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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 14 mars 2015 à 12:26:41
UN MOMENT D’EGAREMENT


Le paysage sonore...


La pluie se met à tomber alors que la route traverse une interminable forêt. Les cimes de grands arbres forment une voûte serrée qui cache le ciel étoilé. André est un peu tendu car demain sera un jour important. Il défendra, devant des élus locaux réunis à la sous-préfecture, un projet d’investissement destiné à relancer l’activité sur un territoire durement touché par la crise

L’autoradio diffuse un morceau qui ne lui est pas inconnu. Une musique agréablement rythmée, une mélodie calme et ensoleillée, des voix de miel et des guitares californiennes qui tissent des nappes harmoniques de toute beauté... Bien sûr qu’il reconnaît cette ballade.

Un bip le tire de sa rêverie. Un voyant rouge s’allume sur le tableau de bord, précédant d’inquiétants hoquets venant du moteur. Le volant se met à vibrer entre les mains d’André tandis que le vacarme devient assourdissant. André immobilise la voiture sur le bas-côté. Il grimace. Il lui reste une bonne dizaine de kilomètres pour sortir de la forêt. Dehors, la pluie redouble d’intensité. Son smartphone ne capte aucun réseau. L’autoradio marche encore. Toujours la même chanson. Puis tout s’éteint. Il se retrouve perdu au coeur d’une profonde forêt, dans les ténèbres.

André remarque alors, tout près, une allée forestière qui se perd entre les arbres. Au loin, il distingue un point lumineux. Il attrape son imperméable et sort du véhicule pour se diriger vers la lueur fantomatique qui danse entre les arbres. Ses mocassins font un bruit de succion dans la boue. Quand il lève la tête, l’astre nocturne est invisible.

Au bout de l’allée, il découvre une grande bâtisse dans la pâle clarté délivrée par un maigre luminaire accroché à l’angle de la façade. De lourds volets de bois sont refermés sur les nombreuses fenêtres. André vérifie son smartphone. Toujours pas de réseau.

Il grimpe les quelques marches accédant au perron et cogne du poing une imposante porte d’entrée, renforcée de motifs en fer forgé. Sans bruit, le lourd battant s’efface, libérant une chaude lumière qui enveloppe André.

Il pénètre dans un vaste hall d’accueil. De l’autre côté, derrière un immense comptoir en bois lustré, trône un réceptionniste vêtu d’un uniforme gris sombre. Refermant brutalement un épais registre, il regarde André s’avancer vers lui. La surprise se lit dans ses yeux

« Bonsoir, commence André. Ma voiture est en panne. Est-ce que je pourrais téléphoner ? »

Les yeux du réceptionniste s’arrondissent encore plus encore. Il tapote la couverture de cuir du grand registre avant de répondre :

« Bonsoir monsieur. Cela aurait été avec plaisir mais, malheureusement, nous n’avons pas le téléphone. »
- Pas de téléphone ? Et ça, c’est quoi ? s’étonne André en désignant un antique combiné, tout en cuivre rutilant et vieil ivoire, posé à l’extrémité du comptoir.
- Heu... heu.. ! bredouille le réceptionniste. Oui, celui-là.... En fait, il n’est pas raccordé au réseau téléphonique... il est inutilisable pour appeler l’extérieur! »
- Comment ça pas raccordé? Vous voulez me faire croire qu’il n’y a pas un seul vrai téléphone dans tout l’hôtel ? » sursaute André.
- C’est que, monsieur, ceci n’est pas non plus un hôtel... enfin... pas au sens traditionnel. C’est plutôt un club privé dont l’accès est strictement réservé. Et pour répondre à votre question, non... ceux qui viennent ici n’en ont pas réellement besoin!»
- Mais... mais... j’ai un rendez-vous important demain à la sous-préfecture !» s’alarme André.
- Allons, monsieur ! le rassure le réceptionniste, si vous retournez sur la route, à environ six kilomètres vers la sous-préfecture, vous tomberez sur le «Rendez-vous des chasseurs », un vrai hôtel-restaurant. Vous y trouverez certainement de l’aide ! »

André réfléchit. Six kilomètres, une grosse heure en marchant vite. Il consulte sa montre. Il pourrait y être avant minuit. C’est alors qu’une autre voix, plus grave et plus ferme, l’interrompt dans ses réflexions.

« Il n’en est pas question ! Vous serez notre invité pour cette nuit. Demain matin très tôt, nous trouverons une solution pour que vous soyez à l’heure à votre rendez-vous ! »

En se retournant, André se retrouve nez-à-nez avec un autre personnage, aux tempes grisonnantes et aux yeux lumineux, vêtu d’un uniforme gris souris. Il tient une sorte de canne de cérémonie, au pommeau ciselé et au bout ferré.

«Je vous souhaite le bonsoir, monsieur. Je suis le concierge de cet établissement !
- Mais Monsieur n’est pas... il n’est pas un de nos membres, intervient le réceptionniste. Sa voiture est en panne! Je lui ai conseillé de gagner le Rendez-vous des Chasseurs ...».
- Vous êtes le réceptionniste, le coupe assez sèchement le concierge. Il n’entre dans vos attributions de renseigner les clients ! Je vous rappelle que nous sommes mercredi, jour de fermeture du Rendez-vous des Chasseurs ! »

C’est la douche écossaise pour André. Il interroge encore son smartphone. En vain.
« Est-il possible qu’on puisse m’emmener jusqu’à la sous-préfecture maintenant? » demande-t-il sur un ton où pointe l’impatience.
- Hélas, non ! Mais demain matin, à la première heure, j’attends une livraison. Vous pourrez repartir avec le livreur. Vous serez avant 9 heures à la sous-préfecture. D’ici là, vous vous reposerez gracieusement dans l’une de nos chambres. Qu’en dites-vous ? »

André hausse les épaules en forme d’acquiescement.

« J’ai une valise dans le coffre avec mes effets personnels... » s’inquiète-t-il.
- Je m’en occupe... si vous me donnez les clés de votre voiture. !»

«Très bien, remercie le concierge quand André les lui. Je vous confie notre invité, dit-il au réceptionniste avant de s’éclipser par une porte latérale.

Le réceptionniste, l’air accablé, décroche la dernière clé délicatement ouvragée du grand panneau de bois, en poussant un long soupir :

« Bien, c’est dit. Il reste la 8. Elle est parfaite. Un chasseur viendra vous conduire bientôt! »

Il appuie sur un bouton invisible sous le comptoir. André sent la tension refluer sous son crâne. La perspective d’une bonne nuit de repos est apaisante, finalement, s’il fait fi de l’incongruité de la situation. Plus serein, il se surprend à apprécier le marbre blanc veiné de gris des colonnes qui forment une sorte de péristyle. Il admire les lignes épurées des frises géométriques qui courent sur les murs.

Le hall de réception lui paraît grand, bien plus grand en fait que... mais il chasse cette remarque dérangeante. Le mobilier, canapés et méridiennes, est d’une facture raffinée. Quelques plantes grimpantes encadrent une petite fontaine qui chante au-dessus d’un bassin recouvert d’une mosaïque multicolore aux teintes marines et chatoyantes. André tombe sous le charme suranné qui se dégage des lieux, bercé par la quiétude de l’atmosphère émolliente. Il s’y sent bien. S’il n’était pas attendu demain...

«Monsieur... ! » Le réceptionniste tousse discrètement pour attirer son attention. Ecoutez bien ce que je vais vous dire. Cette nuit, quoi qu’il se passe, quoi que vous entendiez...n’ouvrez pas la porte. Restez dans la chambre. Là, vous ne risquez rien ! »

André s’apprête à répliquer quand un parfum lourd et opiacé flatte ses narines Une femme élancée, à la beauté aérienne, s’approche du comptoir. Les pièces de brocard vaporeux, qui composent son vêtement, volent autour d’elle en épousant la fluidité de son corps et l’élégance de son maintien. Elle est habillée si habilement qu’elle pourrait être nue.

André est fasciné. Il n’a jamais croisé une telle femme. Son visage est un masque impassible et distant qui effleure les objets et les êtres, détails insignifiants et vulgaires. Sur sa gorge satinée, un collier de minuscules feuilles d’or rappelle à André les bijoux sumériens qu’il a contemplés au Grand Palais. L’apparition parvient à sa hauteur. Elle ne lui accorde qu’un seul et impénétrable regard. Avant qu’il ait pu réagir, les paupières soulignées de khôl se sont déjà détournées.

Il est pris d’un irrésistible désir de se jeter à ses pieds. Il pourrait lui offrir son corps et sa vie... devenir son esclave éternel.... Une ombre voile son coeur et la belle inconnue saisit la clé tendue par le réceptionniste. Sans un mot, elle emprunte l’escalier monumental tendu d’une épaisse moquette de velours cramoisi. Elle paraît flotter, tant son pas est aérien et gracieux. Avant de disparaître, elle marque un bref temps d’arrêt et adresse à André un regard dans lequel brûlent sans rémission les mondes et les âmes perdues tandis qu’un sourire énigmatique hante ses lèvres. Puis la magie s’estompe, aussi rapidement qu’un rêve au réveil. Elle n’est plus.

« Monsieur, veuillez suivre le chasseur ! »

Le réceptionniste lui désigne un véritable colosse qui se dirige déjà vers l’escalier. Il emporte une valise qui, dans sa main, paraît ridicule. André n’a aucune peine à le rattraper, tant son pas est lent et pesant.

Ils parviennent au premier palier. Ils s’engagent dans un long couloir. Une lumière spectrale ne parvient pas à dissiper l’obscurité qui s’amasse à son extrémité. Les portes se font face en une interminable enfilade. André essaie vainement de les dénombrer, victime d’une confusion visuelle persistante.

Le chasseur s’arrête devant une porte, identique à toutes les autres. Muet comme une tombe, il tourne la clé dans la serrure et d’un coup d’épaule, pousse l’ouvrant qui gémit sur ses gonds. Il dépose la valise sur le coffre en face du lit, la clé sur la table de chevet et repart sans attendre. André se retrouve seul dans une pièce au décor chaleureux : un grand lit aux draps blancs avec un épais édredon plié au pied, une armoire campagnarde et une table de travail. Quelques toiles égaient les murs tapissés d’un papier peint aux motifs mythologiques. De lourds rideaux protègent une fenêtre aux volets clos. Aucune télévision. Pas de téléphone.

André a connu pire. Finalement, même s’il est un peu dépassé par les évènements, il se décide à profiter de ce qui lui est offert. Et puis, tout à l’heure, cette inconnue à la divine beauté l’a profondément troublé. Un sentiment singulier a laissé une empreinte brûlante dans son esprit. Il s’approche de l’âge où sa vie se prépare à amorcer le commencement d’une descente insensible vers le crépuscule, là où les ombres grandissent sans jamais refluer, là où les choses se retranchent au lieu de s’ajouter.

André ne cesse de repenser à cette madone et à ce qui brillait dans ses yeux quand elle se tenait en haut des escaliers. A cette promesse insensée. Il prend une longue douche bien chaude où il regarde tous ses soucis tourbillonner dans l’eau savonneuse avant de disparaître, avalés par la bonde. En enfilant son peignoir, il se dit que demain est très loin. Il se dit qu’une une vie toute entière peut être vécue avant le matin.

Venant de l’extérieur, résonne le bruit de nombreux pas. Mû par la curiosité, il ouvre doucement la porte et jette un coup d’oeil furtif dans le couloir. Devant lui, un flot humain s’éloigne vers le fond du corridor. Il entend des portes claquer, des dizaines de portes, des centaines de portes, une symphonie incessante de portes se refermant une à une. Comment cet hôtel peut-il posséder autant de chambres ? C’est impossible.

André ouvre alors la porte en grand et assiste, stupéfait, à ce défilé ininterrompu devant le seuil. Certains visages se tournent vers lui. Des visages jeunes et des visages ridés. Des visages d’hommes et des visages de femmes. Il y a aussi des enfants. Tous sont tous enveloppés dans de longues capes sombres qu’ils serrent étroitement. De nombreux chasseurs escortent cette étrange procession. André voit un jeune garçon essayer de rebrousser chemin. Il paraît crier mais aucun son ne sort de sa bouche. Il remonte difficilement la file quand un chasseur lui bloque le passage et le repousse sans ménagement avec une canne semblable à celle du concierge. Un arc électrique fuse au bout ferré de la canne et le jeune garçon se tord de douleur. Le chasseur attend, immobile. Résigné, le jeune garçon rejoint le flux humain. Quand il passe devant André, il lui décoche un regard où se lisent à la fois la terreur et la douleur.

André est bouleversé. Il va pour apostropher le chasseur quand un sinueux mouvement de la canne l’en dissuade. Le chasseur s’approche de lui, lentement, pesamment. André lui claque la porte au nez. Ici, il ne risque rien, se rappelle-t-il.

Son coeur s’arrête dans sa poitrine quand il découvre la forme humaine cachée sous le drap.


Son esprit est en déroute, ébranlé par ce qu’il a vu dans le couloir. A-t-il franchi la mystérieuse frontière qui sépare les mondes ? Est-il mort dans l’accident de sa voiture ? Tout ceci n’est-il que le fruit de liaisons chimiques en décomposition ? C’est ça, c’est sûrement ça... il a été victime d’un accident de voiture. Il est mort ou dans le coma. C’est la seule explication rationnelle qu’il trouve pour expliquer ce qu’il est en train de vivre. Pour expliquer ce rêve, ou plutôt ce cauchemar. Il n’y aura aucune aube qui se lèvera demain matin. Tout lui paraît futile et vain.

C’est à ce moment que les draps se soulèvent et qu’elle apparaît.

Elle est encore plus belle que dans son souvenir. Toutes ses idées funestes se dissipent instantanément. Un soleil radieux illumine sa chambre, repoussant le vulgaire et l’obscur. Elle se redresse et ses cheveux sont une sombre vibration qui ondule sur ses épaules dénudées. Elle attache ses regards aux siens et il lui appartient. Elle représente en cet instant la somme improbable de ses rêves les plus fous. Le drap malicieux est tombé sur ses hanches, découvrant sa poitrine qui se soulève doucement, appelant la caresse et l’oubli.

André est captivé par le magnétisme qui se dégage de cette femme à la beauté surhumaine, miraculeuse, interdite. Sa peau est une invitation au voyage sensuel. Il sent une boule de feu croître au creux de ses reins, empourprant ses joues. Intimement, il la reconnaît. Quelque chose gronde au plus profond de ses os, le long de sa moelle épinière. Quelque chose se tord pour se libérer, qui naît de sa part d’ombre, qui ne demande qu’à inonder ses veines et qui rend douloureusement sensible la moindre fibre de son âme.

Dans les yeux de l’inconnue brûle un brasier dans lequel une partie de ce qu’il est aspire à plonger. La sublime apparition lui tend ses bras où dansent des bracelets d’or et d’argent, ballet hypnotique et païen. Elle lui sourit et ses dents sont d’une blancheur presque insoutenable dans leur écrin pourpre et frémissant. Pour André, c’est la femme éternelle, la source de toute vie, c’est évident.

Il fait un pas en avant. La pression s’accentue, plus organique, plus viscérale. Il est irrémédiablement drainé cette mystérieuse déesse envahit l’espace et le réel. Plus rien n’existe à part elle. La chambre a disparu autour de lui. Elle est terriblement présente, s’engouffre dans chacun de ses pores, devenant essentielle, littéralement. Il ne désire que se blottir entre ses bras d’albâtre et caresser ces seins aux proportions gigantesques. Il est hypnotisé par les fulgurances vertes et fauves qui s'allument au fond de ses prunelles; qui lui promettent...oh qui lui promettent une luxure infinie et éternelle... L’univers se réduit à ses yeux et à son corps. Alors il fait un autre pas...

Une infime partie de sa conscience résiste encore, s’arc-boutant sur la chanson qui l’a poursuivi jusque là. Mais il n’écoute pas cette toute petite voix qui lui conseille de fuir, pendant qu’il en est encore temps, cet endroit maléfique où l’enfer ouvre ses portes. Trop tard, il abdique. Il fait le dernier pas. Les bras du monstre se referment sur lui et son baiser sur ses lèvres scelle son destin.

Confondant, non?

M

(WA initiale : WA 55)


  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-05-04 23:17:32 

 Commentaire Maedhros, exercice n°139Détails
Bel effort de concision! De 9 pages et demie, on passe à 5... Tu as drastiquement coupé dans les détails, et c'est appréciable, surtout pour le début qui était inutilement prolixe. Tu as gardé presque intégralement les dialogues, qui ne méritaient pas moins. Le texte se retrouve allégé et raffermi, et c'était le but de l'exercice, que tu as donc parfaitement réussi. L'effort de concision est parfois douloureux et toujours chronophage, mais il est toujours payant.

Bricoles:
- une allée forestière qui se perd entre les arbres. Deux lignes plus loin : "entre les arbres"
- "Très bien", remercie le concierge quand André les lui. Tend, je suppose
- (déjà dans la 1° version): sa vie se prépare à amorcer le commencement d'une descente: ça donne l'impression de tourner autour du pot...
- là où les choses se retranchent au lieu de s'ajouter: c'est toujours aussi joli...


Quelques changements, cependant, m'interpellent:
- les 3 km pour aller jusqu'à l'hôtel le plus proche sont devenus 6
- l'atmosphère apaisante est devenue "émolliente", terme de dermatologie qui m'a laissée perplexe
- irrémédiablement attiré est devenu "drainé": je ne suis pas sûre de préférer
- la chanson a disparu, même si elle est dans la bande-son; c'est un peu dommage. Les allusions au début ne sont déchiffrables que pour ceux qui la connaissent par coeur...

Allez, je pinaille! Tu as bien travaillé, et tu as les félicitations du jury!
Narwa Roquen, can never leave...

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