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 WA, exercice n°111 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 20 septembre 2012 à 17:29:34
Dormir du sommeil du juste ( ou comme un bébé, une taille de guêpe, heureux comme un poisson dans l’eau, blanc comme neige, laid comme un crapaud, fort comme un Turc, droit dans ses bottes, belle comme le jour... La langue française est pleine d’expressions consacrées, qu’on utilise sans y penser... et qui à la longue, sont trop prévisibles pour n’être pas lassantes. Votre mission, si vous l’acceptez, sera d’écrire un texte où non seulement on ne retrouvera aucun de ces poncifs, mais où vos expressions et vos comparaisons seront innovantes.
Attention toutefois à rester dans la cohérence du récit. « Avoir la tête d’un homme qui a raté le bus » dans une histoire située au moyen âge choquera forcément le lecteur attentif. Oui, je sais, Pratchett le fait. Et donc vous le ferez... quand vous serez l’égal de Pratchett !
Pour changer un peu ( et pour corser l’affaire), votre Monde appartiendra à la SF.
Vous avez trois semaines, jusqu’au jeudi 11 octobre.
Mes conseils, pour ceux qui trouveraient que j’ai trop chargé la mule : choisissez d’abord de quoi vous voulez parler ( de l’injustice, de la liberté, de la cruauté de la guerre, des difficultés de communication entre les êtres, du désespoir, de la beauté de la vie, de l’amitié, de l’amour, du destin...) ; ensuite trouvez le héros dont vous avez envie de raconter l’histoire, puis inventez le Monde où il sera mis en valeur. Pondez votre premier jet. Quand vous aurez fini, à la relecture, vous glisserez vos comparaisons et expressions particulières qui seront plus faciles à trouver parce que vous serez bien à l’aise dans votre histoire.
Mais si vous voulez commencer par la fin et trouver d’abord des expressions frappantes pour construire votre histoire autour, libre à vous !
Qu’importe le flacon...
Narwa Roquen, un oeil à la poêle et l'autre au chat


  
Ce message a été lu 8915 fois

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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-22 20:44:11 

 Un sacré anniversaire!Détails
J'espère qu'il ne se terminera pas, comme son illustre prédécesseur, par une disparition.

Ou peut-être, comme lui, favorisera-t-il de nouvelles et belles aventures.

M
en léger retard pour le 110.

Ce message a été lu 6630 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-10-08 23:40:06 

 Temps additionnelDétails
J'ai décidé arbitrairement en ma grande bonté et au nom d'une charité bien ordonnée ( à peu près la seule chose qui soit ordonnée chez moi), de nous impartir une semaine de plus au delà du temps réglementaire pour l'exercice n°111. Ceci pour nous éviter, à Maedhros et à moi, de nous coucher encore à des heures indues, en tout bien tout honneur... et qui sait, par le plus grand des hasards, d'encourager la participation d'un autre auteur...
Rendez-vous donc au jeudi 18 octobre, la saint Luc, tiens tiens...
Narwa Roquen, le bonheur, c'est simple comme un post...

Ce message a été lu 6489 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-10-09 20:48:02 

 bien venu!Détails
Mais cela ne m'empêchera pas de me coucher à des heures indues!

M
qui remercie Narwa pour ce délai supplémentaire.

Ce message a été lu 6388 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-10-18 22:28:33 

 WA, exercice n°111, participationDétails
PROCEDURES



Il rêvait qu’il voguait sur une mer plus verte qu’une gélule de Calmox. De grands poissons blancs bondissaient autour du bateau et lançaient des cris joyeux en l’éclaboussant. Le soleil était doux sur sa peau nue, et une légère brise ébouriffait ses cheveux – oui, il avait des cheveux ! Ce fut sans doute ce détail inconvenant qui le réveilla, et sa première pensée fut que le dérêveur devait être en panne. Il serait sûrement fatigué toute la journée, après ça, tout le monde savait que les songes volent insidieusement l’énergie des dormeurs. Et pourtant ce rêve-là, tout incongru et absurde qu’il fût, lui laissait une sensation agréable de chaleur et de détente. Le réveil n’avait pas encore sonné, et c’était bon de se prélasser ainsi avant une rude journée, après tout, ce n’était pas sa faute... Il tendit la main vers l’autre côté du lit. Déjà levée ? Il se redressa d’un coup. Ce n’était pas possible. Il était toujours debout avant elle, puisqu’il commençait une heure plus tôt. Son coeur marqua une pause quand il réalisa qu’il faisait grand jour. Le Calmox ne suffirait pas, il lui faudrait du Coolplus ! Le réveil était éteint. En jurant, il sauta sur ses pieds et courut à la cuisine. Il tapa son code sur la machine à café, qui répondit : « Code invalide ».
« Chérie, ton code café c’est bien 2216 ?
- Ah non, je l’ai changé hier.
- C’est quoi le nouveau ? Le mien ne marche pas.
- Tu bois trop de café, mon chéri, tu ferais bien d’arrêter ! »
Il fila vers la salle de bains, numérota 5454 sur la porte.
« Code invalide ».
Il y a des jours où le mauvais sort s’acharne. L’important, c’est de garder son calme. Sans Calmox, sans Coolplus, sans Zénith ! Trois respirations abdominales.
Je dois appeler la maintenance. Evidemment.
Il s’assit devant son écran.
« Connexion suspendue. Vous avez été désintégré. Pour plus d’informations, appelez le service Désintégration. Des bornes payantes sont à votre disposition aux Points P1, P2, P3 et P4. »
Ecran noir.
« Allison, tu veux bien poster à Mécamax pour dire que je me connecterai en retard ?
- Enfin, Netuno, nous sommes un Cinquième Jour ! Je fais les courses ! Et je commence dans cinq minutes !
- Kevin, j’ai besoin de ton clavier juste un instant, s’il te plaît.
- T’es chiant, ‘Pa ! Je suis en train de gagner le niveau 8, c’est la première fois que j’y arrive ! Et après j’ai cours ! »
Netuno soupira. Une compagne, un fils. Et seul au monde.
Il se vissa une caquette sur la tête et empocha le petit canif rouge, cet objet désuet et ridicule qui faisait ciseaux, tournevis, pince, lime, couteau... Son objet fétiche, inutile et obsolète, mais la seule chose qui lui restait de son père. Pas rasé, le ventre vide mais la vessie pleine, il descendit vaillamment les 152 étages parce que l’ascenseur refusait de le transporter jusqu’au parking. Heureusement il s’était commandé une combinaison propre la veille au soir. Au 5° sous-sol, il se soulagea dans un coin sombre, et se félicitant que ce soit un Cinquième Jour et pas un Dixième. Le laxatif de purification l’aurait mis bien mal à l’aise, sans accès aux toilettes. Quand il introduisit sa carte, l’ordinateur de bord du nave répondit : « Accès refusé. Veuillez quitter ce véhicule. »
Cinq étages de plus à pied, pour se retrouver ensuite dans la rue, comme les classe 10 ? Marcher dans l’air poussiéreux vers un Point dont il ignorait la localisation... Il en frissonna d’horreur. Les androïdes refuseraient de l’aider. Quant aux humains... Les marcheurs étaient des parias, souvent des criminels. Et puis cela faisait si longtemps qu’il ne leur avait pas adressé la parole... Le Standard aurait pu être remplacé par l’obscur dialecte d’un Monde Perdu qu’il n’en aurait rien su.
Allons, mon gars, t’es pas stupide. Réfléchis.
Il se mit à rire.
L’imprévu nous déstabilise, mais nous rend plus intelligent. Il passait ses journées à diriger des robots qui oeuvraient sous des capots. Il savait exactement ce qu’il avait à faire.
D’abord supprimer l’accès-carte grâce à la petite touche située sous le châssis, à l’aplomb du phare arrière droit. Ouvrir le capot en tapant 111 sur le clavier. Récupérer la boîte à outils personnalisée par le 707.
Et maintenant, à nous deux.
Il sortit du parking en décochant un sourire radieux à la caméra de surveillance. Il était un Citoyen honnête, qui avait juste compensé les conséquences fâcheuses d’une erreur informatique. Il n’avait rien à se reprocher. Pourtant, en suivant les indications du localisateur à travers les rues de la ville, il ne put s’empêcher de prêter plus d’attention que de coutume aux humains qui marchaient à pied. En fait, c’était probablement la première fois qu’il les regardait. Au milieu des humanoïdes portant des colis, poussant des machines ou effectuant des travaux de voirie, ils étaient quelques uns, parfois même sans couvre-chef, la barbe hirsute et le cheveu naissant ombrageant déjà le crâne, qui rasaient les murs, tête baissée, aussi honteux que désespérés. Il frissonna. En le voyant passer, ils l’auraient sûrement agressé, dépouillé du peu qu’il possédait. Pas grand-chose en fait. Quelques jetons. Sa montre-carte de crédit était arrêtée. Mais ils auraient pu le frapper, lui faire du mal. Tout le monde savait que les marcheurs étaient dangereux. Alors pourquoi lui vint-il, au bout de quelques minutes à observer la lie de la planète, l’idée dérangeante que probablement ils ne l’auraient même pas vu, tant ils étaient enfermés dans leur propre détresse ?
Au loin vers le sud se dressait la Pyramide Arc-en-Ciel, siège du Pouvoir. En bas, dans les couleurs rouge et orange, les administrations basiques. Tout en haut, derrière les façades violettes, devait se trouver un bureau de verre et d’acier, où siégeait le Suprême. Ou la Suprême ? Pour des raisons de sécurité, son identité n’était connue que du cercle restreint des Puissants. Pour les gens comme lui, la connaître ou non ne changeait rien à sa vie. Que savait-il, ce Suprême, des gens qui marchaient ? Est-ce qu’il donnait des ordres pour leur capture et leur destruction ? Ou est-ce qu’il les tolérait parce que tout programme a forcément un bug un jour ou l’autre ?
« Tu as trop d’imagination, on dirait un enfant de trois ans, ce n’est pas convenable », lui répétait Allison. Mais quand il était petit, son père tous les soirs lui racontait une histoire qu’il inventait, et il l’admirait pour ça aussi. Les Citoyens ne racontaient pas d’histoires à leurs enfants. Autre Monde, autres moeurs. Il était Citoyen. Et pourtant, même pour plaire à Allison, il ne reniait pas son père. Ici, il ne fallait pas être différent, et il était parfaitement conforme. Ce qu’il gardait dans sa tête et dans son coeur ne regardait que lui. Ca énervait Allison, qui était native. Il ne lui en voulait pas, elle ne pouvait pas comprendre. Ses parents avaient émigré après la Grande Famine de ’58 sur Smeralh, la planète verte. Ils avaient fait de leur mieux pour lui offrir un avenir meilleur. Ca n’avait pas dû être facile pour eux, d’abandonner leur Monde pour repartir de zéro. Il n’en parlait jamais. Mais il leur en était chaque jour reconnaissant.
Il se gara devant la borne P1, soulagé d’être arrivé et fier de sa débrouillardise. Son père n’aurait pas fait mieux. Il prit le temps de regarder aux alentours. Aucun véhicule. Quelques robots. Rien qui semblât menaçant. De toute façon, il n’y avait pas d’autre solution. Il fallait qu’il mette le pied sur ce trottoir poussiéreux, qu’il respire pendant quelques minutes cet air sûrement vicié et potentiellement toxique. Il ferait une séance d’oxygénothérapie ce soir, pour décrasser ses poumons, cela lui serait sûrement accordé quand il aurait été réintégré avec les excuses de l’administration compétente, en bonne et due forme.
« Borne P1. Salutation. Quel service voulez-vous contacter ?
- Désintégration.
- Quel est votre code ?
- 5454 BXL 1287
- Votre code a été invalidé. Vous êtes désintégré », répondit la voix synthétique.
- Ca, je le sais ! Il s’agit sûrement d’une erreur. Pouvez-vous vérifier ?
- Vérification effectuée. Vous êtes désintégré.
- Et que dois-je faire pour être réintégré ?
- Cette question dépasse mes compétences. Merci de votre appel. »
Réfléchis. Il faut aborder le problème sous un autre angle. Ne pas se décourager. Il s’agit juste d’un contretemps, c’est peut-être une surcharge passagère... Je vais y arriver. Je suis dans mon droit. Je suis un Citoyen.
« Les Renseignements ? »
A ce rythme-là je n’aurai bientôt plus de jetons. Non, je ne veux pas une Localisation, ni les horaires d’ouverture d’une administration... Essayons le 17, « Citoyenneté ».
Encore des choix de touches. Il respira profondément.
« Pour être mis en relation avec un technoïde, tapez 9. »Voilà !
« Je souhaiterais savoir quels peuvent être les motifs de désintégration.
- Délit, crime, terrorisme, espionnage, immigration clandestine, dénonciation.
- Dénonciation de quoi ?
- Délit, crime, terrorisme, espionnage, immigration clandestine.
- Pouvez-vous me passer le Service Immigration ?
- Salutation, vous êtes bien au Service Immigration. Pour une dénonciation, tapez 1. Pour une suspicion, tapez 2... Je n’ai pas enregistré votre réponse. Pour une dénonciation, tapez 1 ... »
Il tapa 3, sur un coup de tête. Une voix humaine, incontestablement humaine. Ou un humanoïde de dernière génération ?
« Alexandra, à votre service. Je vous écoute.
- Salutation, Citoyenne. Voilà... J’ai été semble-t-il désintégré par erreur. Vu que je n’ai commis aucun crime ni délit ni etc.., je voudrais savoir si vous pouvez m’aider à sortir de cette situation... désagréable.
- Votre identifiant ? ... Ah oui... Ce n’est pas une erreur. Vous avez été dénoncé hier soir comme immigrant illégal.
- Mais je suis sur City depuis l’âge de cinq ans ! J’ai un diplôme de mécanicien expert, je paie mes impôts, je vis en couple, j’ai un enfant...
- Je suis vraiment navrée. Vous pouvez faire appel auprès de la Commission de Réintégration après un délai de 101 jours, nécessaire à la constitution de votre dossier par un Avocat Réintégrateur. Il ne vous en coûtera que 54 420 Unités. Salutation.
- Attendez ! Est-ce que j’ai le droit de savoir de qui émane la prétendue dénonciation ?
- Bien entendu. La dénonciation a été enregistrée hier soir, Quatrième de Quatorze, à la trente-deuxième heure, par Allison Oswald, résidant 2654 Downtown avenue, 147 ° étage porte SXZ. Cette donnée n’est pas confidentielle parce que le courage est la vertu première du Citoyen.
- Merci, Citoyenne.
- Je vous conseille de contacter au plus vite un Avocat Réintégrateur, pour qu’il mette en place une demande d’appel conservatoire. Faute de quoi vous serez considéré comme hors-la–loi et passible d’une expulsion immédiate vers une planète punitive. Salutation. »



Il retourna s’asseoir dans le nave aussi assommé que s’il avait avalé par mégarde une boîte entière de Zénith. Enfin, il n’en savait rien, il ne l’avait jamais fait. Mais Allison lui avait raconté que... Allison ? Comment était-ce possible ? Il essaya de se remémorer les derniers jours, à la recherche d’un signe, d’un indice... Elle l’appelait toujours « chéri ». Mais Allison appelait tout le monde « chéri ». Son fils, son ordinateur... et même la machine à café. Bien sûr que ce pouvait être une erreur. Ou pas. Et ce matin elle n’avait pas été très secourable. Mais Allison ne l’était jamais.
Où allait-il trouver 54 420 Unités ? Sa montre était bloquée, donc son compte inaccessible.Allison pourrait... Il secoua la tête.Il faut quand même que je lui parle... Mais une petite voix, sans doute celle de son imagination, lui suggéra que ce ne serait pas prudent. Une patrouille de Sécurité, reconnaissable de loin à ses feux rouges clignotants, émergea au coin d’un immeuble dans le couloir 5, réservé aux officiels et aux forces de l’ordre. Il démarra le nave, et resta en mode manuel, avançant dans le couloir inférieur, au ras du sol, sans savoir où aller, cherchant une idée intelligente avec la sensation abyssale qu’il éprouvait toujours quand il s’oubliait à faire de l’humour avec un robot mécanicien.
Et puis devant lui il vit l’astroport.
L’astroport... Un lieu étrange et malfamé, d’après ce qu’on disait. Où l’on pouvait rencontrer des étrangers riches et crédules, qui payaient des fortunes pour un service qu’ils auraient pu avoir gratuitement. Le moyen de trouver rapidement la somme faramineuse qu’il lui fallait pour être réintégré. Mais mentir, bluffer, tricher... Il n’avait jamais su le faire. Il gara son véhicule. Toutes sortes de boutiques clinquantes entouraient la zone portuaire. « Venez tenter votre chance ! La fortune au bout de vos doigts ! », « Chez Milton : jeux de hasard, jeux d’adresse, paris », « Au bon heur du bonheur »... La chance ? La journée semblait peu propice... Et puis il ne lui restait qu’un pauvre petit jeton à miser, pas de quoi s’enrichir vite. En soupirant, il se résolut cependant à quitter le véhicule et entra dans l’astroport. D’immenses panneaux publicitaires vantaient les délices d’Hédonia, la planète des plaisirs, de Lotto 999, la terre aux 500 000 casinos, de Vahiné, le monde du farniente, où la vie s’écoulait dans l’oisiveté... La tête lui tournait de trop de couleurs, de trop de bruit, et il s’aperçut qu’il avait faim et qu’il avait soif. Rien qu’une pilule de protéiné, avec un café édulcoré... Mais avec un seul jeton en poche, c’était impossible. Il regarda machinalement le tableau des vaisseaux en partance. Le premier sur la liste desservait Heinz, CQ3, Dorne, Cottman VI, Hédonia... et Smeralh ! Le temps d’un vertige, il revit son père lui raconter les maisons basses, le parfum de la terre, le sourire des amis... Mais à quoi bon ? Le temps avait passé partout, et la planète primitive avait dû devenir un monde structuré à immigration zéro.
Ses idées se brouillaient au fur et à mesure que son ventre gargouillait plus fort. Il sortit du bâtiment, s’accroupit le dos au mur dans une impasse déserte, et d’un petit coup sec de son couteau rouge fit sauter le panneau arrière de sa montre. Juste la remettre en marche pour un retrait de 72 999 Unités, et puis s’embarquer, et puis...
« Veux un coup de main, mon gars ? »
Il sursauta.
Quelques mèches grises s’échappaient de sa casquette sale. Le visage était ridé à l’extrême, buriné, couperosé, fendu par un large sourire lourdement carié. Il flottait dans une combinaison tachée et usée jusqu’à la trame, et ses orteils noirs de crasse avaient éventré l’avant de ses bottes, sans doute trop petites pour lui.
« C’est juste une petite panne...
- Raconte pas de craques à Tonton, man. Désintégré, hein ? Personne pour t’aider, alors tu veux te faire la belle...
- Ecoutez, ce n’est pas du tout... »
Sa gorge était trop sèche pour qu’il en dise davantage. Et puis de toute façon il ne savait plus quoi dire. L’homme s’assit à côté de lui.
« Je suis un marcheur, man. Pas moi qu’appellerai les autorités. Marche depuis dix ans. Désintégré, sais ce qu’c’est.
- Et vous aussi vous voulez partir ? »
L’homme secoua la tête.
« Partir, non. Pas où aller. Et puis choses encore à faire ici. Quelques comptes à régler. Tonton a bonne mémoire. Vas pas le croire, mais avant... Fais voir ton machin. »
Il lui prit la montre des mains, sortit de sa poche une pince fine et un bout de fil de fer. Ses mains tremblaient un peu et il clignait des yeux en permanence. Cela ne donnerait sûrement rien, mais Netuno n’avait pas le coeur de rudoyer le marcheur. Et puis les montres, il n’y connaissait rien.
Il y eut un « bip », et l’écran s’éclaira. L’homme referma le boitier et lui tendit l’objet.
« Voilà. Peux aller où tu veux. Mais un seul retrait, après ça recoincera.
- Je peux vous emmener avec moi ! On ira moins loin, mais vous quitterez cet enfer... Je vous dois bien ça...
- Pas né ici, toi, hein ? Brave garçon. Te l’ai dit, partirai pas. File, va pas rater l’vaisseau. »
Netuno lui tendit la carte du nave.
« Il est garé sur le parking nord. Un Kwick 3200 bleu foncé. Au moins vous ne dormirez pas dehors. »
L’homme haussa les épaules.
« Devrais le vendre, partirais pas les poches vides.
- Je pars, et c’est grâce à vous. Prenez-le. »
Le sourire pestilentiel se ralluma.
« Quelle heure, le vol ?
- Quatorzième et trente deux fractions.
- Ok, man. A trente sept regarde bien le ciel. Je vais m’éclater ! Penserai à toi. Vas où ?
- Smeralh. Mes parents sont nés là-bas.
- Bonne idée. Ah... Y a un truc... Suis-moi, plus simple. »
L’homme le précéda devant le billetteur.
« Destination ? »
Netuno reçut un coup de coude dans les côtes.
« Smeralh.
- Avez-vous un crédit de 72 999 Unités ?
- Oui.
- Avez-vous un visa ? »
Le marcheur lui fit signe de répondre oui, et comme Netuno, affolé, lui jetait un regard incrédule, il prononça à sa place :
« Oui.
- Veuillez placer votre horocarteur en face du lecteur. »
Netuno tendit le poignet vers le rayon lumineux qui sortait de la machine.
« Transaction effectuée. Impression du billet en cours. Bon voyage. »
Et tandis que ses doigts tremblants se refermaient sur la précieuse carte, il entendit le marcheur éclater de rire.
« ‘Reusement qu’Tonton était là, hein ? Pas besoin de visa pour les Mondes Perdus, c’est juste de l’intox.
- Mais comment...
- Dix ans à rôder, man. Et avant... savais des choses... Allez, file, file, bon vent ! »


Netuno prit place en salle d’embarquement, au milieu de ses futurs compagnons de voyage. La plupart d’entre eux étaient des androïdes, probablement des commerciaux. Il y avait peu de Citoyens, surtout des extramondiens avec des costumes bigarrés et des coiffures exotiques. Il passa le contrôle sans encombre, et le steward humanoïde lui indiqua le fond de l’appareil. Il traversa donc tout le vaisseau, les voyageurs étant regroupés selon leur destination. Dans le compartiment réservé aux passagers pour Smeralh, il eut la surprise d’être accueilli par une hôtesse humaine vêtue d’une longue robe noire. Elle lui sourit.
« Installez-vous où vous voulez, nous ne serons pas au complet. »
Il se cala près d’un hublot, le coeur battant prêt à exploser. Quelle folie ! Hier encore il avait une vie normale, et voilà qu’il s’apprêtait à traverser l’espace pour aller sur un Monde Perdu sans avoir la moindre idée de comment il pourrait y survivre. Mais c’était fait. Le vaisseau s’éleva dans les airs et prit rapidement de l’altitude. Netuno se dévissa la tête pour scruter le ciel au dessus de la ville. Il lui sembla qu’un petit point noir tournait autour du sommet de la Pyramide. Et tout à coup celui-ci s’embrasa, flammes rouges et fumées noires venant souiller l’azur constamment pâle et à température contrôlée dont s’enorgueillissait la fière City. Il resta muet, n’osant comprendre. Tonton ?
Le vaisseau ralentit pour entrer dans le sas hyperatmosphérique. Les lourdes portes s’ouvrirent... et au-delà s’ouvrit l’espace infini, nuit profonde illuminée par quelques étoiles lointaines. Netuno porta la main à sa tête.
« Vous allez bien, monsieur ? »
L’hôtesse était penchée sur lui, visiblement inquiète.
« Je... fatigué, je crois...
- Je vais vous chercher un verre d’eau.
- Pas ... de ... devises...
- Mais tout est compris dans le billet, monsieur. Le premier repas sera servi dans quelques instants. »
Il avala le contenu du gobelet en trois longues gorgées d’extase. L’hôtesse sourit.
« Je vous amène une bouteille.
- Mais... pour les toilettes...
- L’accès est libre, monsieur. Vous êtes ici sur une extension du territoire de Smeralh, et dans sa juridiction. Notre civilisation vous semblera sûrement primitive, car notre technologie est pratiquement inexistante. Chez nous, pas d’humanoïdes, pas de codes, pas de véhicules à moteur, pas de contrôle de température extérieure... Je crains que vous ne soyez déçu...
- Oh non ! » s’écria-t-il. «J’ai quitté Smeralh quand j’étais enfant, et je n’en ai aucun souvenir, mais mes parents ne m’en ont jamais dit que du bien.
- Et ils ont eu raison ! », intervint le passager assis à sa gauche, de l’autre côté de l’allée. « Notre monde est considéré comme perdu pour le progrès, mais chez nous on ne laisse personne mourir de faim ou de soif. Pardonnez mon indiscrétion, mais avez-vous de la famille sur Smeralh ?
- Je ne sais pas. Nous sommes partis lors de la Grande Famine, et nous n’avons eu aucun contact depuis.
- Je m’appelle Ze Minhao », ajouta l’homme en se levant pour lui tendre la main. Devant l’air effaré de Netuno, il ajouta :
- « Chez nous, on se serre la main quand on se salue.
- Ah... bon... très bien... Netuno Oliveira.
- Eh bien, Netuno, vous avez bien fait de rentrer chez vous.
- Mais... C'est-à-dire... En fait, je ne sais pas si...
- Nous sommes parfois méfiants envers les étrangers, mais vous, vous êtes des nôtres ! »
En riant, il prit la main de Netuno et lui montra la sienne, où l’index et le majeur avaient la même longueur. Autour d’eux, dix passagers levèrent la main en s’exclamant en choeur :
« Nous aussi ! »
Netuno se sentit stupide. Autour de lui, tout le monde riait et le congratulait en tapes amicales sur l’épaule et bourrades affectueuses, et il avait les larmes aux yeux... Ze se détourna un instant, son oreillette grésillait.
« Ca alors ! Savez-vous ce qui vient d’arriver sur votre ancien Monde, Netuno ? Figurez-vous qu’un terroriste a fait exploser le bureau du Suprême, l’endroit le mieux protégé de City ! Et ceci en pleine réunion du conseil des Puissants ! Et le comble, c’est que le coupable serait un ancien Suprême, limogé il y a dix ans à cause de ses tendances trop populistes, et qui aurait vécu depuis dans la clandestinité... La vie n’est-elle pas une chose étonnante ? Oh, mais je vois revenir notre hôtesse. A table ! »
Des odeurs entièrement nouvelles pour Netuno embaumèrent l’habitacle. Poussant un chariot lourdement chargé, l’hôtesse offrait un plateau–repas à chacun des passagers.
« Ne vous vexez pas, monsieur, mais sur Smeralh nous ne mangeons que de la nourriture traditionnelle... et... notre corps y est habitué. Il vous faudra effectuer une transition progressive. Heureusement, nous avons 21 jours de voyage devant nous. Je vous ai donc servi votre ration en pilules protéinées, glucidées et lipidées... plus de toutes petites portions de nos plats smeralhiens. Mais je vous conseille de les goûter à peine... La réaction de l’intestin est parfois... comment dire... intempestive... »
Netuno enfourna les pilules comme le mort de faim qu’il était, puis engloutit tous les petits échantillons dans un déluge de sensations gustatives incroyables.
« Que c’est bon !
- Vous en voulez un peu plus, jeune homme ? » Une femme âgée lui tendit deux petits gâteaux en souriant.
- « Je ne finirai pas ce poisson », dit Ze. « A mon âge, on mange moins...
- Il me reste des tomates », dit un autre homme.
- Et moi des filets d’anchois... vous avez l’air vraiment affamé ! »
Netuno accueillit tous ces dons avec une gratitude émerveillée, et s’extasia ensuite sur le café, le plus concentré et le plus goûteux qu’il ait jamais bu de sa vie. Mais, la dernière gorgée avalée, il se leva, pâle et défait, la main sur le ventre, et courut aux toilettes.
« Je vous avais prévenu », lui fit gentiment remarquer l’hôtesse à son retour. « Notre nourriture est excellente, mais vous vous êtes comporté comme un chaton gourmand...
- Un cha...ton ?
- Oui, un bébé chat. Vous n’avez gardé aucun souvenir de Smeralh ? Vous allez donc tout redécouvrir... Eh bien, on peut dire que vous n’êtes pas au bout de vos surprises... »


Le voyage dura trois semaines, pendant lesquelles Netuno se lia d’amitié avec ses compagnons. Certains, comme Ze, rentraient d’un voyage d’affaires, mais la plupart étaient allés visiter leur famille émigrée sur City. Ils furent tous touchés sincèrement par sa mésaventure. Diamantina lui promit de lui présenter son cousin, qui avait un élevage de chèvres, Laocadia, l’hôtesse, avait un ami agriculteur qui cherchait toujours de la main d’oeuvre, Neves, la femme âgée, lui proposa de le loger chez elle, en attendant mieux, elle avait de la place, ses enfants étaient partis... Et Ze l’invita à une partie de pêche sur son bateau... Pêche, chèvres, agriculteur... La tête lui tournait devant tous ces concepts nouveaux dont il n’osait demander le sens... Mais tous ces gens étaient tellement généreux, tellement différents...
Un soir au moment d’incliner son siège pour la nuit, la vieille Neves se mit à fredonner.
« Cette chanson... Ca me dit quelque chose...
- Nana neném do coraçao
Nao tenha medo...
- Do... bicho... bicho...
- Do bicho papao ! Mais oui !
- Je crois que ma mère me chantait ça...
- Et moi je le chantais à mes enfants... et à mes petits-enfants... Tu n’as pas tout oublié, tu vois ! »



Le moment était venu. Il embrassa trois fois Laocadia, serra longuement la main de Ze, remercia une fois de plus Diogo, qui lui avait donné des habits autochtones (large pantalon de toile, tunique ample et sandales d’un matériau étrange, souple et résistant, qu’il nommait cuir). Puis il suivit Neves. La vieille dame trottinait allègrement sur le sol inégal et vert où s’était posée la navette. Un sol meuble, recouvert de petits brins qui lui chatouillaient les orteils, où il redoutait de s’enfoncer et de se perdre...
« Olà ! Avo ! »
Une jeune femme aux cheveux noirs comme l’espace faisait de grands signes en appelant Neves.
« C’est votre petite-fille ?
- On dirait que la langue te revient, mon garçon. Oui, c’est Amalia. Et ne la regarde pas comme ça, s’il te plaît, c’est une fille sérieuse. »
Derrière Amalia se tenaient deux monstres primitifs, quadrupèdes et poilus, attelés à une plateforme montée sur quatre grandes roues. Ils étaient vraiment effrayants, et pourtant leur regard était placide et leur odeur plutôt agréable. Neves débita à sa petite-fille un discours trop rapide pour que Netuno en comprenne le sens, mais Amalia se mit à rire et caressa la tête de l’un des monstres.
« Cavalo », lui dit-elle. « Bonito !
- Ah oui, gentil... Si vous le dites... »
Elle lui prit la main et la guida vers la joue de ce... cavalo... Le poil était soyeux, et tout compte fait il semblait plutôt pacifique. Il monta sur le siège entre Amalia et Neves. Ca bringuebalait pas mal, mais c’était vraiment amusant, beaucoup plus que toute les animations virtuelles qui ne le laissaient qu’indifférent... ou nauséeux.
Il y avait une grosse boule jaune dans le ciel, dont la lumière était chaude. L’azur était plus que ça, bleu intense, bleu extrême. Le chemin de terre se mit à grimper au milieu de décorations vertes que recouvraient de petites cartes rondes bruissantes comme sous l’effet d’un ventilateur.
« Para ! » lança Neves, et l’étrange véhicule s’arrêta au sommet de la montée. Netuno en eut le souffle coupé. Devant lui, à perte de vue, s’étendait une immensité d’eau verte, du vert le plus pur, le plus profond, le plus... inimaginable...
« Mar », murmura Amalia. « Nossa mar.
- Notre mer », traduisit Netuno sans même réfléchir. « Bien sûr... »
C’était comme dans son rêve, ce rêve si bizarre qu’il avait fait le matin où tout avait basculé. Il plissa le front, retrouvant les mots perdus d’un passé trop lointain.
« Estou... feliz ! »
La grand-mère et la petite-fille échangèrent un regard complice.
« Tu auras toute ta vie pour la regarder », lui prédit Neves en lui tapotant la main. « Et maintenant allons-y, il va bientôt faire très chaud, et j’ai une envie folle de limonade, les cochonneries synthétiques de City ont failli me ruiner l’estomac ! »



Deux saisons plus tard, au début de l’hiver smeralhien, Netuno conduisait la charrette chargée de fruits et de légumes pour accompagner Amalia et son père Raul les vendre au marché. Il croisa Ze, monté sur un magnifique étalon blanc.
« Je suis content de te voir, mon garçon ! Alors, il paraît que tu t’es bien acclimaté ? Je me suis laissé dire que la famille de Neves t’avait pour ainsi dire adopté, et que c’est toi qui t’occupe des chevaux ? Il paraît que tu es remarquablement doué... »
Netuno se demanda comment faisait cet homme pour être toujours au courant de tout.
« Ah, tu sais, j’ai eu des nouvelles de City. Tout a changé depuis la mort de l’ancien Suprême. Mes contacts me disent que tu pourrais y retourner sans risque, l’immigration a repris et les procédures ont été grandement simplifiées... »
Netuno éclata de rire.
« Muito obrigado! Nao estou louco ! »
Il se tourna vers Amalia, qui lui sourit.
« Vamos, Nuno ? »
Ze hocha la tête d’un air réjoui.
« Ah, vous en êtes aux diminutifs ? Ca, je le vois bien que tu n’es pas fou ! Eh bien... A un de ces jours... »
Netuno fit un appel de langue et les deux chevaux noirs se remirent en marche. Il ne savait pas s’il était doué, mais il s’entendait bien avec tous les chevaux, qu’il avait très vite appris à guider, à monter et à dresser. Ses mains étaient devenues calleuses, une belle tignasse noire surmontait son crâne autrefois rasé, et il ne se couchait jamais sans que ses épaules ou ses jambes ne soient fourbues de fatigue. Et pourtant le matin il sautait du lit aux premières lueurs, joyeux comme un poulain à l’idée de la journée à venir. Il aimait cette vie. Ca, il en était sûr.
Narwa Roquen, qui rame toujours autant dans la SF...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-10-21 21:12:04 

 WA - Participation exercice n°111Détails
Bon, j'ai rempli une partie de la consigne, hélas pour les expressions innovantes! Et puis, l'histoire n'est pas finie....

La bande-son : elle colle avec le thème, croyez-moi!

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APEIRON


L’Athlète file gracieusement entre les étoiles. Ses lignes arrondies et bulbeuses sont floues contre le rayonnement stellaire pendant qu’il avale littéralement les parsecs vers la destination qu’il rattrape peu à peu. Son pilote le dirige vers une frontière mythique à travers des contrées que nul avant n’a explorées. Elle fait partie de l’imaginaire qui obsède l’humanité depuis qu’elle s’est timidement avancée au seuil du système solaire, apeurée de l’obscurité qui régnait au-delà. De l’obscurité et du silence. Et ce dernier a été bien plus impressionnant que la nuit interstellaire.

Un corps est engoncé dans l’imposant siège qui occupe une place non négligeable de la petite passerelle. Malgré le harnachement neurotech qui masque la plupart de ses formes et la partie supérieure de son visage, sa féminité ne fait aucun doute.

Le Commandant Lazuli demeure silencieuse, perdue dans les rêves semi-conscients qui la fascinent bien plus que les succédanés chimiques de la pharmacie du bord. Plus l’Athlète s’approche de sa destination finale, plus les abstractions bariolées dansent frénétiquement dans son champ de vision. Les machines intelligentes paraissent de plus en plus hystériques, emmagasinant les torrents de données glanées par leurs multiples senseurs répartis sur la coque sensible extérieure. Elles éprouvent de plus en plus de difficulté à appréhender la totalité des informations qu’elles ingurgitent. Les fantasmes dodécaédriques se bousculent au sein des matrices de navigation, échafaudant des réalités virtuelles dans lesquelles le commandant Lazuli insère une élégante trajectoire de vol.

Née dans l’une des nombreuses ruches de l’Essaim de Magellan, Arcal Lazuli a passé toute son existence à bord des innombrables vaisseaux, de guerre, de commerce, d’exploration ou de tourisme qui parcourent sans relâche les routes infinies de l’Espace Humain. Elle est une représentante insigne des Apis des Abysses dont la société matriarcale a calqué son mode de vie sur l’organisation sociale des ruches terrestres. Elles butinent les mondes comme les merveilleux hyménoptères mellifères qui pollinisent les fleurs parsemées dans un jardin d’étoiles extraordinaires. Aucun mâle ne naît ou n’est admis au sein des ruches-mondes où mille légendes courent sur les vertigineux mystères protégés derrière les portes hermétiquement closes des gynécées enfouis au coeur des rayons biotechnologiques.

Comme toutes ses soeurs, elle porte sur son sein gauche depuis sa naissance, une minuscule abeille stylisée en or pur et aux ailes déployées. Cet emblème plonge ses racines dans les traditions immémoriales consacrées à la Divinité féminine dont les cultes, débarrassés de toute référence terrestre, sont révérés dans les temples secrets des Ruches. Pour les Apis, l’Espace est Femme car l’Espace a enfanté les Humains et non la Terre.

L’extrême spécialisation des Apis dans les techniques de navigation interstellaire en fait des professionnelles particulièrement recherchées qui ont monnayé leurs services en échange d’une totale indépendance vis-à-vis des pouvoirs qu’ils soient locaux ou régionaux. Et en contrepartie d’un engagement des meilleures navigatrices Apis au sein de ses flottes spatiales durant sept années, l’Empereur en personne a apposé son sceau au bas d’une Charte qui garantit aux Essaims, le libre passage sur tout le domaine spatial impérial et le non-assujettissement des Ruches orbitales aux lois impériales, ordinaires ou exorbitantes.

Les trois autres membres de l’équipage s’affairent sans bruit devant leurs propres consoles. On entend à peine les micro-crépitations des machines et le ronflement assourdi du recyclage de l’air. La lumière tamisée abaissée à son seuil minimal confère à la passerelle de fausses allures de cathédrale miniature. Le voyage a été long depuis le départ d’une base en orbite lointaine autour de Proxima du Centaure. Tous éprouvent à présent une grande lassitude même si leur réveil de l’hypersommeil est très récent.

Arthur, le sémillant cosmologue, s’arrache des résoluteurs mathématiques qu’il a soigneusement calibrés depuis qu’il a émergé du berceau de stase. D’ailleurs il les couve comme s’ils étaient ses propres enfants ! Il a cette fougue juvénile qui fait sourire Lazuli et cette désinvolture qui la fait grimacer tout autant. Malgré son crâne rasé et son bonnet frappé aux couleurs de la confédération, sa peau pâle, tachée de rousseur et ses yeux, d’un bleu ancien, rappellent sans cesse qu’il est irréductiblement roux.

“ Bon sang de bonsoir mon Révérend! On approche du but, mes objets mathématiques s’orientent tous dans le même sens ! J’ai rectifié quelques matrices d’Einstein-Maylever à main levée mais il faudra bien quelques heures pour que mes bébés me confirment tout ça ! ”

Celui à qui s’adresse Arthur lève les yeux au ciel. Mais hélas, celui-ci n’est pas bien éloigné de sa tête. Le représentant des Ligues Religieuses, un petit homme au visage poupin, s’extrait à regret du discours désormais légendaire que prononça le porte-parole du Cénacle Sacré peu avant le départ de l’Athlète.

Le révérend Ibn al Haytam se retourne aimablement vers son voisin que la Fortune lui a désigné pour la phase finale du voyage et qu’il aurait sans doute préféré voir exiler plus loin malgré l’exigüité de la cabine. Mais Ibn al Haytam est un homme affable et courtois, dont la piété et les manières ne sont jamais prises en défaut. Il a étudié dans les meilleures universités religieuses qu’abrite la prestigieuse planète Beit Al-Hikma, la sainte planète des érudits. Il soutint brillamment sa thèse de fin de cycle que couronna une mention très honorable. Son sujet, Dieu et la Coalescence de l’Univers, attira sur lui l’intérêt feutré du Cénacle Sacré qui le recruta discrètement à la sortie de son cursus.

Il devint rapidement un diplomate religieux de premier plan, parfaitement à l’aise devant des auditoires virtuels rassemblant des centaines de millions d’avatars, capable de défendre avec un égal succès les positions les plus obscures de l’Eglise Anglicane, des Sunnites de l’école hanafite, des Navajos Réimplantés ou encore des Nouvelles Sectes Apocalyptiques qui se réclament des schismes tardifs post-Fessenheim 2. Le Pape des Huit Mondes l’a récemment promu Nonce Apostolique de classe exceptionnelle. En fait, tout dans son parcours et sa personne le qualifiait mieux que quiconque issu des rangs ecclésiastiques, à se joindre à l’équipage de l’Athlète. Sa présence est consubstantielle à l’intérêt scientifique de cette mission extraordinaire.

“ Arthur, très cher Arthur, je suis heureux d’entendre que nous allons bientôt percer le plus grand secret de l’univers. Mais s’il te plaît, essaie de maîtriser ton excitation ! Cela fait plus de mille quatre cents jours que nous voyageons dans des conditions carcérales et psychologiquement, c’est usant de devoir sursauter ainsi à chaque fois que tu es content de toi ! ”

Le révérend accompagne cette petite pique d’un grand sourire qui désamorce la tension que ses mots auraient pu faire naître

“ Mille pardons mon révérend ! Je ne voulais pas vous déranger mais voir ainsi toutes mes prédictions... mes spéculations, devrais-je dire pour ne pas... heu... empiéter... sur votre domaine de compétence, se confirmer de façon aussi claire, me file des frissons dans le dos! Et puis nous avons dormi un bout de temps non ? Cela fait à peine quinze jours que nous sommes sortis des caissons d’hyper sommeil ! ”

Le révérend ne daigne même pas relever la petite taquinerie :

“ Deux semaines, c’est déjà bien long ! ”

“ Pensez au commandant Lazuli, réplique le jeune homme ! Elle, elle a vraiment passé près de quatre ans à la barre du vaisseau ! Même Gymir, le génie de la planète géante, n’en revient toujours pas ! N’est-ce pas Gymir ? ”

De l’autre côté de la cabine, Gymir l’astrophysicien lève un pouce en l’air en guise d’assentiment. Il a suivi l’échange avec intérêt. Gymir a grandi sur Asgard, la planète géante du système de Bellatrix, dans la Constellation d’Orion. Sa corpulence et son apparence le distinguent aisément de ses compagnons. Pas très grand, il a la carrure impressionnante de ceux qui doivent lutter sans artifice contre les effets d’une gravité particulièrement élevée. Avec sa barbe fournie qu’il a refusé de raser malgré les consignes du bord, il ressemble à l’une de ces créatures sorties d’un conte pour enfants. Sous des abords bourrus et rustiques, il possède un coeur grand comme sa planète, une gentillesse encombrante et une intelligence hors du commun. C’est l’une des sommités impériales en astrophysique quantique et sa nomination n’a pas été une surprise. Sa voix fabuleusement caverneuse et son humour irrévérencieux ne passent pas inaperçus, au grand dam d’Ibn al Haytam, le prude et mesuré révérend. Gymir répond à l’invitation d’Arthur :

“ Elle est sortie major de sa promotion à l’Ecole Spationautique des Ruches d’Orion, alors venant d’elle rien ne m’étonne ! En revanche, j’ai le sentiment que le coefficient d’expansion diminue. Je ne peux pas encore l’affirmer, il y a encore beaucoup trop d’interférences liées aux champs gravitationnels locaux, mais je crois que nous avons passé le point où la vitesse de fuite des galaxies excentrées n’accroît plus la distance qui nous sépare du but ! ”

“ Comment cela ? demanda Ibn al Haytam. Vous avez dû me le répéter mille fois sinon aucune mais je ne retiens pas vos explications, si lumineuses soient-elles, vous m’en voyez tout à fait confus ! Cela veut dire que nous accélérons plus vite qu’elles ?”

“ Mon bon révérend, votre position sur l’échiquier vous place pour l’instant en réserve. Le jour arrivera bientôt où c’est vous qui devrez vous mettre en avant, pour un roque d’anthologie peut-être! Alors je ne me formalise pas de vous le réexpliquer une fois encore ! Au contraire c’est un plaisir. Dans un univers en expansion, tel que nous le comprenons aujourd’hui, les galaxies occupent toujours les mêmes coordonnées spatio-temporelles. Mais pourtant elles s’éloignent dans toutes les directions. Prenons la Terre comme point de référence, c’est plus commode, et puis c’est la résidence historique de l’Empereur ! Comment expliquer cette apparente contradiction ? En réalité c’est l’espace lui-même qui est en expansion et qui accroît les distances entre les étoiles et la Terre. Mais chacun de ces corps stellaires conserve toujours les mêmes coordonnées. On dit de celles-ci qu’elles sont comobiles. N’essayez pas de visualiser cette notion, c’est impossible pour un cerveau humain normalement constitué. Ensuite, il y a une notion corollaire à l’expansion de l’univers, c’est la notion de vitesse de fuite. Quand les astronomes ont réussi, de façon relativement précise, à observer le mouvement des étoiles et des galaxies, ils se sont aperçus avec stupeur que plus lointaines étaient les galaxies, plus leur spectre...”

“ Par pitié, cher Gymir, n’en jetez plus ! Je suis déjà perdu ! Leur spectre ? ”

“ Oui, révérend, le spectre d’une étoile ou de tout objet lumineux, c'est la décomposition de son rayonnement électromagnétique, vous vous rappelez vos cours élémentaires? L’effet Doppler-Fizeau ? Quand la fréquence reçue se décale vers le bleu, la source lumineuse se rapproche de nous, si elle se décale vers le rouge, elle s’éloigne au contraire ! A l’aube de la Conquête, on s’en est servi pour mesurer la vitesse des galaxies par rapport à la Terre. Or donc, plus les galaxies observées étaient lointaines, plus leurs spectres étaient décalés vers le rouge ! Puis, on s’est aperçu que l’effet Doppler-Fizeau n’avait rien à voir à l’affaire. Le décalage vers le rouge est essentiellement lié à la courbure de l’espace qui emporte les galaxies... ”

« Comme une sorte de ballon qu’on gonfle n’est-ce pas ? » dit le révérend pour paraître intéressé.

« C’est une hypothèse! Intervient Arthur avec un brin de condescendance. L’image d’un ballon sous-entend que l’univers est sphérique. Or il peut être aussi euclidien, plat si vous voulez, à courbure nulle, ou bien hyperbolique, comme une selle de cheval, à courbure négative ! Vous vous rappelez les propriétés du plan énoncés par Euclide ? Dans un univers plat, euclidien, la somme des angles d’un triangle est égale à 180°. Dans un univers sphérique, la somme des angles est supérieure à 180° tandis que dans un univers hyperbolique, elle est inférieure ! »

« Nous sommes là pour le découvrir ! soupire Gymir, regrettant le ton sentencieux de son jeune collègue. Pour conclure rapidement, avant que vous ne soyez obligé de réclamer une pilule contre le mal de crâne, les galaxies les plus lointaines s’écartent de la Terre à des vitesses qui dépassent la lumière ! »

«Oui, révérend, plus vite que la lumière. C’est possible, assène Arthur, dans le cadre de la relativité générale. La matière et l’énergie ne peuvent pas dépasser la vitesse de la lumière mais l’espace n’est ni l’une ni l’autre n’est-ce pas ? »

« Or, reprend Gymir, plus les étoiles sont lointaines, plus elles sont proches du bord. Si nous voulons accomplir notre mission, nous devons les dépasser, en fait, les dépasser toutes jusqu’à la dernière pour atteindre la dernière frontière ! ”

Ibn al Haytam hoche la tête perplexe mais avec cette inflexibilité qui est le propre des exaltés ou des passionnés, Gymir continue sans rien remarquer :

« Et le carburant qu’utilise l’espace pour se dilater est constitué par une matière possédant une pression négative qui repousse la gravitation. Les hommes l’ont baptisée l’énergie sombre. C’est cette énergie qui est à l’oeuvre dans les huit réacteurs de l’Athlète. Nous sommes à bord du premier vaisseau disposant de réacteurs à fusion noire, capable de lui faire atteindre des vitesses bien supérieures à celle de la lumière ! Les coefficients d’accélération imprimés au vaisseau lui permettent de laisser quasiment sur place les photons, les particules de lumière. Nous dépassons ainsi la flèche du Temps. Nous écrivons l’Histoire, révérend. Et peut-être que l’Histoire nous attend aussi au bout du chemin comme dans ces digones que vous avez sûrement étudiées en baillant ! ”

« Une digone ? » interroge le révérend qui déglutit péniblement.

« La représentation d’une sphère dans un espace à deux dimensions, comme une de ces planisphères d’antan, une carte d’une planète, explique obligeamment Arthur. Elle est construite de telle façon que, quand vous arrivez sur n’importe laquelle de ses extrémités, vous repartez de l’autre côté. Tous les points qui figurent sur l’un des bords appartiennent également au bord symétrique. Voilà ce qu'est une digone mon révé...! »

La démonstration d’Arthur est brusquement interrompue par un signal d’alarme. L’éclairage de la passerelle vire au rouge. La voix agréable mais impérieuse du Commandant Lazuli s’élève dans le réseau de communication interne, coupant leur conversation.

“ Votre attention s’il vous plaît. Nous nous préparons à entamer notre ultime trajectoire de collision. Le trou noir devant nous est d’une taille très importante. Vingt deux millions de masses solaires. Il renferme une singularité de type BKL. Nous allons couper son horizon dans... trois minutes temps de bord. ”

Bien sûr, le commandant Lazuli vocalise uniquement à destination de ses trois compagnons qui ne sont pas reliés par réso-ombilic au vaisseau. Tous les nano-matelots cybernétiques travaillent déjà en temps synchrone.

Gymir masque sa nervosité en s’adressant au révérend :

« L’horizon du trou noir, ou rayon de Schwarzschild du nom de son inventeur, correspond à la limite au-delà de laquelle le trou noir en théorie, de laisse plus rien ressortir, pas même la lumière ! Il correspond à deux fois la masse du trou noir que multiplie la constante gravitationnelle, le tout divisé par le carré de la vitesse de la lumière. A la louche, pour la masse indiquée par le commandant, cela donne un rayon de cent quarante sept millions de kilomètres, soit grosso modo la distance Terre - Soleil! »

Arthur ne peut s’empêcher d’intervenir :

“ Lazuli a dit qu’il était de type BKL. BKL pour Belinsky, Khalatnikov et Lifchitz, les trois scientifiques de notre bonne vieille Terre qui ont décrit, voici quelques dizaines de siècles, le fonctionnement de la singularité qui va nous donner un bon coup de pied au cul quand on va franchir l’horizon des évènements. Relativement basique et fragmentaire, compte tenu du paradigme mathématique et topologique disponible à leur époque, leur théorie s’est néanmoins avérée assez juste. Seule notre vitesse intrinsèque nous protègera des fabuleuses contractions anarchiques qui sont à l’oeuvre de l’autre côté de l’horizon. Sinon, elles auraient tôt fait de nous déchiqueter en nous entraînant inexorablement par la marée gravitationnelle. Imaginez un peu. Sans la protection de l’énergie sombre, nos corps seraient littéralement étirés sur une longueur infinie et comprimés latéralement jusqu’à une épaisseur nulle ! Rien ne sort d’un trou noir. C’est pourquoi on parle de singularité. Au coeur du trou noir, la gravité quantique sépare le temps et l’espace, mettant fin au continuum spatio-temporel de l’univers. Nous, on va surfer sur les monstrueuses vagues qui s’enroulent sur elles-mêmes, en espérant que la trajectoire calculée par l’Athlète et Lazuli ne contiendra aucune erreur même infinitésimale. ”

“ Comment calculer des trajectoires et des temps alors que vous m’avez dit que nous voyageons bien plus vite que la lumière ! ”

“ Astrométrique quantique. Nos petites machines pensantes calculent des probabilités qui sont ensuite traduites en temps de bord relatif. Mais ces valeurs en soi ne signifient rien, elles sont uniquement valables pour le bout d’espace compris entre les parois de l’Athlète. Et encore, je soupçonne qu’elles doivent être différentes selon l’endroit où on les mesure. Elles obéissent aux lois de l’indétermination chères aux particules lumineuses. Si vous connaissez leur position, vous ignorez leur vitesse et vice-versa. Le temps de bord est une abstraction quantique ! Les lois de la géométrie ne s’appliquent pas aux évènements qui se produisent au-delà de l’horizon mais de façon très imagée, il n’y a qu’une vitesse angulaire et une seule qui nous permettra d’éviter de plonger dans la singularité où même l’énergie noire ne nous mettra plus à l’abri des forces de plongement ! ”

La voix sans émotion du commandant Lazuli met fin à leur conversation :

“ Franchissement de l’horizon dans une minute trente secondes après le top. Dernier saut dans une minute trente plus quatre après le top. Point d’émergence, une minute trente moins douze après le top... Top. ”

Une sourde trépidation naît dans les entrailles du vaisseau lorsqu’il coupe la ligne imaginaire de l’horizon pour pénétrer dans les turbulences générées par la marée gravitationnelle. Les moteurs à fusion sombre travaillent à conserver la vitesse acquise. Lazuli sent à travers les terminaisons psychosensibles qui la relient aux différents organes de son vaisseau, le flux des particules noires progressivement altéré par les forces contradictoires qui s’exercent à l’extérieur. Les capteurs décryptent en hologrammes tridimensionnels subjectifs, une réalité totalement étrangère.

Le vaisseau plonge en diagonale au fond d’un puits qui s’enfonce dans la trame de l’univers. Tout au fond, la singularité brille d’un éclat mauve qui pulse au coeur de flammes bleues et rouges. Selon les indications fournies par les calculateurs, qui ne font que traduire des données irréconciliables, elle serait située à l’infini par rapport à l’Athlète. Lazuli enrichit la fusion de matière sombre pour éviter que la vitesse du vaisseau ne décroisse jusqu’au point où elle ne pourra plus s’opposer au déchaînement quantique. Les niveaux de certaines jauges baissent légèrement sous leurs valeurs nominales. Rien d’inquiétant cependant à court terme tant que l’énergie sombre alimente convenablement les réacteurs. Lazuli accroît le coefficient de conversion, la trépidation des huit réacteurs devient vraiment sensible.

Des murmures se font progressivement entendre. D’abord, ils rebondissent tout autour des quatre membres d’équipage, comme les échos ténus de conversations lointaines et incompréhensibles. Puis, ils gagnent en puissance jusqu’à former un majestueux choeur de voix spectrales. Comme si d’étranges créatures extérieures, à l’image de celles imaginées par nombre de romanciers de science-fiction à travers les âges, s’invitaient à bord pour une folle sarabande.

Cette expérience est tout à fait inédite pour les trois membres masculins de l’équipage. Plongés durant des années dans l’hyper sommeil, ils entendent pour la première fois les chants des Sirènes des Trous Noirs, comme les a surnommées Lazuli. Pour une fois, Arthur semble à court de commentaire. Il blêmit. Gymir grimace, les oscillations du champ quantique résonnent le long de sa colonne vertébrale, bien plus épaisse que celle des autres humains, éveillant des picotements désagréables jusqu’au plus petit os de son imposante charpente. Le révérend Ibn al Haytam ouvre de grands yeux. Il tourne sa tête dans tous les sens, comme s’il cherchait les invisibles interlocuteurs qui l’interpellent de tous côtés.

« Ne vous inquiétez pas mon révérend, dit doucement Lazuli. Il n’y a absolument rien de surnaturel dans ce phénomène. C’est simplement le métal qui vibre selon des fréquences qui ne sont pas habituelles. Et votre cerveau essaie de les convertir en signaux intelligibles. Ceux-ci peuvent vous troubler, voire revêtir des formes hallucinatoires convaincantes mais celles-ci sont tout à fait bénignes »

La voix du Commandant Lazuli est légèrement amusée :

« Pendant le voyage jusqu’ici, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de vivre ce genre d’expérience. La première fois, je me suis sentie comme Ulysse sur son bateau quand il était attaché au mât pour ne pas plonger dans les flots et rejoindre les fabuleuses sirènes. Les voix que j’ai entendues étaient vraiment ensorceleuses. Elles semblaient m’appeler, elles semblaient me connaître, elles s’enroulaient, persuasives et entêtantes. Heureusement, mes routines automatiques ont régulé mes processus biochimiques, mettant un terme à cette hallucination auditive. Ces sons proviennent du métal qui entre en résonance avec le chaos du dehors. C’est absolument déconcertant mais totalement inoffensif ! ”
« Si vous le dites, Commandant ! » dit le révérend Ibn al Haytam en haussant les épaules, non sans jeter un ultime coup d’oeil par-dessus son épaule.
« J’aurais parié avoir entendu ma soeur ! murmure Arthur tout doucement. C’était vraiment sa voix et c’étaient ses mots, vous savez, elle aurait pu prononcer ce genre de phrases. Elle m’appelait... ! »
« Vous ne nous en avez jamais parlé auparavant ! » lance Gymir, qui articule avec effort, sa mâchoire répercutant les microtraumatismes osseux.
« Elle est morte. Huit ans avant notre départ. Elle servait à bord du Nostratique ! »

Gymir interrompt son vigoureux massage des maxillaires. Le révérend Ibn al Haytam lance à Arthur un regard pénétrant. Seule Lazuli ne manifeste aucune émotion particulière. Un silence gêné s’installe dans la cabine.

Le Nostratique était un bâtiment de ligne interstellaire qui avait été victime d’un terrible naufrage au milieu des étoiles. Un trou de ver avait perdu sa stabilité et s’était refermé peu après que le gigantesque vaisseau de ligne en eût franchi l’ouverture. Les huit mille membres d’équipage et les sept cent mille passagers humains, plongés dans l’hyper sommeil, avaient disparu en une fraction de seconde.

L’enquête impériale avait conclu à un défaut gravissime d’entretien du réseau de balises de surveillance qui gérait le trafic près de la porte et les flux d’énergie qui maintenaient l’étroit passage creusé entre les plis du continuum spatio-temporel.

L’enquête avait également mis à jour une corruption à grande échelle, des détournements importants et des bilans falsifiés. Quelques archontes avaient été traduits devant une Haute cour martiale impériale. Au terme d’un procès mené tambour battant, ils avaient été envoyés croupir dans des pénitenciers lointains, sans espoir de grâce. Les colossaux dédommagements accordés au civil avaient provoqué la faillite de plusieurs conglomérats de navigation stellaire. Contre toute attente, la maison impériale avait été in extremis épargnée par la vague nauséabonde qui avait éclaboussé les classes dirigeantes.

« Lucidia Von Wissenschaft, je n’avais pas fait le rapprochement ! souffle Gymir. Bien sûr, Lucidia l’Astropathe Impériale, mise aux arrêts pour insubordination au motif qu’elle s’opposait à un ordre direct du maître de la passerelle ! »

« Jamais le Nostratique n’aurait pénétré dans le trou de ver si les procédures du manuel de bord avaient été respectées. Le veto de l’Astropathe prime sur toute autre considération ! proteste nerveusement Arthur. »

“ Jamais, certainement, un commandant de vaisseau de ligne ne contesterait une décision de son astropathe. Mais celui du Nostratique n’était pas n’importe quel commandant, n’est-ce pas ? répond énigmatiquement le Commandant Lazuli. Mais ce n’est pas le moment de remettre cette polémique sur le tapis ! L’Athlète va être éjecté du cône de plongement. Top dans quatre secondes.... Top ! ”

Les voix des Sirènes montent dans les aigus, bien au-delà des fréquences audibles pour l’oreille humaine. Puis elles se taisent d’un coup. Le commandant Lazuli transmet un ordre au vaisseau. Les parois disparaissent comme par enchantement et la passerelle semble flotter dans l’Espace sans limite où quelques rares étoiles réapparaissent dans le lointain, mais sur un plan et une organisation totalement différents. Les trois hommes restent bouche bée devant la magie qui se dégage de cette vision. Rien n’arrête leurs regards qui se perdent dans la splendeur des lumières qui clignotent dans l’obscurité. L’Athlète est immobile à l’orée de l’inconnu.

«J’ai coupé la propulsion, les avertit le commandant Lazuli. Selon mes dernières estimations, il nous faudra à peine quatre minutes pour atteindre la frontière ! Alors, autant que nous profitions d’un petit moment de calme pour bien vérifier que tout est prêt ! »

« Commandant, j’ai une question qui me brûle les lèvres depuis mon réveil ! Est-ce que je peux vous la poser ? » demande Arthur, un hâle rose envahissant ses joues.

« Nous sommes à plus de quinze milliards d’années lumière de notre point de départ, alors il n’y a pas grand-chose qui me troublerait. Je vous en prie ! »

« Notre voyage est un voyage sans retour, nous le savons tous autant que nous sommes. Nous survivrons peut-être et réussirons à rentrer à la maison sans doute après. Mais, compte tenu des inexorables lois de la relativité générale, quand nous foulerons à nouveau le sol d’une planète de l’Espace Humain, je ne peux même pas calculer le nombre d’années, de siècles, voire de millénaires qui se seront écoulés depuis notre départ. Et si nous ne survivons pas, cela signifiera que vous, Commandant, vous allez disparaître en tant que personne ! Pourquoi n’avez-vous pas accepté que votre empreinte génétique et cérébrale soit transcrite ? »

« Les Apis refusent ces pratiques. Répondit tranquillement Lazuli. Cette aspiration à l’immortalité ne fait pas partie de notre éthos. Dans les ruches, nous nous inclinons devant la Dame Ether. Même si beaucoup de fantasmes entourent son culte, ce n’est pas une déesse dans le sens habituel du terme. Aucune statue, aux allures vaguement néoclassiques, n’est érigée dans les temples qui lui sont dédiés ! »

« Vous refusez ces pratiques mais vous maîtrisez à la perfection les techniques de gestion des pools géniques. Aucun embryon mâle ne sort de vos cuves de fécondité. » précise Gymir.

«Le matériel génétique appartient à la Reine de la ruche. Nous sommes toutes ses filles. Si je meurs, je ferai toujours partie de la communauté où mes gènes continueront de vivre dans de nombreuses autres soeurs. Vous ne pouvez comprendre cela aisément. A moi de vous demander qu’est-ce que cela vous fait de savoir que vous n’êtes que des copies parfaites de vos véritables géniteurs qui poursuivent leurs existences sur vos planètes d’origine ? Surtout vous mon révérend ?»

Le révérend Ibn al Haytam toussote poliment, rassemblant ses idées pour soutenir une conversation qui prend une tournure peu ordinaire.

« Ce voyage s’inscrit dans un contexte inédit. Il représente à la fois l’aboutissement de toutes les démarches spirituelles qui ont guidé les hommes depuis la nuit des temps et la réussite d’un formidable défi industriel et technologique, les moteurs à fusion noire. Et puis, il s’agissait d’un voyage sans retour pour ceux qui embarquaient à bord de l’Athlète. Bien sûr, il est vertigineux de se demander ce que je suis en ce moment ? Je suis ici et là-bas. L’espace me sépare de moi-même, m’écartèle, me fragmente, me rend différent. A chaque battement de coeur, je deviens étranger à moi-même ? Il a été un instant où rien, pas même un atome, ne me distinguait de celui qui est resté sur la planète vaticane. Peut-être suis-je en train de prier à l’appel du muezzin ? Quand on m’offrit la possibilité de participer à cette aventure tout en préservant mon intégrité dans l’espace-temps commun, j’ai longtemps prié Dieu pour qu’Il m’envoie un signe. Au matin, j’étais toujours seul avec mes interrogations et la part de moi qui a peur du noir a emporté ma décision. J’ai signé. J’ai signé et aucune autorité religieuse n’a élevé la moindre protestation. Je suis sans doute mort de l’autre côté des étoiles, depuis un temps indéterminé et pourtant je suis vivant ici. Cette expérience est tout à fait troublante. ! »

Ibn al Haytam se tait. Gymir s’éclaircit la voix et enchaîne :

« Moi aussi, comme nous tous en fait, euh, sauf vous Commandant bien sûr, je suis assailli de questions chaque fois que je pense à ce que je dois être, là-bas dans le temps. Je me sens vraiment comme Gymir, avec mes souvenirs et tout ce qui fait de moi ce que je suis, et non le produit haut de gamme conçu dans les cuves souterraines des Mondes Utérins. Bien sûr nous sommes des images, des reproductions parfaites d’originaux qui ont vécu leur vie en pensant à nous chaque fois qu’ils levaient les yeux vers le ciel. Qu’ont-ils pensé à l’heure de leur mort ? La physique n’apporte pas ce genre de réponses mes amis ! Elle trace des cercles dans le ciel, des cercles qui nous ont appelés à entamer ce voyage ! Et cela me va bien. Si nous revenons dans l’Espace Humain, qui sait s’il sera toujours là ? Et dans l’affirmative, peut-être que les réponses que nous apporterons seront déjà éculées, abordées dans tous les manuels scolaires ou leur équivalent ! »

Arthur, qui peut se raccrocher à son domaine de prédilection, poursuit :

« Quoique, dans certaines des hypothèses, il n’est pas impossible que nous rentrions par un chemin différent si l’espace est réellement multiconnexe. Nous nous tenons sur le seuil de l’Univers et nous nous préparons à vivre une extraordinaire expérience. Nous allons vérifier le paradoxe d’Archytas de Tarente. Pourrons-nous dépasser le bord de l’Univers et pénétrer alors dans cette Empyrée mythologique où réside... où réside... le Grand Créateur ?»

Le révérend Ibn al Haytam se retourne vers le Commandant Lazuli :

«Que disent vos Hiérocéryces en ce domaine Commandant ? Vous qui vivez pour et dans l’Espace, quelle conception avez-vous de l’Univers ? »

La voix de Lazuli s’élève dans les haut-parleurs :

« Lorsqu’une abeille revient à la ruche après avoir exploré les environs à la recherche de nourriture, elle s’empresse d’indiquer comment y retourner. Quand l’endroit est éloigné, elle trace dans le noir une danse en forme de huit. Ainsi, tout ce qui est loin est placé sous le sceau de... »

« ... L’infini, souffle Gymir, bien sûr ! »

« Oui, nous réfutons la théorie selon laquelle l’Univers aurait un bord. Nous croyons au contraire, en paraphrasant Nicolas de Cuse, que l’Univers a son centre partout et sa circonférence nulle part ! »

à suivre... plus tard.


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-10-27 22:37:47 

 Commentaire Maedhros, exercice n°111Détails
Nom d’un trou noir ! Je suis bluffée, émerveillée, scotchée, déboussolée... et admirative ! Voilà la verve de Jules Verne et les images pures de « Contact ». Tu m’as fait tourner la tête !
Les aventuriers de l’infini s’approchent de la limite extrême de l’univers, au terme du voyage le plus fabuleux que l’humanité ait pu concevoir. Ca, ce n’est rien, c’est juste le thème... Après, il y a la manière astucieuse, à travers le dialogue entre quatre personnages aussi complémentaires que dissemblables, d’expliquer au lecteur le où, le comment et le pourquoi, dans un déluge d’informations où le lecteur moyen a bien du mal à distinguer la fiction de la science...
Et puis que de trouvailles ! Une créature humanoïde dérivée des abeilles, l’Apis... qui évidemment s’appelle Lazuli ! Une vision personnelle de l’évolution des religions dans l’univers ( il y a du Scott Card là-dedans !), des réacteurs à fusion noire, des nanomatelots cybernétiques, des clones, le chant des sirènes de l’espace... et la danse des abeilles dessinant l’infini... La boucle est bouclée, le lecteur épuisé, migraineux, mais ravi !
J’ai adoré :
- Lois impériales, ordinaires ou exorbitantes : joli jeu de mots !
- L’intérêt feutré du Cénacle
- Le temps de bord est une abstraction quantique
- Et puis bien sûr, la dernière phrase, qui tombe définitivement à pic... et pourtant son auteur ne savait rien du Tao !


Bricoles :
- L’harnachement : le (h aspiré)
- Les merveilleuses hyménoptères : hyménoptère est masculin ; c’est stupide, je te l’accorde, pour un monde sans mâles...
- L’extrême spécialisation des Apis... en fit : en a fait ( texte au présent)
- Le révérend accompagne cette petite pique... ne daigne même pas relever la petite pique
- Nous nous sommes sortis des caissons : un seul « nous » suffirait, non ?
- Mon bon révérend, votre place sur l’échiquier vous place...
- Voilà une digone révé... : rêvée ? révélée ?
- L’horizon de trou noir... de laisse plus rien : ne
- Dit le révérend... en haussant les épaules, non sans jeter un coup d’oeil par-dessus son épaule
- Peu après que le ... vaisseau... en eut franchi : eût
- Les sept cents mille passagers : cent
- La vague nauséabonde qui avait éclaboussée : éclaboussé
- Est-ce que je vous la poser : oubli de « peux »
- Compte tenu des lois de la relativité générale sont inexorables : il ne manquerait pas un « qui » ?
- Les Apis refusent ces pratiques ! répondit tranquillement : si c’est tranquillement, le point d’exclamation n’est pas logique
- La physique n’apporte pas de genre de réponse : ce genre


Je me doutais que tu serais à l’aise dans la SF, mais là tu es vraiment impressionnant. D’autant qu’il ne se passe pas grand-chose dans l’intrigue, et que pourtant on est suspendu à tes lignes tant la situation est nouvelle et passionnante ! Le suspense est savamment entretenu, manquerait plus que la page de pub ! Je me suis pris la tête à te lire, mais je n’ai pas pu décrocher de la première à la dernière ligne. Et encore, je suis sûre que ceux qui ont une culture SF plus grande que la mienne ont dû apprécier dix fois plus !
Ce texte est plus qu’excellent, il est génial. Il est à la fois original, philosophique, cultivé, poétique, questionnant, ludique et prenant ! Il me fait penser à la photo d’Einstein qui tire la langue...
Et si en plus il y avait une suite...
Narwa Roquen, qui dans ses pires cauchemars se retrouve dans un monde où Google n'existe pas, avec la mission de commenter un texte de Maedhros...

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z653z  Ecrire à z653z

2012-11-01 08:28:37 

 très bien venuDétails
Cela m'évitera aussi d'avoir trop de retard de lectures.

À bientôt

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-11-02 20:39:28 

 La mer qu’on voit danser…Détails
Tu nous délivres là un récit de science-fiction à la solide trame classique, opposant hyper-civilisation et retour aux sources.
Dans un monde hypercivilisé, où les citoyens sont à ce point déshumanisés que même le rêve leur est interdit au profit de la rentabilité et de la productivité, une basse vindicte familiale donne l’opportunité à un immigré pourtant parfaitement assimilé de renouer le fil atténué mais pas rompu de ses origines outremondiennes. Il va secouer le joug qui l’asservissait à de fausses valeurs.

Question fondations (comme dirait mon pote Asimov), elles sont en béton armé. Dans une société où marcher à l’air libre est un signe de déchéance, où les jours sont décimalisés et rythment même les besoins les plus élémentaires, un homme rêve. Un homme dont le prénom le relie intimement à une immense mer émeraude. Un rêve prémonitoire. Comme ceux qu’adressaient les Dieux aux hommes avant que les pilules à dormir débout et les explications freudiennes ne viennent tout gâcher ! Il s’appelle Netuno. Forcément. Il a le crâne rasé mais il rêve qu’il possède des cheveux longs et drus. Forcément. Une trahison matrimoniale sera un coup de poignard dans le dos. Mais il ne sait pas encore que cela va en fait le libérer. Comme on coupe un cordon ombilical.

Tu décris avec beaucoup de réalisme tous les détails qui aliènent, qui emprisonnent, à commencer par le nom de ces merveilleuses pilules (Coolplus, Calmox), par cette machine, le dérêveur (qui fait furieusement Harry Potter inside), par tous ces codes qui résument l’existence. Dès qu’ils sont invalidés (cela m’a fait penser à Gattaca), projette le malheureux Netuno hors de son douillet cocon. Bien vu aussi la courtoise froideur et le désintérêt professionnel des interlocuteurs auprès desquels il essaie de plaider sa cause. Et, de fil en aiguille, il échoue à l’astroport. L’aide d’un illustre vagabond va lui permettre d’embarquer vers le monde de ses origines dont le nom plonge ses racines dans la pierre verte. Tu plantes alors un décor aux doux accents portugais (la berceuse est véridique !) où le héros va d’abord redécouvrir la chaleur de véritables relations humaines, fondées sur le respect et la solidarité, puis les joies simples et champêtres de la vie au plein air, sans cesse renouvelées et plus, si affinités... Amalia n’était pas pour rien la reine du Fado !

Tu as ramé mais en bonne compagnie ! Le dieu au trident a veillé sur ton voyage ! La consigne est respectée (pas comme moi !) et tu sors avec les honneurs de cette aventure, en recentrant ton récit comme à ton habitude, au plus près de l’homme, avec tendresse, humanité et un brin d’optimisme!

Well done !

M

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z653z  Ecrire à z653z

2012-11-27 15:01:49 

 Pourquoi une suite ?Détails
Je trouve que ce texte se suffit à lui-même.
Il présente l'Univers sous quatre points de vue et permet au lecteur d'imaginer la(les) suite(s).
Après c'est à Narwa de trouver une WA qui te donnerai envie de poursuivre cette histoire.
Les noms des protagonistes sont bien trouvés et malgré la longueur on reste accroché car on en apprend de plus en plus sur les personnages.

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z653z  Ecrire à z653z

2012-11-27 15:28:12 

 pas de besoin de signer ce texte....Détails
...Il porte tes marques :
- Opposition de deux mondes
- Changement de famille
- Retour à un monde moins civilisé
etc.

L'hyper-sophistication technologique et son côté déshumanisant sont très bien décrits.

Petits bémols :
Le dernier paragraphe est presque superflu tant on le devine.
Et la rencontre avec l'ancien Suprême est un peu tirée par les cheveux quoiqu'elle permet la possibilité du retour dans le dernier paragraphe.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-07-26 10:23:22 

 Commentaire WA 111 : MaedhrosDétails
Encore un titre bien énigmatique pour moi.
Oh joli ton peuple d'abeilles ! Un doute m'étreint : l'apis Lazuli ?
"consubstantielle" : vindjous, ça veut dire quoi ?
Cette nouvelle me donne une furieuse envie de chanter le générique de Star trek ! Espace, frontière de l'infini...
Un réacteur à fusion noire ? Ah ouais, fallait y penser ! Mais du coup, je serais curieuse de connaitre le temps qui s'écoule sur Terre pendant leur voyage.
Ton vaisseau va emprunter un trou de ver ? Tiens, ça me fait penser à une nouvelle de Greg Egan.
Houla, donnent mal au crâne ces explications quantiques, hihi ! Heureusement que j'ai de beaux restes de physique pour en suivre le quart !
Jolie, les sirènes. Ca permet de mettre des sensations et des descriptions sur des phénomènes hyper abstraits et abscons.
Ah, si les héros ont été copiés avant leur départ, cela se rapproche encore plus de la nouvelle de Egan. Dans cette nouvelle, un vaisseau quantique plonge dans un trou noir pour voir ce qu'il y a dedans, embarquant les copies virtuelles d'une équipe de scientifiques tandis que leur vrai moi reste à la base.
Héhé, j'aime bien les interrogations métaphysiques sur le clonage et les paradoxes temporels !
Rhaaaa !! Encore un texte à suivre ! Tu aimes faire languir ton lecteur, toi, coquin !

Au final, un voyage baroque et ultra futuriste, de la hard science comme on n'en lit pas souvent, avec de l'agitage de neurones à la clé.

Trucs et bidules :
"résoluteurs mathématiques" : ça sonne pas super comme mot, je trouve.

Est', en pleine lecture

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-07-26 10:29:15 

 Commentaire WA 111 : NarwaDétails
Bien joué, les objets usuels futuristes comme le dérêveur ou encore les mots originaux comme nave.
Bien joué aussi, le calendrier différent. Les détails sont vraiment bien étudiés.
J'aime bien le terme "désintégré" qui fait double sens entre le fait de ne plus être intégré et la désintégration quand on est réduit à rien.
Il est drôlement verrouillé, ce monde. Faut un code et une autorisation même pour aller aux toilettes ? Wah ! Pas sûre que ça se justifie d'un point de vue sécurité ou argent mais ça renforce l'impression de monde policé et carcéral.
J'aime bien le concept de marcheur aussi. Fut un temps où ton héros leur parlait, si j'ai bien compris la phrase ? Peut-être avec son père, qui était apparemment un original.
Ton guide suprème me fait penser au film Equilibrium et ta borne administrative à Brazil, hihi !
Je trouve la réaction de ton héros quand il apprend que sa femme l'a fait désintégrer (et donc corollaire qu'elle veut se débarasser de lui définitivement) très légère. Ne devrait-il pas pleurer, se ruer là-bas, je sais pas moi ? Ca a l'air grave dans cette société d'être désintégré.
Tes héros ont décidément une tendance récurrente à ne pas attacher d'importance aux relations familiales et à les quitter en deux secondes sans aucun remord ou presque. Je trouve ça extrèmement curieux et ça me fait froid dans le dos à chaque fois.
Je sens arriver le fait que ton héros va retourner sur sa planète d'origine, un peu comme ton agriculteur rejoignait les gens du voyage en abandonnant sans hésitation ni regret la femme qu'il était censé aimer follement.
Admettons encore que Netuno n'aimait pas sa femme, quoique rien ne le montre dans le texte. Mais qu'il n'ait aucune pensée pour son fils en l'abandonnant me scandalise !
Bon, c'est un choix que tu fais dans l'écriture de tes histoires et de tes personnages mais impossible pour moi de trouver sympathique un personnage qui fait ce genre de choses. Du coup, je ne rentre pas dans l'histoire.
Sympa le personnage du Tonton.
Bien vu le détail des doigts comme signe d'appartenance.

Au final, un texte de science-fiction au début efficace et bien fichu, qui met une nouvelle fois en avant le thème de l'abandon de sa vie et de sa famille pour retourner à la terre.

Est', en pleine lecture

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-07-27 00:20:24 

 Merci pour ta lectureDétails
Quelques réponses à tes questions :

- l'api Lazuli : c'est un jeu de mots, "api" étant la racine latine d'abeille.

- consubstantiel : dans le sens d'inséparable.

En revanche, je ne connais pas la nouvelle d'Egan.

M

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