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De : Maedhros Date : Jeudi 14 septembre 2006 à 20:02:19 | ||
Après une erreur de titrage, ma participation. Bonne lecture. Les jours raccourcissent. Les ombres s’allongent dans la lumière déclinante. Je ne sais pas combien ont survécu à cet hiver de fin du monde. Je suis terré dans cet abri depuis si longtemps. Les jours, les semaines et les mois ont passé depuis que la lourde porte blindée a scellé ce tombeau. Je n’ai pas voulu entendre les cris de ceux qui sont restés dehors, c’était une question de survie, comprenez-vous? Juste un sifflement d’air lorsque la pression s’est égalisée et puis plus rien. Les réserves étaient limitées et le partage aurait obéré mes chances de survivre, d’attendre le secours des étoiles... Depuis hier le générateur est mort : plus de pétrole. La pile à combustible nucléaire avait rendu l’âme bien avant, erreur de conception car elle était prévue pour durer 1.000 ans! Sans énergie, mes jours sont désormais comptés. Les étoiles sont si loin à présent, loin derrière le mur ocre qui occulte les cieux. Mes yeux électroniques sont morts comme les satellites de communication. Les étoiles sont sourdes et muettes, refusant de répondre aux appels innombrables qui ont suivi la longue nuit hivernale. Viendront-elles avant qu’il ne soit trop tard ? Il me reste l’émetteur stellaire. J’ai envoyé, à longueur de journée, des signaux de détresse sur toutes les fréquences. Au début, quelques voix ont résonné dans l’abri, dans toutes les langues, appelant à l’aide, pleurant, criant, menaçant.... Mais elles se sont tues peu à peu. Je suis seul aujourd’hui emmuré vivant dans un silence de cathédrale ou devrais-je dire de cercueil. J’ai entendu aussi la voix des disparus, la voix des morts qui se faufilait dans le bruit électronique. Des voix familières, parents, enfants, connaissances... tous venus chuchoter à travers l’éther, me vouant à la damnation éternelle. Puis plus rien...le cadran est resté désespérément vide et silencieux. Aujourd’hui, la jauge indique que la batterie de l’émetteur me permet un dernier message. Juste une dernière prière vers les anges du ciel. Mais ceux-ci se tiennent debout dans le soleil, inexorables dans leurs stations orbitales. Un dernier adieu vers un paradis devenu inaccessible! Un message...juste un message, un dernier appel à l’aide, un dernier signal de détresse. Il me faut peser chaque mot pour convaincre les étoiles de venir au secours de la Terre. Les Hiérarques sont des gardiens inflexibles et ils montent une garde vigilante aux confins du système solaire. La quarantaine est impitoyable, cordon sanitaire tendu dans le vide de l’espace pour protéger l’Empire Conscient. Leur beauté est divine mais leur verdict est sans appel. Il faut pourtant que mes paroles réveillent en eux la pitié et la honte. Il faut que les légions célestes, nimbées dans le halo vermeil des cuirasses de combat, descendent sur la Terre pour chasser l’obscurité et la désolation, apporter le réconfort aux survivants, repousser les chimères et les mutants qui hantent les ruines de nos cités où il doit rester des survivants. Dieu, je ne peux supporter être le dernier humain sur Terre ! Pour ce faire, j’ai lu les livres et écouté les enregistrements des plus grands philosophes. J’ai étudié longtemps pour composer mon message. Il est enfin prêt. Je l’ai longtemps poli sur le métier, peaufinant et ciselant chaque syllabe, veillant à l’harmonie et la musicalité. Oui, j’ai longtemps travaillé pour émouvoir les sentinelles solaires aux visières dépolies. Quand j’ai appuyé sur le bouton « Submit », la lumière des globes a commencé à vacillerans tout l’abri. J’ai peur du noir qui s’annonce, des fantômes qui vont se réveiller pour former leur ronde infernale autour de ma folie naissante. Il me reste peu de temps. Très peu de temps. Le silence s’est vite reformé après le doux crépitement de la machine et le dernier écho de ma voix. Les secondes s’écoulent... J’imagine les Veilleurs des Cieux, devant leur écran, peser chacun des mots que j’ai prononcés, sonder chaque inflexion de ma voix pour évaluer le prix de la survie de cette humanité déchue, de ce monde plongé dans le froid nucléaire, où les tempêtes de violence ont jeté à bas les temples de notre civilisation. Les horreurs du matin pourchassent sans pitié les rêves des derniers survivants. Soudain, un écho a trembloté sur un cadran, des rangées de diodes ont été ramenées à la vie, accompagnés de craquements dans le réseau audio de l’abri. La voix s’est élevée, douce et chaude, musicale et ciselée, à la fois présente et infiniment éloignée, aux courbes féminines : « Voici le message du Grand Veilleur, validé par les haruspices impériaux. Vous avez gaspillé toutes vos richesses et toutes vos ressources. Riches et puissants, orgueilleux et prospères, vous avez joué avec des forces qui vous dépassaient et refusé les conseils prodigués. La catastrophe était annoncée, parfaitement lisible dans les astres et dans les eaux, dans le feu et sur la terre. Vous avez persisté ....Eh bien! dansez maintenant.» Maedhros Ce message a été lu 5967 fois |