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 WA, exercice n°142 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 21 mai 2015 à 22:24:01
Notre belle langue française est souvent malmenée, et je ne parle pas de cancres collégiens ou d’adolescents rappeurs. Je parle d’adultes, journalistes pour la plupart, et journalistes sportifs en particulier, sévissant quotidiennement sur les ondes. Dans un moment d’indulgence, on parlera de lapsus (lapsi ?), mais si l’on est de mauvaise humeur on les appellera des grosses bourdes. Des exemples ? Je les ai tous entendus. « Naviguer par monts et par vaux. » « Ils disent tout haut ce que peu de gens pensent ». « Ils ont réussi à dégoupiller le conflit » (lapsus pour désamorcer, selon le contexte). « On n’est pas sorti de la berge » (extrait de l’excellent sketch de Gad Elmaleh, « l’agent immobilier », qui regorge de ces petites perles).
Je vous propose d’écrire un texte où vous insèrerez un certains nombres de ces expressions détournées, maltraitées ou perverties, dans le genre et sur le thème de votre choix. Vous pouvez les compiler en écoutant la radio, ou les inventer au gré de votre imagination. Vous avez quatre semaines, jusqu’au jeudi 18 juin, le jour de l’appel.
Ouvrez grand vos oreilles et amusez-vous, pour la plus grande joie de vos lecteurs !
Narwa Roquen, tempus fugit!


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-07-12 10:04:39 

 WA - Participation exercice n°142Détails
TABLE DE MATIERE


bande-son

Tout part à vélo, ces temps-ci. Il est vain de croire que la grande boucle apportera une réponse structurée à la question qui hante les hommes depuis la nuit des temps. Elle porte en elle sa propre contradiction. La boucle ne revient-elle pas à son point de départ, au contraire du Tour de France ? Suis-je ce que mon passé a fait de moi ? Telle est la question qui m’est posée. Certes, je pourrais parler de Kant, de Bourdieu et évidemment de Sartre, qui avait tout compris puisqu’il nous a condamnés à être libres ! Mais je suis de la génération Kanterbrau et de Jean-Jacques Bourdin. Quant à Sartre, je ne veux pas me salir les mains avec lui. La Grèce fait défaut et mes auteurs favoris disparaissent dans les livres comptables des technocrates bruxellois. Suis-je ce que mon passé a fait de moi ? Où se sont enfuis Thucydide et Platon, Socrate et Euripide, Eschyle et Sophocle, Aristophane et Homère, le divin ? Auraient-ils payé leurs impôts et leurs taxes s’ils vivaient aujourd’hui, et auraient-ils vendu l’Acropole à la découpe ? Quand on confond les héros des Thermopyles avec les milliards d’euros qui manquent dans les caisses, j’ai l’impression que le passé fout le camping. C’est la saison qui veut ça. Les alignements de toiles sur le littoral en été sont la preuve incontestable que quelque chose est pourri dans le beau royaume de France.

Qu’est-ce que le passé quand le présent n’a même plus le temps de s’écrire ? L’Histoire est têtue et nous n’apprenons pas. A chaque carrefour, nous empruntons les mêmes fausses routes, tête baissée, poussés par un sentiment d’exaltation incontrôlable. Les paysages sont identiques mais nous faisons comme si nous les découvrions pour la première fois. Les sinistres potences sont visibles sur les collines, comme les charognards qui en montent la garde. Peut-on réfléchir à tête déposée ? Avant, il y eut le fil d’Ariane, et il permit de sortir du labyrinthe. Maintenant, il y a des fils de discussions, qui sont autant de salmigondis de poncifs et de lieux-communs, d’idées à la mode et de raisonnements à l’emporte-pièce. Macluhan avait vu juste mais il s’est arrêté en chemin. Le message est, tout simplement, comme la lumière fut. Dis-moi ce que tu postes et je te dirai qui tu es. Nous avions dépassé le clanisme et les chapelles, mais voilà que les tribus se reforment en flash ou en java. Des tribus prêtes à entrer en guerre à la moindre goutte d’eau mettant le feu aux poudres. Suis-je le réceptacle de comportements prédéterminés par mon origine sociale, ethnique, religieuse et géographique ? Ou ne suis-je que l’instrument docile de gènes égoïstes ? C’est fascinant de réfléchir deux secondes à l’obstination dont font preuve ces survivants qui peuplent la double hélice.

Qu’est-ce que le passé pour moi, quand je fuis en avant sans jamais m’arrêter ? De ma jeunesse, je conserve quelques vagues souvenirs. Des photos jaunies et des bobines de pellicule super-huit qui racontent des bouts de mon histoire. Je danse devant un sapin de Noël en découvrant la boîte posée sur mes pantoufles. Je cours sur le sable d’une plage espagnole. Je boude pendant le pique-nique au milieu d'une prairie qui descend vers un grand lac. Je souris à la caméra. Est-ce moi ? Sans doute. Ma mémoire me joue des tours ces temps-ci, comme une vieille bande magnétique tressaute dans le lecteur de cassettes. Je n’arrive pas à me convaincre que la sentence est prononcée par des juges qui me suivent en silence. Je suis en liberté conditionnelle puisque mes actes sont dictés par des fantômes dont je fais partie et qui sont, à chaque instant, renouvelés. Vous voyez, malgré moi, je rends à César ce qui appartient à Sartre. La nature humaine est-elle à ce point prédictible alors que nous sommes constitués de particules qui n’émergent dans la réalité qu’au moment où elles sont invoquées ?

Serai-je donc vraiment réel qu’une fois étendu sur le marbre de la morgue, lorsque tous mes processus seront à jamais figés dans la rigidité cadavérique?

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2016-10-02 22:02:52 

 Commentaire Maedhros, WA n°142Détails
Ouaououhhh... Ca décoiffe ! Un moment de mauvaise humeur, un café froid ( ou plus de café), une petite déprime saisonnière... ou un rappel brutal que nous ne sommes que de passage ?
La bande son est magnifique, mais Goldman l’a dit aussi « le temps qui passe ne guérit de rien, Natacha... » D’ailleurs, pourquoi vouloir guérir à tout prix de notre passé ? Je sais, Dolto a dit « le passé en nous est à tuer » ; mais l’Aiglon lui répond :
« ...Votre Excellence veut, n’est-ce pas, qu’effaçant
Cette tache de ciel, cette tache de sang
Et n’ayant plus aux mains qu’un linge sans mémoire
J’offre à la Liberté ce linceul dérisoire ? »

Cela se rapproche de la Voie ( voix) Goldman (encore ?) :
« On prendra les froids, les brûlures en face
On interdira les tiédeurs... »

Malgré tout, il est bon de temps en temps de faire un peu le ménage dans ses placards ; jeter les cadavres périmés, garder ces moments de joie intense qui sont toujours aussi forts quand on les revit en pensée. Jeter les si et les mais et les peut-être qui polluent autant que les fumées chimiques. Garder l’émerveillement de l’instant présent, qui est notre seule richesse, parce que, pour citer encore Dolto : « tant qu’on est vivant, on n’est pas mort » .

Tu as convoqué plein de beau monde, en omettant pourtant le « gai savoir » de Nietzsche, et le lâcher prise du Tao, qui rejette l’ego comme une construction mentale perturbatrice et prône la fusion au Grand Tout comme chemin privilégié vers la compassion. Entre autres...

Bricoles :
- De la génération Kanterbrau et de JJB : et JJB
- Serai-je donc : ne serai-je donc

J’ai adoré « la... goutte d’eau mettant le feu aux poudres »...

J’ai pris ton texte comme un coup de poing dans la figure. Je me suis dit : « Qu’est-ce qu’on peut écrire après ça ? »
Et puis, tout compte fait, ça m’a donné une pêche d’enfer et j’ai tout laissé tomber pour te répondre. Il y a assez de gens qui meurent comme ça, et certains sans le savoir. Alors « Get up, stand up »...
Narwa Roquen, 394 lectures et pas un commentaire? Dégonflés!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-11-15 09:58:17 

 WA 142 Maedhros : commentaireDétails
C'est mignon le début. Tes expressions malmenées mettent une touche de surréalisme dans ton texte.
Leur accumulation vers la moitié du texte rend le propos un peu confus, je trouve.
Au final, je ne sais pas trop quoi dire de ce texte. Il est habilement écrit et aborde quelques problèmes bien contemporains mais il me laisse comme une sensation d'inachevé...

Est', plus que quatre quatrains.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2016-11-21 20:13:07 

 Le discours de la méthode.Détails
Merci pour ta lecture.

Ce texte fut ramassé à la croisée des chemins : l'été approchait et les braves lycéens en avaient terminé avec la redoutable épreuve de philo, le Juge de Paix de nos éternelles humanités.

L'un des sujets proposés au BAC L philos en 2015 à nos chères têtes blondes (mais bien faites, cependant), avait été : "Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?".

J'ai écouté les vibrations.... pour le reste! (merci les Beach Boys)

M

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