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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Lundi 17 mars 2008 à 22:44:09
PONY EXPRESS



Jackson, le 11/04

Cher ami,

Reprendrions-nous le fil de notre vieille conversation? La découverte de ton petit message griffonné sur le journal d’hier m’a plongé dans une grande perplexité Cela faisait un bout de temps que je n’avais plus reçu de nouvelles de ta part. Tu es si près et pourtant si inaccessible mon vieil ami! Tes quelques mots ont arrêté le temps et je me suis assis pour m’imprégner de chacun d’entre eux.

Ainsi, tu es toujours en vie! J’avais presque oublié que tu es un des rares à s’intéresser à moi. J’ai eu beaucoup à faire ces temps derniers. Des histoires compliquées qui m’ont tant accaparé que j’en ai oublié tout le reste. Je crois que mon domicile le plus stable ces derniers mois a été un siège au fond de ces trains de nuit qui relient dans le noir les îlots de lumière.

Tu ne peux pas imaginer comment est le monde vu d’une plateforme qui sépare les wagons. La plupart du temps je dors, les portes coulissantes fermées. La nuit, j’ouvre une porte et je m’assieds, les jambes ballantes au dessus du ballast. J’adore respirer l’air nocturne. Il y a quelque chose de pur et de vierge, même quand il pleut. Surtout quand il pleut. J’ai parcouru le pays de gare en gare, en écoutant David Bowie sur un vieux walkman trouvé près d’un entrepôt de triage. Tu connais David Bowie? J’avais piqué des cassettes dans un drugstore et sur une, il y avait cette chanson qui raconte le retour du Mince Duc Blanc... J’ai bien aimé ce nom et j’ai pris l’habitude de signer ainsi toutes mes lettres. Le Mince Duc Blanc. C’est comme ça qu’on me connaît à présent.

Aujourd’hui, j’ai été au bord de la rivière où j’ai écouté les paroles du vent dans les branches des grands arbres. A en croire le ciel, demain le vent sera encore plus violent. Quand je regarde vers l’ouest, la rivière se teinte de rouge en plongeant dans le soleil couchant. Tu vois, quand je t’écris, j’ai l’impression d’être libre de dire certaines choses. Des choses intimes, des choses personnelles. J’ai un travail à accomplir, une mission à remplir sur Terre. Il y a une voix dans ma tête qui me dit où aller et ce qu’il faut faire. Tiens, j’ai trouvé un jeu tout cabossé au fond d’une banquette la semaine dernière. Il a dû être abandonné là depuis longtemps, coincé entre la paroi et le fauteuil. C’est un jeu de l’oie. Il ne reste que le plateau. Ni pion, ni dé. Juste un vieux plateau aux cases à demi effacées. Tu me crois si je te dis que je peux rester des heures à contempler le chemin qui s’enroule jusqu’à la dernière case? Un jour, quand j’ai levé enfin les yeux du plateau, il faisait presque jour.

Voilà, je suis fatigué et lutter contre le sommeil devient difficile. J’espère que tu liras ce mot et que tu me répondras!

The Thin White Duke.




Monroe, le 19 avril

Bonjour “Vôtre excellence”,

J’ai reçu ta lettre. Elle était posée en évidence sur le bord du comptoir. Mon nom dessus comme d’habitude. J’ai reconnu ton écriture, serrée et courbée. Tu as raison quand tu dis que nous sommes proches. J’ai l’impression que nos vies sont tellement semblables. Différentes bien sûr mais par certains côtés parallèles. C’est ça, parallèles. Un peu comme les rails d’une ligne de chemin de fer. Tu dois être un rail et moi l’autre, toujours fuyant dans la même direction mais sans jamais se rencontrer. Pourtant j’ai quelques fois le sentiment de ressentir ce que tu ressens. D’être dans la pièce juste à côté de celle où tu te trouves. Un sentiment de proximité indéfinissable.

Quand j’y réfléchis, c’est assez terrifiant non? Je ne connais pas David Bowie, d’ailleurs, je n’aime pas trop cette musique. Trop européenne à mon goût. Je préfère la country. Je n’écoute que ça sur mon vieux Sony à cassettes. Hank Williams, ça c’est un chanteur qui te prend les tripes. Il n’y en a plus des comme lui maintenant. Que de la frime et du bruit. De la frime et du bruit.

Je suis content que tu aies apprécié mon petit mot. J’espérais bien que tu passerais par là. Je m’étais levé avec cette idée. Après, elle ne m’a plus quitté jusqu’à ce que je me décide à griffonner ce papier. Faut dire que j’ai du temps. Mon boulot ne va pas fort ces temps-ci. Je ne supporte plus de voir mes collègues avec leur satané uniforme de l’US Postal. J’ai horreur des uniformes. Mais c’était ce job ou toucher l’allocation chômage de misère. Alors, j’ai signé au bas du formulaire et j’ai pris le job. Au moins, je ne suis plus sur les statistiques de l’Oncle Sam. Et l’avantage, c’est les voyages. C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai pris. Un job où je serais planté 9-12 14-17, du lundi au vendredi, au même endroit, très peu pour moi. J’ai le gène de la bougeotte dans le sang. Depuis tout petit. Je suis comme les requins. J’ai lu quelque part que si un requin s’arrête de nager, il meurt. Tout comme moi. Si j’arrête de bouger, je meurs aussi!

Tiens, tu dis que tu veux qu’on t’appelle à présent le Mince Duc Blanc. Quelles sont ces lettres, je ne comprends pas bien? Mais je vais faire comme toi! Appelle-moi maintenant le « photographe ». C’est ça, j’aime bien la photographie. J’ai eu dans le temps un vieil appareil photo. Même pas un réflex. Un tout automatique avec une focale fixe et juste un levier à actionner. Tout plastique évidemment, mais c’était fait aux USA. J’ai tout jeté. Les photos, elles sont dans ma tête. Les verts surtout. Ma couleur préférée.

Tout à l’heure, un gars du FBI est venu au bureau de poste pour demander si nous avions remarqué quelque chose de bizarre. Le chef a répondu qu’il n’avait rien remarqué. C’est vrai que la disparition de la jeune Jenna a secoué tout le monde ici. Ses parents ont lancé un message sur la chaîne d’infos locale, en pleurs, surtout la mère, qui n’arrivait pas à endiguer le flot des larmes. Avant de repartir, le flic du FBI m’a regardé un petit moment derrière ses ray-ban noires. Il a écrit sur son petit calepin qu’il a refermé doucement et est finalement sorti. Il n’est pas revenu.

Cette foutue pendule me rendra fou. Ses grandes aiguilles m’emprisonnent comme dans une prison. A partir de quatre heures, le temps ne passe plus. Le dernier client parti, on attend cinq heures pour sortir. J’ai l’impression que cette horloge se fout de moi. J’ai hâte de quitter cette ville, ce bureau de poste minable. Demain sera un autre jour, dans un autre endroit...il y a un postier à remplacer dans le sud. Mon baluchon est prêt. Je pars par le train de nuit...

Le photographe





Shreveport, le 30 avril

Bonjour,

J’ai reçu ta lettre ce matin. Elle était jetée sur un tabouret isolé dans la voiture bar et j’ai failli la manquer. Elle était froissée comme si la mère Lizzie s’était roulée dessus avec ses cent cinquante kilos. Tu as connu Lizzie la coquine? Non, bien sur.

J’ignorais que tu avais des dons de photographe. Photographier, c’est peindre avec la lumière non? J’aime bien cette idée de modeler la lumière, la courber à son désir. Moi, si je devais photographier, je mettrais sur l'objectif un filtre rouge. Et jamais je ne l’enlèverais. Les couleurs naturelles ne m’intéressent pas. A quoi bon capturer ce qu’un oeil peut voir? La dernière chose que j’ai vue en partant l’autre jour, c’était une rivière de sang... sur un ciel indigo. Il y avait une case sur le jeu craquelé, une case où un pendu semblait me sourire. Son corps se balançait au-dessus d’une rivière. Comme celle où j’ai nettoyé mes mains toutes rouges. Parmi les joncs et les saules. Une rivière paresseuse du Sud comme on les imagine. Dans mes oreilles, David murmurait :

I wish you could swim
Like the dolphins
Like dolphins can swim


Mais la princesse ne savait pas nager. Non. Pourtant elle était si jolie avec son beau tablier. Mon petit chaperon rouge...

Il m’est arrivé une chose étonnante. A côté de ta lettre, il y avait une autre enveloppe, sans rien dessus. Je ne sais pourquoi mais quelque chose m’a dit qu’elle avait un lien avec moi...avec nous... Alors, je l’ai ouverte. Elle contenait une grande page arrachée à un cahier d’écolier. Un cahier à dessins. La page était pliée en quatre. Mes mains tremblaient quand je l’ai dépliée. C’était un dessin d’enfant. Une petite classe. Tu sais, ces dessins que nous faisait faire la maîtresse. Cela représentait deux personnages. Il y avait un géant, ou un ogre, bariolé de noir et de rouge, qui écartait des bras se terminant par des griffes. Pas des mains mais des griffes comme celles de Freddy. Le trait était rageur, violent... Et sous la menace de ces griffes, il y avait une petite silhouette, un enfant sans doute, avec un rond pour le visage et des bâtons pour les bras et les jambes. Très stylisé. Cela transpirait l’angoisse, je pouvais quasiment la ressentir... Ce qui m’a frappé, c’est que ce dessin était déséquilibré. Je ne sais pas, une forme d’absence, quelque chose qui manquait, une pièce importante. Je savais ça mais impossible de dire quoi. Alors, j’ai soigneusement replié le dessin et je l’ai glissé avec tes lettres.

Je suis content que tu aies pu sortir de ce bled. Moi, je ne regarde plus les panneaux. Avant oui. Maintenant plus. De toutes façons, il fait toujours nuit quand le train entre en gare. Et les gares sont partout les mêmes. Alors quelle différence que la ville porte un autre nom? Le jour, je dors dans un des wagons vides stationnés à l’écart. Je me sens comme l’un d’eux. Un wagon perdu qui rouille inutile sur une voie de garage. Je ne fais plus partie du convoi. Les voyageurs patientent sur le quai. Je peux les voir lire le journal ou discuter entre eux. Et puis, il y a toujours une tache rouge qui finit par attirer mon attention, qui me fait mal aux yeux tellement elle s'imprime sur mes rétines ... Alors, je ne parviens plus à penser à autre chose. Qu’à cette tache rouge qui m’obsède... Il n’y a plus qu’elle dans ma tête. Une tache rouge! Il me la faut!

Je crois bien que j’ai croisé aussi ton type aux lunettes noires. Il était sur le quai hier. Il cherche quelque chose. Je sens qu’il faut que je reste hors de sa vue. Personne n’aime les vagabonds. Alors, je me fais tout petit et j’attends. A bien y penser, il était aussi dans la gare précédente, et puis dans celle d’avant...si je me concentre bien, je suis sûr qu’il n’est jamais bien loin de moi!

Bon, mes mains ont séché et elles sont aussi propres que celles d’un nouveau-né. Je les lave toujours dans les toilettes publiques, au bout du quai. Je savonne encore et encore dans le lavabo de faïence. L’eau rouge s’écoule en longues spirales qui disparaissent dans le siphon. Je te quitte, il faut que je retourne dans le wagon. J’espère que tu te portes bien !

The Thin White Duke.





Longview, le 10 mai


J’ai trouvé ta lettre sur la pile du sac postal qui dégueulait sur le long bureau. J’ai appris que Forest Whitaker, l’acteur, était né ici. Je suis descendu dans l’American Best Value Inn, ses chambres à 25 dollars et sa vue imprenable sur l’autoroute. Quand j’ai été prendre un café dans le self en face, il y avait sur le mur, derrière le comptoir, une photo de Forest dédicacée. Le patron a suivi mon regard et a débité son couplet sur l’enfant du pays.

Ta lettre n’était pas gaie. Elle m’a même foutu le cafard. Un peu la frousse aussi. Le gars du FBI a rappliqué avant-hier. Enfin, pas le même, ils se ressemblent tous avec leur costume gris anthracite et leurs têtes de premiers de la classe. Il est entré dans le bureau de poste à l’improviste. Je l’ai vu mais lui non, j’étais dans l’autre pièce. Le chef et lui sont restés un petit peu à parler à voix basse. Sûrement des disparitions, celles de ces enfants qui défraient la chronique. Les journaux publient leurs photos en première page. Ils se ressemblent tant. Un prénom, une ville, une date et un numéro à appeler. J’en frissonne.

Je me suis aperçu que les disparitions jalonnent les villes où je suis passé. C’est troublant. J’ai acheté une carte et j’ai marqué au feutre rouge les lieux et au feutre noir les dates. Tout coïncide. On dirait que le tueur met ses pas dans les miens. Une ombre dans mon dos. Depuis que j’ai fait cette découverte, j’ai du mal à m’endormir. J’ai beau me creuser la tête, je n’arrive pas à comprendre.

Et puis, il est arrivé une chose surprenante. Cette nuit, j’ai entendu quelqu’un pleurer dans la chambre d’à côté. Il n’arrêtait pas. A minuit, à bout de nerf, j’ai été réveiller le gardien de nuit. D’abord, il m’a affirmé que la chambre était vide. Pour preuve, il m’a montré la clé qui pendait sur le présentoir. Devant mon insistance, je n’avais pas rêvé, il a pris son passe et m’a suivi. Quand nous sommes arrivés devant la chambre, on entendait plus rien. Il a ouvert la porte et effectivement, il n’y avait personne. Juste un placard vide qui baillait dans l’obscurité. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai franchi la distance qui m’en séparait et je l’ai refermé si violemment que les parois en ont tremblé. Quand je me suis recouché, à peine avais-je éteint que les sanglots ont repris de plus belle. J’ai cru devenir fou et j’ai enfoncé ma tête sous l’oreiller.

Au matin, quand je me suis réveillé, c’est comme si un train entier m’était passé entre les oreilles. J’étais en sueur, avec un mal de crâne effroyable. Devant moi, punaisée au mur, la carte annotée en rouge et noir me regardait... J’ai bien réfléchi. Ce n’est pas normal.

J’espère que ce ne sont pas les dernières lignes que tu liras de moi mais ma décision est prise. Ce matin, je me rends au bureau du FBI. Ce que j’ai remarqué peut leur être utile. On verra. En passant devant la chambre d’à côté, j’ai jeté un coup d’oeil à travers la fenêtre. Le placard était ouvert...

Le photographe



M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 33 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Ven 23 mai 2008 à 14:11)
       4 Post-(mortem)-scriptum. - Maedhros (Sam 24 mai 2008 à 11:24)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°33 - Narwa Roquen (Jeu 20 mar 2008 à 15:58)


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