensant par une extraordinaire agilité leur taille enfantine. Ils ne parlaient pas, se contentant de pousser de brefs cris gutturaux, dévoilant une dentition plus canine qu’humaine. Ils ne semblaient pas craindre la mort et ne montraient aucune pitié pour les adversaires qu’ils achevaient cruellement.

Au fond du défilé, malgré l’averse incessante de flèches qui décimait leurs rangs, les renforts des assaillants paraissaient inépuisables. Les cadavres étaient rapidement emmenés vers l’arrière, hors de la vue des Fauconniers. Au deuxième jour, une rumeur inquiétante parcourut, telle une traînée de poudre, les lignes des solides défenseurs. Elle fit naître en leurs coeurs une crainte superstitieuse qui affaiblit leurs bras et versa dans leurs gorges un breuvage amer comme du fiel.

Certains assurèrent avoir vu tomber deux fois le même homme. Non, ce n’était pas une simple ressemblance ou un effet de l’imagination. Non! C’était vraiment le même individu! Ceux qui rapportèrent ces témoignages jurèrent sur la tête de leurs femmes et de leurs enfants. Ils affirmèrent que ces hommes arboraient encore très visiblement leurs mortelles plaies. Mais si les blessures demeuraient béantes, aucun sang ne s’en écoulait. Selon la rumeur, la seule explication était que Seigneur démoniaque avait proféré un noir sortilège de protection. Sa puissante magie avait dénoué les liens qui fermaient la porte du monde souterrain afin que ses guerriers mortellement touchés pussent remonter le cours de la rivière souterraine charriant vers leur dernière demeure les âmes des trépassés.

Ces récits minèrent gravement le moral des Fauconniers embusqués. Comment pourraient-ils venir à bout de revenants? Cela expliquait, pour ces montagnards aux âmes simples, le sentiment de perpétuel recommencement qu’ils éprouvaient en contemplant l’immensité de l’armée taurine. A leurs yeux, celle-ci était comme une marée montante dont les vagues successives se brisaient sur le rivage mais qui, après avoir reflué, revenaient encore et encore, grignotant toujours un peu plus de sable. Une marée humaine.

Leur courage vacillait et il restait deux jours entiers à tenir. Deux jours. Autant dire une éternité !

Les ouvrages fortifiés qui barraient régulièrement le défilé étaient tombés les uns après les autres malgré les multiples actes héroïques et les sacrifices consentis. Pour un Fauconnier qui s’effondrait, dix, vingt barbares jonchaient le sol. Pourtant, les défenseurs avaient l’impression que la fougue et le nombre des assaillants ne s’émoussaient jamais.

L’aube du troisième jour se levait lentement au-dessus du canyon. Ce n’était pas encore la clarté car les falaises s’élevaient très haut au-dessus du sol sablonneux. En cette saison, le soleil ne faisait qu’une courte apparition, à peine une petite paire d’heures, sur son étroit chemin céleste. Tout le reste de la journée, une lumière grisâtre régnait dans le défilé tapissé d’ombres profondes.

La nuit avait été relativement tranquille. Quelques éléments de l’avant-garde taurine avaient testé l’ultime dispositif de défense des Fauconniers, sans y mettre toutefois beaucoup de conviction. Quand les premiers rayons du soleil effleurèrent les hauteurs crénelées, un grondement enfla, provenant de l’entrée de la passe. C’était les bruits parfaitement reconnaissables d’une armée en marche. D’une immense armée, si sûre de sa force qu’elle ne cherchait nullement à dissimuler sa progression. Les sentinelles avancées avertirent, à l’aide de fanions de différentes couleurs, les premières lignes de défense.

Les capitaines, qui avaient à peine dormi, regagnèrent à la hâte leurs positions tandis que les trompettes se répondaient le long des escarpements. Pourtant même un oeil exercé aurait eu du mal à distinguer les chemins de ronde et les redoutes qui formaient un réseau dense surplombant l’ouvrage fortifié que ses constructeurs avaient baptisé Fort Verrou. Ses formidables dimensions auraient dissuadé n’importe quelle armée d’invasion. N’importe laquelle sauf celle qui s’avançait sous les bannières taurines, soumise à la volonté implacable du Roi Sorcier.

Le Duc réunit comme chaque matin son petit état-major. Il déroula sur un tréteau, une carte portant de nombreuses traces d’usure et qui était même déchirée par endroits, à force d’avoir été dépliée et repliée. Le défilé s’étala sous leurs yeux, une entaille serpentant entre les montagnes.

A l’invitation muette de son seigneur, un aide de camp disposa des petites figurines bleues et rouges. Les bleues symbolisaient les défenseurs, les rouges les agresseurs. Les forces en présence n’étaient pas à l’échelle mais cela permettait de revoir une dernière fois les choix tactiques qui seraient éventuellement utilisés ainsi que les codes de manoeuvre associés. Après les discussions, d’une voix très calme mais empreinte d’une grande lassitude, le Duc conclut la réunion :

« Les premières heures seront décisives. Rappelez-vous, nous devons tenir encore deux jours. Chacun d’entre vous connaît ses instructions. Relisez les derniers rapports attentivement. Surveillez les signaux et respectez les codes de couleur. Souvenez-vous, nous formons une chaîne. Si un seul maillon cède, la chaîne entière ne vaut plus rien !»

Le Duc ménagea une pause. Il laissa filer les secondes, sentant la tension croître dans le cercle restreint que formait son conseil. Les officiers supérieurs étaient suspendus à ses lèvres malgré leur grande expérience et la confiance qu’ils plaçaient en leurs hommes. Quand le Duc sentit que l’impatience était à son comble, il poursuivit :

« Maintenant laissons de côté tous ces préparatifs. Nous sommes prêts. Vous êtes prêts. Le sort de la bataille est désormais entre les mains du Destin. Nous ne faillirons pas. Nous tiendrons et les vagues hurlantes de nos ennemis viendront se briser, impuissantes, sur la digue de notre résolution inébranlable. Allez, regagnez vos postes ».

O O O


La deuxième bande-son

Lugnimius s’épongea le front d’un revers de main. Les muscles de ses bras commençaient à s’ankyloser. A ses pieds, le stock de flèches s’épuisait et le jeune garçon chargé du réapprovisionnement n’était pas repassé. Il banda à nouveau le grand arc de guerre, cherchant une cible dans l’étroite vallée qui se rétrécissait jusqu’à lui. Il lui sembla que la corde trop sollicitée s’était très légèrement détendue, l’obligeant à modifier son geste pour en tenir compte. Il questionna le soleil. L’astre diurne n’était pas encore parvenu au zénith. Ce jour n’en finissait pas !

Sous le dernier rempart qui protégeait les riches plaines des Royaumes de l’Ouest, le sol était jonché de cadavres appartenant aux régiments de fantassins hurleurs, dotés d’armes légères, l’avant-garde taurine. Ils n’avaient représenté aucun danger compte tenu de la nature du terrain et du formidable obstacle qui leur barrait le chemin. C’était un mur-citadelle, haut de plus de deux perches et épais de près de deux toises, édifié à la faveur d’un resserrement naturel de la trouée montagneuse. Il constituait l’ultime ouvrage défensif du Verrou Ducal. S’il tombait, rien ne pourrait plus arrêter la marche en avant du Roi-Sorcier.

A l’aube, ses troupes s’étaient précipitées aveuglément à l’assaut, mais plus sûrement au-devant de leur propre mort, sous la pluie mortelle de traits tombant dru des falaises abruptes. Elles avaient été décimées sans difficulté. Mais cela n’avait pas duré.

Bien vite, le Roi-Sorcier avait décidé de remplacer la vulgaire piétaille, uniquement bonne à se faire hacher menu et à tester les défenses. Apparurent alors de lourds chariots tirés par de massives créatures comme Lugnimius n’en avait jamais vues auparavant. Leurs corps étaient entièrement recouverts d’une sorte de carapace faite de larges écailles osseuses. Elles étaient insensibles aux flèches qui ricochaient dessus sans mal. Leurs courtes pattes étaient aussi larges que les troncs de jeunes arbres vigoureux. Les chariots supportaient de grandes bâches enduites d’une épaisse couche de goudron et tendues entre de hauts poteaux de bois.

Au grand dam des archers, cet ingénieux dispositif se révéla étonnamment efficace contre les flèches qui ne purent transpercer les toiles renforcées. Même les flèches enflammées se furent inutiles. Les chariots soustrayaient les troupes taurines aux tirs directs des archers fauconniers embusqués le long des parois. Ceux-ci durent se résoudre à recourir aux trajectoires paraboliques qui ne possédaient pas la même précision, leurs cibles devenant invisibles. Puis, même cette possibilité fut battue en brèche. Sur d’autres chariots, de grands parasols aux toiles horizontales et également goudronnées, bouchèrent une grande partie des angles de tirs paraboliques. Les Fauconniers impuissants assistèrent à l’arrivée de nouveaux régiments qui se massèrent peu à peu à l’abri de ces fortifications mobiles. Ils n’entendaient que les roulements de tambours qui rythmaient les manoeuvres des nouveaux arrivants.

Refusant de s’avouer vaincu, Lugnimius, à la limite maximale de la portée de son arc, repéra l’extrémité des cornes noires ornant, en règle générale, le casque de fer des seigneurs taurins. Il retint longuement sa respiration et relâcha la corde qui claqua sèchement. Sa flèche grimpa haut dans le ciel, décrivant une gracieuse parabole avant de plonger brutalement au-delà des écrans de protection. Il nota avec jubilation que le heaume qu’il avait visé disparut brusquement. Touché. Une grande clameur joyeuse s’éleva sur le rempart, ses compagnons saluant bruyamment son exploit. Imitant son exemple, une volée escalada à son tour le ciel, accompagnée par des encouragements frénétiques. Mais les flèches se fichèrent dans les toiles tendues ou ricochèrent sur les croupes caparaçonnées des énormes créatures immobiles. Un énorme rugissement empli la vallée, éructé par des milliers de gorges invisibles, un rugissement de défi.

Lugnimius aperçut d’autres mouvements provenant du fond de la vallée. Il n’eut pas besoin de se tourner vers les drapeaux agités par les sentinelles placées au sommet des falaises, pour comprendre la nature du nouveau danger. Des portiques et des mâts s’avançaient lentement, dépassant d’une grande hauteur les toiles tendues. Il reconnut sans difficulté les verges d’une bonne dizaine de trébuchets, ces engins de siège capables de briser les murailles des plus inexpugnables forteresses. Mais il fut abasourdi par les dimensions de celles qui se mirent en position à plus de trois cents pas du grand mur tant elles étaient extraordinaires. Le coeur du Fauconnier se mit à battre très fort et très vite. Un cor chanta lugubrement tout en haut d’un escarpement. A son appel répondirent bientôt de nombreux autres le long des falaises. C’était le signal du repli. Le Duc avait compris. Le mur allait tomber.

Le silence recouvrit la plaine. Un silence étrange et surnaturel. Un silence de fin de monde. Et au milieu de ce silence, de sinistres craquements crépitèrent. C’étaient les plaintes du bois soumis à une pression démesurée. Des ordres gutturaux résonnèrent sèchement et Lugnimius vit les verges disparaître peu à peu, halées en arrière par les servants des trébuchets. Il entendit les coups de fouet des cordes se détendant et les coups de tonnerre des verges libérant leur chargement. Malgré le danger imminent, il resta pétrifié, fixant, comme hypnotisé, l’énorme boulet de fer filant droit sur lui, le long d’une trajectoire très tendue. Quand l’incroyable projectile heurta le mur à mi-hauteur, Lugnimius en ressentit la secousse remonter comme une chose vivante le long de ses jambes jusqu’à son ventre. Un grand nuage de poussière enveloppa la zone d’impact, la bouchant à sa vue. Des hurlements sauvages s’élevèrent à nouveau, mêlant cris de victoire et cris de haine. Trois autres boulets, lourds de plusieurs centaines de livres, convergèrent vers le rempart. L’un d’eux s’écrasa non loin de l’endroit où il se trouvait, arrachant une bonne portion du chemin de ronde et fauchant au passage plusieurs défenseurs. Le sol se déroba sous ses pieds et il fut projeté à terre par l’onde de choc. Sa bouche se remplit de poussière. Il vit un capitaine exhorter ses hommes avec de grands gestes mais aucun son ne semblait sortir de ses lèvres. Lugnimius secoua la tête et l’horizon cessa de tanguer devant ses yeux. Il se leva avec peine et constata alors l’ampleur des dégâts occasionnés par les engins de siège du Roi-Sorcier. Les premiers éléments de maçonnerie s’étaient effondrés avec grand fracas, laissant béer d’inquiétantes brèches sous les créneaux.

Mais, au fond de la vallée, d’autres engins prenaient place aux côtés des trébuchets dont la cadence de tir était soutenue de façon surhumaine. Régulièrement, les énormes boulets de fer s’abattaient sur l’ouvrage défensif déjà à l’agonie, avec une précision de plus en plus grande. Malgré l’épaisseur du mur, ils l’ébranlaient chaque fois un peu plus. Il y avait aussi d’autres types de projectiles. Des boulets plus petits reliés entre eux par de longues chaînes dont les maillons aplatis avaient des arêtes mortellement aiguisées. Elles coupaient autant que le fil des meilleures épées trempées par les maîtres forgerons de la Cité Libre d’Espadera où les taureaux de combat mélangeaient leurs larmes de rubis aux grains d’or des arènes ensoleillées. Ces boulets jumelés tournoyaient en trajectoires imprévisibles et jetaient la plus grande confusion sur les remparts où ils infligèrent des blessures abominables.

A l’ouest, un point apparut sur l’horizon.

Le moment de vérité approchait. Les défenseurs des falaises s’étaient regroupés à l’abri du grand rempart. Certains s’employaient à réapprovisionner leurs carquois mais beaucoup ressortaient des armureries creusées à même la montagne armés de lourds boucliers et d’épées étincelantes. De jeunes garçons passaient dans les rangs, tendant des gargoulettes de terre cuite remplies d’eau fraîche. Tous les visages étaient graves et réfléchis, attendant l’inévitable. Le Duc, entouré de sa garde personnelle, traversa le vaste terre plein pour rejoindre une casemate. A cet instant, un nouveau bolide atteignit de plein fouet les lourds vantaux de la porte monumentale qui gémit une longue plainte, caverneuse et métallique. Sous la force de l’impact, toute la structure trembla mais la porte tint bon. Le Duc ne s’arrêta pas. Il n’avait pas atteint son quartier général que l’enfer s’abattait sur la terre. Un boulet explosa au beau milieu de l’esplanade de terre battue, vomissant de longues langues de feu qui s’étendirent dans toutes les directions. Des dizaines de malheureux furent instantanément transformés en torches humaines. Le souffle ardent jeta à terre le Duc et sa suite. Le Duc se releva péniblement, ses cheveux roussis par l’intense chaleur dégagée. Il contempla le spectacle de désolation qui l’entourait.

Le point sur l’horizon grossissait rapidement. C’était un cavalier à n’en pas douter.

Lugnimius serra les dents. Il abandonna au loin son arc inutile et se rua vers l’escalier qui courait au flanc du rempart. Au milieu des degrés, une volée de boulets marmoréens désintégra littéralement un large pan du mur d’enceinte. Le rempart s’ouvrit en deux, comme si une épée gigantesque maniée par un dieu vengeur, s’était abattue sur lui, l’éventrant de haut en bas.

Lugnimius fut une nouvelle fois déséquilibré, dégringolant l’escalier cul par-dessus tête. Au pied des marches, il jura comme un charretier mais il était entier. Son nez saignait sans gravité. Il ramassa une épée qui traînait là. Il ne lui restait qu’une chose à faire. Emprunter la Voie de l’Honneur, celle qui demeure ouverte quand toutes les autres se sont refermées. Celle qu’on suit quand il n’y a plus rien à espérer. A cet instant, les trompettes ducales entonnèrent un air court et solennel. La Voie de l’Honneur. Il n’y avait ni tristesse ni résignation dans ces quelques notes cristallines.

Sur l’ordre du Duc, les tambours battirent le ralliement. Les bannières, fières et insoumises, claquèrent au vent. Le Duc fit un signe. Les lourds battants d’airain qui avaient vaillamment résisté aux coups de boutoirs, tournèrent silencieusement et sans difficulté sur leurs gonds huilés. Au son des fifres et précédées par les oriflammes chamarrés, les longues files de Fauconniers sortirent calmement, en rangs ordonnés. Le Duc ne pourrait respecter sa promesse. Mais il ferait en sorte que son Honneur et celui de sa Maison demeurent sans tache.

Il appela auprès de lui un jeune page de sa suite qui tenait sur son poing fermé, le Faucon de la Maison des Aires. Le splendide rapace était à la fois imposant et racé. Sa robe grise et blanche était reluisante et le chaperon de cuir souple qui lui masquait les yeux afin qu’il se tienne tranquille portait la marque des artisans les plus réputés. Ses puissantes pattes jaunes agrippaient fortement l’avant-bras du jouvenceau. Le Duc tendit son bras et l’oiseau, reconnaissant son maître, s’y percha prestement. Le Duc lui murmura à voix basse quelques mots. Il glissa un fin rouleau de papier sous une bague qui enserrait l’extrémité d’une de ses pattes. Il lui retira enfin le bonnet de cuir et éleva vivement son bras vers le ciel. Le rapace poussa un cri sec et perçant et s’envola sans effort au-dessus de la place d’armes. Il fit un tour en planant au-dessus des têtes qui l’observaient puis fila vers l’ouest. A ses trousses, une grande ombre ailée se dessina derrière les nuages, le suivant sans effort.

Le cavalier se rapprochait peu à peu de l’enceinte éventrée.


(à suivre dans cette WA)

M


  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-06-04 23:05:35 

 Commentaire Maedhros, exercice n°107Détails
Ouaououh ! Trop bien ! Ca a été mon cri du coeur du début à la fin. Technique, inventif, prenant, horrifiant, structuré, implacable... J’ai écrit « joli » en marge pratiquement sur tous les paragraphes.
Mention spéciale pour ta description clinique des lésions causées par l’huile maudite. Re-mention spéciale pour les morts-vivants ! Et re-re- pour l’attaque aux boulets, et la trouvaille des boulets enchaînés...
Ah je plains le lecteur qui se ronge les ongles, il finira sa lecture les doigts en sang... surtout s’il écoute la musique, qui semble avoir été écrite pour toi !

Bricoles :
-ils portaient dans le do de larges boucliers
-les premières lignes de défenses : défense
- sous la pluie mortelle de traits tombant drue : dru ( adverbe)
- ... se révéla étonnamment efficace... se révélèrent inefficaces ( trop proches)
- Lignimius secoua sa tête : la tête



C’est un texte comme je les aime, dense, concis, précis, où l’on ne peut pas sauter une ligne. On est ficelés du début à la fin. Sachant la difficulté que représente la description d’une scène de combat, l’enchaînement ininterrompu sur 7 pages est un véritable exploit. J’en reste abasourdie ! Que ce soit la réflexion de l’archer, la description des machines de guerre ou de la topographie des lieux, tout est mesuré, maîtrisé, contrôlé : c’est vraiment un texte d’une très grande qualité.
Je me souviens que dans le commentaire de l’épisode précédent ( qui était déjà très fort), je m’interrogeais sur la nécessité de réécrire l’acte II (WA n°42) pour retrouver la même force. En y repensant, je me demande s’il ne suffirait pas de rallonger l’acte I pour en faire un véritable chapitre, dans la même veine que celui-ci. L’histoire d’amour viendrait alors, en chapitre II, plus cool, pour faire reposer le lecteur après un début étourdissant, tout en lui proposant un gros plan sur quelques personnages – puisque tu es parti pour tenir... la distance !
En tout cas merci pour ce moment exceptionnel, j’en frissonne encore !
Narwa Roquen,yes he can!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-06-05 20:52:42 

 Mille mercis!Détails
Je mets la dernière main à la partie II.

Je pense la terminer raisonnablement d'ici la fin de la semaine au plus tard.

Ensuite, je rattraperai aussi mon retard de chroniques!

M

qui ne lâche pas l'affaire

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