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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 16 octobre 2014 à 22:20:55
Le Dragon des Czerniks
(suite et fin)





Svetloumine ! Ma ville, mon château, ma patrie, ma terre ! Tant de fois depuis mon départ, j’ai rêvé de tes remparts de pierre blanche, du bois noir de tes portes massives, de tes huit tours pointues dont, enfant, je croyais qu’elles allaient chatouiller les nuages, et de ton magnifique donjon bleu et or, qui m’évoquait la force de mon père et la prospérité du royaume. Cette leçon-là je l’avais apprise, et je sais qu’il avait fallu plus de deux cents artisans pour incruster un à un les émaux de ses murs et peindre à l’or fin le dôme gigantesque afin qu’on le voit briller depuis l’horizon. Svetloumine ! Tes ruelles odorantes, la place du marché, la place Royale, les fontaines, les petites cours intérieures où Vlad et moi allions jouer à cache-cache avec nos amis. Non, pas Marishka. Marishka ne jouait jamais. Ce que je prenais alors pour de la sagesse et de l’application n’était sans doute déjà que de l’arrogance et de l’ambition. Et aujourd’hui c’est elle qui est derrière ces remparts, souveraine en titre, et c’est moi qui viens porter la guerre sur ma propre terre pour l’en chasser.


Nous avions marché tout le jour, Aliocha et moi, escortés par vingt Thornterriens en armes. A ma demande, l’armée était restée massée de l’autre côté de la frontière, prête à nous porter main-forte si nos pigeons voyageurs leur en transmettaient l’ordre. J’étais vêtue d’un habit de voyage masculin, un chapeau aux larges bords dissimulant mon visage et mes cheveux, qui avaient bien repoussé. Avec Aliocha, nous aurions pu être deux frères visitant le monde, fils d’un petit noble craintif qui leur aurait fourni une bonne escorte. De larges capes brunes masquaient l’uniforme noir et or, et les boucliers aux armoiries de la Ronce étaient dissimulés dans les paquetages. Depuis la frontière, nous avions évité tous les bourgs et les villages, ou bien nous les avions traversés de nuit, par petits groupes. Je ne doutais pas que Marishka ne fût informée depuis longtemps de mon arrivée prochaine, peut-être même l’avait-elle su avant mon départ ; mais je ne voulais pour rien au monde qu’il fût jamais dit en Svetlakie que la fille du roi Igor avait bradé sa patrie à ses ennemis jurés contre une couronne scintillante de félonie.
Dans l’embrasement du couchant apparut alors Svetloumine, révélée par les éclairs dorés de son donjon magistral.
« Nous ferons halte ici, si tu veux bien », me murmura Aliocha. « Il fera bientôt nuit. »
La gorge nouée, j’opinai du chef. Je savais que je n’allais pas pouvoir dormir de la nuit. Même le long pansage que j’accordai à Nadievna, aussi méticuleux et attentionné que si ma vie en dépendait, ne parvint pas à apaiser mon coeur troublé.



Epaules crispées, dents serrées. J’essaie de tout relâcher, je me force à respirer, mais mon souffle se bloque. Un étau enserre ma tête, j’ai l’impression que mon cerveau va exploser. Je me concentre, je me relâche encore et encore – et ça recommence. Mon corps n’est qu’un arc tendu à l’extrême. Mais la cible n’est pas encore en vue, je dois attendre, je dois patienter. C’est comme si je portais le monde sur mes épaules. J’aurai beau y mettre toutes mes forces, le poids finira par m’écraser. Et je le sais, et je ne veux pas, je dois y arriver, ce n’est qu’une question de volonté et de patience, je n’ai pas le choix, je dois réussir, il n’est pas envisageable que...



« Si tu peines à t’endormir », me proposa Nadievna qui me connaissait mieux que moi-même, « je ne serais pas contre une petite balade au clair de lune, juste toi et moi, tranquilles, au pas...
- Mais après six journées de marche, tu dois être fatiguée !
- Je vais bien. Demain, c’est toute ta vie qui se joue, petite fille, alors peut-être est-ce le moment de réfléchir sereinement au passé, au présent et à l’avenir. Tu peux encore choisir ta destinée, mais demain... Si tu as besoin de moi, je serai à tes côtés. »




Je me glissai sans bruit hors de ma tente, mais Aliocha était assis devant la sienne ; à la lueur du clair de lune, il caressait Harinordoki.
« Où vas-tu ?
- Je vais marcher un peu avec Nadievna. J’ai besoin de réfléchir. »
Il sauta sur ses pieds.
« S’il te plaît... seule.
- Alors emmène Hari, il te servira d’escorte.
- Et puis ça le rassurera, n’oublie pas qu’il tient beaucoup à toi ! Et avant que tu ne me le demandes, non, je ne suis pas fatigué. »
Le maître et le chien étaient complices, mais je savais qu’il n’y avait pas d’indiscrétion dans leur sollicitude, juste une affection profonde.
Je sortis Nadievna de l’enclos et me glissai doucement sur son dos. Avec elle, comme autrefois avec Zéphyr, je n’ai jamais eu besoin de selle ni de mors. La selle est plus confortable pour les longs trajets, mais nous ne partions qu’en balade. Je lui laissai choisir l’itinéraire, m’en remettant totalement à elle. Ses flancs étaient chauds et sa crinière soyeuse. Le balancement de son pas régulier me berçait tendrement, et je sentais enfin mes muscles se dénouer peu à peu. Un grand soupir spontané me prouva que mon corps se relâchait enfin.
Le passé, le présent, l’avenir.
J’avais quitté Svetloumine presque deux ans auparavant, et ma vie protégée et routinière était devenue une succession d’aventures passionnantes et dangereuses. J’avais cru mourir plusieurs fois, j’avais eu peur, j’avais eu froid, j’avais eu faim. J’avais chevauché un Dragon, parlé à un fantôme, vu une malédiction disparaître – et des hommes mourir. Et puis... Aliocha.
Nous étions revenus à Thornterre, après la mort de son père et celle de son parrain Nicolaï, les deux responsables de la mort de Golgotch. Quoique n’ayant pas d’appétence particulière pour le pouvoir, Aliocha ne pouvait abandonner son peuple alors qu’il était l’héritier légitime du trône. Et gouverner Thornterre était aussi le meilleur moyen d’éviter une nouvelle guerre contre la Svetlakie. Je ne pouvais guère critiquer sa décision, et je résolus de l’aider de mon mieux.
Alexeï de Thorn fut couronné roi non pas dans la salle du Trône, mais sur la grande esplanade devant la citadelle de Thornia, afin que tout le peuple en soit témoin. Le banquet fut gigantesque ; pas d’estrade, pas de places d’honneur, chacun s’asseyait où bon lui semblait. Les cuisiniers avaient transporté plats et casseroles pour s’éviter le trajet depuis le château, et oeuvraient en plein air, aidés spontanément par des marmitons bénévoles. Tout le monde participait au service, même le roi en personne, ce qui fit tousser quelques baronnets fiers et austères. Mal leur en prit : ils furent bannis dès le lendemain.
Vers la fin du jour, quand les ventres furent repus et qu’il fut temps pour chacun de songer au retour, Aliocha sauta sur une table et prononça enfin le discours qu’il n’avait cessé de repousser depuis le matin.
« Mes amis... Chacun de vous a pu voir aujourd’hui qu’on pouvait me parler librement. J’ai écouté tous ceux qui se sont adressés à moi, et il en sera encore ainsi demain et tous les autres jours. Je ne peux pas vous promettre des richesses, des terres fertiles et des esclaves. Notre terre est pauvre, vous le savez, il y pousse plus de ronces que de blé. Et je me refuse d’envoyer à la mort les époux, les fils et les frères, dans des guerres interminables où la moindre conquête se paie au prix du sang. Je vous veux vivants, et je vous veux en paix ! Il est de mon devoir, à la tête de ce royaume, de trouver d’autres débouchés pour les ressources de notre sol et le travail de nos éleveurs et de nos artisans. Je vous promets de m’y employer de toutes mes forces. Comme je vous promets de faire régner l’ordre et la justice. Je veux que nous soyons tous fiers d’être Thornterriens, et que même si nous mangeons plus de gruau que de civets, nous nous endormions chaque soir du sommeil du juste, sans peur et sans remords, avec la satisfaction du travail accompli et la hâte que le soleil se lève sur un nouveau jour de labeur.
Quant à moi, c’est le hasard de ma naissance qui m’a placé ici. Je n’en tire aucune gloire, seulement le sentiment d’une immense responsabilité. Je vous promets de gouverner dans l’espoir que le jour de ma mort, ceux qui me survivront puissent dire que ce hasard fut une chance pour Thornterre, et que, la main sur le coeur, aucun d’entre eux ne puisse jurer devant les Dieux qu’à ma place il aurait fait mieux. Thornterriens, ma fierté, c’est vous, mon ambition, c’est vous, ma force, c’est vous ! »
Les applaudissements firent vibrer le sol comme un tremblement de terre. J’entendis des hommes hurler de joie, j’en vis d’autres qui avaient les larmes aux yeux. Ce tonnerre-là, fait d’espoir et d’allégresse, dura longtemps, jusqu’à la nuit tombée, et son écho se répercuta loin par delà les montagnes.






La tâche qui attendait Aliocha était immense, et il le savait. Il lui fallait d’abord s’entourer de conseillers dévoués et fidèles ; pour la plupart, il les choisit parmi les hommes simples, dont l’honnêteté et la droiture n’avaient jamais été mises en doute. Son Conseil une fois constitué, il me demanda d’y participer. Je lui répondis que je n’y avais pas ma place.
« Alors épouse-moi ! », s’écria-t-il, « et viens prendre auprès de moi ton rôle légitime. »
Je secouai la tête.
« Je souhaite moi aussi que nos deux vies soient unies à jamais. Mais je ne crois pas me tromper en présumant que le peuple de Thornterre acceptera plus volontiers le mariage de son roi avec la reine de Svetlakie, plutôt que son union morganatique avec une princesse exilée. »
Il ouvrit de grands yeux.
« Sonietchka, depuis quand parles-tu comme une politicienne chevronnée ? A moins que... tu ne sois en train de me suggérer », ajouta-t-il les yeux brillants de malice, « que je devrais épouser Marishka ? »
Nous éclatâmes de rire à l’unisson. Et ces rires mêlés furent plus qu’un serment.


Je restai donc dans l’ombre, mais point dans l’inaction. Pendant un an j’avais géré l’intendance du château de Svetloumine. J’avais appris à organiser, diriger, compter. Mais si je m’efforçais de ne point dilapider les ressources, je n’avais pas à me préoccuper de leur provenance. Gérer un Etat était autrement complexe, et rien ne m’y avait préparée. Quant à Aliocha, son père l’avait gardé éloigné des décisions du pouvoir. Aussi, tandis qu’il réfléchissait avec ses conseillers aux moyens de tenir ses promesses, je cherchais dans la grande bibliothèque si quelqu’écrit du passé aurait pu nous venir en aide. Et je trouvai ! Un trésor, un véritable trésor, une mine de sagesse, une méthode de réflexion, des livres et des livres couverts d’une écriture fine et précise tracée par un homme timide et prodigieusement intelligent, qui avait consacré sa vie à servir humblement son pays. Piotr Balienko était le frère de lait du roi Alexeï, le père d’Ivan. Quand le roi avait accédé au trône, il s’était vu confier la trésorerie du royaume ; et à côté de ses livres de comptes, tenus magistralement sans la moindre rature, il avait écrit l’histoire du royaume, jour après jour. Il avait relaté les faits, mais plus encore, il en avait cherché les causes, en avait estimé les conséquences, critiquant lui-même ses conclusions au vu des évènements ultérieurs, affinant ainsi son jugement et offrant à qui voudrait le lire un instrument précieux pour ne pas répéter les erreurs du passé. Il avait poursuivi son oeuvre jusqu’au jour de sa mort, cinq ans auparavant, sans relâche et sans reconnaissance, car si le roi Ivan l’avait confirmé dans sa tâche comptable, il n’avait jamais manifesté la moindre considération ni pour ses écrits, ni pour ses conseils.
Je passais des journées entières à le lire, de l’aube au coucher du soleil. Je n’avais jamais autant lu de ma vie ! J’eus quelque difficulté à convaincre Aliocha de la valeur de ces textes, car Piotr était le père de Nicolaï, le parrain félon qui avait voulu le tuer. Mais mon enthousiasme eut raison de sa méfiance, et plus d’une fois il me demanda si Piotr avait eu un avis sur la question qui le préoccupait. Et le plus souvent, j’avais une réponse !


Les caisses de l’Etat étaient vides. Aliocha fit vendre tous les objets précieux du château, sculptures, tentures, tableaux, argenterie, bijoux... Il fit dessertir les gros diamants de la couronne, la faisant refondre en un simple cercle d’or, que de toute façon il ne portait jamais... Il put ainsi baisser l’impôt des plus pauvres, créer des écoles, des dispensaires, des filatures, ouvrir deux nouvelles mines de fer et lancer de grands travaux pour tracer une route vers la mer et fabriquer des bateaux. Thornterre n’a pas d’accès maritime. Qu’à cela ne tienne ! Il se rendit lui-même, avec une simple escorte de dix hommes, négocier un droit de passage en terre Volnzienne, en échange de l’agrandissement de leur route et de tarifs préférentiels pour nos objets de métal et notre laine.
Il nous arrivait de travailler, ensemble ou séparément, plus de dix-huit heures par jour. Nous nous croisions parfois devant un bol de soupe ou une cuisse de poulet, hébétés de fatigue, les yeux brûlants et la voix rauque – lui surtout : il lui fallait rassembler, expliquer, convaincre... Nous avions à peine la force de nous tenir la main, mais ces quelques instants nous réchauffaient le coeur et nous redonnaient foi et courage.


Aliocha ! Chaque jour je m’émerveillais de son intelligence, de sa détermination, de sa délicatesse, et du respect attentif qu’il manifestait aux autres. Je commençais aussi à découvrir ses défauts, qui me le rendaient plus cher encore. Une opiniâtreté qui pouvait confiner à l’entêtement, l’impatience de
réaliser tous ses projets dans la minute même... et une capacité de travail qui le conduisait parfois à abuser de ses forces, et à épuiser son entourage. Je désirais être sa femme. Je voulais que chaque jour qui se lèverait me trouvât à ses côtés. Je voulais voir le temps passer doucement sur son visage, le voir devenir père, grand-père, bisaïeul, et avoir toujours ma main dans la sienne. Rester dans l’ombre à ses côtés aurait suffi à mon bonheur. Mais il y avait la Svetlakie. Si Marishka avait été une reine juste et magnanime, si mon peuple n’avait pas souffert de sa gouvernance, alors même son illégitimité n’aurait pu me pousser à vouloir la détrôner. Mais comment aurais-je pu ne penser qu’à mon bonheur quand les miens étaient accablés ? J’étais la seule à pouvoir mener ce combat. Cela me répugnait ! Jamais Marishka ne reconnaîtrait sa trahison. Jamais elle ne cèderait sans qu’il n’y eût encore des morts et des blessés. Je ne voulais plus de victimes. Je ne voulais pas que les Svetlakiens puissent penser que j’avais mené Thornterre à leurs portes pour les asservir. Je ne voulais pas que les Thornterriens puissent croire que je les aurais sacrifiés à mon ambition personnelle ! Je voulais réunir les deux royaumes dans la paix et l’harmonie, pour le bien de tous. Je venais d’avoir 17 ans. Et je me disais, tandis que Nadievna marchait toujours d’un pas égal et confiant, que je courais sans doute après un rêve d’enfant et que même avec tout l’amour d’Aliocha et toute ma volonté de bien faire, le fardeau serait trop lourd pour moi.
Que n’étais-je née parmi les gens simples ! Quelques jours plus tôt, après avoir passé la frontière, nous avions fait halte sur les bords de la Kornine, pour abreuver les chevaux. Une frêle enfant avait lavé son linge à la rivière, et elle s’en revenait avec son lourd panier dégoulinant d’eau claire, le pas alourdi encore d’une boiterie de hanche. Aliocha l’avait soulagée de sa charge, et nous l’avions raccompagnée chez elle. Sa mère nous avait offert une tasse de thé, et elle m’avait reconnue.
« Vous êtes vraiment la princesse Sonia ? », s’était exclamée la petite fille. « La reine a mis votre tête à prix, vous accusant d’avoir tué son fiancé et d’avoir voulu l’assassiner. Mais nous, dans le petit peuple, on n’y a pas cru ! Vous êtes revenue ! Nous avons tous beaucoup prié pour que le Donateur vous garde en vie et vous permette de rentrer chez nous ! Pauvre Princesse ! Exilée, orpheline, et menacée par une soeur indigne ! Quelle dure destinée ! »
Elle était sincère.
« Comment peux-tu dire cela, Katia ? Tu vis dans le plus grand dénuement avec tes parents, ta vie est rude et fatigante, et ta boiterie te fait sûrement souffrir. Je ne suis pas la plus à plaindre des deux ! »
Elle avait jeté un regard joyeux vers son père et sa mère, puis elle avait ajouté d’une voix douce, comme on parle à un enfant malade :
« Nous sommes pauvres, mais nous sommes heureux. Nous nous aimons, et nous avons de bons voisins, prêts à nous soutenir comme nous le faisons quand ils sont en peine. Notre chaumière est petite mais la cheminée tire bien, et nous n’avons pas froid l’hiver. En vérité, sans vouloir vous offenser, Princesse, je ne donnerais pas ma vie contre la vôtre. »
Les larmes m’étaient montées aux yeux. Tant de sagesse chez une enfant si jeune ! Pendant un court instant, oubliant la responsabilité qui était mon fardeau et mon honneur, je m’étais prise à l’envier...
Mais baste ! Chacun doit suivre le chemin que le Donateur a tracé pour lui. Le mien me terrifiait, et pourtant je devais y avancer sans frémir, cela n’aurait-il été que pour honorer la mémoire de mes parents disparus. Je ne doutais pas que c’était ce qu’ils auraient voulu.




Aliocha vivait au jour le jour, d’urgence en urgence, sans jamais penser à lui. Et si mon impatience de revenir en Svetlakie commençait à hanter chacune de mes heures, je ne m’étais encore permise que de vagues allusions – que d’ailleurs il n’avait pas relevées. Et puis...
Ce jour là, après une matinée studieuse à lire et relire les manuscrits de Balienko, un mal de tête sournois m’étreignit les tempes. J’avais plus de nausée que d’appétit, et je ressentais une intense fatigue. J’essayai de fermer les yeux, mais mille pensées saugrenues m’empêchaient de goûter le repos, tandis que toutes sortes d’images incongrues se déployaient derrière mes paupières closes. Je traînai ma lassitude jusqu’au pré de Nadievna, et son hennissement joyeux à mon approche me fit pleurer de soulagement. J’étais exténuée, il me fallait bien le reconnaître. Il était temps de faire une pause, sinon je deviendrais inefficace, ou pire encore, désagréable. Je sautai sur le dos de la jument et je partis en balade, vite rejointe par Hari, qui probablement, ne me quittait pas des yeux sans que je m’en aperçoive.
Délaissant la grande route où trop de chariots allaient et venaient (le commerce était en plein essor, et c’était une bénédiction pour Thornterre), nous empruntâmes les petits chemins, coupant parfois à travers champs, où les moutons occupés à brouter levaient à peine le nez pour nous regarder passer. Au pas tranquille de Nadievna, je me remettais à respirer, à humer les senteurs de la terre, ne faisant qu’un avec le vent léger, la terre nourricière, la chaleur du soleil et les vapeurs exhalées de la pluie de la nuit précédente. Je me fondais dans la nature, notre mère à tous, jouissant de chaque sensation, retrouvant le rythme lent et rassurant de la vie. Mon coeur s’apaisait, mon corps retrouvait son aisance et sa liberté. Une joie infinie montait en moi, pure et inaltérable.
Hari se mit à aboyer. J’arrêtai Nadievna. Un miaulement plaintif sortait d’un fourré. Je mis pied à terre. Je découvris alors, tremblant d’épuisement, une chatte isabelle allongée sur le flanc. Je la soulevai, sortis la gourde de mes fontes et lui proposai à boire dans le creux de ma main. La pauvre bête était si fatiguée qu’elle ne pouvait laper que quelques gorgées, reprenant son souffle ensuite pendant plusieurs minutes avant de recommencer. Quand elle eut étanché sa soif, elle se mit à ronronner de reconnaissance et planta dans mes yeux son regard fier. Je sursautai. Des yeux noirs ! Ce chat... J’avais déjà vu ce regard, je le connaissais par coeur, je n’aurais pu l’oublier pour rien au monde...
«Pola ?
- Tu m’as reconnue, petite Sonietchka ! J’en étais sûre !
- Pola ! Mais alors...
- Oui, c’est vrai. Quand tu es partie, Marishka m’a tenue responsable de ton évasion, ce qui, après tout, n’était que l’exacte vérité. Elle m’a fait mettre à mort, mais le soir même, la chatte de Diakine mettait bas... Il m’a reconnue tout de suite. Entre lui et moi... C’est une longue histoire... Notre fidélité inconditionnelle aux Svetlakov nous avait réunis, et... tu as grandi... Entre un homme et une femme, tu dois comprendre... Ce n’était plus pareil, mais nous étions toujours ensemble.... La semaine
dernière, la Reine a décidé de lever une armée, en augmentant encore l’impôt qui torture déjà assez le peuple. Elle veut marcher sur Thornterre, elle veut ta vie ! Diakine a pu s’absenter assez longtemps pour m’amener près de la frontière. Je venais te prévenir... et tu m’as trouvée !
- Ne meurs pas, Pola, je t’en supplie ! Je te ramène au château, je vais te soigner, reste avec moi ! Nous allons rentrer à Svetloumine, tu reverras Diakine, je te le promets, reste avec moi ! »

Jamais Nadievna n’avait galopé aussi vite. Je croisai Aliocha dans le grand hall et ne lui accordai pas un regard. J’installai la chatte dans mon lit et toute la nuit je la nourris de petites bouchées de poisson cuit et de miettes de fromage de chèvre, la faisant boire régulièrement. Au matin, son coeur avait repris un rythme stable, ses flancs n’étaient plus creux et elle respirait paisiblement. Je m’écroulai près d’elle d’un sommeil sans rêve.
Je parlai à Aliocha le jour même. Il ne pouvait pas communiquer avec les animaux, mais parmi ses talents de sorcier il y avait celui de distinguer la vérité du mensonge. Et en outre, il avait confiance en moi.
« Nous partirons demain », me déclara-t-il sobrement. « Mon armée est à toi.
- L’armée restera à la frontière. Je ne veux pas envahir la Svetlakie ! Juste une escorte.
- D’accord, cinquante hommes.
- Vingt. Nous attirerons moins l’attention. »
Il soupira.
« Comme tu veux, mon amour. C’est ton combat. Mais je souffre de ne pouvoir te protéger davantage !
- Tu l’as dit : c’est mon combat. Et si le Donateur estime qu’il est juste, nous vaincrons. »





Il ne restait que quelques heures de marche avant d’atteindre le pied des remparts de Svetloumine. Je savais que Marishka nous attendrait de pied ferme, quelles qu’eussent été nos précautions.
« Je ne veux pas que le sang coule », déclarai-je à Aliocha tandis que nous chevauchions côte à côte. « Nous arriverons par la porte ouest, parce que le bois de Nouriev est juste à côté. Tu m’attendras à couvert avec tes hommes. J’irai seule.
- Tu as perdu l’esprit ? Une seule flèche tirée des remparts et c’en sera fini de toi.
- Ils ne tireront pas. Le peuple est avec moi, tu as entendu ce qu’a dit la petite Katia. Mais s’ils croient que Thornterre vient les attaquer, alors oui... Je t’en prie, écoute-moi. Je parlerai aux soldats. Tous ceux qui m’ont connue ne peuvent pas douter de ma loyauté. »
Je le vis crisper les mâchoires et serrer les poings, tandis que ses yeux lançaient des éclairs de rage. Mais sa voix resta calme et sa réponse pondérée.
« Il en sera fait selon ton désir. »




Le soleil était à son zénith, et une petite brise légère faisait virevolter les premières feuilles jaunies. Nadievna monta son dos et je redressai mes épaules. Nous n’allions pas à la parade mais je devais donner l’apparence d’une future Reine pleine d’assurance. Je contrôlai mon souffle et je m’accordai au balancement souple du pas de mon cheval. « Si le corps est en paix alors l’esprit est libre », me répétait Diakine pendant mes leçons d’équitation. Le dôme du Donjon explosait de lumière, mais les remparts semblaient déserts. La porte ouest était fermée, et aux abords du château, pas âme qui vive, pas un colporteur, pas un paysan, pas de bandes d’enfants se pourchassant à grands cris. On aurait dit que même les oiseaux retenaient leur souffle, tant le silence était profond. Ainsi donc, j’étais attendue. En regardant mieux, il me sembla détecter par moments quelques éclairs fugaces entre les créneaux du chemin de ronde. Marishka avait placé ses soldats. Et alors ? C’était mon peuple.
« Peuple de Svetlakie ! Je viens à vous, seule, telle que je suis partie. Je reviens prendre la place légitime qui est la mienne et vous libérer du joug d’une reine cruelle et traîtresse qui a sans vergogne fait assassiner le roi Igor, la reine Katiouchka et le prince Vlad. C’est une enfant adoptée, voilà pourquoi elle n’a pas le Don des Svetlakov ! Voilà pourquoi elle n’a pas le droit de régner ! Elle a fait changer le trône : le dossier de l’original porte l’inscription « Seulement avec le Don, dans l’honneur du Dragon ». Pourquoi n’y a-t-il plus de Fête du Dragon ? Parce qu’avec ses complices, elle a mis à mort Golgotch, notre fidèle protecteur, insultant sa dépouille en l’utilisant pour vous leurrer. Lui vivant, elle n’aurait jamais pu usurper cette place ! Ce que j’avance, j’en ai les preuves, et je vous les... »
Les portes s’ouvrirent avec fracas, couvrant le son de ma voix, et une troupe de cavaliers armés surgit au grand galop. L’épée au clair, ils se précipitèrent vers moi et m’encerclèrent, s’arrêtant à moins de vingt pas de moi, le visage fermé et les yeux fixes. Montée sur un grand cheval blanc, harnaché luxueusement de satin incrusté de pierres précieuses, vêtue d’une longue robe rouge de la soie la plus brillante, s’avança alors Marishka, le front ceint de la couronne de rubis des Svetlakov. Je me fis la réflexion qu’une telle tenue s’accordait plus à une soirée de bal qu’à une chevauchée guerrière, mais je ne soufflai mot. Les soldats s’écartèrent pour la laisser passer. Un rictus triomphant sur les lèvres, elle m’accueillit ainsi :
« Quelle impudence, petite soeur ! Je ne te savais point tant d’imagination ! Quel sorcier Thornterrien a inventé pour toi toutes ces balivernes ? Ainsi, non contente d’être une meurtrière, tu t’es alliée à nos ennemis jurés pour asservir le peuple qui t’a nourrie !
- Je ne suis pas venue porter la guerre !
- Ah non ? Regardez bien, vous tous, regardez bien ! »
Elle leva le bras, et cent flèches enflammées s’envolèrent dans les airs. Le bois de Nouriev s’embrasa aussitôt, recrachant vingt chevaux affolés montés par des cavaliers aux couleurs de Thornterre. Une clameur indignée s’éleva du château, et tandis que les Svetlakiens faisaient face aux envahisseurs, des volées de flèches s’abattirent sur les arrivants. Mais aucune ne toucha sa cible. Dans un éclair bleu, un dôme transparent s’étendit sur le champ de bataille, où les projectiles rebondirent sans parvenir à le transpercer. Je me souvins alors de ma première rencontre avec Aliocha : il avait plu tout le jour et toute la nuit précédente, et lui était complètement sec !
Le choc était imminent, et ce que je voulais éviter à tout prix allait se réaliser : encore un combat, encore du sang et des larmes. Marishka exhortait ses troupes, et je ne savais que faire.
« Fais-la tomber ! Bats-toi ! Le droit est pour toi ! »
De son propre chef, Nadievna fonça sur le cheval blanc, qui ne put éviter l’impact. J’empoignai ma soeur à bras le corps et nous roulâmes toutes deux à terre.
« Dommage pour la robe ! » m’écriai-je en essayant de la maîtriser. Mais tandis que j’entendais, à travers le fracas des fers croisés la voix d’Aliocha qui me hurlait « Tiens bon ! », je sentis une lame brûlante entamer la chair de mon épaule. Je tentai en vain de désarmer Marishka. Je ne voulais pas la tuer, mais je ne devais pas mourir ! Je me relevai, plus leste qu’elle dans mes habits d’homme, et en enchaînant feintes et esquives, au milieu des piétinements des chevaux et des cris des hommes enragés, je criai silencieusement vers le ciel « Soxtiotch ! Au secours ! » Nadievna bouscula Marishka par derrière et elle perdit son poignard, mais aussitôt elle se jeta sur moi, ses deux mains autour de mon cou, les yeux exorbités de fureur. Je me débattis, sans pouvoir desserrer l’étau mortel qui m’étouffait, et déjà des étoiles filantes dansaient devant mes yeux...
Ce fut un cri stupéfiant, tel que je n’en avais jamais entendu. Un cri de commandement, de colère et de justice, un cri tellement sidérant que chacun se figea d’effroi et de surprise – et Marishka lâcha son étreinte. Les yeux levés nous vîmes tous scintiller dans sa colossale splendeur un immense dragon bleu qui plana au dessus de nous, nous cachant le soleil tant son envergure était gigantesque ; un dragon noir tout aussi majestueux le suivait dans son sillage. Soxtiotch fondit sur le champ de bataille, que tous les combattants désertèrent pêle-mêle sans plus se préoccuper de leur appartenance. Je ne bougeai pas. Le dragon se posa près de moi, l’oeil joyeux et la voix rieuse, et il me dit :
« Grimpe, Sonietchka ! Nous allons leur montrer ! »
Il me tendit son aile pour m’aider, et j’enfourchai son encolure avec ravissement. En un instant il tournoyait déjà au-dessus de la citadelle, et se posa légèrement au sommet de la tour ouest, ses ailes déployées frémissant doucement dans la brise d’automne. Xetiakh continuait de planer dans le ciel pâle.
« A genoux, peuple de Svetlakie ! A genoux, peuple de Thornterre ! Je suis Soxtiotch, fils de Golgotch. Je suis le Dragon des Czerniks, le protecteur de la Svetlakie, et je ne veux plus de guerre sur ce sol ! Souvenez-vous, pauvres humains ! Autrefois, Thornterre et Svetlakie étaient unies sous la même bannière, du temps du roi Vassili et de la reine Natacha. Malheureusement, ils eurent des jumeaux, Dmitri et Fiodor, qui scindèrent en deux le royaume, faute d’avoir pu s’entendre sur le commandement. Dmitri avait des pouvoirs magiques, aussi le Dragon choisit-il de protéger Fiodor et les siens, pour équilibrer les forces. Etait-ce une décision sage ou non, il ne m’appartient pas d’en juger. Mais depuis, une guerre fratricide a sans cesse déchiré les deux peuples. Qui d’entre vous n’a jamais rêvé que ce combat cesse enfin ? Cela a bien failli se produire, de la pire façon qui soit: Marishka a fait alliance avec le roi Ivan, mais c’était un pacte maléfique, qui a conduit à la mort de Golgotch et à celle du roi Igor, de sa femme et de son fils, héritier du Trône. Ma volonté est que Sonia de Svetlakie et Alexeï de Thornterre refondent l’unité originelle, pour que la paix règne à jamais entre les deux frères ennemis. »
Marishka se campa sur ses jambes et telle une aliénée en proie à une hallucination, elle leva un bras devant son front.
« Sorcellerie ! C’est de la sorcellerie ! Il n’y a plus de dragon dans les Czerniks ! Ce que vous voyez n’est qu’une illusion ! Je reconnais bien là la magie de Thornterre ! Par pitié, ne vous laissez point abuser par ces ennemis impitoyables qui nous ont fait tant de mal ! Comment pourriez-vous faire confiance à des Thornterriens ? »
Soxtiotch fronça son sourcil bleu devant le grondement de la foule, sortie sur l’esplanade pour y voir de plus près. Il y avait des femmes, avec leur enfant dans les bras. Il y avait des menuisiers, le tablier encore plein de sciure ; il y avait des boulangers, des tailleurs, le pourpoint hérissé d’épingles ; des forgerons, le visage encore rougi de la chaleur de la forge ; des marchands bedonnants, des nobles chamarrés, des mendiants étiques et des enfants des rues, sales et les pieds nus. Et tous avaient dans le regard une inquiétude muette, une interrogation, un doute, la peur d’une nouvelle souffrance...
O Soxtiotch ! Si jeune et pourtant déjà si sage, et tellement maître de sa force ! Comment pouvait-il comprendre ce que ressentaient les humains, ces créatures faibles et stupides qu’il aurait pu anéantir d’un seul souffle ? Qui lui avait appris la patience et la compassion ? Il s’adressa à eux d’une voix presque douce.
« Vous doutez ! On vous a tellement trompés, on vous a tellement menti que vous ne reconnaissez plus la vérité quand elle se présente. Malgré tout le mal que vous a fait votre reine, vous seriez prêts à la croire tant la délivrance vous semble inespérée ! Mais le don des Svetlakov est de communiquer par la pensée avec les animaux, cela vous le savez, n’est-ce pas ? Le roi Igor le possédait, et son père, et le père de son père... Cela, vous le savez ! Sonia, toi qui peux chevaucher les Dragons parce que tu as su mériter leur confiance, fais coucher les chevaux. Tous. Et garde-les couchés. »
Je lançai un appel mental aux pauvres montures effrayées. Je les rassurai, je les apaisai, et je leur demandai, comme preuve qu’ils m’avaient bien entendue, de se coucher. Ce qu’ils firent aussitôt, au grand étonnement de leurs cavaliers qui n’eurent que le temps de sauter à terre.
« Bien », reprit Soxtiotch. « Et maintenant, Marishka, est-ce que tu peux les relever par la seule pensée ? Ou bien dois-tu reconnaître que tu n’as pas le Don, et que tu n’es pas légitime sur ce trône ? »
Marishka, éperdue, se jeta sur le cheval le plus proche, le prit par la bride, le bourra de coups de pieds, sans que la bête ne bouge. Alors, dans sa folie, elle ramassa une épée tombée à terre et en traversa le corps de Diakine, qui s’effondra. Je criai ma douleur, m’impatientant sur l’encolure de Soxtiotch, mais il ne bougea pas. Il savait mieux que moi. Car Xetiakh fondit sur Marishka, projetant une langue de feu fine comme une épée, qui la frappa de plein fouet.
« Meurs, traîtresse ! Tu as fait assassiner mon mâle bien-aimé, tu as torturé ton peuple, tu n’as répandu que mort et douleur autour de toi ! Meurs et sois maudite à jamais, et que personne ne verse une larme sur ton juste trépas ! »
Il ne resta bientôt sur le sol qu’un petit cercle calciné, dont s’élevait une fumée vaguement teintée de rouge. Soxtiotch prit son envol et se posa près de Diakine. De ses yeux s’écoulèrent quelques larmes qui touchèrent la poitrine de l’homme blessé. Le sang qui coulait à flots se tarit, Diakine se releva, incrédule et vivant ! Puis, m’ayant demandé de mettre pied à terre, il lécha ma plaie qui guérit aussitôt.
« Eh bien », demanda-t-il de la voix goguenarde que je lui connaissais si bien, « sommes-nous une illusion ? Ou croyez-vous enfin que le bonheur soit possible ? »
Jamais le ciel de Svetlakie n’avait résonné d’autant de cris de liesse. Je sentis Aliocha prendre ma main et je me jetai dans ses bras, pleurant à chaudes larmes dans son épaule offerte. Tant de peur, tant de peur, tant de peur ! Et enfin le Donateur nous avait offert la victoire ! Je pourrais vivre encore cent siècles que ce jour resterait à jamais comme le plus beau de tous. Mon peuple m’était revenu et je n’avais plus rien à craindre.


C’est ce jour-là qu’Aliocha et moi avons fondé l’Union, réunion des deux provinces. Et depuis maintenant cinquante ans, nous connaissons la paix et la prospérité. La Fête du Dragon a été rétablie, devenue maintenant la Fête des Dragons, car Soxtiotch a trouvé une femelle, au bout du monde, et notre ciel est rempli de ses fils et de ses filles ! Oh, mes chers petits, je ne me lasse pas de vous raconter cette histoire, comme vous ne vous lassez pas de l’entendre. Mais quels que soient votre vaillance et votre enthousiasme, souvenez-vous toujours que la guerre n’est autre qu’un échec, et que le vrai courage est de préserver la paix à tout prix.
Je vous aime tant ! Allez jouer, maintenant, je dois donner mes ordres en cuisine, sinon ce soir vous n’aurez pas de gâteaux ! Et puis, demain... Cela fera six mois que nous sommes à Thornia, et nous repartons demain pour Svetloumine. Le roi Léonid, mon fils bien-aimé, tient beaucoup à respecter cette tradition, et Aliocha et moi lui en sommes reconnaissants. Allez, marmaille, dispersez-vous, et n’oubliez pas votre leçon d’équitation, ou vous serez privés de dessert !




Narwa Roquen
Narwa Roquen, et deux semaines de bonheur!


  
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3 Le règne du feu. - Maedhros (Mar 28 oct 2014 à 20:25)


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