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De : Narwa Roquen Date : Mardi 24 mars 2015 à 23:25:04 | ||
C’est un texte puissant, rageur, douloureux, intelligent. On n’en sort pas indemne. La première partie est suffocante, la deuxième écoeurante, la conjonction des deux nous fait mal au ventre. Je dirais que tu joues à merveille sur le registre des émotions si ton texte ne ressemblait pas tant à un grand cri du coeur, un hurlement désespéré maquillé par une consigne de WA. Le talent est une chose, et le tien est indéniable. Mais qu’on ne me dise pas que la littérature n’est qu’une affaire de mots. C’est avant tout une histoire de tripes. J’aime bien « les portes vitrées se dérobent à mon approche, mes jambes aussi », « des oiseaux effrayés qui s’envolent en tous sens », « toute de rides vêtue », « assise comme on attend un train », et puis « ma secrétaire d’Etat la couvre de miel, la salade ne passe pas ». Ah l’interview de JJB, un vrai moment de bonheur ! J’adore ce type. Il bosse dur, et il a l’air intègre. Félicitations pour la langue de bois, plus vraie que nature. Un vrai discours politique, drapé de bonnes intentions apparentes, creux et redondant, rejetant la faute sur les autres et s’enorgueillissant de vaines promesses... Mais un petit détail cependant : JJB n’interpelle jamais ses invités par leur titre. Il les appelle par leur nom. Même notre Président élu a été nommé « François Hollande » et jamais « Monsieur le Président ». C’est une liberté de langage qui peut en choquer certains, mais c’est sa marque de fabrique. Les deux parties sont aussi antagonistes que complémentaires. Dans la première, l’émotion pure, la souffrance, la révolte, le désespoir ; dans la seconde, l’arrivisme, l’indifférence, la froideur intellectuelle. C’est d’ailleurs un morceau de bravoure dont je n’aurais pas été capable. Tu décris très bien l’infinie distance qui sépare les gens de pouvoir de la réalité du quotidien. Ils manipulent les mots et les chiffres à mille lieues de la douleur des gens d’en bas. Tout est codifié : les sourires, les phrases, les colères, les caresses dans le dos... et tout est déshumanisé. Est-ce que ces puissants se demandent parfois pourquoi ils travaillent ? A part pour être réélu ou re-nommé... Comment cette femme pourrait-elle être sensible aux malheurs de ses concitoyens quand elle ne peut même pas entendre la souffrance de sa propre fille ? Bricoles : - Ils ont été installés là, alignés, bêtement les uns à côté... : j’enlèverais la virgule après alignés - Pour aucune raison : sans aucune raison - Dans le paragraphe « J’ai encaissé... » , c’est vrai que tu passes du passé composé au plus-que-parfait et réciproquement. Mais il me semble que cela reflète l’émotion extrême de la narratrice, sans doute aussi contaminée par la confusion mentale de sa mère. C’est un peu chaotique, mais ça peut passer pour un effet de style et personnellement ça ne me gêne pas. J’ai essayé de le réécrire, et je trouve que ça perd de sa force. - Elle les a toujours gardé courts : gardés - Elle a l’air désolée : désolé ou désolée, les deux se dient ou se disent. J’y mettrais même une nuance. Celle qui a l’air désolée est probablement plus sincère que celle qui n’a que l’air désolé. - Mon équipe de fourmis en costards : costard Ce n’est pas ton texte qui est cruel, c’est la vie qui l’est. Du moins celle que notre société nous propose. Nous en sommes tous responsables. L’écrivain peut aussi être un lanceur d’alerte, et c’est tout à son honneur. Victor Hugo, Emile Zola, l’ont fait avant toi. Il a fallu des milliers et des milliers de pages, mais la France a supprimé le bagne, puis la peine de mort et a lancé après la guerre de 45 une politique sociale... qui est en pleine régression... Je souhaite que d’autres que toi apportent leur pierre à l’édifice pour que notre société retrouve le sens du respect de l’Autre. Merci pour ce texte terrifiant et salutaire. Narwa Roquen, désolée pour l'attente! Ce message a été lu 6444 fois | ||
Réponses à ce message : |
4 Merci :-) - Elemmirë (Mer 25 mar 2015 à 12:03) |