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 WA, exercice n°118 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 7 mars 2013 à 23:47:49
La suite! Vous avez maintenant planté votre décor, avec cette ville décrite par le menu. Il ne vous reste plus qu'à y glisser quelques personnages, entre lesquels va se nouer une intrigue passionnante, comme il se doit.
Pas de contrainte supplémentaire, sauf que... J'aimerais que votre attention se porte particulièrement sur la ponctuation - oui, je sais, une fois de plus... Mais une phrase interrogative mérite à sa fin un point d'interrogation; une apostrophe, des virgules. Exemple:
"Dis-moi Marcel est-ce que tu crois..." doit s'écrire en fait:
"Dis-moi, Marcel, est-ce que tu crois..."
Et si en plus vous aviez la bonté d'inclure ces grands oubliés que sont les points-virgules... j'en serais ravie!
A mon âge et à l'heure qu'il est, vu que je suis totalement dans les choux (le dessin est fait, mais le texte est encore bien bref), vu que logiquement Maedhros doit être aussi un peu à la bourre, et vu que nous sommes les seuls à faire survivre cette pauvre WA abandonnée non seulement par les auteurs mais aussi par les commentateurs, je nous accorde encore royalement quatre semaines, soit jusqu'au jeudi 4 avril. Si vous n'écrivez pas vous-mêmes, ô lecteurs catiminesques (plus d'une vingtaine de lecteurs pour chacun des deux textes de la WA 116...), rien ne vous empêche de commenter, et même de faire un peu de pub autour de vous pour que nous ayons de nouveaux auteurs.
Pour ceux qui voudraient participer et qui n'osent pas, je rappelle que je commente tous les textes, que je ne suis exigeante qu'avec ceux qui ont déjà fait leurs preuves, qu'il n'y a aucune contrainte de nombre de lignes, et que si ce thème ne vous inspire pas, vous pouvez écrire sur n'importe lequel des thèmes passés avec la même certitude d'être lu et commenté.
Citadins ou campagnards, écrivez! Il n'est pas de bonheur plus simple et plus intense que de faire partager ses rêves...
Narwa Roquen,souris des champs


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-03-30 20:00:10 

 WA - Participation exercice n°118 - part IDétails
LE REVEIL DE LA DEESSE


1. BROTHERS IN ARMS



La musique...

"Vous les voyez, sergent?"

Le soleil les écrase sous une chaleur plombée. Une chaleur à la limite du supportable. Cette chaleur a choisi son camp. Elle ne les aime pas. Elle ne les a jamais aimés. Elle ne les aimera jamais. Pourtant, il y a un travail à terminer. Après, ils pourront rentrer à la maison; repartir de l'autre côté de ce putain d'océan.

"Alors, vous voyez quelque chose, sergent?"

La voix du colonel Angelson a l'accent traînant du Sud. Du bayou. Une nonchalance que démentent ses yeux gris et son visage taillé à grands coups de serpe. Il s'essuie le front avec un foulard rouge détrempé. Il connait ses classiques. Il a customisé son treillis réglementaire aux tons beige et sable. Des sabres s'entrecroisent sur ses épaulettes. Il n'a pas élevé la voix, assis dans le Humwee de commandement, sa portière à demi-ouverte. Il n'a plus la force de s'énerver. Il perd toute l'eau de son corps. Il se liquéfie comme le Squonk, cette créature légendaire. Si cela continue, il ne restera bientôt de lui qu'un uniforme et des godasses remplis de flotte. Il n'a jamais imaginé qu'il souffrirait à ce point de la chaleur. Elle n'arrête pas de monter, oppressante, hors norme. Ses hommes ressentent la même chose. Ils ont tous l'impression de s'enfoncer droit dans le ventre de l'Enfer. Le thermomètre a dû se dérégler. Il s'obstine à afficher la même incroyable valeur. 58° Celsius. En cette saison, cette température est tout simplement anormale; elle rend le moindre millimètre carré de métal non protégé dangereusement brûlant.

Le sergent Myers abaisse ses jumelles avec lesquelles il a scruté longuement les premiers contreforts montagneux où s'enfonce la route qu'ils suivent depuis près de quatre heures.

"Aucune trace, mon colonel. Pas un reflet. Pas un mouvement. Nada. Rien ne bouge. Cela fait peut-être mille ans que ces cailloux n'ont pas été dérangés. Si nos amis se sont réfugiés là-dedans, cela va être une putain de randonnée pour aller les chercher. Ouais, un putain de crève-coeur, sauf votre respect, mon colonel!"

Le sergent Myers ne mâche pas ses mots. Bâti à sable et à chaud, il n'a peur de rien. Du haut de son mètre quatre vingt quinze, il a l'habitude que la foule s'ouvre devant lui. Ses galons, il les doit à son instinct de survie et à ses capacités à avancer, quel que soit ce qui se dresse entre lui et son objectif. Il n'ira pas plus haut certes, car il sort du ghetto; il ne peut le cacher. Mais les hommes le respectent.

Angelson lève les yeux vers le ciel. Un satellite invisible les observe là-haut. Des post-adolescents ennuyés regardent des images HD sur leurs consoles à des milliers de kilomètres. Il réfrène l'envie de leur faire un petit signe de la main. Il n'a pas encore fait une croix sur sa première étoile.

Il touche l'écran tactile de l'ordinateur embarqué. Quand elle revient à la vie, l'image saute constamment et des perturbations électromagnétiques créent des reflets fantômes aux couleurs psychédéliques. Putain de chaleur. Il fait défiler la carte jusqu'à l'endroit où la colonne de blindés légers, lancée à la poursuite des Djihâdistes, s'est arrêtée. La carte est d'une sobriété toute désertique. Hormis le massif, il n'y a absolument rien de remarquable. Du sable, de la rocaille et encore du sable, sur des dizaines de kilomètres. Putain de pays. Il appuie sur une touche du clavier et de minuscules échos mouchettent une poignée d'hexagones devant eux, situés au coeur du massif. Ils sont donc là, planqués quelque part sur ces hauteurs. Le sergent a raison. Les débusquer ne s'annonce pas comme une partie de plaisir. Ils ne sont pas de ces terroristes qui plaisent tant aux journalistes; qui décampent quand la cavalerie rapplique. Non. Ceux-là sont de vrais combattants entraînés, endurants et connaissant le terrain comme leur poche. Ils ont attaqué un dépôt d'armes et de munitions et ont décimé la garnison locale. Leur commandant est une figure de première importance dans le jeu des MWDM (most wanted dead men), le jeu aux soixante dix sept cartes, toutes différentes.

Le colonel tape sèchement sur le pare-brise pour demander à Myers de reprendre le volant. Sur la banquette arrière, les deux Rangers restent silencieux, berçant toujours leurs armes. Le colossal sergent claque la portière et se tortille sur son siège pour trouver une position relativement confortable.

Angelson ouvre le canal de transmission afin que tous les chefs de bord des MRAP de la longue file de blindés, entendent son message :

"OK les gars, on appartient au 75ème Rangers, alors bordel, on va aller au bout de cette putain de mission. Les deux premiers Ocelot, commencez à avancer et maintenez-vous à sept cents cinquante mètres de nous. Ouvrez l'oeil et le bon. Si vous êtes pris à partie, décrochez et mettez-vous à couvert. Attendez-nous!"

Un vrombissement déchire l'air au-dessus de leurs têtes, noyant la réponse grésillante. Un drone passe en rase-motte, cadeau des anges gardiens qui veillent sous les montagnes du Colorado. Un signe évident adressé par l'état-major.

L'opinion publique a besoin d'une victoire éclatante de toute urgence.

Aujourd'hui, elle est à portée de main. C'est une opportunité idéale. Malheureusement, il y a une contrepartie. Il n'y aura pas de long bombardement aérien qui pourrait pilonner la zone et préparer l'assaut. Le citoyen veut des larmes et du sang. Il veut de vrais soldats, des gars du pays. Il veut voir leurs visages pour qu'il puisse reconnaître ses propres enfants. Ce n'est pas pour rien si cette journaliste est là, à trois véhicules de lui, imposée par les huiles de l'état-major et leurs putains de conseillers en communication. Cette foutue gonzesse se la joue et pose des questions aussi ronflantes que creuses. Elle est un reporter spécial dépêché par le Washington Post.

Force est de reconnaître qu'elle s'est y faire avec des gosses de vingt ans. Ses yeux noirs et ses allures de gazelle urbaine y sont pour beaucoup. Malgré son aversion pour cette engeance, Angelson est néanmoins impressionné par sa détermination et sa résistance. Il ne lui a rien passé. Aucun supplément d'eau. Aucun traitement de faveur. Il l'a même confiée aux bons soins de la caporale Leveaux, une vraie dure à cuire, originaire comme lui de Louisiane. Elle aura son reportage mais elle aura payé pour ça.

Une gigantesque tempête de sable les talonne. C'est elle qui empêche le déploiement des Apaches. Les hélicoptères de combat auraient été pourtant rudement utiles en appui aérien. La tempête s'approche à petite vitesse mais son front incurvé s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres, interdisant tout retour en arrière. C'est une tempête centenaire à en croire les météorologistes. Les autochtones l'ont baptisée Mère des tempêtes. Cela dit bien ce que cela veut dire. Ce phénomène insolite s'est manifesté peu après leur départ d'Hafar Al Batin. Il s'est développé avec une rapidité extraordinaire, prenant des proportions considérables. Et ce monstre climatique, véritable mur de sable haut de plusieurs centaines de mètres, se referme sur eux.

Le sergent a mille fois raison. Cela promet vraiment d'être un putain de crève-coeur.

"GO...GO...GO" lance le colonel dans son micro.

Les lourds véhicules s'ébranlent et, les uns après les autres, s'engagent lentement entre les flancs rocheux qui s'élèvent de chaque côté de la route poussiéreuse. Ces hommes sont des Rangers. Ils ouvrent la voie quel qu'en soit le prix, comme sur cette plage de débarquement allemande. Ils ne renoncent jamais.

(à suivre...)

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-04-01 20:25:09 

 WA - Participation exercice n°118 - part IIDétails
2. LA GRANDE GIGUE DANS LE CIEL


La musique...

Le staccato lancinant des armes automatiques les cloue derrière la carcasse retournée du Humwee. Sans répit, les balles s'écrasent contre les longerons ventraux ou arrosent le sol tout autour de l'épave, donnant naissance à de petites fontaines sablonneuses. Angelson et Myers sont couverts de sang mais vivants. Les deux Rangers ont eu moins de chance. L'un a été éjecté pendant que le Humwee, atteint de plein fouet par un RPG, se cabrait brutalement comme si un poing géant s'était abattu sur le capot moteur. Emporté par l'énergie cinétique, le véhicule était parti dans une série d'embardées avant de s'immobiliser près d'un gros rocher. Le Ranger aurait pu y survivre si les trois tonnes du véhicule n'étaient pas retombées sur lui. L'autre a perdu la vie peu après. Un tir de sniper en pleine tête.

La lumière, sale et épaisse, décline au fur et à mesure que la tempête monte à l'assaut du ciel. Il est impossible de voir au-delà d'une centaine de mètres. Le colonel parvient tout juste à distinguer les silhouettes fantomatiques de trois MRAP, tous feux allumés, qui semblent intacts. Ils progressent au ralenti. Angelson ne parvient pas à entrer en communication avec eux. La ligne est saturée de grésillements dus aux forces électromagnétiques qui se crépitent sur le front de la tempête. Les vents se renforcent et emplissent l'espace de hurlements démoniaques.

Une autre roquette frappe le premier véhicule blindé qui s'ouvre comme une fleur de feu, les flammes s'échappant de toutes les ouvertures. Une silhouette parvient à s'extraire du brasier mais elle est en feu et s'écroule après quelques mètres d'une course aveugle. Le MRAP gît en travers de la piste. Juste après, une autre détonation libère des tonnes de rochers du flanc de la montagne qui viennent heurter le véhicule calciné et obstruer définitivement le passage. Myers secoue la tête et tourne son pouce vers le bas. Pas bon du tout!

Dans ce décor de fin du monde biblique, Angelson parvient quand même à philosopher. On dirait que les hommes ont décidé de se moquer éperdument de ce qui les attend, malgré l'imminence du tsunami de sable qui va bientôt tous les balayer sans distinction de religion. Les Djihadistes, tapis hors de vue, les arrosent sans arrêt d'un feu nourri. Le colonel perçoit la voix basse et rageuse d'une 12,7 qui répond, quelque part, aux aboiements rauques et brefs des AK-47. Quand il jette un regard vers le ciel, il revoit malgré lui certaines images de films catastrophes où une vague immense menace de recouvrir les régions côtières. Mais la réalité est bien pire. La tempête les entoure désormais. Elle forme un cylindre ressemblant, en bien plus grand, aux vortex des tornades géantes, des F4 et des F5, qui dévastent chaque printemps les Grandes Plaines. A présent, le ciel au-dessus du massif est un disque parfaitement régulier dont le bleu indigo vire au noir. Les lèvres de la tempête se replient insensiblement vers l'intérieur.

Myers lui crie quelque chose mais la puissance des vents redouble, emportant les mots qui lui sont destinés. Il le voit dégoupiller une M67 et la projeter loin devant lui. Il suit la longue parabole que dessine la grenade avant de retomber au milieu d'un groupe d'hommes qui dévalent la pente tout en mitraillant vers eux. L'explosion fait trembler le sol. Quand la poussière se dissipe, il n'y a plus personne debout. Myers est hilare et lève son pouce en signe de victoire. Son sourire se fige. Angelson n'a pas entendu la détonation mais une rose de sang s'étale sur la poitrine du sergent. C'est à ce moment seulement qu'il remarque que celui-ci ne porte pas son gilet pare-balles. Merde, Myers! Pas toi! Le grand gaillard tombe en avant. Angelson le retient de justesse. Myers est en vie mais perd beaucoup de sang. Il lui prodigue les premiers soins en pillant la boîte marquée d'une croix rouge. La blessure n'est pas belle. Il endigue l'hémorragie mais cela ne sera pas suffisant. S'il n'est pas rapidement évacué vers un hôpital de campagne, Myers risque d'y passer.

"Sergent, bordel, sergent, tiens bon! Infirmier! Infirmier!" hurle Angelson mais il sait que c'est inutile. Personne ne l'entendra dans le vacarme apocalyptique.

Des balles sifflent à ses oreilles. Il tire difficilement son ami sous une roue qui offre un abri de plus en plus inconfortable. Il y a d'autres tireurs et ils ont trouvé des angles de tirs. Ils menacent de les prendre à revers. Putain, c'était bien un crève-coeur. Le sable commence à fouetter son visage. Putain de pays. Putain de guerre. Pourquoi l'état-major ne décide-t-il pas de balancer une de leurs bombes de dernière génération une bonne fois pour toutes? Une bonne foi pour toutes? Il n'y a rien à gagner ici. Que du sable et du sang.

Puis il se ressaisit. Rageusement, il épaule son M4 équipé d'un M203 et balance une série de grenades de 40 mm qui déchaînent l'enfer domestique à plusieurs dizaines de mètres, parmi les rocailles estompées d'où partent les tirs croisés. Il se retourne soudain, plus par instinct qu'autre chose. Une forme humaine rampe sur la piste, vers lui. Il ajuste lentement son M4 et aligne sa cible. Son doigt se replie sur la détente quand, au dernier moment, il suspend son geste. Il est rare que les Djihâdistes se mettent une perruque blonde pour mener la guerre sainte. Et, quand il regarde à travers sa lunette de précision, il reconnait ce visage féminin sur lequel la terreur le dispute à la détermination. Malgré la fin du monde toute proche, malgré sa position de plus en plus critique, il est incrédule. Ce bout de femme le surprend une nouvelle fois. Il faut en avoir pour faire ce qu'elle fait. Et une sacrée paire. Il connaît de soi-disants baroudeurs qui auraient hésité. Des noms? Ben, lui, pour commencer!

Il abat d'un tir précis un extrémiste qui a commis l'erreur de sortir de son terrier. Un autre connait le même sort. Angelson couvre la progression de la journaliste. Merde, c'est quoi son nom déjà? Il l'a oublié. Jones? Downes? Il continue de tirer. Son prénom alors? Pas mieux. Ce n'est pas le genre d'informations utiles dans une zone de combat. Il change de chargeur, le tapant au préalable sur son casque. Il insère une autre grenade dans le M203 et vise la chandelle de rochers qui se dresse au-dessus de l'endroit où il estime que sont planqués les Djihâdistes. Bingo! En plein dans le mille! Les blocs de granit dégringolent en soulevant des nuages de poussière. Dans sa lunette, plusieurs silhouettes se mettent à courir pour éviter l'avalanche. Il retient son souffle. Son arme tressaute trois fois. Là-bas, trois corps s'écroulent presque en même temps.

Pendant ce temps, la journaliste a atteint le Humwee retourné. Claire. C'est ça. Claire MachinChose. Non, elle s'appelle Claire Suchet. La fiche d'identité lui revient instantanément en mémoire. C'est la nièce d'un haut-gradé du Pentagone. Illustre famille de militaires qui compte un Maréchal parmi ses aïeux. Un des compagnons de l'Empereur quand celui-ci a débarqué à New-York après s'être enfui de l'île d'Elbe. Cela aide pour obtenir les sauf-conduits et tout le reste. Elle en aura pour son argent. A titre posthume.

Il l'attrape par le col et la tire vers lui.

"Alors, mademoiselle Suchet, vous avez gagné au super-loto à ce que l'on dirait!"

La jeune femme lui adresse un regard qui pourrait carboniser la moindre herbe à des kilomètres à la ronde s'il était accouplé à un lance-flammes de bon calibre. Du sang macule son treillis mais elle n'a pas l'air d'être blessée. Sa tignasse blonde semble avoir été soufflée par un pet particulièrement violent du Diable en personne. Son visage est chiffonné, le Rimmel de ses yeux a coulé, ses joues sont pleines de terre et les larmes y ont creusé des sillons rectilignes. Sa bouche se plisse en une grimace peu avenante.

"Bordel de merde, crache-t-elle comme un chat qu'on aurait voulu baigner de force, c'est quoi ce merdier, Colonel? Vous avez prévenu la base? Ils doivent tout voir depuis leur putain de satellite! Qu'est-ce qu'ils attendent pour envoyer les renforts? Je sais pas moi, les F22, les F15 et tous les F de la création! Ils peuvent même pousser jusqu'à la lettre G!"

Puis le contrecoup de la tension nerveuse qui lui a permis de faire tout ça s'effondre et la journaliste commence par trembler de tous ses membres. Elle redevient une petite fille terrorisée. Angelson lui presse doucement le bras, essayant de se rappeler ce que dit le manuel en pareille circonstance. Une balle ricoche tout près, forçant le colonel à abandonner provisoirement la rescapée. Il se redresse et alterne grenades et courtes rafales. Il faut que les autres sachent qu'il y a toujours un Ranger décidé à vendre chèrement sa peau. Ils n'auront pas facilement son scalp.

Sans cesser de tirer, il interroge la reporter :

"Les autres?"

"Ils sont tous morts!" hoquète la jeune femme. "Il y a eu des tirs venant de derrière. Il n'y avait plus d'endroit où se cacher. J'ai tenté ma chance!"

"Vous avez un ange gardien de première bourre mademoiselle!" lui répond Angelson qui fauche à nouveau un Djihadiste trop téméraire. "Mais pour les renforts, faudra attendre! Personne ne viendra tant que la tempête sera sur nous! Pour l'instant..."

Angelson ne peut terminer sa phrase. Il ressent une violente douleur à la tête et le sang inonde son visage, l'aveuglant à moitié. Il bascule en arrière tout en lâchant son arme. Il ne perd cependant pas conscience. A travers un épais voile rouge, tout au bout d'un télescope, le rond du ciel entre dans une gigue insensée. C'est marrant, pense-t-il, c'est donc ça...?"

Il se souvient d'autres paroles. Elles disaient :
"And I am not frightened of dying, any time will do,
I don't mind. Why should I be frightened of dying?"

Comme si elle n'attendait que cela, la tempête choisit ce moment pour entrer en action. Les vents tourbillonnants deviennent chaotiques, désagrégeant la stabilité du vortex. Des écharpes furieuses de sable balaient la piste, les carcasses de véhicules et les contreforts jusque là miraculeusement préservés. En une seconde, l'Apocalypse est sur eux, les ensevelissant sous un déluge de sable qui entre par chacun de leurs pores, qui pique les yeux, qui s'immisce dans la gorge malgré les lèvres closes, qui s'infiltre dans les vêtements. Dans une semi-lucidité, Angelson voit Claire faire de grands gestes, se débattant sous les rafales de sable. Pourquoi lutte-t-elle? Quand l'heure sonne, les retardataires seront les moins biens servis, n'est-il pas vrai? Le sable n'est rien. La douleur est partie. Il est dans cette stase où un équilibre surnaturel sépare la vie de la mort. Il en goûte chaque instant. Ses perceptions s'éteignent peu à peu. Il n'entend plus rien. Il ne sent plus grand chose. Angelson se surprend à observer cliniquement sa propre mort. La regarder de l'extérieur.

Il commence à délirer. Il croit voir des formes humaines immobiles dans le chaos qui les entoure. Claire est recroquevillée pour tenter d'échapper aux étreintes du sable. Il passe une langue déjà sèche sur ses lèvres insensibles. Il sombre dans le néant. C'est comme ça que tout finit? Est-ce ma dernière pensée? Il espère la lumière blanche.

Il ouvre à nouveau les paupières et c'est exactement comme il l'imaginait. Il semble voler sur les ailes de la tempête. Il ne voit pas son corps. Normal, pour un pur esprit, n'est-ce pas? Une onde de fraîcheur sur son front est une sensation incongrue. Il referme les yeux. Le voyage vers le Paradis est fatigant.

Il les rouvre encore. Il y a une silhouette près de lui. La nuit tombe. Il voit les étoiles. Il vole toujours au milieu du ciel. Sous lui, quand il tourne la tête, la tempête l'accompagne, masquant le sol bien plus bas. Il y a un ange près de lui. Ses cours de catéchisme traduisent ce qu'il ressent. Ce n'est pas forcément la meilleure traduction! Un homme curieusement attifé est tout près de lui. Il paraît chevaucher un nuage. C'est bien un ange. Il est vêtu d'une longue tunique blanche et un orbe lumineux coiffe sa tête, empêchant le colonel de distinguer son visage.

Angelson soupire de contentement. Il avait raison. C'était un putain de crève-coeur mais finalement ce n'était pas plus difficile que ça. Il se voit déjà déambuler dans les prairies célestes en taillant le bout de gras avec Myers. Au Paradis, il n'y a pas d'apartheid n'est-ce pas?

Et le colonel s'évanouit cette fois-ci pour de bon.

(à suivre...)

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-04-06 21:43:46 

  WA - Participation exercice n°118 - part IIIDétails
3. DANS LE PALAIS DE SHEHERAZADE



La musique...

A travers ses paupières closes, une lumière filtre doucement. Il se sent comme engourdi. Il regagne peu à la peu la maîtrise de son corps et appréhende la réalité qui l'entoure. Il émerge lentement d'une somnolence fiévreuse. Il sent le drap tiré sur sa poitrine et ses mains sont posées sur du coton lisse et frais. Il est allongé dans un lit. Il se réveille d'un long et pénible sommeil. Il se souvient. L'escarmouche. La journaliste. Le sergent Myers. La mission. La tempête. Les souvenirs réinvestissent sa mémoire comme les eaux libérées du barrage. Il crispe ses doigts sur le drap. La douleur n'est pas partie. Elle est tapie quelque part, à la lisière de la perception. Il en faudrait peu pour qu'elle revienne elle aussi. Est-il... mort?

Il ouvre enfin les yeux. Un goût amer flotte sur sa langue pâteuse. Sa vision est encore trouble. La pièce semble assez grande et le jour intense est atténué par des persiennes à claire-voie aux abattants légèrement relevés. Les murs sont nus et blancs à l'exception d'une frise en mosaïque dont les tesselles de couleurs vives répètent un motif géométrique abstrait. Une sorte de longue guirlande de gouttes d'eau stylisées et arrangées par paires. Une étrange beauté s'en dégage. Une amphore trône sur son trépied et sert de vase à de magnifiques fleurs aux longues tiges sans feuille. Elles composent un feu d'artifice persistant où explosent en silence le rouge, le parme et le safran.

Il y a dans cette chambre à la fois épurée et pourtant riche de mille détails qui arrêtent le regard stupéfait du colonel, une délicieuse atmosphère de quiétude où il ferait si bon de se laisser aller pour des jours et des jours, sans rien demander de plus à la vie.

"Vous êtes réveillé?"

La voix est masculine indéniablement. Une voix grave et assurée. Une voix qui s'exprime dans un français presque sans accent. Angelson essaie de tourner la tête sur sa gauche mais la douleur qui irradie brutalement le fait grimacer. Il respire rapidement pour garder contenance.

"Attendez, je suis confus, je suis trop impatient!"

Un homme pénètre dans son champ de vision. Il a les traits fins et le teint olivâtre. Il n'est plus très jeune mais ses cheveux sont d'un noir de jais et ils bouclent sur son front. Il n'est pas arabe. Angelson l'a tout de suite remarqué. Il a le type... perse mais quelque chose dans ses traits puisent à d'autres racines, plus européennes.

Un Perse? L'Empire Perse ne porte pas dans son coeur les Royaumes du Hedjaz depuis que le général Lawrence, un ancien officier déserteur du Vereinigtes Königreich, propulsé à la tête des indépendantistes de la péninsule arabique, a vaincu à Al-Qadisiyya les armées achéménides qui avaient imprudemment pris pied du mauvais côté de l'Euphrate.

Un Perse. Sans doute un haut dignitaire. Sa tunique est en soie sauvage hors de prix, comme la lourde chaîne en or qui pend à son cou. A ses doigts brillent des bagues et des anneaux sertis de pierres précieuses. Angelson, malgré la torpeur qui ne s'est pas complètement dissipée, essaie d'ordonner ses pensées.

"Où sommes-nous?" demande-t-il et ces quelques mots sont presque une torture. Ses maxillaires le lancent terriblement.

"Vous êtes mon invité dans cette humble demeure qui est mienne, située non loin de Babylone." répond son hôte dans un sourire retenu qui laisse apercevoir la blancheur de ses dents.

Babylone. Angelson réfléchit aussi vite qu'il le peut. Il y a une sacrée distance qui sépare Hafar Al Batin et Babylone. Près de 800 kilomètres. Une frontière à traverser. Et pas n'importe laquelle. C'est l'une des plus surveillées au monde, les deux géants régionaux étant toujours officiellement en guerre, n'ayant signé qu'un armistice à la fin des hostilités. La guerre dura trente ans et a vu l'Euphrate charrier plus de sang que d'eau! Que diable fait-il en Perse? Il refuse d'accorder quelque crédit à son souvenir de tapis volant. Certainement des symptômes hallucinatoires post-traumatiques. Il n'a jamais volé sur un nuage à côté d'un ange.

"Monsieur, je m'appelle Lucien Angelson. Je suis colonel de la force impériale acadienne stationnée dans la péninsule arabique pour aider les gouvernements locaux à éradiquer le terrorisme. Pouvez-vous me dire comment je suis arrivé ici et où sont mes hommes?"

Lucien. Il aime modérément son prénom. Ses parents l'avaient choisi pour conjurer le côté trop anglais de leur nom de famille. Ils avaient pensé que le prénom d'un des frères de l'Empereur serait un gage de loyauté envers les Acadiens et qu'il lui offrirait un meilleur sort que le leur. Son père est un fermier des Grandes Terres du Milieu. Pour ne pas les chagriner, il ne leur a jamais dit que Lucien n'était pas forcément le choix le plus judicieux, les deux frères corses s'étant brouillés. Lucien n'avait jamais accepté de quitter Rome et sa femme, qu'il avait épousée contre la volonté butée de Napoléon. Lucien fut Prince mais un prince non dynaste. Ses descendants défilent aujourd'hui au pas de l'oie devant le Capitole.

Le Perse hoche la tête, en signe de compréhension. Il joint ses mains sous le menton et, après une seconde d'hésitation, il dit :

"C'est une histoire singulière que je vais vous conter, Colonel! Aussi, il est peut-être un peu tôt pour le faire. Vos forces reviennent certes, mais vous n'êtes pas en état de suivre une longue conversation qui va sans doute appeler de votre part de nombreuses et légitimes questions. Pour l'instant, sachez simplement que vous ne risquez absolument rien ma demeure. Au contraire, c'est moi qui pourrait être bientôt votre débiteur éternel. L'embuscade que vous ont tendue les Djihâdistes m'attriste profondément. Je ne partage pas cette inclination pour la terreur gratuite. Beaucoup de vos hommes ont péri. Quelques uns ont survécu, à ce qu'ont rapporté les médias. Ils ont été secourus après que... hum... la tempête se soit calmée. Par contre, vous étiez en grand danger, ainsi que votre sergent et cette jeune femme habillée comme un homme! Nous sommes intervenus juste à temps. Une balle avait perforé votre casque, en causant heureusement une blessure sérieuse mais non létale. Le sergent était encore plus mal en point. Sans soins appropriés, il serait mort rapidement. La journaliste était indemne mais elle est venue avec nous car elle était incapable de se défendre seule. Je dois dire que c'est une femme... remarquable et fascinante! Ah je manque à tous mes devoirs. Je m'appelle Javeed Anushiravan, Satrape de Babylone! Mes ancêtres remontent jusqu'au grand général Alexandre qui a conquis le monde connu au nom du sublime Roi Darius! "

Le fait de soutenir cette brève conversation a fatigué Angelson. Pris de vertige, il pâlit violemment, alertant le dignitaire perse. Celui-ci fait un geste impérieux et d'autres personnages entrent dans la pièce. Un médecin, aux petites lunettes rondes et cerclées, accourt au chevet du colonel et lui prend rapidement son pouls. Il sort de sa mallette une seringue intraveineuse déjà préparée et, avec une extrême douceur, injecte lentement son contenu dans le creux du coude du militaire. Une femme vêtue à la mode persane, sombre tailleur strict et voilette masquant le haut du visage, applique contre les lèvres d'Angelson un petit verre d'eau. Le colonel boit difficilement une courte gorgée. En soupirant, il renverse la tête contre l'oreiller.

Anushiravan tape dans ses mains et le couple disparaît.

"Bien, je vais vous laisser vous reposer. Il n'est pas encore midi. Ce soir, vous irez mieux et nous souperons tous ensemble. Je vous dirai alors tout ce que vous désirez savoir."

Le colonel acquiesce sans rien dire. Il ferme les yeux mais pose la question qui lui brûle les lèvres:
"Je suis ici depuis... combien de temps?"

Le Satrape le regarde longuement puis répond en ces termes :

"Cela fera presque six jours. Vous ne vous rappelez de rien. C'est normal. Nous avons dû employer un traitement... un peu particulier. A l'image de cet endroit, un peu particulier aussi! Mais n'ayez crainte, je vous le répète encore, je ne vous cacherai rien et vous serez libre de votre choix. Vous pourrez repartir d'où vous venez, avec vos amis. Vous n'êtes pas mon prisonnier. Mais j'ai besoin de vous!"

Ces mots jettent dans l'esprit d'Angelson une certaine confusion. Mais la drogue que lui a injectée le médecin produit son effet et le glisse dans une hébétude toute narcoleptique. Il bredouille quelques mots incompréhensibles. Le Satrape reste encore un moment près du lit, étudiant les traits maintenant apaisés d'Angelson.

Quand il est certain que celui-ci est inconscient, il sort de sa tunique un curieux instrument qui semble à la fois très ancien et pourtant en parfait état. C'est une sorte de petit pentacle en métal doré dont l'espace central est occupé par une étoile à sept branches. Anushiravan passe une main sur cet objet qui, à son contact, émet une faible lueur. Le dignitaire perse murmure tout bas et ses yeux s'emplissent de larmes. Il jette un dernier regard vers le militaire endormi.

Cela agira vite. Les prêtres médecins d'Ishtar sont réputés et reconnus partout dans le monde. Mais ceux qui travaillent pour lui n'ont jamais fréquenté le moindre colloque international. Ils travaillent sous les fondations de la grande ziggurat Etemenanki de Babylone, la Maison-fondement du Ciel et de la Terre. Ils possèdent un savoir bien plus grand, bien plus redoutable et peu sont ceux qui savent. Bien peu peuvent se flatter de connaître l'existence du Temple sous le Temple et celle des Adeptes de la Déesse. Mais Anushiravan est un puissant Satrape et même le Roi des Rois lui ouvre les bras quand il vient à la Cour.

Oui. Tous les signes le confirment. La conjonction est idéale. Les planètes sont parfaitement alignées, conformément au rituel. Une comète a surgi des profondeurs de l'espace et sa chevelure de feu flamboie dans le ciel nocturne depuis deux nuits déjà. Les dieux lui sont favorables. Il espère. Il espère de tout son coeur.

Il veut revoir Shéhérazade. Sa fille. La prunelle de ses yeux. Sa vie.

M
(à suivre...)

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-04-07 19:52:28 

 WA - Participation exercice n°118 - part IVDétails
Hum... lettres persanes!

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4. LA FISSURE ENTRE LES MONDES


La musique...



"Alors, mon Colonel, comment vous sentez-vous ce soir?"

Le sergent Myers est là, debout au pied du lit, visiblement en pleine forme. Il semble même plus affuté qu'il ne l'a jamais été, un sourire éclatant rayonnant sur son visage. Il est sanglé dans un treillis impeccable et fraîchement repassé. Le crépuscule embrase le ciel qui se découpe en lamelles horizontales à travers les persiennes.

Comment se sent-il? Il fait une rapide introspection. Il se sent parfaitement bien. Plus aucune trace de douleur. Revigoré. Presque délassé. Il a l'impression déstabilisante qu'il pourrait se lever et reprendre le cours de sa vie comme si de rien n'était. Il tâte le bandage qui lui entoure le crâne là où il a été touché. La zone est encore sensible mais comme pourrait l'être une cicatrice récente. Ce rétablissement est stupéfiant. Comme l'avait affirmé son hôte.

"Et bien, sergent, je dirais que je vais bien si cela ne me paraissait pas présomptueux! Mais vous, en revanche, vous paraissez vraiment en pleine bourre pour un mec qui a reçu une balle dans la poitrine et qui a perdu beaucoup de sang!"

"Leurs médecins font des miracles. Ils m'ont remis sur pied en un rien de temps. Ils sont surprenants et leurs techniques sont... déroutantes. Si je n'appartenais pas aux Rangers et si je ne venais pas des Etats-Unis d'Acadie, je dirais qu'ils ressemblent plus à des sorciers ou à des mages qu'à des médecins comme nous les connaissons. Mais pas des sorciers malfaisants ou diaboliques, non. Des sorciers coiffés de chapeaux blancs, si vous voyez ce que je veux dire!"

Angelson opine du chef.

Il y a trop de mystères qui entourent ce qui leur arrive. L'embuscade, la tempête et maintenant ces guérisons presque miraculeuses. Obéissant à une pulsion soudaine, le colonel entreprend de se lever. Ses muscles répondent sans aucune gêne. Il ne ressent aucune faiblesse, même passagère. Il est debout et il pourrait piquer un sprint sans problème. Ses vêtements sont posés sur un siège bas et sans dossier, pliés et repassés. Il les enfile pour recouvrer une contenance familière. Son treillis sent le propre et le frais. Cela fait du bien.

"Vous avez vu Mademoiselle Suchet, sergent?"

"Bien sûr, colonel. Elle est actuellement dans le jardin, en compagnie du Satrape. Vous savez, nous sommes chez les Perses, pas très loin de Babylone. Nous sommes les invités d'un ponte de l'Empire!"

"Quel jour sommes-nous, sergent?"

"C'est une énigme pour moi, colonel. Ma montre indique que 6 jours se sont écoulés depuis l'embuscade. La voix du sergent descend de plusieurs tons, devenant un murmure de conspirateur. Vous pouvez m'expliquer comment la blessure que j'ai reçue se soit aussi vite cicatrisée?"

Il entrouvre sa chemise. Sur sa peau sombre, une cicatrice forme une grossière étoile de chair rose. La peau n'est même plus boursouflée. Selon les standards médicaux occidentaux, c'est tout simplement impossible.

"Je n'ai pas d'explication. Toute cette histoire est assez compliquée! répond Angelson. Pourquoi l'état-major ne s'est pas inquiété de notre absence? La disparition de Mademoiselle Suchet a du mettre un sacré souk aux affaires extérieures. Les consuls ont certainement diligenté une mission d'enquête..."

"Oh, mais ils l'ont fait... soyez en assuré!"

Javeed Anushiravan se tient dans l'encadrement de la porte. Il a revêtu une autre tunique, toute simple, en coton écru. Seules les manches et le col sont surpiqués d'un liseré doré qui dessine des motifs géométriques. Il est coiffé à la Mède, ses cheveux noirs tirés en arrière et retenus en chignon par un lacet d'argent. Derrière lui, Angelson distingue la silhouette de la journaliste, habillée comme une courtisane des Mille et Une Nuits, qui lui fait un petit salut amical.

"Content de vous voir debout, continue le Perse. Ne vous l'avais-je pas promis?"

"Je vous en suis infiniment reconnaissant, mais je suis encore plus étonné quand je vois le sergent Myers ainsi! Comment est-ce possible après une telle blessure? "

"Chaque chose en son temps! Venez, le shahm, le diner, est servi, comme on dit dans votre pays! Ne le faisons pas attendre. L'hospitalité perse n'est pas un vain mot. Vous allez goûter des saveurs qui n'appartiennent qu'à cette terre! Vous boirez même du vin qui titille les viticulteurs du bordelais! Venez..!"

Il les précède jusqu'à une grande salle à manger où une table, aux dimensions respectables, est recouverte d'une nappe brodée aux motifs floraux complexes et gracieux. Plusieurs plats de différentes dimensions y sont posés. Des fauteuils d'inspiration scandinave entourent la table. Leurs lignes ne détonent pas avec les éléments plus traditionnels du mobilier.

"Mes amis, car je veux vous voir comme des amis, voici les mets que j'ai choisis personnellement à votre intention. Ils ont été préparés par les mains expertes de mes meilleures cuisinières qui ont oeuvré depuis des heures!"

Le Satrape leur décrit par le détail ce que contiennent les plats. Il leur vante le vaste choix des mokhalafat dont les odeurs mélangent celles du basilic, de la coriandre, de l'estragon et du persil. Il leur offre de petits pains encore chauds et dorés pendant qu'on leur apporte un grand plat de faïence qui contient un ragoût de mouton au fumet savoureux, nappé d'une sauce épaisse et brune. Un profond récipient, empli jusqu'à ras bord d'un riz blanc et léger, l'accompagne.

Ainsi que l'a souhaité leur hôte, ce repas pourrait être celui de vieux amis qui se retrouvent pour une soirée exceptionnelle. De vieux amis qui ne se sont pas vus depuis si longtemps qu'ils observent une période de réadaptation pour laisser leur ancienne complicité renouer des liens distendus. La conversation roule sur des sujets anodins et consensuels. La dernière mode des grands couturiers parisiens et la pêche du thon rouge en Méditerranée, les cyber-attaques qui déstabilisent les sites gouvernementaux et la croissance en berne de l'économie dans la zone Deutsch Mark. Ils échangent aimablement ces platitudes alors qu'ils ne pensent qu'à une seule chose. On dirait presque une tablée de diplomates au dîner de gala de la Société des Nations, à Genève. Le doogh, la boisson nationale persane, boisson à base de lait fermenté, rafraichit les palais et se marie idéalement avec la viande.

La nuit se fait profonde. Anushiravan claque ses mains et une escouade de serviteurs muets et diligents dessert rapidement la table. Angelson réfrène son impatience. Il a hâte d'entrer dans le vif du sujet. Cependant, il voudrait bien fumer un cigare. Un bon gros cigare de la Havane, pour conclure comme il se doit cet excellent repas. Un autre domestique dépose sur la table un large plateau supportant une bouteille d'Arak, l'eau-de-vie traditionnelle à base de jus de raisin et d'anis, particulièrement titrée en alcool. Une théière en argile exhale de son côté un arôme puissant et subtil. Des pâtisseries, délicatement travaillées, forment de minuscules îlots en sucre coloré et en pâte d'amande.

Le serviteur quitte la salle à manger en refermant soigneusement la double porte derrière lui. Alors Anushiravan se penche en avant et remplit d'Arak un petit verre. Il le boit d'une traite, faisant ensuite claquer sa langue.

"Servez-vous mes amis! Nous voici rendus au coeur de l'histoire!"

Angelson imite son hôte et la brûlure de l'eau-de-vie le long de l'oesophage ne lui arrache pas la moindre grimace. Il aime les alcools forts et secs. Myers sirote lentement le breuvage pour en goûter toute la plénitude. Anushiravan approuve de la tête. Les Acadiens n'ont pas réclamé de glaçons, ce qui aurait été un sacrilège! Un si bon Arak se boit sec! Claire Suchet s'est servie une tasse de thé. La boisson fume encore. En attendant, elle grignote un halva, une sorte de petit gâteau de sucre et de miel.

"Mes amis, commence Anushiravan, le moment est venu de vous expliquer les raisons de votre présence ici. L'Empire est ancré dans son temps et Persépolis ne remet pas en cause le progrès et la science qui gouvernent nos sociétés. Nous sommes au vingt-et-unième siècle et un Acadien a marché sur la Lune. Or, à l'occasion de fouilles archéologiques que j'ai entreprises pas très loin d'ici, j'ai mis à jour une nécropole du 5ème millénaire avant Jésus-Christ. Une vaste cité de la Mort aménagée dans une vallée ancienne, aujourd'hui comblée par les alluvions de l'Euphrate. J'ai découvert une civilisation qui n'est référencée nulle part. J'ai reconnu des influences mésopotamiennes, Halaf bien sûr, Obéïd, un peu, mais d'autres artefacts m'étaient totalement inconnus. J'ai trouvé, dans une sorte de bibliothèque, des tablettes d'argile rangées dans des alcôves et recouvertes d'une écriture proto-cunéiforme. Or, jusque là, la communauté scientifique s'accordait à dire que les premiers documents écrits remontaient au 4ème millénaire, comme l'attestaient les tablettes de l'acropole de Suse! Cette extraordinaire découverte m'a littéralement subjugué! J'ai rassemblé dans le plus grand secret une équipe composée d'ingénieurs, d'archéologues, d'historiens, bref, des représentants de toutes les disciplines nécessaires. Sous le sceau du secret, je les ai conduits jusqu'à la nécropole, les yeux bandés. J'ai interdit les smartphones et tous les équipements qui pouvaient trahir la position du site de fouilles. Cela fait deux ans que mon équipe arrache à la terre des informations qui vont stupéfier le monde scientifique et bouleverser de fond en comble notre compréhension du passé."

"Puis-je poser une question, demande Claire Suchet! Comment une découverte de cette importance n'a pas fuité?"

"Par contrat. Un contrat de cinq ans. Une confidentialité totale durant cinq années contre une rémunération pharaonique et la libre disposition des résultats des recherches" répond Anushiravan en souriant. Aucun scientifique qui se respecte n'est insensible à ce genre d'arguments!"

"Mais tous ces gens ont une famille, des amis, des collègues, des obligations... ils ne peuvent pas disparaître de la surface de la terre sans que quiconque ne se soucie de leur sort?" objecte Angelson, sceptique.

"Ce fut compliqué... mais j'y suis arrivé! Une grande partie de la réussite se joue dans la sélection initiale. J'ai dépensé beaucoup d'argent. Ma famille est très riche. Immensément riche. Mon équipe est jeune, enthousiaste, multiculturelle et terriblement excitée devant les perspectives qui s'ouvrent à eux! J'emploie des Perses, bien entendu, mais aussi des Acadiens, des Allemands, des Russes, des Chinois et des Japonais. Ils sont soudés et solidaires. Du reste, plusieurs mariages ont déjà été célébrés. Non, en fait, ce fut assez facile, à bien y réfléchir. Quand ils reviendront au grand jour, ils seront sous les feux des projecteurs et pour de nombreuses années, car ils auront un avantage décisif! Alors cinq ans quand votre passion est assouvie, quelle importance?"

"D'accord, très bien, repris Angelson, mais en quoi cela concerne votre fille? Shéhérazade, c'est ça?"

"J'y viens. Il y a trois mois, l'équipe D a révélé une galerie dissimulée dans un temple dédié à une divinité qui semble être un lointain ascendant de notre Dieu Ahura Mazda, le Seigneur-Sagesse. Elle s'enfonçait dans les profondeurs de la terre. Elle suivait une pente prononcée régulièrement entrecoupée d'escaliers en colimaçons comprenant chacun plusieurs centaines de marches. Il a fallu plusieurs jours d'efforts pour parvenir à une salle parallélépipédique. Contre toute attente, l'air n'y était pas vicié. Il y avait une sorte de dispositif de recyclage qui semblait provenir de panneaux latéraux ressemblant aux branchies d'un poisson. La salle était nue et les murs taillés dans le roc le plus dur. Certes, mes ingénieurs se sont extasiés devant la prouesse de leurs antiques homologues pour concevoir une telle salle. Certes, mais pourquoi une telle débauche d'énergie pour ne renfermer que du vide, aucun pilleur de tombes n'étant passé avant nous? Or, sur l'une des faces du parallélépipède, il y avait cette... heu... fissure peinte en trompe-oeil. Une peinture si réaliste que j'ai dû la toucher du bout du doigt pour me convaincre que la paroi de granit était bien là. Quiconque jurerait qu'une entaille ouvre réellement le mur et qu'une... clarté en baigne le fond, comme s'il y avait quelque chose au bout du tunnel! Pourquoi ai-je cédé au caprice de ma princesse? J'ai eu le malheur de lui parler de cette découverte et elle m'a supplié de la lui montrer! J'ai résisté mais pas suffisamment! Elle m'a accompagné et nous sommes descendus dans la galerie. Nous étions que tous les deux. Quand nous sommes parvenus dans la salle, elle s'est précipitée vers la peinture murale. A ce moment, j'ai vérifié la liaison avec le PC opérationnel. Oh, juste deux secondes mais quand j'ai relevé la tête, j'ai vu... Dieux... j'ai vu ma princesse s'enfoncer dans la fissure et disparaître de ma vue! Je me suis élancé mais trop tard! Je me suis lamentablement écrasé contre le granit, l'ouverture s'était refermée. Cette salle était ensorcelée. Comment aurais-je pu m'en douter?"

"Votre fille a réussi à se faufiler dans une fissure qui n'est qu'une peinture?" s'étonne Claire Suchet, une moue dubitative sur ses lèvres.

"Oui, pour votre conception rationaliste et cartésienne du monde, cela paraît difficile à admettre! Une histoire à dormir debout. Mais j'ai vu ce que je vous dis. Et je ne mens pas. J'ai des ressources illimitées et j'ai accès à des moyens beaucoup moins conventionnels. Les Adeptes d'Ishtar maîtrisent des arts occultes dont les racines se perdent dans la nuit des temps. J'en suis un Grand Maître, c'est là l'un de mes nombreux privilèges. Avec leur aide, je me suis attaché à ouvrir le passage. Nous avons réussi, non sans mal. La fissure a répondu à notre commandement. J'ai envoyé de l'autre côté plusieurs expéditions pour tenter de ramener Shéhérazade. Des hommes triés sur le volet, des commandos hyper-entraînés. Aucun n'est revenu. J'ai alors scruté les astres et les astrologues m'ont affirmé que seuls des élus pourraient accomplir ce voyage et en revenir sains et saufs. Ils ont étudié de nombreuses horoscopes, jours et nuits et finalement, vos noms sont apparus sur le Zodiaque. Pourquoi vos noms? Pourquoi des étrangers? Pourquoi des Acadiens? Je l'ignore. Mais vous êtes élus par les Dieux pour pénétrer librement dans la fissure et en revenir!"

"C'est quoi cette foutue fissure?" s'exclame Myers, un brin déconcerté par cette avalanche de fadaises débitées par un illuminé.

"Selon les Adeptes, il s'agit d'un interstice entre deux mondes qui permet un passage de l'un à l'autre. Ce que nous prenions pour une simple peinture est en fait un artefact mystérieux dont les pigments rendent la frontière inter-dimensionnelle perméable!"

"Bien... cela n'explique pas comment nous sommes arrivés chez vous? remarque Angelson. Dans mon délire causé par la blessure à la tête, j'ai cru que je volais sur un nuage avec un Ange qui le chevauchait à côté! Dites-moi que c'était bien un rêve!"

"Ce n'était pas un Ange, en cela vous avez raison. Les Anges ne s'abaissent pas à jouer les taxi-drivers! Pour le reste, ne vous ai-je pas dit que j'ai accès à des moyens peu conventionnels?" sourit à nouveau Anushiravan.

"Quoi, la tempête, c'était vous?" s'étrangle Myers.

" Oh, en partie. Il y avait effectivement une véritable tempête prévue sur la zone. Nous n'avons fait que... heu... l'amplifier. Une tempête de sable permet une approche clandestine, détectable ni par les radars, ni par les satellites... Surtout avec une petite touche d'électromagnétisme bien étalonnée. Nous étions pré-positionnés non loin du point d'accrochage. Quand les conditions météo ont été réunies, le reste fut un jeu d'enfant. Des petits véhicules aériens à voilure furtive et à propulsion discrète, le nec-plus-ultra de la technologie persane. En avance sur vos propres appareils, Colonel. Mais les nôtres ne sont pas armés, contrairement aux vôtres!"

"Les autorités Acadiennes doivent nous rechercher avec tous les moyens disponibles!" intervient vivement la journaliste.

"Bien sûr, n'avez-vous pas été enlevés par les Djihâdistes lors de l'embuscade? Ils l'ont même revendiqué auprès des médias, par des canaux qui ont authentifié les messages. Ah oui, j'oubliais... nous nous sommes permis de neutraliser les traceurs sous-cutanés implantés chez tous les Acadiens. Pas besoin de mettre de l'huile sur le feu. L'Empire Persan n'a aucune envie de déclarer la guerre aux Etats-Unis d'Acadie!"

"Dites-nous clairement ce que vous attendez de nous!" dit calmement Angelson en regardant Anushiravan droit dans les yeux et il se reverse ostensiblement un autre verre d'Arak .

"Je veux que vous traversiez le passage entre les mondes et que vous me rameniez ma fille!"

"Sinon?" Le Colonel siffle d'un trait l'eau-de-vie en fixant toujours Anushiravan.

"Rien... Si vous refusez, cela signifiera tout simplement que vous n'êtes pas les élus. Je prendrai toutes les dispositions pour que votre retour dans la péninsule arabique soit pour vous parfaitement indolore et pour moi, dénuée de tout risque. Vous oublierez tout ce qui vient de se passer!"

"Je suis votre homme!" lance Angelson, n'en croyant pas ses oreilles mais c'était ce qu'il devait dire.

"Où va le Colonel, j'irai!" ajoute Myers, imperturbable.

"Et moi, si je ne suis pas d'accord?" proteste la journaliste.

"Vous voudriez passer à côté du plus grand scoop de tous les temps? C'est bien ce que vous voulez? " lui répond doucement Angelson avec un clin d'oeil.

Claire Suchet ravale sa réplique, prise de court et finit par lâcher : Pourquoi pas?"

"Très bien, conclut Anushiravan, il devait en être ainsi puisque les astres l'ont décidé. Mais j'en suis néanmoins heureux et ma gratitude envers vous sera sans borne!"

(à suivre)

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-08 22:41:31 

 WA, exercice n°118, participationDétails
La ville dont la reine est une petite fille (2)




Je les avais entendus parler sur le marché où j’achetais de l’orge et des pommes. Ils avaient l’air de qui a chevauché plus que de raison pour une cause perdue d’avance. Ils cherchaient un guérisseur, un marabout, un herboriste, n’importe quel prétendu soigneur qui pût sortir un homme du coma. Leur uniforme bleu grisé de poussière portait l’emblème de l’escargot. Depuis combien de temps n’avais-je pas mis les pieds en Hélix ?
Ce fut sans doute la curiosité, ou le désoeuvrement, ou la recherche d’une certaine reconnaissance qui me poussa vers la ville labyrinthe. Mon fantôme familier avait disparu depuis plus d’une semaine, et outre la solitude me tenaillait l’angoisse douloureuse qu’il ne revînt jamais.
La nuit était tombée quand je frappai à la porte étroite de la citadelle. J’avais gardé le souvenir d’un marché animé, d’une petite ville étrange mais accueillante, gouvernée par un roi prudent et discret. Nhoral avait succédé à Landor, son père, que j’avais bien connu.
« Je suis une amie de Nhoral, fils de Landor.
- Alors passe ton chemin, étranger. Voilà bien longtemps que le roi Nhoral est mort. Et son fils le roi Lyssol est mort lui aussi. Tu dois sortir de la tombe pour avoir de tels amis ! »
La voix goguenarde qui me parlait de derrière la porte se gaussait de moi. Cela me laissa de marbre, mais, plus ennuyeux, l’huis resta fermé.
J’aurais pu camper à proximité et me représenter le jour venu. Mais l’intuition qui m’a toujours portée me pressait de ne point attendre. Je fouillai dans mes réminiscences. Il existait un passage qui donnait accès directement au château, et que n’utilisaient que ses habitants. Je l’avais emprunté maintes fois, avec Landor puis avec Nhoral. Mais la végétation avait dû se modifier tant et plus depuis si longtemps... Alors comment retrouver l’entrée du souterrain ? Mes amis avaient saisi ma pensée. Kyo prit son envol au clair de lune pour repérer les lieux d’en haut, et frère Loup à mon flanc se mit en chasse d’odeurs d’hommes et de chevaux. Rolanya nous souhaita bonne chance et se trouva un carré d’herbe pour passer le temps.



« Tuvien ! » (1), jappa Frère Loup en ressortant de derrière un bouquet de broussailles. Je nous rendis invisibles, lui et moi, pour le cas où nous rencontrerions quelqu’un, et nous nous engageâmes dans le tunnel qui serpentait sous la ville et menait au coeur même du château, exactement comme dans mon souvenir. Je guidai frère Loup sans peine. La voix de Landor résonnait encore à mon oreille, comme s’il m’avait parlé la veille.
« Cet embranchement à gauche mène aux écuries. A droite, c’est un cul de sac. Le château est droit devant. Ensuite, la deuxième à droite, la troisième à gauche, et encore la troisième à gauche, puis... Là... La troisième porte... Prends garde, les marches sont raides... Ce corridor dessert les pièces d’habitation de la famille royale. Rien de très luxueux, mais le luxe a affaibli plus d’un monarque, qui fut ensuite défait. Pour ma part, j’ai toujours pensé que si je devais emmener quelque chose dans mon tombeau, je préfèrerais que ce soit une bonne action plutôt qu’un monceau d’or. »
Landor était austère et méfiant, mais c’était un homme honnête, un ami loyal, et somme toute un sage. Son fils Nhoral était mort, c’était l’oeuvre du temps. Son petit-fils Lyssol... Je recomptai les années dans ma tête. Il avait dû passer dans la force de l’âge, je l’avais connu tout enfant, chevauchant son premier poney... Mais alors, qui régnait en Hélix ? Je me reprochai tacitement d’avoir depuis si longtemps négligé ce territoire d’Arda, pourtant situé non loin de la frontière de l’Est, de là où ne pouvait venir que du Mal... Des voix assourdies guidèrent mes pas jusqu’à une grande pièce surchauffée, dont étrangement la porte était restée ouverte, ce dont Avan Oromë (2) je rendis grâces aux Dieux.
Je reconnus aussitôt la gravité de l’état de l’homme couché sur le lit, à sa respiration profonde et irrégulière. Devant lui, une petite fille somptueusement vêtue portait un diadème d’or et de saphirs. Princesse ? Un homme entre deux âges, habillé comme un vagabond, lui tenait tête, sous le regard attentif de deux gardes, la main sur leur épée, et d’un homme âgé dont le riche pourpoint s’ornait d’un grand collier d’or – une espèce de chambellan, de prélat ou de premier ministre... Ces gens-là ont toujours besoin d’or comme marque de leur puissance.
« Mais c’est la seule chose à faire, vot’Majesté ! Une bonne saignée et y n’y paraîtra plus ! Y s’engorge, j’vous dis, comme une vache qu’a trop brouté l’trèfle. J’y r’tire quoi, trois pintes... Et m’est avis que l’gars y s’lève et y vous r’mercie.
- Faible comme il est, vous allez le tuer !
- Ma p’tite Reine, j’vous jure par le soleil et par la lune qu’j’ai jamais tué quiconque ! Trois pintes, pas plus ! »
Une reine enfant, un charlatan sans vergogne, et un homme dans le coma pour une raison que j’ignorais. Cela aurait pu être cocasse si une vie n’avait pas été en jeu. Cet homme ne m’était rien et sa peau couverte de noirceurs étranges annonçait peut-être une mort prochaine. J’hésitais à intervenir – apparition, qui êtes-vous, palabres, explications, Istar etc... - quand un souffle familier de pomme et de cannelle réchauffa mon cou.
- Il a mal à la tête. A droite. Je l’ai rencontré. C’est un brave garçon. Il était venu chercher du secours pour son village, atteint d’un mal étrange dont tu vois les stigmates sur sa peau. Ils habitent juste à la frontière Est, comme par hasard. Il a été frappé sur le marché. Noralys l’a soigné elle-même, mais il n’a pas eu le temps de lui parler des siens. S’il meurt, ils sont tous condamnés.
- Tu dis qu’il a mal à la tête ?
- A droite. C’est là qu’il a reçu le coup.
- Et tu l’as rencontré.
- Il est presque mort, comme tu le vois. Son âme vagabonde déjà. Ce monde-là, pour l’instant, m’est plus accessible qu’à toi. Tu n’aurais pas une pomme ?
»
En soupirant devant les ennuis à venir, je réapparus.
« Arrêtez ! », m’écriai-je au moment où le soi-disant guérisseur allait trancher la peau du bras de son poignard stupide – et sale, de surcroît. « Vous allez le tuer ! »
La jeune Reine sursauta mais ne recula point.
« Qui êtes-vous ? Comment avez-vous pu... »
Je laissai tomber mon capuchon, ce qui d’habitude suffisait à me faire reconnaître. Mais j’avais été absente d’Hélix depuis trop longtemps, et l’enfant dont l’esprit me sembla acéré et épris de justice devait être trop rationnelle pour s’attarder sur les légendes qui couraient à mon propos. Un instant interrompu dans son geste, le charlatan rapprochait sa lame du bras du comateux. Frère Loup gronda en montrant les crocs, et l’homme lâcha son arme en courant se mettre à l’abri derrière la souveraine. Puisque personne ne songeait à m’en dispenser, il allait falloir que
je me présente.
« Je suis Narwa Roquen, la sixième Istar. Oromë m’a confié la mission de servir et de protéger Arda. Je ne cherche pas à vous effrayer, Majesté. J’ai bien connu votre arrière grand-père Landor et votre grand-père Nhoral. La dernière fois que j’ai vu votre père, il était plus jeune que vous aujourd’hui. Je suis venue pour sauver cet homme. »
Sur son visage enfantin passèrent en un éclair des esquisses d’émotions violentes – la surprise, la peur, la méfiance, l’espoir - qu’elle contrôla en un battement de cils et une respiration profonde. D’une voix mesurée, elle me lança :
« Et qui me le prouvera ? »
Je fronçai les sourcils en me demandant si j’allais devoir recourir à trois tours de passe-passe ridicules pour montrer que je possédais bien des pouvoirs magiques. Mais enfin la chance se souvint de moi. Le vieux chambellan-ministre sortit de son silence hautain, et une pensée incongrue s’imposa à moi : «Qu’a-t-il à y gagner ? »
« Elle dit vrai, votre Majesté. C’est Narwa Roquen, la sixième Istar. Ses exploits guerriers sont célèbres sur toute la Terre du Milieu.
- Ah... guerrière... Mais guerroyer n’est pas guérir... Je vous écoute, dame Istar.
- Certains maux ne se guérissent que par les armes, Majesté. Mais j’ai d’autres pouvoirs que ceux qui portent la mort. »
Si elle voulait énoncer des sentences, j’en étais capable aussi. Je n’allais pas me laisser moucher par une enfant ! Maedlin, juste devant moi, s’esclaffait de bon coeur. Je lui jetai un regard furieux, et m’approchai du corps inerte. Je soulevai les paupières : les pupilles étaient dilatées à l’extrême. Maedlin se pencha avec moi sur le blessé. Le pouls était filant, irrégulier, anormalement lent. L’agonie était proche. Maedlin me parla par la pensée. Je déglutis sans bruit en le traitant de fou. Mais la confiance que j’avais en lui était plus grande que l’océan. Je devais suivre son chemin, même si je doutais fort de réussir...
« J’ai besoin de vrilles de différentes tailles, et d’une eau de vie très forte. Il y a du sang dans son crâne, qui comprime le cerveau. Je dois l’évacuer.
- Et comment le savez-vous ? »
Elle était fraîche et belle comme un soleil d’avril, mais son esprit critique commençait à m’agacer profondément. Il est vrai que depuis tant de siècles en Arda, je n’étais pas habituée à ce que quiconque contestât tant soit peu mes décisions et mes ordres. Oromë me proposait une leçon d’humilité. Cela m’aurait amusée si j’avais été sûre de mon fait... Je sentis la pression de la main de Maedlin sur la mienne, et un long frisson me parcourut l’échine. Ce diable d’Elfe savait très bien que pour lui il n’était aucune épreuve que j’eus refusée...
« Il a été frappé à la tête. Il s’est évanoui sous le choc violent, et la poche de sang s’est constituée lentement. Quand elle a commencé à comprimer le cerveau, il a de nouveau perdu connaissance.
- Vous avez déjà pratiqué ce genre d’intervention ? »
J’ai toujours rechigné à mentir. Maedlin me souriait, soutien paisible et tolérant.
«Garde ton calme. Elle est attachée à lui, elle se sent responsable parce que l’agression est survenue sur son domaine... C’est une petite fille, Roquen ! Une enfant redoutablement intelligente, avec des responsabilités d’adulte, mais une enfant avec un coeur d’enfant ! »
Je me contentai de hausser les épaules dans un geste d’agacement impatient.
« Voulez-vous que nous discutions toute la nuit au risque de le voir mourir sous nos yeux ? »
Noralys dépêcha l’un des gardes chercher les instruments.
Je rasai la partie droite du crâne à l’aide d’un de mes stylets – les Nains de Khâzad-Dum n’auraient jamais pu prévoir que leur métal splendide servirait un jour de rasoir ! Je versai de l’eau de vie sur la peau maintenant glabre, et passai les pointes des vrilles à la flamme d’une lampe. Puis je commençai à percer l’os du crâne, à l’endroit que m’indiquait Maedlin, en priant Oromë pour qu’il guide ma main et sauve ce pauvre bougre de sa maladie et de mon incompétence. Quand la première vrille ne rencontra plus de résistance, je la remplaçai par une plus grosse et par une plus grosse encore. Un peu de sang suinta à la peau, et je retirai l’instrument. Le sang sous pression gicla en fontaine sur l’oreiller blanc. J’agrandis encore l’orifice avec la plus grosse des vrilles, et le sang coula, encore et encore, dans un silence tendu dont, si j’avais été mortelle, je me serais demandée s’il signifiait soulagement ou condamnation. Mais Maedlin souriait, et cela seul avait de l’importance à mes yeux fatigués.
Le sang se tarit enfin. Le pouls s’accéléra et reprit de la vigueur. La respiration devint régulière. Le visage de l’homme se crispa en une grimace douloureuse. Noralys bondit vers moi, prête sans doute à me sauter au visage, mais juste à ce moment le blessé ouvrit les yeux et un pâle sourire se dessina sur ses lèvres sèches tandis que d’une voix rauque il essayait de proférer un son qui ressemblait à « ...a...es...é...
- Lehr ! J’ai eu si peur ! Tu me vois, tu m’entends ?
- Boi...
- A boire, oui, bien sûr... De l’eau, vite !
- Doucement ! Relevez-le un peu, là... De l’eau pure, à peine. Il lui faut de l’eau salée, avec du miel. Lentement, mais en grande quantité. Et il faut lui bander la tête. »
Noralys releva vers moi ses yeux d’azur, sans se permettre encore le moindre sourire, tant l’angoisse tirait les traits de son joli visage.
« Merci... », souffla-t-elle d’une voix que l’émotion rendait plus ténue, comme un verre de cristal près de voler en éclats.



Lehr dormait paisiblement dans la grande pièce lumineuse. Rolanya avait gagné sa place aux écuries royales, la nuit dans un grand box paillé de frais et deux repas d’orge fine et de foin parfumé. Le jour, elle prenait un malin plaisir à sauter les clôtures pour aller visiter ses congénères, au grand désespoir des palefreniers qui s’acharnaient en vain à la rattraper. Kyo faisait bombance de poulets encore chauds, tués à son intention, et quant à Frère Loup, j’avais l’impression que le temps qu’il ne consacrait pas à s’empiffrer de quartiers de boeuf il le passait en longues digestions paresseuses... Nous étions des invités privilégiés, mais dormir entre quatre murs nous pesait à tous chaque nuit davantage.
Le visage de Noralys ne reflétait que la concentration. Je lisais en elle à livre ouvert, et les émotions ne manquaient pas dans ce jeune esprit prodigieusement doué, certes, mais tout de même enfantin. Elle avança sa reine. Je contrai avec ma tour. Elle sortit son cheval, je fis jouer mon fou. Elle eût peut-être considéré comme malhonnête que je reçoive ses pensées, et pourtant si je ne reculais devant aucune manoeuvre pour la battre à tout prix à ce jeu qu’elle adorait, ce n’était pas pour y gagner quoi que ce fût. Tout enfant a besoin de ressentir ses limites. Tout enfant a besoin d’être confronté à la défaite, entouré d’adultes chaleureux et compatissants qui relativisent sa frustration et lui permettent de la surmonter. De plus, il n’est pas de meilleur moyen de le persuader des vertus de l’effort ; et enfin, la toute-puissance pervertit déjà trop facilement les esprits des adultes pour qu’on prenne le risque de la laisser déstructurer le mental d’un être en devenir.
Elle renversa rageusement les pièces de l’échiquier.
« Mat en trois coups, d’accord ! », reconnut-elle d’une voix exaspérée. « C’est la dixième partie que tu gagnes, Narwa Roquen. Tu es plus forte que moi à ce jeu. A quoi me servirait-il de te proposer la onzième ?
- Peut-être à apprendre quelque chose », murmurai-je insidieusement.
Je replaçai les pièces, de mémoire, telles qu’elles étaient disposées au sixième coup.
« Si au lieu de chercher à m’impressionner en sortant ton cheval tu avais sagement avancé un pion... »
Son regard s’éclaira.
« Oui, c’est vrai, j’aurais pu... »
Pour la première fois, je lus dans ses yeux clairs non du ressentiment mais de la reconnaissance. C’est le moment que choisit Lehr pour se réveiller tout à fait. Il s’étira longuement comme un chat indolent, puis se dressa, la mine souriante et l’oeil alerte.
« Je me sens vraiment bien, votre Majesté. Vous m’avez sauvé ! Je suis juste tracassé par une chose.... J’ai faim ! »
Tandis qu’il dévorait une belle assiettée de poulet rôti et de pommes de terre nouvelles, Noralys le couvait des yeux comme une chatte son petit. L’inaction mettant des fourmis dans mes jambes, quand il se recala sur ses oreillers dans un soupir repu, je lui demandai :
« Parle-nous de ton village, mon ami, et de cet étrange mal qui l’a frappé. Le temps est venu de porter secours à ceux que tu aimes. »
Il tressaillit, serra les yeux sur une lourde vague de chagrin.
« Les Dieux me pardonnent de les avoir négligés ! Ma femme, mon fils, mes amis... Pendant que je m’empiffre ici, ils sont tous dans un immense malheur...
- Tu as failli mourir pour eux. Tu avais besoin de reprendre des forces, et nul ne saurait t’en tenir rigueur. Raconte-nous, maintenant, depuis le début. »
L’homme fixa son regard sur les flammes de l’âtre, convoquant ses souvenirs, ordonnant ses pensées, contrôlant le timbre de sa voix.
« Le début... C’était il y a presque deux ans, à l’automne. L’été avait été très sec, les récoltes décevantes. La terre était craquelée, dure comme de la pierre, et même les moutons avaient du mal à trouver leur pitance. Nous attendions les premières pluies avec une impatience mêlée d’inquiétude. Mais la chaleur perdura et plusieurs sources se tarirent. Le vent se leva, mais hélas de l’est, augmentant encore la sensation d’étouffement. Nous espérions tous qu’il tourne, que de bons gros nuages venus enfin de l’ouest nous amènent au plus vite l’orage salvateur... Un matin, le ciel se couvrit. Nous frissonnions déjà de bonheur anticipé, devant ces lourdes nuées sombres... Bien sûr, elles arrivaient de l’orient, ce n’était pas habituel, mais passe ! Plus l’espoir s’amenuise, plus l’homme abdique sa raison. Les nuages nous recouvrirent, brumes opaques chargées de cendres lourdes et âcres. L’air devint irrespirable, et chacun se calfeutra chez soi, préparant tisanes et sirops pour calmer la toux incoercible qui nous malmenait tous. Quelques vieillards et de nombreux nourrissons moururent, étouffant dans les quintes douloureuses qui hachaient nos nuits et nous ôtaient vigueur et appétit. Nous priâmes Iluvatar d’épargner nos vies, et nous nous crûmes exaucés quand, après une semaine d’obscurité malsaine et nauséabonde, le jour redevint clair. Tout sembla rentrer dans l’ordre, la pluie nous inonda, le gel sidéra la terre, le printemps la réchauffa...
Pauvres de nous ! Crédules comme des enfants, nous pensions que nos malheurs étaient derrière nous. Mais de semaine en semaine apparaissaient les signes d’un étrange mal. Notre peau se couvrait de larges taches brunes. Passe ! Nous n’en souffrions pas. Nos vaches et nos brebis se révélèrent moins fertiles, ou bien elles mettaient bas des produits difformes et monstrueux qu’il nous sembla plus sage d’abattre. Ce n’était que du bétail... Ce qui nous atteignit au coeur, ce fut de constater que nos femmes aussi étaient frappées de stérilité. Dans toute l’année, il n’y eut que deux naissances au lieu d’une bonne vingtaine. Une petite fille née sans bras et sans jambes, que son père étrangla de ses propres mains malgré les cris de sa femme en pleurs... Et un petit garçon dont la tête était si grosse qu’il tua sa mère et ne survécut pas...
Je me souviens de ce Conseil que nous tînmes à l’automne dernier. Nous avions tous la tête basse et les yeux cernés. C’était la première fois que nous en refusions l’entrée à nos femmes, tant nous redoutions leurs plaintes et leurs larmes, et peut-être leur colère devant notre impuissance. Mais nous étions tellement démunis ! Dans le silence lourd, Arith, notre chef sage et respecté, annonça qu’il ne se sentait plus la force d’assurer sa fonction. Son désistement nous plongea un peu plus dans le désespoir, d’autant qu’aucun de nous ne se proposa pour relever le flambeau. Nous restâmes ensemble jusqu’au jour, sans doute plus pour retarder le retour à nos foyers que pour vraiment trouver des solutions. L’exil était dans tous les yeux, dans toutes les pensées. Mais pas un de nous n’osa laisser ce mot franchir ses lèvres. Que deviendrions-nous, loin de la terre de nos ancêtres ? Des mendiants, des parias, des vagabonds méprisés et honnis ?
Nous convînmes collégialement, par prudence, de ne plus toucher nos femmes jusqu’au printemps suivant ; peut-être qu’à la longue le mal se dissiperait. Peut-être qu’à force de prières et de patience, Iluvatar nous prendrait en pitié... Nous sommes un peuple rude. Nous avons connu de mauvaises années, et nous avons survécu en serrant les dents. Quand nous nous séparâmes enfin, ce fut pour tenter, en refoulant nos larmes, de rassurer la femme qui nous attendait, inquiète et silencieuse, et qui fit semblant de nous croire pour ne pas nous blesser un peu plus...
L’hiver fut pénible. Les greniers étaient vides, nous avions faim. Nous enterrâmes beaucoup de morts, enfants, vieillards, jeunes filles. Nous essayâmes de chasser, mais le gibier était rare et malingre. Il nous fallut abattre une partie des troupeaux, juste pour subsister, sans savoir de quoi demain serait fait.
Nous sommes un peuple fier. Nous ne sommes pas des pleureuses ! Mais quand la neige a commencé à fondre, je me suis dit que j’encourrais bien volontiers l’opprobre des miens si je pouvais simplement les aider à survivre. J’ai embrassé ma femme et mon fils, je n’ai rien dit aux autres. J’ai quitté Emmin.
J’ai marché, fatigué, affamé, assoiffé, meurtri. J’ai été chassé de Barath, d’Almédine, de Ters. Je me suis enfui de Péroth sous un jet de pierres. Et puis je suis arrivé à Hélix... Et vous savez la suite.
- Convoquez Korin sur-le-champ. Je pars demain matin à l’aube avec la Garde. Nous ramènerons les survivants, et nous leur donnerons un nouveau foyer et une nouvelle patrie. »
Un des soldats s’éclipsa en courant pour aller quérir le Capitaine de la Garde.
« A vrai dire, Votre Majesté », entonna Mérik d’une voix doucereuse, « cette initiative vous fait honneur et participera sans aucun doute au rayonnement d’Hélix dans la Terre du Milieu. Hélix, terre d’accueil, Hélix la généreuse ! Tant de détracteurs qui nous calomnièrent, qui nous accusèrent de vivre repliés sur nous-mêmes, égoïstes et satisfaits ! Tant de critiques infondées, motivées par la jalousie et la concupiscence, alors que notre cité est un modèle de justice et d’équité. Tant de ...
- Pardonnez-moi, Majesté », l’interrompit Korin en entrant en trombe, « on vient de m’informer... Je suis à vos ordres. Je vous sers aussi loyalement que j’ai servi votre père. Je ramènerai ces braves gens avec un détachement de dix hommes. Mais je refuse d’affaiblir les défenses d’Hélix en la privant de sa garnison. Et je refuse – pardonnez mon impudence ! – je refuse, ma reine, de mettre votre vie en danger en vous emmenant avec nous. Chassez-moi si vous le souhaitez, mais votre père m’a confié votre vie, et je donnerais la mienne vingt fois pour vous éviter le moindre mal.
- Vous n’auriez jamais parlé ainsi à mon père, n’est-ce pas ? En Hélix, c’est moi qui ordonne !
- Votre père, Majesté, était un homme prudent », répondit le Capitaine d’une voix qu’il s’efforça de rendre douce.
- Allons, allons », intervint Merik en souriant d’un air débonnaire, « Korin, sa Majesté ne risque rien. Il s’agit juste de convoyer quelques centaines de malheureux, sur un trajet de vingt lieues tout au plus...
- Cinquante », corrigeai-je. « Cinquante lieues avec des chariots surchargés de leurs pauvres biens, probablement quelques bêtes étiques et sûrement une population affaiblie qui ne pourra guère marcher plus de trois ou quatre lieues par jour, à moins que vous ne souhaitiez les voir mourir en route. Soit un périple d’une quinzaine de jours, dans un pays infesté d’Orques, de wargs et d’Ourouk-haï. Je serai avec eux, mais là ne me semble pas être la place d’une Reine, fût-elle jeune et intrépide. Manies-tu l’épée, Noralys ? En cas d’attaque, devrons-nous sacrifier les amis de Lehr pour assurer ta sécurité ? Tu peux mettre Hélix en danger en t’exposant inconsidérément. Qui te dit que tout ceci n’est pas un plan pervers conçu par Sauron pour t’enlever ou te tuer, et prendre ensuite possession de ta ville, ce qui lui fournirait une base imprenable pour mieux menacer Arda ? Si j’ai bien compris, des hauteurs d’Emmin on aperçoit la tour de Minas Morgul... Et puis ta ville a besoin de toi. Elle ne sera jamais mieux armée que si tu es présente pour la défendre.
- Balivernes ! », me contra Mérik, tandis que je ne pouvais m’empêcher de me demander une fois encore « mais qu’a-t-il donc à y gagner ? », sornettes et balivernes ! J’assurerai les affaires courantes. Vous n’allez pas trembler devant des loups-garous et des croque-mitaines ! Sauron ! Un illuminé qui s’est pris pour Morg_o_t_h ! Un magicien de pacotille, dont plus personne n’a entendu parler depuis des siècles ! Un conte pour faire obéir les petits enfants ! Comment une personne de votre intelligence pourrait-elle gober de telles billevesées ? Songez à votre gloire quand vous reviendrez en Hélix à la tête de vos troupes, convoyant ces pauvres hères que vous aurez sauvés d’une mort certaine ! Arda toute entière chantera les louanges de sa nouvelle héroïne, cette jeune femme inspirée des Dieux dont la beauté n’a d’égale que le courage et la générosité, cette jeune femme qui...
- C’est une enfant, Mérik. Juste une enfant. De grâce, Noralys, prends le temps de ta décision. Laisse passer une nuit. Je me plierai à ton choix demain matin.
- Narwa Roquen a raison », me soutint Lehr. « Votre présence n’est pas indispensable. Et mon peuple peut attendre quelques heures de plus. Réfléchissez-y. Je ne veux pas vous mettre en danger. Je suis un homme simple, et vous êtes une Reine. Je ne veux pas vous offenser. Mais je vous conjure de bien peser votre décision, ne fût-ce que par amitié pour moi. »
Ces paroles semblèrent toucher Noralys, qui grimaça un bref instant de colère et me lança non sans ressentiment un « soit, à demain » passablement furieux, avant de quitter la pièce d’un pas déterminé qui présageait facilement du choix à venir.
Je me retirai dans ma chambre, inquiète et irrésolue. Les beaux discours du ministre avaient éveillé en moi la plus profonde suspicion. Frère Loup les avait écoutés en hérissant son poil, et le même instinct m’inspirait une hostilité méfiante. Le bruit d’une pomme croquée me fit faire volte-face.
«Seyat linwalyana... (3)
-Oh Maedlin... Il se passe d’étranges choses ici. Ce Mérik ne me dit rien qui vaille. Son esprit est verrouillé à double tour, mais j’ai l’intuition... U-istan, e (4)... Cette pauvre enfant est si jeune... Ah si elle avait encore ses parents, que sa vie serait plus insouciante et douce !
- Ses parents... Ils sont morts, n’est-ce pas ? Ma foi... Je devrais pouvoir... disons... te montrer que je peux encore t’être utile...
»
Il disparut sans un mot de plus, me laissant là interloquée et toujours aussi soucieuse.
« Tu devrais dormir », me conseilla frère Loup dans un bâillement contagieux. « Maedlin n’est pas un sot, et tu sais à quel point il tient à toi.
- Je le sais. Au point de renoncer au repos éternel, au point de se contenter de n’être qu’un fantôme errant, à jamais perdu entre deux mondes...
- Mais malgré cela il met toute son énergie et son intelligence à ton service, pour t’aider encore et encore. Et il n’est pas impossible qu’il y parvienne.
- Mais comment ?
- Tu lui faisais confiance aveuglément quand il était vivant. Qu’est-ce qui a changé ? »
Un loup peut-il être plus sage qu’une Istar ? Je me couchai avec cette question à laquelle, pendant les longues heures d’une nuit d’insomnie, je ne trouvai pas de réponse.


L’aube pointait à peine que je devinai dans la pénombre la présence rassurante de Maedlin.
«Ulort ?(5)
- Et toi ? Depuis quand n’as-tu pas dormi ?
», insinuai-je en contemplant le visage adoré de ce fantôme qui m’était plus cher que tous les vivants d’Arda. Ce visage maintenant intact, débarrassé par la mort de sa longue cicatrice. Que n’aurais-je donné pour revoir la chère balafre, pour serrer contre moi ce corps vigoureux, pour entremêler encore mes doigts aux siens sans avoir l’impression d’enfoncer ma main dans le brouillard...
- J’ai retrouvé les parents de Noralys. Tu avais raison. Mérik les a assassinés tous les deux
- Tous les deux ? Mais... comment le lui faire savoir, à elle ? Comment faire en sorte qu’elle le croie ?
- Allons, melin ar melwa Istar (6)... N’as-tu plus le pouvoir de changer d’apparence ? Toi qui pris autrefois celle de Notre Dame des Chevaux ?(7) Et ne me dis pas le contraire, c’est Radagast lui-même qui me l’a raconté.
- Radagast ? Mais comment... Mais je...
- Lève-toi, paresseuse ! Pendant que tu te prélasses, Arda a besoin de toi !
»



J’avais fait demander à Noralys de siéger dans la salle du Trône, en présence des notables. Je voulais que la réunion fût tout à fait officielle, non point par désir de spectaculaire, mais afin que nul n’en ignorât.
La jeune Reine s’impatientait.
« Mais où est-elle, à la fin ? Nous devons partir, elle nous retarde !
- Elle n’est pas dans sa chambre, votre Majesté », tenta Korin d’une voix qui se voulait apaisante. « Je suis sûr qu’elle ne saurait vous faire attendre sans une bonne raison.
- Point n’est besoin d’un tel cérémonial ! », gronda Mérik. « Quel tour veut nous jouer encore cet oiseau de malheur, si ce n’est compromettre votre noble mission ? »
Je fus sans doute la seule à comprendre les insultes salaces que hurla Kyo en voletant frénétiquement près du plafond ogival superbement sculpté de l’immense salle. Certains mots ont le pouvoir de l’irriter prodigieusement...
Invisible, je m’étais avancée dans l’allée centrale laissée libre par les Gardes et les courtisans, jusqu’au pied du trône. L’estrade était une véritable oeuvre d’art. Dans un bois sombre et parfaitement lisse étaient incrustées des spirales de nacre, répétant patiemment l’emblème d’Hélix en un ordonnancement qui était lui-même un blason géant. A la droite de Noralys, la mine renfrognée, se tenait Mérik, raide comme une statue. Quoiqu’ayant protesté contre la solennité du lieu, il n’en avait pas moins revêtu son pourpoint le plus chamarré, et outre son lourd collier d’or, accumulé à ses doigts bagues rutilantes et pesants anneaux. Je savourai en silence cet instant rare ; le destin de ce traître était entre mes mains, et sa morgue allait bientôt céder la place à la confusion et au désespoir.
«Que soient démasqués ainsi tous les vils et les retors, et Arda retrouvera la paix », me souffla Maedlin comme si je retardais mon entrée en scène faute de me souvenir de la première réplique du rôle...
Noralys bondit de son royal siège en se tenant le coeur à deux mains, au milieu des cris de stupeur et d’effroi des nobles Hélixiens. Le roi Lyssol se tenait à ma place, le front ceint de sa couronne d’or sertie de saphirs, ombre évanescente d’où émanait un souffle glacé, tendant vers un Mérik défait un doigt accusateur.
« Traître, perfide, félon ! Non seulement tu as empoisonné la reine qui avait découvert tes manigances, mais dix ans plus tard, tu m’as assassiné !
- C’est... c’est une sorcellerie ! », glapit le ministre en reculant d’un pas.
Derrière moi, encadrant Maedlin, se tenait le couple royal ; je ne pouvais pas les voir, pas plus que quiconque, mais je sentais l’énergie des passions violentes qui les assaillaient. Maedlin me transmettait en pensée les paroles qu’ils souhaitaient que je prononce, et moi qui ai si souvent gagné mon pain grâce à quelques numéros de cirque, j’ajoutais à leur désir et l’image et la voix.
« Le roi est tombé de cheval ! C’est bien ce que tu leur as dit, n’est-ce pas ? Oui, j’ai chuté de ce cheval que tu avais drogué alors que toi et moi chassions bien à l’avant du groupe. Je me suis cassé le bras. Mais j’étais bien conscient lorsque, gisant à terre, je reçus sur le crâne ce billot de bois dont tu me frappas de toutes tes forces ! Et maintenant que te faut-il ? La vie de ma fille, pour satisfaire enfin ton ambition criminelle ? C’est pour cela que tu veux l’envoyer, pauvre enfant innocente, dans les griffes de Sauron ? Combien de légions d’Orques t’a-t-il promis en échange de ta trahison ?
- Vous n’allez pas croire à cette mascarade, Majesté ! C’est une imposture !
- Ma fille bien-aimée, c’est en pensant à toi que j’ai rendu mon dernier soupir. A tous ces dangers que tu allais courir auprès de ce monstre sanguinaire, sans que je puisse t’en protéger ! Mais voilà que l’occasion m’est donnée de te porter secours, grâce à une Istar dont les pouvoirs s’étendent au-delà de la mort. Et tu ne me croirais pas ? Tu te souviens de cette poupée que je t’avais rapportée de Minas Tirith ? Une poupée blonde comme ta mère, au fin visage de porcelaine. Tu l’as nommée Odriel, comme elle, cela n’est un secret pour personne. Mais te souviens-tu de ce que tu m’as dit ce jour-là ? « Père, seras-tu fâché si je l’appelle ainsi ? Peut-être qu’un peu de son âme passera dans ma poupée, et peut-être que la nuit, quand je la serrerai fort dans mes bras, ma mère viendra visiter mes rêves... »
Noralys, livide, chercha des yeux Korin. Mais son regard n’échappa pas à Mérik, qui se sentant perdu, dégaina un poignard large comme un couteau de boucher qu’il plaqua sur la gorge de sa souveraine.
« Reculez tous ! Vous ne pouvez rien contre moi ! Un destin prodigieux m’attend depuis des années, et je vous ferai regretter de ne pas l’avoir partagé avec moi ! »
Il me faisait face, ignorant que j’étais là. Il eut sans doute le temps de m’apercevoir, réapparaissant là où se tenait Lyssol auparavant, avant que mon stylet rapide comme l’éclair ne vienne se ficher entre ses sourcils épais.
« Que meurent ainsi les traîtres et les assassins, afin qu’Arda retrouve un jour la paix », déclarai-je pour rendre hommage à Maedlin.
«Tye melane » (8), murmura-t-il à mon oreille, et j’espérai que personne ne se rendait compte que je rougissais...





Nous partîmes quelques heures plus tard, Lehr chevauchant en tête avec Korin, Frère Loup et moi à l’arrière-garde. Kyo nous survolait, jouant les vigies comme à son habitude. Rolanya caracolait de bonheur tant l’inaction lui avait pesé, et je me sentais revivre aussi à reprendre enfin la route. Maedlin, en croupe derrière moi, ne pesait pas plus qu’une plume, mais je sentais sa présence toute proche qui me réchauffait bien plus que toutes les fourrures. Le ciel était presque noir de l’orage à venir. Je me doutais bien que la colère de Sauron ne nous laisserait pas de répit, mais j’étais bien décidée à mener à terme cette mission, et la perspective de quelques combats acharnés m’excitait joyeusement. Oromë m’a faite guerrière...


Sin simen, inye quentale equen, ar atanyaruvar elye enyare. Oromë valuvar, yeva ata min. (9)



Narwa Roquen

(1)J’ai trouvé !
(2)Loué soit Oromë
(3)Tu sembles bien tourmentée...
(4)Je ne sais pas, en vérité
(5)Tu ne dors pas ?
(6)Ma chère et adorable Istar
(7) cf « Notre Dame des chevaux, in Concours « Chimères »
(8)Je t’aime
(9)Ici et maintenant je vous ai conté ce récit, et vous le raconterez à votre tour. S’il plaît à Oromë, il y en aura encore un.
Narwa Roquen, coucou, me revoilà!




NdA
Mes hommages en forme de clin d'oeil à Henri de Montherlant, en souhaitant que son esprit n'en prenne pas ombrage.
C'est la première fois que Narwa Roquen s'invite dans les WA; pour ceux qui n'auraient pas lu les textes précédents, ils sont tous à la rubrique "Concours", sauf "Retour à Chiswarta" qui est en page 3 des participations libres de la Librerie.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-10 21:46:53 

 Commentaire Maedhros, exercice n°118-1Détails
Coup de tonnerre! Surprise absolue! On se croyait bien calé dans une fantasy classique, éventuellement héroïque... et nous voilà projetés dans une guerre qui semble complètement ancrée dans le réel, avec de gentils américains luttant avec courage et détermination contre de dangereux terroristes, forcément basanés et originaires d'Afrique du Nord . Le choc est rude, et en même temps jubilatoire, car aucun lecteur ne doute que l'improbable lien entre les deux histoires adviendra pourtant...


Bricoles:
- à sable et à chaud: plaisantin! Si c'était pour tester mon attention... à chaux!
- un satellite invisible les observe là-haut: de là-haut
- Force est de reconnaître qu'elle s'est y faire avec des gosses: qu'elle sait



Ah le divin plaisir de l'attente! La suite est là, devant moi... Et je la lirai demain!
Narwa Roquen, les eul travail impossible à finir est celui qu'on ne commence jamais

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-04-13 19:38:05 

 WA - Participation exercice n°118 - part VDétails
5. VERS LA VILLE SANS NOM


Ils sont tous les quatre dans la grotte sous la nécropole. Les techniciens ont quitté les lieux. Une rampe d'halos projette une lumière brillante et chromatiquement neutre. L'atmosphère qui règne dans la salle souterraine est fraîche et l'air n'a pas ce relent vicié des espaces confinés. Dans un coin, une poignée de silhouettes psalmodie à voix basse une incantation grave et lente. Un drap gris les couvre de la tête aux pieds. Des Adeptes d'Ishtar, leur a expliqué le Satrape.

Les Acadiens sont habillés à la mode perse antique. Les hommes portent des tuniques de coton aux teintes crues sous une longue cape d'origine mède. Le même motif qui ornait les murs de sa chambre est brodé sur celle, noire, d'Angelson tandis que deux tigres rugissants s'affrontent sur celle de Myers, de couleur pourpre. S'ils ont accepté de revêtir sans trop renâcler les Anâxi Ridis, des pantalons aux couleurs vives, ils ont en revanche catégoriquement refusé de chausser les bottes pointues qui leur avaient été présentées. Ils ont gardé leurs rangers qui finalement se marient assez bien le reste de leurs vêtements.

Claire, quant à elle, a choisi une tenue qui la transforme en une princesse orientale, tout droit sortie d'un Conte des Mille et Une Nuits. C'est une débauche exubérante de soie chamarrée et de borderies, de perles translucides et de transparences assumées. Ses cheveux sont peignés de façon compliquée, mais cela fait ressortir sa nuque, longue et souple. Ses yeux en amande sont mis en valeur par un maquillage tout aussi sophistiqué. Une ombre à paupières est disposée en dégradé de tons dorés, beiges et bronze. Un crayon savamment appliqué accentue la forme des cils en les remontant légèrement vers l'extérieur. Enfin, un khôl noir intensifie l'azur de ses iris. Quand elle leur est apparue ainsi, débarrassée du lourd manteau qui camouflait sa tenue, les trois hommes sont restés un instant silencieux, interrompant leur conversation. La journaliste empruntée dans ses vêtements militaires s'est littéralement transformée en une créature belle et fascinante, mortellement séduisante, capable d'un seul regard d'envoyer un homme à la mort, sans qu'il ne se départisse jamais du sourire béat cloué sur ses lèvres et son coeur.

Comme le Satrape avant eux, ils sont stupéfaits du réalisme de la peinture sur le mur. On dirait vraiment que la paroi a été profondément creusée. C'est une ouverture étroite qui semble s'enfoncer vers des lieux infiniment lointains. Il suffit de faire un pas en avant pour... toucher le grain froid et dur du granit. Il paraît d'ailleurs inconcevable qu'une culture aussi primitive ait réussi à disposer des milliers de nuances qui composent ce trompe-l'oeil avec les ressources à sa disposition. Même à très courte distance, il est presque impossible de ne pas croire ses yeux. La raison elle-même est abusée. Ils contemplent à n'en pas douter, la dixième merveille du monde.

"Bien, je crois que tout est prêt pour la grande aventure!" tente de plaisanter Angelson. Mais cela n'est pas très convaincant.

"Colonel, voici un instrument qui vous aidera à localiser ma fille!" dit Anushiravan en tendant à Angelson une petite boîte de quelques centimètres de côté. Elle est en bois précieux, blond et lumineux. Son couvercle est si bien ajusté qu'il en devient presque invisible. Aucune trace de fermoir ne rompt l'harmonie de ses formes.

Le colonel la tourne et la retourne entre ses doigts, intrigué et curieux, mais ne parvient pas à ouvrir la boîte. Décontenancé, il interroge du regard le Satrape.

"C'est tout un art que faire ce genre de babiole, sourit le Perse, et comme beaucoup de choses en ce monde, cela réclame bien moins que ce que l'on croit! Mettez un doigt au centre du couvercle et exercez légère pression!"

Le couvercle bascule en arrière, libérant un petit compartiment tendu de velours cramoisi. Comme un bijou précieux, un pentacle repose sur un coussinet. Angelson remarque la finesse de l'orfèvrerie de l'objet dont les minces branches rutilent d'un or marin. Le pentacle contient, dans sa partie évidée, une étoile à sept branches dont seules les extrémités rejoignent le pentacle.

"Prenez-le! invite le Perse et placez-le dans le creux de votre paume. Ne vous inquiétez pas, il n'est absolument pas dangereux!"

L'Acadien fait comme le Satrape lui demande. L'objet est magnifique et les halos lui arrachent des reflets fauves. Il ne pèse presque rien. A peine quelques dizaines de grammes semble-t-il.

"Et maintenant?" questionne le colonel.

"Vous effleurez sa surface avec votre autre main!"

Lorsque la main d'Angelson passe sur le pentacle, l'étoile centrale émet une faible pulsion lumineuse.

"Ce bijou est en fait un instrument forgé selon d'anciens rites. Ce genre de rites qui avait cours dans les temples de Babylone, voici plusieurs millénaires. Il est, si j'emploie des termes modernes et rationnels, chargé d'une énergie qui réagit à la chaleur de votre main. Les Adeptes d'Ishtar ont redécouvert certaines propriétés du corps humain qui entrent en résonnance avec le bon... heu... diapason. Ce pentacle est en quelque sorte un diapason. Il vibre selon une fréquence étalonnée sur l'aura qui enveloppe Shéhérazade!"

"C'est une sorte de détecteur, hein ? intervient Claire qui s'est rapprochée du colonel.

"Oui. Tant que l'étoile émet cette lueur, ma fille est en vie. Vous voyez, l'éclat bat au même rythme que les battements de son coeur. Quand vous parviendrez dans la dimension où elle se trouve, cette lueur s'étendra vers l'une des pointes du pentacle. Cela vous indiquera la bonne direction. Quand vous serez tout près de Shéhérazade, la double étoile scintillera complètement. Vous ne pourrez pas vous tromper!"

"Bah, dit sentencieusement Myers, on a eu le temps de mémoriser sa photo. Je pense que nous la reconnaîtrons avec ou sans cet objet ensorcelé!"

"Sans doute avez-vous raison mais qui peut dire ce qui vous attend de l'autre côté? Ma fille vit toujours, cela signifie que les conditions qui règnent là-bas sont supportables. Nous supposons que cet endroit, continue le Perse en faisant un large circulaire, a un lien avec l'autre monde. C'est pourquoi vous êtes habillés comme les Perses qui vivaient dans cette région voici plusieurs milliers d'années!"

"Oui, mais rien ne vaut un bon vieux Glock 17 avec quelques chargeurs supplémentaires! " plaisante Myers.

Sous leurs vêtements exotiques, les deux Acadiens dissimulent une arme de poing fournie par le Satrape. Ce pistolet, largement utilisé par les forces d'intervention, est fabriqué à Wagram près de Vienne. Les ingénieurs armuriers du Reich ont voulu faire un pied de nez à l'Empereur Acadien.

"Il est temps!" prévient Anushiravan.

En effet, la mélopée entonnée par les Adeptes enfle progressivement, emplissant la caverne d'un chant étrangement heurté. La langue est inconnue des Acadiens. Elle évoque un passé lointain, mystérieux et menaçant. Elle devait commander des horreurs aux longues tentacules qui nageaient dans les profondeurs de la Terre. Une langue gutturale et étrangère aux harmoniques modernes. Sa dureté pourrait graver la pierre. Puis, lentement, une sorte de thème central se dégage de cette gangue brutale. Une musique reptilienne et écailleuse, d'où émergent des phonèmes peu à peu distincts. C'est une invocation si abyssale qu'ils en frissonnent tous. La température baisse de plusieurs degrés. Leurs respirations forment des bouffées de condensation devant leurs narines.

"Maintenant approchez-vous de la fissure!" avertit Anushiravan." L'espace interstitiel va s'ouvrir et il le demeurera quelques dizaines de secondes! Comme nous en avons convenu, nous rouvrirons le passage chaque jour à la même heure. Vos implants sous-cutanés vous permettront de connaître le moment exact. Ils ont été étalonnés pour être en phase avec le temps absolu de notre monde!"

"On y va alors!"

Angelson se dirige vers la fissure, suivi par Myers et Claire. Juste avant de franchir ce qui en serait le seuil, il hésite et tend un bras. Celui-ci n'est pas arrêté par la paroi rocheuse mais s'enfonce sans effort au-delà.

"Cela marche!" s'exclame-t-il!

"Bien sûr que cela marche!" murmure le Perse.

Il voit les trois Acadiens, comme sa fille, avalés par la paroi. Quelques secondes plus tard, le chant s'arrête et, épuisés, les Adeptes s'écroulent au sol, essayant de recouvrer leur respiration.

* * *

Ils sont dans un bâtiment aux vastes dimensions. Les murs sont d'un blanc immaculé. En se retournant, ils découvrent un grand tableau accroché au mur. De part et d'autre, la lumière du jour descend d'étroites et hautes fenêtres qui ressemblent aux branchies d'un poisson. Le tableau est saisissant de vérité. Aussi impressionnant que l'était la fissure dans la caverne souterraine. Un monde s'offre à leurs yeux ébahis. Un monde fourmillant de détails aussi nets que précis.

"Même mon appareil photo dernier cri ne parviendrait pas à faire mieux!" s'exclame Claire." C'est plus détaillé qu'une photographie. Regardez ces lignes, regardez cette composition, regardez cette précision! On dirait une impression numérique en très haute définition. Mais je vous assure qu'il est impossible, en l'état de notre technologie, d'obtenir un tel résultat sur une si grande surface. A cette distance, la pixellisation serait dramatique. Je voudrais bien parler à celui ou à celle qui a fait ça! C'est plus beau que les plus grands chefs d'oeuvres de Michel-Ange! Mais regardez, plus on s'approche et mieux on discerne de détails! C'est sidérant! Je veux connaître la technique employée!"

"Parlez plus bas, mademoiselle!" prévient Angelson. "Notre façon de nous exprimer nous trahira bien plus vite que nos agissements! Myers, allez en avant et assurez-vous que la voie est dégagée!"

Le colossal sergent disparaît dans la salle contigüe.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-13 22:40:14 

 Commentaire Maedhros, exercice n°118-2Détails
Tandis que la tempête approche, une longue scène de guerre, très cinématographique, voit mourir la plupart des héros de l’épisode précédent... Et le lecteur perplexe se demande de plus en plus jusqu’où ce diable d’auteur va encore l’emmener... Même si la mort très lente et hallucinée du colonel laisse planer un doute sur un éventuel secours...

Bricoles :
- Le véhicule était parti : est ( le paragraphe est au présent ou au passé composé)
- Forces électromagnétiques qui se crépitent
- Ce n’est pas le genre d’informations utiles : à mettre au singulier

Je ne peux que rendre hommage à la diversité de tes talents. Tu es à l’aise dans tous les genres !
Narwa Roquen,les petits ruisseaux font les grandes rivières

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-13 23:03:25 

 Commentaire Maedhros, exercice n°118-3Détails
Ca y est ! Tout a basculé à la faveur d’une tempête de sable, et nous aussi, qui avons quitté les horreurs d’une guerre qui semblait réelle pour un monde mystérieux et faërique, dont cependant la politique-fiction n’est pas absente. Les morts ressuscitent, et tandis qu’on est rassuré quant au sort de nos héros, l’intrigue se précise tout en nous proposant d’étranges énigmes et des questionnements multiples.
La transition entre les deux mondes est bien amenée. On se disait bien, aussi, que cette mort qui n’en finissait pas devait avoir du sens !
Mention spéciale pour le versant géopolitique, qui plairait bien à Orson Scott Card, avec ses noms propres arrachés au passé pour venir s’insérer dans un monde parallèle où Napoléon a vaincu les Anglais et où Alexandre était à la solde de Darius ( Ca, c’est gonflé !) Cela faisait bien longtemps que nous n’avions voyagé en uchronie !
Mon coeur a battu plus fort en découvrant le nom de Lawrence, qui fut ( T.E., pas D.H. !!) l’idole de ma jeunesse (le bouquin bien avant le film).
A propos de nom propre, Angelson est bien trouvé, de même que Lucien, dont la racine est lux, la lumière. Ce sont de petits détails, mais tout à fait réconfortants ;
Joli, la mode persane en tailleur et voilette !


Bricoles :
- Où il ferait si bon de se laisser aller : pas sûre que le « de » doive y être
- Quelque chose dans ses traits puisent : puise
- La guerre dura : a duré (texte au présent/passé composé)
- Vous ne risquez absolument rien ma demeure : en
- C’est moi qui pourrait être : pourrais
- Lui prend rapidement son pouls : le pouls
- Une seringue intraveineuse : à intraveineuse à la limite mais, à part la taille de l’aiguille et encore, rien ne distingue une seringue à intramusculaire d’une autre à intraveineuse

Après une longue intro nous voici au coeur de l’histoire, et l’intrigue tient toutes ses promesses. Tu as bien progressé sur les dialogues et tu les utilises à bon escient pour aérer le texte et faire durer le suspense... Un des héros est trop fatigué pour apprendre les révélations que le lecteur attend... Mais le lecteur, qui n’est pas sous sédatifs ( normalement !)... se ronge d’impatience !
Narwa Roquen,désherber, semer, tondre, écrire... Le printemps est luxuriance!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-04-14 19:08:10 

 La vérité sort de la bouche des absents.Détails
J'avoue qu'aucune oeuvre de Montherlant ne figure (et n'a d'ailleurs jamais figuré)sur mes étagères. Mais ton indice m'a poussé à rechercher plus avant. Bien sûr, le titre de ton récit est un clin d'oeil à celui de la pièce où c'est un enfant qui est le Prince de la Ville. Mais les deux textes abordent chacun à sa façon un même argument, même s'il sont "upside down" comme disent les buveurs de thé, celui de l'attirance qui peut naître entre un enfant et un adulte. Je pense que tu n'as pas travesti l'Immortel quand bien même ce dernier était plus enclin à valoriser le côté viril.

Cette histoire est tout d'abord l'heureuse surprise de retrouver une héroïne familière du Cercle, la sixième Istar qui parcourt les terres du Milieu pour en extirper les racines du Mal. Elle est accompagnée de ses amis habituels, le loup, le faucon et la jument. Elle est aussi escortée par un fantôme aimant qui a choisi de rester auprès d'elle au lieu de regagner les cavernes de Mandos!

Or donc, la belle Istar vole au secours de la petite Reine en invoquant le passé pour conjurer le présent et confondre l'assassin. J'ai bien aimé la scène de la trépanation qui permet la confrontation entre l'Istar et la petite reine volontaire et entêtée. Tu en profites pour insérer une incidente sur l'importance du rôle "régulateur" des adultes auprès des enfants. Bien vu. Puis cette mission de sauvetage décidée par la jeune monarque qui accélère l'intrigue puisque, indirectement, elle met la puce à l'oreille de l'Istar. Et, grâce à l'intercession de son fantôme, celle-ci démasquera l'assassin et lui appliquera un jugement expéditif et définitif ! La fin résonne plutôt comme la fin d'un épisode! Y aura-t-il une suite?

La narration est rythmée, avec des péripéties bien décrites. La présence immatérielle de Maedlin y ajoute une dimension surnaturelle teintée d'une douce mélancolie. Le caractère de la petite reine est bien campé, à la fois juvénile et résolu, comme celui d'un enfant qui, par la force des choses, a trop vite grandi! Merik, le méchant, quant à lui, a des faux airs de Grima non?

La consigne a été évidemment respectée et j'ai même dénombré 4 points-virgules. Je ne suis même pas sûr qu'au stade où j'en suis dans ma participation, qu'il y en ait ne serait-ce qu'un seul!

Au rayon des bricoles :
- ... ne pouvait venir que du Mal: ne pouvait venir que du mal. Ou alors, ne pouvait venir que le Mal, non?
... ce dont Avan Oromë , je rendis grâces aux Dieux : ... rendis grâce aux Dieux

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-15 23:07:40 

 Commentaire Maedhros, exercice n°118-4Détails
Cette histoire est construite à la manière des poupées russes, et de rebondissement en rebondissement on s’enfonce dans des contrées de plus en plus étranges. Ton style s’apparente plus à celui du roman qu’à celui de la nouvelle, mais c’est ton style...
Impressionnant, le paragraphe sur la nécropole, on croirait le rapport d’un anthropologue ! Jubilatoire, la manière dont le super- Satrape plie la réalité selon son bon vouloir...

Bricoles :
- Et bien, sergent : Eh bien
- Le diner est servi : dîner
- ... lait fermenté rafraichit : rafraîchit
- De nombreuses horoscopes : c’est masculin, non ?
- Jours et nuits : pourquoi le pluriel ?
- Cela n’explique pas comment nous sommes arrivés chez vous ? C’est du discours indirect, donc le point simple est plus logique
- Détectable ni par... ni par... : indétectable par... et/ ou par...
- Des petits véhicules : de


Merci pour les virgules dans les apostrophes ! Depuis le temps, je commençais à désespérer, mais tu t’es particulièrement appliqué, et c’est un soulagement immense... Pour les points-virgules... je ne lâche pas l’affaire...
C’était un épisode de transition ; le lecteur a reçu quelques explications qui l’ont apaisé tout en l’émerveillant, et la suite semble alléchante...
Narwa Roquen,quand est-ce qu'on dort?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2013-04-19 14:59:05 

 Commentaire Maedhros, exercice n°118-5Détails
Encore un épisode de transition – et de passage d’un monde dans un autre. Le tableau que découvrent nos héros n’est pas sans rappeler l’oeuvre d’un certain Roi-peintre, il y a bien longtemps de cela... Donc nous voilà au coeur du coeur de cette longue et étrange histoire, et nous sommes presque arrivés à son terme ... Mais... mais... presque !


Bricoles :
- Qui finalement se marient assez bien le reste : avec
- Ta description du maquillage de Claire (un prénom récurrent !) est minutieuse. La question est : est-ce que cela s’impose, est-ce que cela a du sens ?
- Une culture... ait réussi à disposer des... nuances qui... : les nuances ( à cause du « qui »)
- Ils contemplent à n’en pas douter, la 10° merveille : ou bien pas de virgule, ou bien « ils contemplent, à n’en pas douter,... »
- C’est tout un art que faire : que de faire
- Et exercez légère pression : une
- Quelques dizaines de grammes semble-t-il : grammes, semble-t-il
- Aux longues tentacules : masculin
- Et mieux on discerne de détails : soit « plus on discerne de détails », soit mieux on discerne les détails »

La suite ! La suite ! Tu ne vas pas nous laisser tomber maintenant ! Il faut retrouver Shéhérazade ! Nous sommes tous là, à nous bousculer au portillon en criant « Allez Maedhros, allez Maedhros, allez ! »
Narwa Roquen, il pleut il pleut bergère...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-05-03 10:59:56 

 Commentaire WA 118 : NarwaDétails
Tiens, on est passé d'un narrateur omniscient à une vue interne entre deux chapitres ?
Rho mais c'est Narwa Roquen !!! (°3°) Ca fait plaisir de les revoir, elle et ses compagnons à poils et à plumes.
Mais alors, tu places ta ville en Terre du milieu ?
Comme toujours, j'apprécie l'emploi de l'elfique qui ajoute une note d'authenticité et d'exotisme.
Et comme toujours, le style est soigné, avec un bon niveau de langue.
Je n'ai pas compris qui est la voix qui encourage Narwa à prendre part à l'action au début. Ca fait un bout de temps depuis la lecture de l'épisode précédent, du coup je loupe des trucs.
Intéressante, la scène où Narwa bat la petite aux échecs.
Intéressante confrontation aussi entre Narwa et le ministre.
Ah OK, je raccroche les wagons avec le fantôme ! *mémoire de poisson rouge*
Oh bah rapide la fin ! Quel dommage que ça s'arrête déjà !

Au final, un texte au style élégant et agréable à lire (trop court, même), où l'on retrouve avec grand plaisir ton héroïne éponyme.

Trucs et bidules :
Dans le paragraphe où Narwa ausculte le comateux, la répétition du prénom Maedlin m'a un peu génée.

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-05-06 14:43:51 

 Commentaire WA 118 : MaedhrosDétails
Woh, c'est space ! Vu le thème et le titre, je m'attendais à un méd'fan' et me vlà en pleine guerre du Vietnam !
Ah bah non, c'est plutôt l'Afghanistan... Bien joué la référence au jeu de cartes.
"berçant toujours leurs armes" : c'est mignon, ça.
Dis donc, c'est bien documenté, ton truc ! Chapeau pour les noms des voitures, des hélicos, des armes... Cela dit, ça complique un peu la compréhension pour les novices dans le domaine, comme moi.
Sympa les titres de tes parties.
J'ai beau ne pas être cliente pour les histoires de guerre, la tienne est vraiment vivante et bien décrite.
J'aime bien le ton de ton militaire, juste imagé et grossier comme il faut.
Mais dis donc, ta tempête surnaturelle, elle va les transporter dans ta ville méd'fan' ou quoi ?
"Une voix qui s'exprime dans un français presque sans accent." : ah, j'avais pas percuté que ton héros était francophone, même si le bayou m'avait mis la puce à l'oreille.
"Babylone" ? "force impériale acadienne" ? What the schtroumpf ?! On est dans une uchronie ? Dans un monde parallèle ?
"un fermier des Grandes Terres du Milieu" ? "Rome" ? Houla, ça y est, je suis paumée ! Tu m'as perdue en route !
OK, une uchronie où on n'a pas revendu la Louisiane ? "la zone Deutsch Mark" y a pas mal de choses qui ont changé. Je serais curieuse de connaitre l'évènement charnière.
Bah, on sait ce que c'est un halva ! (^_^) Le meilleur, c'est celui à la pistache.
Je trouve que les trois acadiens acceptent facilement cette mission rocambolesque. N'auraient-ils pas dû exiger au moins une preuve de ce que l'autre avance ? Comme de voir la fissure en fonctionnement ?
Rha, purée, y a pas la fin non plus de ce celui-là ! Mais c'est dingue ça, tu te plais à nous faire languir !

Au final, un texte intéressant et intriguant, avec des détails extrèmement réalistes, mais pas fini !


Trucs et bidules :
"post-adolescents" : ça existe ?
"Force est de reconnaître qu'elle s'est y faire" : sait y faire
"RPG" ? Role playing game ? (^-^)
"Emporté par l'énergie cinétique, le véhicule était parti" : est parti, à mon avis
"forces électromagnétiques qui se crépitent" : qui crépitent
La succession de plusieurs métaphores pittoresques ("un pet particulièrement violent du Diable en personne", "comme un chat qu'on aurait voulu baigner de force") crée une impression curieuse de second degrès dans le paragraphe.
"vous ne risquez absolument rien ma demeure" : en ma demeure
"accourt au chevet du colonel et lui prend rapidement son pouls" : le pouls
"Comment une découverte de cette importance n'a pas fuité?" : ça existe ce verbe ? Pouah !
"Nous étions que tous les deux." : nous n'étions
"Nous étions pré-positionnés" : ça se dit ?
"pour vous parfaitement indolore et pour moi, dénuée de tout risque" : dénué
"C'est une débauche exubérante de soie chamarrée et de borderies" : broderies
"l'éclat bat au même rythme que les battements de son coeur" : au même rythme que son coeur
"des horreurs aux longues tentacules" : longs tentacules, tentacule est masculin

Est', qui se sent un peu seule.

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