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 Répondre à : WA - Participation exercice n°151 (part 1/2) 
De : Maedhros  Ecrire à <a class=sign href=\'../faeriens/?ID=196\'>Maedhros</a>
Date : Dimanche 5 fevrier 2017 à 20:30:04
LA CONVICTION DU PECHEUR


Une Odyssée Hégélienne


Partie 2 - La dernière planète simple à l'est de l'univers


La bande-son

Entourés par un feu de Saint Elme, ils réapparurent au centre d'une vaste salle circulaire aux parois de roche lisse où une multitude de cristaux enchâssés renvoyait de brefs incendies aux flammes verdâtres. Lew leva la tête pour embrasser du regard, loin au-dessus de lui, la voûte d'une majestueuse coupole géodésique. Chacun des hexagones qui la composaient semblait une fenêtre ouverte où brillaient, comme épinglées sur l'écrin sombre de l'espace, toutes les étoiles de l'univers. Lew refréna la nostalgie familière qui montait en lui. Il remarqua plusieurs polygones contigus plongés dans le noir, telle une poignée de pixels éteints. Le sol de la rotonde était recouvert de larges dalles octogonales qui formaient à l'évidence un motif que Lew ne parvint pas à déchiffrer. Il lui aurait fallu pour cela des ailes et s'envoler jusqu'au lanternon à colonnettes qui surmontait la coupole. Une lumière froide descendait des cintres. Lew s'aperçut qu'elle ne projetait aucune ombre.

Théokéno patienta, se contentant de sourire devant l'étonnement de Lew qui sifflait entre ses dents sans même s'en rendre compte.

"Fichtre, c'est beau!" finit par lâcher Lew avec un geste ample du bras qui englobait toute la salle. Cette géode est parfaite.

- Ce n'est qu'un hall d'accueil, protesta Théokéno qui poursuivit avec gravité. Qu'est-ce que la beauté à l'échelle de l'univers? Les canons du Beau ne sont pas forcément les plus partagés. Ce qui te semble beau l'est-il pour tous? Est-ce que la beauté s'impose comme un principe universel? C'est une question qui habite notre pensée depuis des éons et nous ne parvenons toujours pas à trouver la bonne réponse. Regarde, Lew, tu dis que cette géode est belle. Peux-tu me dire pourquoi?"

Cette conversation ramena Lew longtemps en arrière, quand lui et Théokéno cheminaient au milieu des jardins suspendus d'Europe, la sixième lune jovienne. Au cours de ces promenades hebdomadaires, ils abordaient les sujets les plus variés, souvent anodins, parfois polémiques. L'émissaire des étoiles ne se départait jamais d'une patience bienveillante et d'un calme olympien qui avaient le don d'exaspérer Lew. Impulsif, il donnait alors des coups de botte dans le béton qui galbait les allées, pour libérer la frustration accumulée. Il était toujours le seul à s'énerver, ce qui rajoutait à son agacement.

Lew fronça les sourcils, sentant bien le piège sous les propos du Veilleur. Il y avait toujours un piège derrière leur banalité apparente. Qui plus est, Lew détestait la philosophie.

"Je ne sais trop quoi dire... il y a d'abord la pureté des lignes et des formes qui naît de la symétrie. Je trouve que ses proportions sont idéales tant elles sont harmonieuses. Et puis, malgré ses dimensions, elle dégage une telle impression de légèreté, comme si elle n'était qu'une construction de bulles de savon flottant au-dessus de la pierre et non une structure métallique en nid d'abeilles. Elle semble vraiment aérienne. Je n'ai aucune compétence en architecture, mais je ne crois pas que les hommes aient la capacité d'atteindre un tel degré de perfection. Ensuite, on a la sensation d'être propulsé vers l'espace, comme si cette salle était au sommet d'une incroyable montagne émergeant au-dessus de l’atmosphère de la planète. J'ai l'impression que si je donnais avec mon talon une toute petite impulsion, je filerais droit au coeur du cosmos..."

Lew s'interrompit et éclata de rire.

"Vous m'avez encore eu... Europe est bien loin d'ici, Théokéno, mais vous avez réussi à m'embobiner une nouvelle fois. Quel ramassis de lieux communs, n'est-ce pas? Mais peut-être que je ne pense qu'en termes de lieux communs! Les limites de mon intelligence sans doute. Je suis un militaire de formation, pas un de vos... comment les appeliez-vous déjà? Oui, un de vos esthéticiens pré-archaïques favoris!"

Théokéno sourit :

"Les péripatéticiens n'étaient qu'une poignée de promeneurs avisés qui devinrent à la fin qu'une bande de commentateurs autocentrés radotant une révélation de plus en plus floue. C'est comme si toi, en regardant l'éclat d'une nova, tu pensais l’événement contemporain. Dans le fatras poussiéreux de leurs thèses, inhérent à leur connaissance limitée de ce qui les entourait réellement, je ne retiens de ces doux rêveurs que l'intellect agent, cette supposée partie de votre âme qui serait d'essence divine et réellement éternelle. Non, nous deux n'étions que d'inoffensifs promeneurs cherchant à tuer le temps en devisant sur le tout et le rien pendant la construction d'un grand vaisseau par-delà le dôme européen. Pourtant vois-tu, cette géode qui te semble parfaite est bâtie sur un mensonge habilement camouflé. N'importe quel étudiant en géométrie t'affirmerait, sur la foi de la seule règle d'Euler, qu'il est impossible d'ériger une telle structure en utilisant uniquement des hexagones. Si tu cherchais bien, tu trouverais six pentagones placés aux sommets de l'icosaèdre initial. Et, pour finir de ruiner ton bel émerveillement, il y a une flétrissure bien visible qui altère la splendeur de la voûte étoilée, mais tu l'avais remarquée non?"

- Un défaut d'alimentation ou bien une synchronisation défaillante, je dirais? proposa Lew.

- Non, nos équipements ne connaissent aucun dysfonctionnement. Je ne vais pas te révéler tout de suite l'origine de cette flétrissure. Il y a tant de choses plus intéressantes à découvrir pour toi en ce moment et plus encore d’interrogations qui te brûlent les lèvres, je me trompe?"

Ces mots agirent comme une formule magique qui brisa le sortilège. Lew recouvra toute sa lucidité et les questions qui l'avaient assailli se bousculèrent à nouveau dans son esprit.

" La bataille a-t-elle eu lieu? L'Empire est-il sauf? Ma...famille...mes amis...ma planète...? Les mots se bousculaient dans la bouche de Lew. Qui a désactivé mon vaisseau ? Et pourquoi ? Est-ce que je pourrai un jour repartir d’ici ? Si vous êtes-là, avez-vous une part de responsabilité dans ce qui m’arrive ?

Théokéno resta impassible mais le long bâton oscilla dans sa main. Cela n'échappa pas à Lew qui sentit son coeur cesser de battre. L'air lui manqua. Même s'il avait cru se préparer à cette éventualité durant les phases de veille de son interminable périple, il comprit que ses efforts n'avaient servi à rien.

L'émissaire céleste fronça les sourcils et inspira longuement. Son regard se porta au-dessus de l'épaule de Lew comme s'il s'attendait à recevoir l'aide opportune de la Providence.

« Il n’y a rien que je puisse dire qui infirmera ou confirmera tes craintes, mon jeune ami ! Sur cette planète, nous sommes simplement retranchés du cours du temps et des événements. La bataille, ah oui, la bataille que nous vous avions annoncée, les préparatifs, l’appel aux armes et les drapeaux levés sur le front des légions. Oui, je me rappelle la ferveur qui animait les interminables rangs de guerriers descendant les avenues bondées de patriotes. Oui, je revois les visages en feu des tribuns qui se succédaient sur les estrades, face caméra, et qui haranguaient les foules traversées de mouvements organiques. Est-ce de cela dont tu veux que je te parle ? Ont-ils agi avec honneur et vaillance quand les Mange-Mondes ont déferlé sur leurs positions le long de la ceinture d’Orion ? Les glorieuses escadres terriennes ont-elles repoussé les assauts de ceux que rien n’arrête ? L’homme a-t-il terrassé l’animal ? Les Anges ont-ils eu raison des Démons ? Le Bien a-t-il vaincu le Mal ? Ou est-ce que la digue s’est rompue, débordée, fracassée par le flot tumultueux? Les lumières se sont-elles éteintes au fur et à mesure que les ténèbres recouvraient l’Empire ? Je ne peux répondre à ces questions, mon jeune ami, même si j’en connaissais les réponses. En fait, il n’y a qu’une unique réponse.. que je ne peux te dévoiler. Toi, et toi seul, détiens la clé de cette énigme. Je ne suis qu’un messager et tout messager a un maître auquel il doit rendre compte. Alors, au nom de la proximité que nous partageâmes, là-bas, près de Jupiter, durant un trop court instant, je te supplie d’écouter mon conseil. Je ne le répéterai pas. Tu vas devoir emprunter un chemin étroit et escarpé. Un faux pas et tout ce qui a été bâti s’écroulera encore et encore. Je ne parle pas de ton Empire. Je ne parle pas de ton foyer ou de tes amis. Je ne parle pas de l’immortalité de ton âme. Je ne te parle même pas du Bien ou du Mal. Ces notions appartiennent aux philosophes et aux fous. Je suis un modeste messager qui obéit à un dessein qui nous dépasse tous, qui existait déjà lorsque ton lointain ancêtre a appliqué un doigt maculé sur la voûte de la caverne pour y dessiner des formes familières. Il existait déjà bien avant que ton soleil ne commence à briller et que ses planètes n’entament leur ballet autour de lui. Il y a une loi plus ancienne, plus sombre, plus terrible, née à l’instant même du commencement. Elle assujettit chaque atome de l’Univers. C’est contre elle que nous luttons depuis des éternités. Sache bien que je ne suis ni juge ni bourreau. Moi et les miens, nous avançons et en cela déjà nous contrevenons à son commandement. Aussi je te souhaite bonne chance, mon jeune ami! »

Lew sursauta quand, dans un éclair de lumière, Théokéno s’évanouit dans l’air, laissant derrière lui flotter d'ultimes paroles :

« Souviens-toi de nos conversations et tu trouveras le chemin qui te délivrera de tes doutes. N’oublie pas ! »

Lew s’interrogeait encore sur la signification de cet avertissement quand tout ce qui l’entourait se mit soudain à tanguer. Il fut happé par un maelström surgi du néant.

X X X


Xael'ling rabattit les élytres sur ses ailes moirées et translucides. Ses yeux à facettes renvoyaient mille reflets identiques des parois de roche brute qui s'élevaient à la verticale de part et d'autre. Elles formaient un étroit canyon dans lequel la Kaeliferane s'était engagée. Elle n'arrêtait pas de trembler, cherchant en vain le réconfort de l'essaim qui lui manquait. Ses mandibules barbelées s'agitaient sous un labre argenté tandis que ses antennes aristées frémissaient en tous sens, en quête d'informations. Ses mémoires immédiates étaient encore surchargées des toutes dernières séquences du vol qui l’avait amenée là. A la sortie d’un saut routinier, ses instruments de bord n’avaient pu identifier les constellations qui peuplaient l’espace autour du chasseur foudre.

En revanche, ils eurent à peine le temps de calculer une trajectoire d’évitement pour échapper à un danger bien plus grand qui était tapi non loin. Mais à la vitesse où évoluait le fringuant chasseur de Xael’ling, la correction de vol avait causé des dommages critiques à l'appareil, entraînant un atterrissage catastrophique. Les flammes avaient contraint Xael'ling à fuir et l'explosion des réservoirs avait ruiné ses espoirs de récupérer quoi que ce soit d'utile. Un paysage désolé l'entourait à perte de vue et cette vision l'avait plongée dans le désarroi. Elle était seule et vulnérable sur une planète étrangère. Les évents de son système respiratoire, munis de filtres cellulaires hautement capacitifs, lui assuraient néanmoins sa survie. Cette caractéristique génétique avait permis à la civilisation kaeliferane de se lancer à la conquête des étoiles quand les ressources naturelles de son monde originel avaient été totalement épuisées.

Mais elle avait vu le monstre qui occultait la lumière, là-haut dans l'espace. Elle se savait condamnée, comme cette maudite planète et tout ce qu’elle contenait. L’horizon était trop proche.

Xael’ling était loin de l’essaim. Elle ne percevait aucun contact. Le désert était rempli de bruits étranges qui désorientaient ses délicats organes sensoriels. Elle tentait de se protéger de la chaleur en cheminant à l’ombre du rocher. Elle se vit si pitoyable qu’elle en suffoqua de dépit. Ses antennes, la fierté de sa caste, se dressèrent vivement, en signe de défi. N’était-elle pas née dans les champs consacrés aux guerrières ? N’était-elle pas née pour protéger l’Essaim, durant son éternelle migration, de tous les dangers qui en menaçait l’intégrité ? Décorée des plus prestigieuses distinctions, n’était-elle pas la fierté de tous les Kaeliferans ?

Quand elle déboucha du canyon, les dunes succédaient toujours aux dunes. Elle sentit sa toute fraîche résolution se lézarder. A l’aide de ses fragiles et précieux appendices sensoriels, elle sonda les champs d’énergie qui crépitaient devant elle, vagues fluctuantes que son système cognitif décodait en informations compréhensibles mais désespérantes. Elle commençait de se décourager quand une légère oscillation au loin attira son attention. La perturbation était manifestement artificielle.

Au point où elle en était, la notion d’ami ou d’ennemi n’était plus un paramètre significatif. Elle ne voulait pas mourir sur ce sable. Elle ne voulait pas être grignotée petit à petit par les invisibles créatures qui y fourmillaient sûrement. Elle évalua la distance qui la séparait du foyer d'activité qu'elle avait repéré. Cela serait long. Long et pénible. Aussi attendit-elle la nuit, s’accordant un répit réparateur. Elle régurgita une boulette alimentaire de son deuxième estomac et se mit à mastiquer la matière molle pour recouvrer quelque force. Elle suivit le soleil étranger de ses yeux composés où chacune des dix mille ommatidies réfléchissait la course de l'astre diurne descendant lentement du ciel.

Quand le crépuscule recouvrit le désert, la famélique lumière des étoiles naissantes fut incapable d’illuminer le ciel vespéral bien qu’aucune lune ne se fut levée au-dessus de l’horizon. Tout en remarquant que son éclat terni bavait vers la région orientale de la voûte céleste, Xael’ling entreprit son voyage vers l'oscillation perçue dans ses champs sensibles. De sombres pensées ne la quittaient pas. La fin de toutes choses semblait la seule promesse du futur. Devant elle, les dunes moutonnaient comme un océan de vagues figées, baignées par la lumière fantomatique qui échappait encore à l'insatiable voracité du monstre galactique. Xael'ling était une guerrière de la caste la plus élevée et le défaitisme ne faisait pas partie de son patrimoine génétique.

Toute la nuit, elle lutta contre une nature qu'elle ne comprenait pas, pour avancer sans trop dévier de sa trajectoire. Dix fois, cent fois, elle roula au bas d'une dune, déséquilibrée par de traîtres mouvements du sable que ne purent contrôler ses pattes réticulées, inadaptées à ce terrain mouvant. Dix fois, cent fois, elle se releva, recouverte de cette poussière cristalline qui s'immisçait sous les plaques de sa carapace, provoquant d'horribles démangeaisons. Elle mettait un temps infini à extirper jusqu'au dernier grain avant de poursuivre sa route. Ses bulbes d'écholocalisation, qui glanaient en temps réel des informations précises sur ce qui l'entourait, lui fournissaient des bilans inquiétants. Son but demeurait éloigné. Elle avait consommé beaucoup d'énergie pour un résultat décevant.

Quand l'aube frissonna sur l'horizon, elle sut qu'elle aurait à payer le prix du temps perdu. Elle était au beau milieu d'un immense désert où la température allait vite devenir insupportable. Il n'y avait autour d'elle aucun endroit suffisamment proche où elle aurait pu s'abriter de la chaleur intense qui s'annonçait. Comme ses pattes locomotrices ne tiendraient pas longtemps sur le sable brûlant, elle se résolut de déployer son système alaire, bien que son éducation et sa formation kaeliferanes aient profondément ancré en elle la négation de cette aptitude atavique. Comme toutes les guerrières, elle avait subi des opérations chirurgicales destinées à styliser ces appendices. Les élytres, plus rigides, avaient été finement sculptés et des motifs claniques et d'obédience y avaient été tatoués. Les ailes proprement dites, teintées et très amincies, étaient utilisées, tels des étendards, à l'occasion des grandes cérémonies martiales ponctuant une victoire conquise de haute lutte. Elles jouaient aussi un rôle plus intime lors des parades nuptiales, ce qui avait fini de les reléguer au rang d'attributs purement esthétiques. Aussi son autonomie de vol serait plus que symbolique et elle devrait encore puiser dans ses forces qui n'avaient pas eu le temps de se reconstituer.

Elle s'éleva au-dessus du sable, éprouvant une gêne passagère. Pour autant, la capacité de portance de ses ailes la surprit. Elle remercia la densité de l'atmosphère de la planète. Xael'ling orienta l'inclinaison des élytres et son vol stationnaire se mua en accélération progressive vers l'avant. Les dunes se mirent à défiler sous elle. Xael'ling n'aurait jamais imaginé pouvoir voler si vite. Instinctivement, elle se servit de son corps pour ajuster ses trajectoires et de ses élytres pour maintenir la stabilité de son assiette. Elle avalait la distance si facilement qu'elle sentit fondre la patine de sophistication que des siècles de civilisation kaeliferane avaient modelée sur elle. Elle découvrit des sensations dont elle ignorait l'existence et qui remontaient à des âges où son peuple essaimait au gré des saisons sur sa planète originelle. Elle s'autorisa, euphorique, quelques figures de voltige qu'elle effectuait aux commandes de son chasseur foudre. A présent, sur cette planète inconnue perdue au diable vauvert, ces acrobaties aériennes, réalisées sans la moindre technologie, la transportèrent jusqu'au seuil de l'ivresse et abaissèrent son niveau de vigilance.

Se croyant invulnérable, elle décida de grimper tout en haut du firmament pour apercevoir l'espace libre où, quelque part dans les profondeurs, les flottes de l'Essaim poursuivaient leur périple au milieu des étoiles.

Xael'ling débuta son vol ascensionnel. Bientôt les dunes formèrent en-dessous un motif géométrique qui répétait à l'infini les mêmes signes cursifs. Elle fut envahie par un étrange sentiment où se mêlaient liberté et légèreté tandis que l'horizon s'échappait dans toutes les directions au fur et à mesure qu'elle prenait de l'altitude. Envolées ses pensées mortifères, oubliées ses conditions précaires, elle avait l'impression de rentrer chez elle. Ses ailes translucides battaient à l'unisson et l'air s'écoulait autour d'elle comme une caresse fluide et rafraîchissante. Sous elle, la ligne d'horizon, bordée d'azur, s'arrondissait lentement.

Dans le vertige de ses émotions, Xael'ling ne prêta pas d'attention aux premières alertes que lui adressèrent les centres neuronaux logés dans ses métamères. Elle ne tint aucun compte des premières manifestations de la fatigue. Les terminaisons préhensiles de ses pattes antérieures s'engourdirent légèrement mais elle s'obstina à s'élever encore, obnubilée par le désir irraisonné de contempler la splendeur de l'espace, au-delà de la plus haute couche atmosphérique.

Il lui semblait, dans la désorientation sensorielle qui s'était emparée d'elle, que cette ultime frontière n'était plus vraiment très éloignée. L'air ne se raréfiait-il pas? Le bleu du ciel ne devenait-il pas plus sombre ? Elle se persuada que quelques battements d'ailes supplémentaires l’affranchiraient de la gravité qui la clouait sur cette planète. Il lui importait peu de ne pouvoir survivre dans le vide spatial. Le syncrétisme Kshat-Herjar, très en vogue dans les castes guerrières kaeliferanes, ne considérait-il pas l'espace comme le foyer calme et silencieux qui accueille le guerrier honorable de retour d’un trop long voyage?

Xael'ling refusa d'admettre qu'elle s'épuisait trop rapidement tandis que le soleil dardait plus violemment ses rayons. La belle cadence de ses ailes s'enraya. Leurs battements souffrirent d’une désynchronisation de plus en plus prononcée. La vitesse ascensionnelle ralentit jusqu'à ce que la Kaeliferane eut la sensation de lutter en vain contre un plafond invisible. Recouvrant une partie de sa lucidité, elle mesura avec horreur combien l’espace libre demeurait inaccessible. Il était trop tard. Ses dernières forces l'abandonnèrent. Ses ailes tétanisées se replièrent vaincues sous les élytres.

Alors, la gravité reprit ses droits. Se renversant en arrière, la Kaeliferane bascula du haut du ciel. Son esprit à la dérive, Xael'ling hésita entre le renoncement et la révolte. Loin de l'Essaim, échouée sur un monde voué à disparaître, elle pouvait abréger une histoire qui ne menait nulle part. Elle commençait de réciter intérieurement les mantras du Kshat-Herjar destinés à préparer son esprit au Grand Voyage quand une voix familière interféra dans la litanie apaisante des versets consacrés. D'emblée elle la reconnut à son timbre, à son rythme et à ses intonations. Tel un signal sonore amplifié progressivement, la voix recouvrit bientôt les mantras rituels et Xael'ling entendit le conseil prodigué par Schistros, l’un des Guides qui conduisaient l’Essaim dans sa longue marche entre les étoiles.

« N'abandonne pas, il n’est pas temps. Ne renonce pas, ton destin n’est pas encore accompli.»

La musique atonale qui sous-tendait ces mots, bien plus que leur signification littérale, pénétra sans effort les couches stratifiées de la conscience de la Kaeliferane en perdition. Elle provoqua une réaction en chaîne d’impulsions qui fulgurèrent le long de ses faisceaux neuronaux coaxiaux. Des routines enfouies dans les spirales de son code génétique se réveillèrent sous leur induction, saturant les ganglions cérébraux d’ordres impérieux. Ceux-ci libérèrent à leur tour des enzymes particulières qui précipitèrent un changement de phase quasi-instantané chez Xael’ling. Une cartographie inédite se déploya dans ses cortex longitudinaux, sièges de la personnalité profonde et des instincts primaires des kaeliferans. Ses schémas comportementaux furent réinitialisés tandis que des micro-mutations remodelaient ses formes externes.

Le polyphénisme phasaire influait directement sur le comportement, la morphologie et les aptitudes des kaeliferans. Il leur permettait de faire face à toutes les situations pouvant être rencontrées au cours de leur périple. Schistros et les siens détenaient des savoirs mystérieux en cette science touchant à la programmation biologique au stade infra-moléculaire. Ils étaient indispensables à l’Essaim et à ses dirigeants pour déterminer les routes les plus sûres et les régions les plus nourricières. En perpétuel mouvement, les flottes kaeliferanes étaient innombrables et leur volume global augmentait de façon exponentielle au fur et à mesure de leur progression. L’Essaim moissonnait des quantités toujours plus considérables de nutriments essentiels à son insatiable appétit. Incapable de freiner sa course sous peine de famine, il était devenu au fil du temps une nuée boulimique qui s’étendait sur des parsecs à la ronde. Quand il émergeait du grand vacuum, il enveloppait les centres galactiques jusqu’à obscurcir la clarté des myriades d’étoiles les composant. Aucune force ne lui résistait.

N’importe quel Kaeliferan aurait été stupéfait d’assister au changement de phase que subissait Xael’ling. Trop rapide et trop altératif, il ne correspondait à aucune typologie recensée dans l’Essaim.

De façon presque instantanée, les pattes intermédiaires se soudèrent aux élytres pour former une ossature articulée sur laquelle s’attachèrent les ailes membraneuses de la Kaeliferane. Celles-ci se recouvrirent aussitôt d’un système tégumentaire sur lequel fleurirent de longues plumes assemblées en couches superposées. D’autres modifications morphologiques adoucirent les lignes trop anguleuses des tagmes de la Kaeliferane. Le sol tournoyait encore très loin sous elle quand le changement de phase fut parachevé. La matière superflue résultant de ces transformations fut convertie en énergie qui irrigua ses nouveaux muscles. Sentant une partie de ses forces revenir, Xael’ling déploya ses ailes toutes neuves pour freiner autant que possible sa chute vertigineuse.

Le vent l’étourdissait et elle ressentait avec acuité la pression qu’il exerçait sur ses nouveaux membres. Les changements qui s’étaient opérés en elle ne l’étonnaient pas. Chaque phase embarquait ses propres schémas comportementaux qui effaçaient les précédents. Xael’ling, à cet instant, se sentait toujours et absolument kaeliferane. L’enveloppe extérieure n’était qu’une forme d’adaptation à un environnement étranger. Coupée de l’Essaim et des siens, elle ne pouvait se rendre compte que sa nouvelle apparence aurait été jugée au mieux hérétique, au pire abominable, par n’importe quel Kaeliferan. De toute façon, Xael’ling était trop affaiblie pour s’attarder sur cet aspect philosophique. Elle luttait contre des vents malicieux qui se jouaient d’elle en s’engouffrant entre ses rémiges qu’elle contrôlait à peine. La chute se mua en une longue suite de glissades qui ramenèrent la Kaeliferane à la lisière du désert, là où les vestiges d’une très ancienne chaîne montagneuse hérissaient la plaine de contreforts solitaires.

La vitesse était encore trop grande quand Xael’ling reprit contact avec la terre ferme. Ses pattes postérieures tentèrent bien d’absorber l’énergie cinétique mais en vain. Déséquilibrée, elle fut projetée en avant sur un éboulis de rochers accumulés au pied d’une paroi rocheuse. Sous la violence du choc, une articulation craqua sèchement et l’une de ses ailes se tordit en formant un angle anormal. La douleur fut si forte que la Kaeliferane perdit connaissance.

X X X


Quand elle revint à elle, Schistros marchait auprès d'elle. Elle avait reconnu sa silhouette anguleuse et sautillante, haute et imposante, et la stupéfiante teinte verdâtre de sa carapace. Toutes ces caractéristiques l'écartaient définitivement de la race kaeliferane. C'était un Mantis, un conducteur de l'Essaim, versé dans les arts divinatoires et les mystères qui présidaient aux mutations phasaires. C'était aussi son ami, une marque rare et enviée qui avait conféré à Xael'ling un certain prestige et lui avait permis d'accéder à des niveaux élevés dans la structure hiérarchisée des castes et maisons de la société kaeliferane. Il l'avait suivie durant toute sa formation et lui avait sans relâche prodigué maints conseils qui s'étaient toujours révélés judicieux.

Son esprit était encore en proie à la confusion et la douleur sourdait toujours de son aile droite. Aussi Xael'ling ne s'étonna pas de le voir cheminer à son côté. Elle se contentait de savourer la fraîcheur procurée par une ombre bienfaisante qui repoussait la chaleur écrasante du soleil carnassier. Il lui semblait qu'elle flottait sans effort au-dessus du sol au milieu d'un paysage où les dunes avaient cédé la place à un tapis végétal luxuriant. Ses multiples capteurs sensoriels percevaient la présence d'une vie abondante. Cela réveilla en elle des routines familières qui remontèrent le long de ses complexes neuronaux, déclenchant des processus ataviques. Même éloignée de l'Essaim par des distances incommensurables, la réaction de son organisme tout entier ne se fit pas attendre. Xael'ling commença à trembler. Elle devait assouvir ce besoin.

Elle se força pourtant à réfréner cette pulsion primale qui essayait de prendre le contrôle. Plus loin, parmi les arbres qui bordaient la périphérie de son champ de vision, elle devina des structures masquées dont la géométrie ne devait rien à la nature. Il y en avait de toutes les dimensions et de toutes les formes. Cela n'éveilla rien en elle.

« Te rappelles-tu, Xael'ling... »

Schistros s'adressait à elle. Elle tourna les regards vers lui. Elle était de retour sur Na'Ymbrang, le grand vaisseau amiral de la Flotte des Sept Soleils qui abritait l'escadron de chasse où elle était affectée. De la large baie d'observation, ouverte après le saut dimensionnel, elle pouvait contempler une partie de l'armada kaeliferane fonçant à travers l'espace profond pour atteindre l'objectif défini par le Conseil des Mantis : un groupe de systèmes solaires regorgeant des ressources organiques et métallurgiques que recherchait constamment l'Essaim.

«... l'histoire que je t'avais contée quand tu étais encore une jeune étourdie batifolant dans les parcs collectifs ?
- Tu m'en as raconté tant que j'ai du mal à m'en rappeler une en particulier !
- C'est vrai, mais celle dont je te parle est spéciale. Elle t'a poussée à entreprendre la formation de pilote. Tu te souviens maintenant ?
- Bien sûr, reprit de volée Xael'ling. C'est l'histoire du petit photon qui rêvait de courir plus vite que tous ses frères. C'est bien celle-là, n'est-ce pas ?
- Oui, confirma Schistros. Il a couru longtemps. Il a fait deux fois le tour de l'univers et chaque fois qu'il se tournait sur sa droite ou sur sa gauche, ses mêmes frères et soeurs étaient toujours à sa hauteur. Il ne parvenait pas à les distancer et devant son désappointement, ils finirent tous par se moquer de lui. Qu'a-t-il fait alors ?
- Il a voulu ralentir mais ça n'a pas marché non plus. Cela le rendit malheureux. Il comprit alors qu'il courait à la même vitesse que tous les autres de son espèce et que, malgré ses efforts, rien ne pourrait jamais dépasser d'un iota cette vitesse. Leur course était aveugle et ne menait nulle part mais ils couraient quand même. Ils continueraient ainsi jusqu'à ce que la dernière oscillation du vide ait vibré quelque part dans l'univers revenu à son point de départ. Jusque là, rien ne changerait dans leur course.
- C'est exactement ça, poursuivit Schistros. Mais le petit photon était décidé à changer de point de vue. A tracer son propre sillon quitte à renier sa nature profonde. Alors qu'a-t-il fait ?
- Il a fait en sorte de changer de direction puisqu'il ne pouvait changer de vitesse. Il n'a pas écouté les avertissements que lui adressèrent pour son bien ses frères et ses soeurs, à sa droite et à sa gauche, quand il leur confia son projet. Une mort horrible et solitaire l'attendait au bout du chemin sur lequel il voulait s'engager. Une prison sans lumière et éternelle. Il ne les a pas écoutés. Il a infléchi sa trajectoire afin qu'elle le mène tout droit vers le seul endroit de l'Univers où il espérait que, peut-être, d'autres lois s'appliquaient. Quand il a franchi la dernière limite, plus aucun de ses frères ne l'a jamais revu. Il disparu en entrant dans une sphère parfaite à la noirceur absolue qui ne relâche jamais ce qui pénètre son domaine. Ses soeurs ont pleuré un temps sa disparition mais nul n'a jamais su ce que le petit photon rebelle a trouvé de l'autre côté de l'horizon. Moi, ce qui m'avait fascinée dans cette histoire, c'est la vitesse, la sensation de vitesse ahurissante...
- Dis-moi, Xael'ling, la vitesse est-elle pour toi synonyme de liberté ?
- Je ne sais pas, avoua-t-elle. La liberté est une notion floue pour les Kaeliferans, malgré toutes tes explications. C'est l'Essaim qui compte. C'est lui qui justifie ce pourquoi nous existons et qui légitime ce que nous faisons. Il apporte sécurité et prospérité.
- Tu as raison, dit Schistros. Regarde le photon. Rien dans l'univers n'est plus rapide que lui et pourtant est-il libre ? Apparemment non. De bien des manières, il est prisonnier du paradigme dans lequel il évolue. La vitesse n'a rien à voir avec la morale de l'histoire. Te souviens-tu de ta réflexion sur le destin de ce petit photon ?
- Euh... Xael'ling fouilla ses ganglions mémoriels secondaires où étaient archivés ses souvenirs les plus anciens. Oui, j'en ai gardé la trace. Le petit photon a eu raison de quitter les siens et d'essayer de trouver un moyen de recommencer ailleurs et différemment. J'ai dit aussi qu'à sa place, j'aurais fait comme lui.
- Exactement. Avec des mots simples, tu avais dit ce que je voulais entendre. Toi seule, parmi tous les autres Kaeliferans à qui j'avais raconté cette histoire, tu avais eu un point de vue différent. Les Kaeliferans ont une tradition grégaire poussée à son paroxysme, une conscience quasi-collective qui les fait agir comme un seul organisme. Alors que tous tes camarades avaient condamné l'action individuelle du photon, tu l'as reprise à ton compte. Quand une situation apparaît sans issue, il faut savoir repartir de zéro. Vous êtes peu nombreux, dans l'Essaim, à posséder cette tournure d'esprit, quelques uns dans une multitude.
- Je suis loyale à l'Essaim et comme tous, j'oeuvre toujours dans l'intérêt collectif, se défendit Xael'ling. Chaque Kaeliferan doit protéger les plus vulnérables et défendre les valeurs de l'Essaim.
- Combien de batailles as-tu livrées, demanda Schistros, depuis que tu fais partie des forces de protection de l'Essaim ?
- Une bonne centaine, je crois, répondit Xael'ling.
- Dans quel but les as-tu livrées ?
- Pour atteindre l'objectif. L'espace est rempli de menaces et de dangers. C'est vous, les Mantis, qui nous le répétez sans cesse. Nous ne sommes pas bellicistes mais l'Essaim ne doit pas être immobilisé. Sa survie en dépend.
- Que voilà une séduisante façon de présenter d'horribles choses, s'amusa Schistros. Il tambourinait sur l'épaisse paroi transparente de la baie. Vois-tu ces immenses barges, de l'autre côté ? Elles forment une procession interminable, n'est-ce pas ? Dans leurs flancs, des milliards de Kaeliferans vaquent à leurs occupations. Des milliards s'ajoutent aux milliards et le nombre de ces barges, capables chacune d'engloutir une petite lune, croît régulièrement. Sais-tu combien de temps faudra-t-il encore pour atteindre le point critique ?
- Tu cites le Kshat-Herjar à présent ? s'exclama Xael'ling. Je connais ce passage. L'Essaim y est comparé à une étoile. Selon le Texte, c'est le point d'expansion maximale au-delà duquel l'Essaim s'effondrera sous son propre poids, comme le ferait une étoile agonisante. Ce n'est qu'une allégorie. Cela voudrait dire que la taille de l'Essaim coïnciderait avec celle de l'Univers.
- Tu esquives la réponse, constata Schistros. Je vais te poser le même problème mais en utilisant un autre champ lexical. C'est conforme à toute démarche scientifique. Utiliser un autre paradigme ayant ses propres lois permet souvent de franchir aisément un obstacle qu'on croyait infranchissable dans le domaine initial. D'après toi, où mène la Migration ? "

Le ciel indigo était revenu à sa place au-dessus de Xael'ling. Elle ne s'en émut pas. Schistros se penchait vers elle, ses longues antennes oscillant en cadence, s'appuyant sur ses pattes ravisseuses garnies de leurs poignards acérés. Sur le champ de bataille, comme dans le flot animé des coursives, les Mantis affectionnaient les postures contemplatives. Seule la fulgurante détente de leurs pattes antérieures, qui clouaient infailliblement leur victime expiatoire, rappelait à tous que la bête n'est jamais loin du divin. L'Ordo Praedatio était l'ordre duquel se revendiquaient les Mantis. L'ordre des Prédateurs. Schistros attendait sa réponse :

" L'important n'est pas le but, mais le chemin, récita pieusement Xael'ling.
- A ton tour de me citer le Kshat-Herjar. C'est là ta seule réponse ? Elle me paraît bien courte, s'étonna Schistros.
- Le Texte renferme toutes les vérités, protesta Xael'ling. Même les Mantis respectent le Texte.
- Ce qui a été écrit peut être réécrit, argumenta Schistros. N'as-tu jamais remis en question les dogmes officiels? Quand tu ouvres le feu sur les ennemis qui barrent le chemin, quand tu assistes aux Moissons, ne t'es-tu jamais posée de questions?
- A propos de quoi?
- Des causes et des conséquences, par exemple?
- La cause est la Migration et ses conséquences, eh bien, nous y faisons face vaille que vaille. Nous devons assurer notre survie collective. Le voyage brûle nos ressources, nous obligeant à les reconstituer régulièrement.
- Au prix du pillage et de la dévastation? insinua Schistros. Au prix de l'extinction de civilisations entières?
- Tu blasphèmes, toi, un Gardien de la Foi? s'insurgea Xael'ling. Tu remets en doute la légitimité de notre course, la légitimité de l'Essaim? Nous semons la mort sur notre passage? Sans doute. Nous affrontons des Xénos, certes, mais que sont-ils à nos yeux? Que représentent-ils? Je ne suis pas suffisamment cultivée pour répondre à ces questions. J'obéis aux préceptes du Kshat-Herjar et chacune de mes actions est dictée par le besoin collectif. Nous voyageons, nous nous multiplions, nous prélevons au passage ce dont nous avons besoin pour poursuivre la course et qu'advienne la promesse ultime du Kshat-Herjar. Telles sont mes certitudes.
- N'as-tu jamais eu l'impression, même la plus infime, que tu pouvais être instrumentalisée? Que la Migration, la Route et même le Kshat-Herjar n'étaient qu'une immense supercherie, une machiavélique mascarade? Que sous les apparences, il y avait une abominable vérité?"

Xael'ling ne répondit pas. Les dernières paroles de Schistros avait éveillé en elle un souvenir dérangeant qui émergeait lentement d'un réservoir mémoriel profond. Elle lutta pour l'empêcher de se déployer. Elle ne pouvait admettre qu'il était sien sans même en comprendre toute la portée. Mais cette réminiscence était intégrée dans la nouvelle cartographie émotionnelle induite par sa récente mutation phasaire. Elle se sentit gênée quand une perspective inédite s'ouvrit devant elle, jalonnée par les dizaines de confrontations auxquelles elle avait participé. Des soleils avaient brûlé, des mondes avaient été ensevelis sous le poids des myriades de Kaeliferans qui s'étaient abattues sur eux, submergeant les défenses et ravageant leurs richesses, celles dont l'Essaim avait besoin, vitalement besoin. Elle se revit aussi dans son chasseur foudre, pourchassant sans relâche ni pitié des vaisseaux aux formes diverses. Elle avait étrillé leurs écrans de protection jusqu'à ce qu'ils explosent sans bruit dans le vide spatial. Elle avait exulté et ses cris d'allégresse s'étaient mêlés aux milliards d'autres, saturant le réseau de communication. Elle revit alors les Mantis exhorter les légions qui attendaient dans le flanc des barges de débarquement. Elle entendit à nouveau leurs sermons sur la nécessité et l'obligation, la course et l'Essaim. Une pensée lui vint qu'elle ne put bâillonner. Les Mantis avaient fait d'eux des fanatiques qu'ils avaient lâchés sur des systèmes solaires entiers.

"Pourquoi?" ne put-elle retenir quand les images se tarirent enfin, la laissant nauséeuse.

M

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