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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 30 aout 2012 à 23:23:42
PASSER



J’appelle la vie
Splendide hasard
Michel Berger


« Tu l’as encore ratée ? »
Epiphanie ne répondit pas. D’un pas lourd, elle porta le chaudron dans le jardin et en répandit le contenu sur un coin d’herbe, qui se flétrit aussitôt. Vieillesse. Mal au dos. Poignets, épaules, genoux. Douleurs. Au moindre mouvement.
« Et tu sais pourquoi tu l’as ratée ? », insista le chat.
- « Si je le savais, gros malin, je l’aurais réussie.
- Trois fois, ce mois-ci...
- Eh bien oui, trois fois. Mon Pouvoir décline. Je vieillis. Est-ce que tu n’as pas manqué un mulot, toi, hier matin ?
- Non ! L’herbe était mouillée, j’ai glissé, voilà. Et de toute façon c’était un très petit mulot tout maigre. Et je n’avais pas faim. Et puis », ajouta-t-il avec un haussement d’épaules quelque peu méprisant, « moi, j’ai neuf vies.
- Et moi je survivrai bien encore quelque temps sans potion pour éplucher les légumes. Il doit bien me rester un couteau quelque part...
- Avec tes mains engourdies, la soupe va être longue à préparer !
- Tu as l’intention de devenir végétarien ? »
Rodrigue, comme tous les chats, n’appréciait que son propre humour. Après un battement de queue furieux, il sauta par la fenêtre entrouverte. Epiphanie, non sans un soupir, s’attabla devant carottes, pommes de terre, navets et poireaux, grimaçant quand la prise en main du couteau déclencha un éclair de souffrance.
Vieillir. Avec les potions, encore, on atténue. Elles sont en train de partir aussi. Le feu, depuis longtemps. Mais comment jeter des sortilèges avec des doigts raides ? Pas que ça. Le Pouvoir, doucement, s’étiole. Creuser une tombe, s’endormir. Creuser... comment ? Peine déjà à soulever la bêche...
Elle était loin d’avoir fini sa corvée d’épluchage quand le chat réapparut au rebord de la fenêtre.
« Tu devrais aller voir dans la grange. J’y ai trouvé un drôle d’oiseau tombé du nid.
- Peux plus le guérir. Mange-le.
- Viens-voir, je te dis, tu ne le regretteras pas ! »
S’appuyer à la table. Le poignet est-il plus ou moins douloureux que le genou ? Le genou craque davantage. Observer sa douleur la garde un peu à distance. On apprend ça avec l’âge. Et avec la douleur. Marche, carcasse.
Entre deux bottes de foin un petit garçon dormait roulé en boule, le bonnet de laine enfoncé jusqu’aux yeux. La sorcière le remua du bout de sa bottine.
« Eh, loupiot ! Réveille-toi ! Je fais pas auberge ! »
Deux grands yeux noirs écarquillés, une bouche close.
« Ca va, je te fais pas de mal. Tu t’appelles comment ? Tu viens d’où ? »
Yeux fixes cillant à peine, lèvres scellées. Assis mais prêt à bondir, doigts jouant nerveusement avec les brins de foin. Fausse statue.
« T’as faim ? »
Battement de cils.
« Tu comprends ce que je te dis ? Ca va, on va pas y passer la Noël. Viens. »
Taiseux mais trottinant. Niché sur une chaise, les pieds nus sous les fesses, maigrichon mais peut-être pas si jeune que ça. Huit ? Neuf ? Pas plus. Ca causait pas mais ça avalait tartines beurrées, tranches de fromage et bol de lait. Et toujours pas un mot.
« Tu veux rester pour la nuit ?
Pas difficile de lire l’espoir dans le regard.
« Moi c’est Epiphanie. Et toi ? »
Haussement d’épaules, geste vague de la main.
« Quoi, ça n’a pas d’importance ! Tu as un nom ? »
Petit soubresaut de la tête, de côté. Gêne, agacement ? Les adultes posent toujours les mêmes questions.
« Pas de nom ? Donc je suppose pas de famille. Tu cours les routes en mangeant ce que tu peux, c’est ça ? »
Regard baissé.
« Ben, y a pas de honte. Je vais te préparer la chambre. Si demain t’as envie de causer, te gêne pas. »
D’un geste vif il attrapa le couteau et entreprit l’épluchage des légumes. Habile. Pas si jeune que ça.
« Quel malheur de voir ça », soupira la sorcière en sortant des draps propres de l’armoire, «un gamin qui n’a même pas de nom ! J’en ai vu des pauvres gens, mais là... »
Bonne odeur de propre dans la petite chambre inoccupée depuis toujours. Vite fait, le lit. Penser à tuer un lapin pour mettre à la marmite. Ce soir, une omelette. Ca mange, ces moineaux-là.



Au matin le feu s’alluma dans l’âtre avant d’avoir gratté l’allumette. Mouvement de recul. Etonnant. Toujours ça de repris.
« Bon, moineau, tu fais quoi ? Tu repars, tu restes avec moi ? »
Le chat était perché sur son épaule. Il avait dormi avec lui, Epiphanie n’en doutait pas, le côté gauche du bonnet noir était couvert de longs poils blancs.
« Je l’ai surveillé », proféra le chat.
- « Oui, en ronronnant... et tu connais ses intentions ?
- Si tu lui disais que tu serais contente s’il reste... »
La sorcière alluma son regard vert.
« Je n’ai pas à être contente ou pas. Chacun de nous ici-bas est libre de ses choix. Il reste s’il veut.
- Pfui... Tu es sûre que tu n’as pas été chat dans une vie antérieure ? »
L’enfant fit oui de la tête – et s’attabla devant le bol de lait.
« A mon avis, ça veut juste dire qu’il a faim.
- Tu n’es qu’un chat glouton et dérisoire.
- Mais je suis le Chat. »
Le garçon se mit à rire – rire bref, rayon de soleil fugitif, rosée du matin, battement d’ailes – et caressa le chat.



Il resta.
Epiphanie en fut contente. Il l’aidait bien. Il était silencieux mais efficace et vaillant à la tâche.
Et puis le Pouvoir avait l’air de revenir un peu. Ca la mettait de bonne humeur. Elle souffrait moins, elle était plus leste et plus rapide. Peut-être était-ce juste pour qu’elle puisse faire survivre l’enfant, mais ça ne la fâchait pas. C’était bon à prendre.


« J’en ai un peu assez de t’appeler moineau ou loupiot ou gamin... Il te faut un nom à toi. As-tu une idée ? »
Yeux inquiets, non de la tête.
« Je propose, tu choisis. Veinard ! Nous autres, les parents décident, et on porte ça toute la vie. Alors... Emile. Non ? Vagabond. Non plus ? Abel... Roland... Emeri... Commode... Bol de lait... Ami du chat... Automne... Quoi c’est stupide ? Je cherche, moi ! Passager... Fils du Vent... Vie... Vi... Victor... Vivant... Vivien ! Ca te va, Vivien ? Allez, c’est bon, te voilà nommé. »
Yeux écarquillés, comme devant un monceau d’or. Première possession, première richesse, bien inaltérable, inaliénable, définitif. Si peu, pourtant. Et pour lui, tellement. L’humain a besoin de noms. Ce qui n’est pas nommé ne peut se dire. Donc honteux.
Il faisait la carpe à essayer de prononcer le mot. Devenait rouge d’effort. Et larmes perlantes de frustration salée. La main gauche d’Epiphanie sur la gorge de Vivien. Parce que ce qu’on n’a pas appris à faire, ça ne peut être fait que de la main gauche. La droite a ses codes et son obéissance. La gauche seule a le pouvoir d’improviser.

Un noeud. Un noeud de fils serrés d’angoisse et de souvenirs à maintenir intact pour éviter la souffrance. La douleur indicible de qui n’a pas encore de mots et attrape par le regard tout le malheur du monde – sans un cri.
Des pleurs en cascade et une longue plainte de nourrisson abandonné, des sanglots, des hoquets, des vagissements enfermés depuis des années dans un corps grandi en silence. Les bras d’Epiphanie autour du bébé-enfant, une sorte de vision – sorcière, après tout -, une mère baignant dans son sang, la main tendue vers le fils immobile, pétrifié, muet.
« Pleure, mon gars, pleure. T’as des années de larmes à rattraper. Faut que ça sorte. »
Il se détacha. Plissa le front. Se força à articuler quelque chose.
Elle attendait « Vivien ». Ce fut « Heppi ».
« Heppi ? Moi c’est Epiphanie, mais bon...
Triomphalement, il répéta :
« Heppi ! Heppi ! »
Jusqu’à hurler :
« Heeepppiii !
- D’accord, d’accord. Heppi. Et Vivien ?
- Vi... Vi... vien !
- Ben voilà. Ca c’est fait. Bon ben maintenant, y a plus qu’à t’apprendre à lire. »
Il la regarda d’un air interrogatif.
« Ben quoi ! C’est pas quand on gagne qu’il faut s’arrêter de jouer... »


Elle lui enseigna à lire et à écrire. Il apprenait vite, et il apprenait bien. Quand elle estima qu’il maîtrisait assez la langue, elle lui montra le Grand Livre.
« Voilà. Je suis une sorcière. J’ai le Pouvoir. Je ne sais pas s’il te sera donné, tu es trop jeune. Mais il y a beaucoup de choses que je peux t’apprendre, et avec lesquelles tu pourras gagner ta vie quand je ne serai plus là.
- Mais tu es là !
- Vivien ! Le temps passe pour tout le monde ! Toi tu grandis, moi je vieillis. C’est comme ça.
- Ca ne me plaît pas. Avec ton Pouvoir, tu pourrais vivre longtemps, et comme ça on serait ensemble... »
Epiphanie éclata de rire.
« J’ai déjà vécu longtemps ! »
Le petit se renfrogna.
« Et moi, alors ? Si moi j’ai besoin de toi, tu vas mourir quand même ? »
Elle posa la main sur la sienne.
« Je ne suis pas sûre de pouvoir décider. Mais il est dans l’Ordre des Choses que je meure avant toi. Et j’aimerais bien que tu aies un métier honnête. Je n’ai jamais souhaité élever un voleur de grands chemins. »
Il hocha la tête.
« D’accord. »
Elle lui apprit les plantes, elle lui apprit les pierres. Sa mémoire était prodigieuse. Telle une terre longtemps laissée en jachère, inondée de limon fertile, la moindre graine de connaissance donnait une récolte luxuriante. A ceci près que la paysanne de l’esprit ne moissonnait pas pour son propre compte. Et pourtant ! Tant de joie ! Tant d’émerveillement à le voir découvrir, s’étonner, comparer, raisonner, déduire, et toujours questionner, toujours vouloir en savoir davantage et toujours comprendre... Il était trop jeune pour avoir le Don, mais si lui ne devait pas l’avoir, qui aurait pu ? Ne pas se monter la tête. C’est seulement un enfant intelligent.
Parfois elle en trépignait d’impatience, de ne pas savoir encore, et elle souhaitait, et elle souhaitait... Mais déjà tant de satisfaction à travers ce petit bonhomme tombé du ciel. Plus encore que d’avoir non seulement retrouvé le Pouvoir, mais de l’avoir amplifié comme jamais dans toute sa vie. Il est des avantages à être solitaire. Mais rien ne vous rend jamais aussi riche que le don de soi.


Vivien à présent rasait obstinément les trois poils noirs qui ornaient sa lèvre supérieure sous l’oeil effaré de Rodrigue qui trouvait cela indécent.
« Se couper la moustache, quelle horreur ! »
Un soir au dîner il fut pris d’une quinte de toux qui laissa sa voix éraillée pendant plusieurs jours, malgré tout le miel de romarin qu’Epiphanie lui faisait avaler du matin au soir.
Sans doute une conséquence de la mue. Son timbre devient plus grave. Il grandit tellement vite, ses pieds vont bientôt dépasser du lit ! Fière, fière, fière ! Pensée pour la mère morte, double mort que de laisser un enfant derrière soi ! Si tu le vois, de l’au-delà, alors tu dois être fière aussi.
Un matin il entra en titubant dans la cuisine. La sorcière perçut tout de suite qu’il était malade. Yeux cernés, mine grise. La main sur le front, fièvre, fièvre !
« Va te recoucher. Tu as dû prendre froid hier à la rivière. »
Le coeur serré. Jamais rien, pas même un rhume. Et alors ? La croissance l’a peut-être affaibli. Tout le monde peut s’enrhumer un jour ou l’autre. Je m’inquiète parce que c’est lui. Dans deux jours il sera sur pied. Tuer une poule pour mettre dans la soupe.


Depuis deux semaines il dormait, mangeait à peine, essayait de se lever, était pris de vertiges, se recouchait. Toujours cette fièvre folle, amante jalouse qui ne le quittait jamais. Et rien d’autre. Pas de toux, pas d’abcès, pas de douleur. Juste une fatigue sans fin. Et la fièvre.
Toutes les tisanes, les incantations, les sortilèges, les impositions... En vain. Etre rutilante de Pouvoir, et se heurter pourtant à une forteresse imprenable ! Leçon d’humilité. A l’aide ! Mais personne. Maître Isidore est mort depuis longtemps. Tous ces petits jeunes, pas confiance.
Et la peur. Il se fane, il s’étiole, il se meurt. Non ! Ce n’est pas dans l’Ordre des Choses ! Ce n’est pas à lui de mourir !
« C’est dommage », sentença le chat en se léchant une patte, « j’ai comme l’impression qu’il aurait pu devenir un grand sorcier.
- Il le sera ! Par ma vie ! Il le sera !
- Deux sorciers dans une maison...
- Quoi ? »
Le chat avait déjà disparu. Agaçant, ce chat. Mais quand même, toujours avec Vivien, jour et nuit, depuis sa maladie. Sans doute le connaît-il mieux que personne. Sans doute a-t-il senti en lui l’éveil du Pouvoir. Les chats savent des choses que même les sorciers... des choses que même...
S’asseoir. Parce que cette idée est folle et pourtant lumineuse et évidente. Mais si je me trompe, Vivien est mort. Et si je ne l’écoute pas, Vivien est mort aussi. Peut-être. Mais si j’ai raison...



Toujours été différente. Quand mon Pouvoir a vu le jour, mon père m’a chassée. Ma mère a détourné le regard, ma soeur a ricané. M’attendais pas à autre chose. Ma soeur était blonde, jolie et menteuse. Moi je voulais la justice et le respect. Toujours le sentiment d’être de trop. Le Pouvoir, c’était ma revanche ! Je suis partie en chantant. Libre et légère, j’avais déposé mon fardeau. Pour toujours.
J’ai travaillé. D’abord pour Maître Isidore, de jour comme de nuit, dans la neige et la fournaise, deux ans. Pas de paie, pas de compliment. Pas de reproche non plus. Parfois un vague sourire, je savais quand j’avais bien fait. Pendant deux ans, toutes les nuits il m’a fait recopier le Grand Livre, sans me dire pourquoi. Et puis un jour il m’a dit que j’étais prête, que je pouvais partir, et il m’a offert le Livre.
J’ai fait les marchés, les foires, les kermesses. Potions, impositions des mains, soins aux animaux, puis aux hommes. J’ai acheté ma maison. Et j’ai travaillé encore et encore.
Je voyais passer des hommes qui aimaient leur femme, leur faisaient des enfants. J’en ai mis au monde plus que je ne saurais dire. C’était toujours magique, ce moment où le petit ouvrait les yeux et rencontrait le regard de sa mère. Je ne dis pas que ça me faisait envie, j’avais le Pouvoir, je ne pouvais rien espérer de mieux. Mais curieuse, oui. Et... ça m’a toujours semblé étrange... L’homme qui met sa veste sur les épaules de la femme... Le ruban qu’il lui ramène de la foire... Ca, peut-être...
Mais ils me craignaient. Jamais touché à la magie noire. Jamais lancé de maléfice, ni pour mon profit, ni pour celui d’un autre. Les demandes n’ont pas manqué, j’aurais pu m’enrichir... Jamais. A la longue, ça devait se savoir. Mais ils me craignaient quand même.
Un vagabond, un jour, a dormi chez moi. Avec moi. J’ai cru que je l’aimais, tellement j’étais étonnée... émerveillée... Vagabond il était, vagabond il est reparti, silencieux comme un chat. Plus personne. Et alors ?
J’ai fait ce que j’avais à faire. Le Pouvoir ne m’a jamais rien refusé. On ne peut pas tout avoir, et j’ai beaucoup reçu. Le petit, c’est mon dernier cadeau. Le plus beau. Plus encore que le Pouvoir. Le seul souvenir que j’emporte avec moi.
Ca ne doit pas aller trop vite. Des choses à lui dire. Au revoir, au moins.
Il ne va pas être content.
Survivra.
Fort.
Et le Pouvoir avec lui.
Je sais où j’ai rangé les sombres flacons. M’ont aidé quelquefois à faire passer ceux qui souffraient trop. Pas de mots entre nous. Notre secret. Mais l’air était chargé de reconnaissance. Me suis jamais prise pour une divinité. Juste l’instrument de la justice et du respect. Souffrir ne grandit pas l’homme. Souffrir ne sert à rien. Quand l’heure est juste, il faut passer.
C’est un peu amer, malgré le miel. Mais c’est juste.
« Rien ne t’y obligeait », soupire Rodrigue.
- « C’est mon choix.
- Et si tu te trompes ?
- Je te parie un bol de crème, si j’ai raison.
- Je m’étais habitué à toi.
- Et tu aimes bien le petit.
- Un bol de crème, d’accord. »



Vivien s’agite dans son sommeil. Il ouvre les yeux.
« Heppi ! Tu es là ! Je me sens bien... Je crois que la fièvre est tombée.
- Elle est tombée, mon gars. Tu vas guérir.
- Tu as réussi !
- Quand tu te lèveras, tu donneras un bol de crème au chat. Et tu devras me remplacer demain au marché.
- Mais... Je n’ai pas le Pouvoir !
- Bien sûr que si. C’est pour ça que tu étais malade : le Pouvoir s’installait. Regarde, j’ai préparé le feu dans ta cheminée. Allume-le. Tu m’as vu faire des centaines de fois. »
En riant, il regarde l’âtre, tend la main. Le feu s’allume. Le vertige m’oblige à fermer les yeux.
« Heppi ! Heppi ! Tu te sens bien ? Tu es toute pâle !
- C’est mon heure, loupiot. Faut que je parte.
- Non !
- Râle pas. On choisit pas. Tu es assez grand pour te débrouiller. Je te confie le Grand Livre. Et la maison. Tu sais où est rangé le magot. Tout ça est à toi, maintenant. J’ai creusé la fosse, t’auras qu’à recouvrir.
- Heppi !
- C’est pas triste, Vivien. C’est juste la vie qui veut ça. Et j’ai eu une bonne vie. Le Pouvoir a été une grande chance...et toi...encore plus... Souviens-t’ en... Un enfant, c’est du bonheur... Et du bonheur, je t’en souhaite tant et plus... mon... petit...
- Heppi ! Heppi ! Heppi !
- Laisse tomber », l’interrompit Rodrigue. « Elle ne t’entend plus. Tu devrais plutôt lui obéir : elle m’avait promis un bol de crème... »
Narwa Roquen, avec des soucis de mise en page...


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-08 17:59:39 

 Y a des regards qui…Détails
Sur une tendre mélodie de Michel Berger, aussi aérienne que cristalline, tu brodes une histoire de transmission, de passage, de don de soi. J’aime bien l’image, elle résume à la perfection ce moment privilégié où une vie qui menaçait de s’éteindre a été réanimée pendant qu’une autre, le devoir accompli, pourra s’endormir et partir en paix.

L’histoire d’Epiphanie (dont l’origine du nom me semble remonter aux Epiphanes grecques, ces divinités qui apparaissaient aux hommes dans leur sommeil, plutôt qu’à la conception chrétienne plus réductrice) possède une trajectoire assez symétrique.

Elle débute par l’exil de la maison familiale, Epiphanie est chassée par son père après que son pouvoir se soit manifesté, et se termine au contraire, par l’accueil d’un petit orphelin et permettre la révélation de son don. Splendide hasard. Mais tu as le chic pour raconter, en touches légères, ces histoires en apparence toutes simples mais qui recèlent une richesse et une profondeur incroyable. Comme ces lacs forestiers si calmes en surface que rien ne permet d’imaginer ce qui hante leurs eaux profondes.

Cette histoire est focalisée sur les protagonistes que sont la sorcière, son chat et ce petit fugitif qui a tellement vu d’horreurs qu’il en garde de cruelles cicatrices psychologiques. Tu décris parfaitement les jours déclinants de cette femme qui ne s’apitoie jamais sur son sort mais note les petits renoncements qui chaque matin l’accompagnent un peu plus. Elle ne remet pas en question l’ordre des choses mais l’arrivée soudaine de cet enfant réveille en elle des pulsions qu’elle croyait endormies, un besoin inassouvi de maternité car le magot qui dort dans l’âtre ne remplacera jamais celui qui se souviendra d’elle. Et Rodrigue, son chat, l’ami des sorcières, est plutôt la voix de sa conscience.

L’éveil du don chez Vivien (vivant en latin, NDT) est également bien décrit, comme la façon dont la sorcière transmet son art au garçonnet. En quelques touches rapides, tu brosses un background assez précis pour ancrer l’histoire mais suffisamment estompé pour ne pas la déséquilibrer.

Le style est très fluide, mêlant narration subjective (à la 1ère personne) et indirecte, renforçant son côté très vivant. Les pensées de la sorcières ne sont pas dénuées d’humour et de second degré. Vivien est moins présent, normal, le maître parle, l’élève écoute. La progression est sans à-coups, naturelle et le dénouement est élégant, pas de drame, pas de larmes, juste la sérénité du devoir accompli. J’aime beaucoup la tombe préparée à l’avance, l’acceptation de l’inévitable dans sa plus belle traduction.

M


PS : est-ce que la présence d’une autre chanson de M. BERGER, tirée d’ailleurs du même album, est volontaire ?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-09 15:15:55 

 Y a pas de honte...Détails
... à aimer ça! Non, ce n'était pas volontaire. Mais probablement pas fortuit non plus, puisque pendant que j'écrivais cette histoire j'écoutais l'album en boucle...
Narwa Roquen, puisque rien ne dure vraiment...

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