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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mardi 6 novembre 2007 à 18:49:27
Mirage






« Boulevard Raspail, au 102, métro St Placide, tu ne peux pas te tromper, c’est près du Luxembourg... Et prends le pain en rentrant ! Et des yaourts aussi... à la vanille... et un cubi de rouge... et... »
Je suis déjà en bas des escaliers qu’elle gueule encore. La douleur dans ma mâchoire tape comme un marteau sur l’enclume, ça me résonne dans le crâne, ça me rend dingue. Je cligne des yeux dehors. Où dois-je aller ? Ah oui, le RER. C’est à gauche. Je le sais, je le prends tous les jours. Mais là c’est à peine si je me souviens de mon nom. Mortier, Luc. Ouais, c’est ça. J’ai trente ans. Je suis employé des Postes. Et ça m’emmerde. Mais qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? Ma mère ne voulait pas que je fasse d’études, je ne suis pas habile de mes mains, pas assez musclé pour les travaux de force, j’ai horreur de parler au téléphone. En fait j’ai horreur de parler tout court, à des gens... que je ne connais pas, qui me regardent... qui me trouvent bête... Faire les course en rentrant, l’angoisse... J’espère qu’il y aura le vieux, à la supérette, lui il est cool, y cause pas... Mais si c’est sa fille... Une petite brune piquante, vive comme un écureuil... Elle va encore me faire rougir, c’est pénible...
J’ai mal... Mais une journée sans bosser, c’est bien. Maman a appelé mon chef, j’avais passé la nuit blanche. Elle m’a fait bouffer deux tonnes de comprimés, j’ai envie de vomir mais toujours aussi mal. Avec tous les dentistes qu’il y a, elle veut que j’aille à Paris. Elle n’a confiance qu’en lui, elle s’est battue au téléphone avec la secrétaire pour m’avoir un rendez-vous. Impossible d’aller ailleurs, elle me tuerait. J’ai mal.


Dans le wagon c’est encore pire. J’ai l’impression que le train me roule sur la tête. Je pose ma main glacée sur ma joue – un bref instant de répit. J’ai les yeux qui piquent, de longs frissons jouent au yo-yo dans mon dos. Je suis sûr que j’ai de la fièvre. Ca ne me plaît pas du tout.
Châtelet-les-Halles, changement, horribles couloirs où les gens me bousculent. Métro, direction porte d’Orléans, station St Placide. Tous ces mecs qui toussent vont encore me coller autre chose. Tant mieux. Je resterais bien au lit pendant quinze jours, dans un semi coma, et tout le monde me foutra la paix. Peut-être même qu’un matin je ne me réveillerai pas. Le pied. Je n’aurai plus jamais mal. Je ne verrai plus dans la glace ce visage blafard, stupide, ces yeux glauques derrière mes grosses lunettes, ce pif absurde et ce bouc ridicule qui fait plaisir à maman. Sans parler de la grande mèche blonde qui me tombe tout le temps sur les yeux et que la coiffeuse de maman s’obstine à me laisser parce que ça fait style. Qu’elle dit.
Tous ces gens me donnent le tournis. Qu’est-ce que je serais bien dans mon lit... Qu’est-ce qu’elle m’a dit ? A gauche ? Je marche, encore et encore. Rue de l’Abbé Grégoire, rue du Cherche-Midi... Boulevard Raspail... Zut, c’était à droite, il faut que je redescende.... J’aurais pu demander mon chemin. Mais à qui ? J’aurais pu. Mais pour qu’ils se foutent encore de ma gueule...
Ca y est, j’ai trouvé. Je me traîne dans l’escalier de cet immeuble cossu. Ca sent le produit pharmaceutique jusque dans le hall. A tous les coups il m’arrache la dent. Ca va encore faire mal. Il me manque trois marches et j’y suis. Je m’arrête. Sur le palier, elle sort de chez le dentiste avec un sourire à réveiller un mort. Merde, qu’elle est belle ! Son parfum la précède. C’est magique, c’est prenant, ça m’enivre. Elle remonte son sac sur son épaule avec un petit geste qui fait bouger la mèche blonde qui s’échappe de son chignon. Elle a l’oeil brillant et les joues roses. Il émane d’elle un pouvoir... C’est un ange. Une apparition divine. Je reste là, frappé de stupeur, comme un con certes, mais un con heureux. D’un coup je n’ai plus mal, je n’ai plus peur, elle m’illumine, elle me transporte, elle...



Elle passe à côté de moi avec un « pardon » rapide, sans un regard. Je suis sous effet. Mon corps se tourne pour la suivre comme un tournesol vers le soleil. Je me sens en train de redescendre l’escalier. Je ne peux pas la voir disparaître. Il faut que je la suive. Pourquoi, je ne sais pas. Il faut. Son parfum laisse un sillage comme un bateau dans la mer, et je suis le gentil dauphin qui suit le bateau. Tiens, voilà que je me mets à faire des phrases, elle me rend poète, c’est une divinité, j’en suis sûr. Elle va me prendre sous son aile d’ange et plus rien ne pourra m’arriver.
Dans la rue je la suis de loin ; je me fiche de savoir où elle va, de toute façon j’y vais aussi. Le boulevard. A droite, rue de Fleurus. A gauche, rue d’Assas. Elle s’arrête dans une épicerie, en ressort avec une bouteille de champagne dans un sac plastique. Je l’ai attendue sur le trottoir d’en face, devant la vitrine d’un libraire. Elle repart, d’un pas dansant que je suivrais jusqu’au bout du monde. On dirait qu’elle frôle à peine le sol. J’ai lu dans un journal que des gens croient aux anges gardiens. C’est elle, mon ange gardien. Il ne faut pas que je la perde. Je n’aurai qu’à me tenir devant elle et elle saura quoi faire et ça sera tout facile. Elle tourne à droite, rue du Cherche-Midi. C’est pour ça que mes pas m’ont mené là tout à l’heure, c’est son chemin. Elle est mon soleil, mon midi, ma Camargue... J’aurais voulu naître en Camargue, au pays des chevaux. J’aurais galopé pendant des heures et personne ne m’aurait jamais attrapé.
J’ai des paroles qui me viennent, j’ai dû entendre ça à la radio.
« Le temps s’est accéléré d’un coup et c’est tout mon futur qui bascule
Les envies, les projets, les souvenirs, dans ma tête y a trop de pensées qui se bousculent... »
Elle traverse, en dehors du passage piétons. Je la suis. De toute façon c’est elle qui me guide, il ne peut rien m’a...



Il y a une lumière intense et un chemin tout blanc devant moi, et je suis heureux, il y a de l’amour partout, c’est merveilleux... Au loin j’entends des voix qui murmurent.
« C’est quoi ce crétin ? Il n’aurait pas dû mourir aujourd’hui !
- La machine a bugué, patron, il nous a échappé...
- M’enfin, un suicide ! C’est interdit !
- Qu’est-ce qu’on en fait ?
- Collez-le au Purgatoire, ça lui apprendra. »
La lumière pâlit, devient crépusculaire. Un vent froid se lève.
Devant moi s’étend un désert parsemé de buissons d’épineux rabougris. Des ombres passent, marchant lentement, tête baissée, dans une errance infinie. Je m’arrête. Je me retourne. Il n’y a plus de chemin.
Narwa Roquen, pirate!


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 25 : Narwa => Commentaire - Estellanara (Jeu 24 jan 2008 à 17:56)
3 What a crossover! - Maedhros (Jeu 8 nov 2007 à 08:44)
       4 Eh oui... - Narwa Roquen (Jeu 8 nov 2007 à 19:08)
              5 Sûrement pas... - Maedhros (Jeu 8 nov 2007 à 19:27)
       4 Luc ? T'y es mort :p - z653z (Jeu 8 nov 2007 à 15:53)


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