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 WA - Participation exercice n°37 - prologue Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 10 mai 2008 à 21:16:36
Bon, les visites se font rares ces temps-ci. J'ai commencé un texte. Disons qu'il s'agit du prologue à l'exercice. Une façon de planter le décor....

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« Y a-t-il quelqu’un qui m’entend ? »

Ce matin, j’ai ouvert les yeux et j’ai vu le monde autour de moi tel qu’il est. Et j’ai vomi. Sans m’en rendre compte, j’ai vomi longuement. C’était comme un torrent visqueux qui souillait mon torse, ma chemise, les draps... qui coulait en longs filets grumeleux sur la moquette de la chambre où je me terre depuis que ça a commencé. J’ai horriblement mal au ventre. Je sais au fond de moi que le virus grignote mes tripes. Il n’y avait aucune issue, aucun sanctuaire. Ni ici, ni ailleurs. J’ai vomi ... j’ai continué de vomir malgré la douleur qui déchirait ma poitrine à chaque spasme, malgré ma gorge brûlée par les acides gastriques... et c’est ma vie qui s’échappe en longues traînées violacées. La crise passe.. Je prends deux comprimés d’un jaune fade tirés d’un petit flacon translucide et anonyme. Je l’ai obtenu à prix d’or. Il représente le summum des recherches de l’OMS en matière de prévention. Il n'est réservé qu’à un tout petit nombre . En fait, ceux qui peuvent aligner beaucoup de zéros sur un chèque en euros. La crise est passée.

Dehors, les ténèbres de rapprochent. J’ai regardé la télé jusqu’à ce que l’écran devienne noir. Des images muettes, crues et violentes toujours les mêmes, semblant passer en boucle. Des foules hurlantes et hagardes, courant en tous sens. Des fusillades et des corps jonchant la chaussée. Cela pouvait être Londres, Paris ou Barcelone. Villes interchangeables. Mêmes devantures, mêmes cadrages des scènes de pillages ou d’émeutes. Des flics faisant de grands signes avec leurs bras, et dans leurs dos les flammes qui embrasent les immeubles, crevant les fenêtres et soulevant les toitures. Des ambulances fonçant entre les carcasses de voitures incendiées et des chiens errant sans maître sur des trottoirs désertés. Les longs convois de camions militaires progressant derrière de lourds bulldozers qui ouvrent la route de leur lame brillante. Un texte interminable défilant sur le bas de l’écran mais je n’arrive pas à saisir le sens des mots qui se bousculent les uns après les autres. Un peu avant que l’émetteur ne rende l’âme, un reporter a perdu son calme. Il s’est approché de son caméraman et, en saisissant la caméra de ses deux mains, a hurlé, son visage emplissant toute l’image : « Restez chez vous....restez chez vous... ». Il a poussé un rire dément avant de s’enfuir. La caméra l’a suivi jusqu’au bout quand il a été percuté de plein fouet par une grosse jeep de l’armée.

Ici, je suis loin de la ville, perché sur la grande montagne qui domine la vallée. J’ai vu les lumières vaciller et s’éteindre les unes après les autres. C’était impressionnant, surtout celles des grands boulevards périphériques engloutis progressivement par l’ombre. Ils ont dit que c’étaient à cause des Ténèbres. Un joli nom pour une saleté de virus qui se répand de façon fulgurante. Son foyer est pluriel, se propageant à partir d'une multitude d’endroits différents. Aucune mesure de quarantaine n’a été efficace. L’eau, l’air, la terre, tout est pollué. C’est une infection foudroyante qui avale notre monde, étendant son royaume tous azimuts. Le virus a muté, envahissant progressivement notre technologie, comme dans ces films de science-fiction où les machines se retournent contre leur créateur. Les écrans s’éteignirent les uns après les autres lorsque les backbones tombèrent en rideau, malgré les firewalls et les stratégies de protection les plus élaborées. C’est un virus miracle qui se nourrit de chair et d’électricité, de sang et de métal. C’est un virus à la taille de notre démesure, ridiculisant celui d’Ebola.

Peu avant ma désertion, j’avais d’ailleurs composé en son honneur une petite chansonnette, sur l’air d’un vieux groupe anglais précurseur de la musique électronique. Un synthé virevoltant, une ligne de basse en guise d’épine dorsale, une boîte à rythme désuète et des paroles sans espoir. Mélancolie et pop musique. Je l’ai baptisé Ebola Gay, un jeu de mots facile mais combien tragique actuellement. Les radios ont adoré. Cette bluette fut le dernier tube planétaire et pour moi, le chant du cygne. Le groupe a splitté et je me suis enfui sur la montagne. J’ai disparu du jour au lendemain. Peu après, les radios se sont tues, une à une. Alors, j’ai passé en boucle la version originale de Kraftwerk « Radioaktivität ». Une seringue vide sur la table basse, je me suis envolé sur les notes cristallines et enfantines, dominées par un chant trafiqué, baignant dans le post-surréalisme allemand, redoutant le moment où je devrais redescendre. Cold wave.

Dehors, il n’y a pas de morts-vivants, pas plus que de zombies mangeurs de chair errant frénétiquement dans la campagne à la recherche de succulents survivants. Encore moins de mutants aux formes délirantes. Rien que le silence qui devient chaque jour plus profond. Ceux qui meurent ne se relèvent pas. Je n’irai pas pleurer sur leurs tombes. Je n’ai d’ailleurs jamais pleuré sur le sort de quiconque. Je suis un vieux loup solitaire et je vis à l’écart des autres. Je n’appartiens pas au troupeau. La musique a fait de moi un homme riche. Et qu’est-ce que la richesse apporte de mieux que la liberté?

J’ai mis hors service le téléphérique privé qui relie mon nid d’aigle au fond de la vallée. J’ai barricadé la porte, tiré les verrous, cloué des grosses planches aux fenêtres, baissé les volets, éteint toutes les lumières. Je me suis fait le plus petit possible, le plus invisible. J’ai des boîtes de conserve dans le sous-sol. Des dizaines de boîtes. Des bougies. De l’eau en bouteille aussi. Je peux tenir longtemps. J’ai des armes et des munitions. Je sais m’en servir. Comme le prouvent les trois corps sans doute encore allongés sur les graviers de l’allée devant la maison. Ils avaient fait le pas de trop. Propriété privée, prévenait charitablement la pancarte. Je n’ai pas pris de risque et j’ai consommé trois cartouches. Juste trois. J’étais dans mon bon droit.

Quelques fois je me demande si d’autres vivent encore, là en bas sous les nuages. S’ils sont contaminés. Peut-être des gens que je connais, des visages familiers. Cela fait maintenant des jours que je n’entends plus rien. Ni sirène hurlant sur les routes, ni avion vrombissant dans le ciel. Cela me fait peur. Alors je pousse à fond le volume de mon système 5.1 pour m’étourdir dans le premier mouvement de la cinquième symphonie de Mahler, Trauermarsch. Dès l’ouverture, les murs tremblent sous l’attaque de l’orchestre avant que le thème principal ne se mette en place. Ce scherzo effroyable qui convoque le damné en enfer. C’est ample et majestueux, poignant et inéluctable. Comme la mort qui rôde et qui me cherche là dehors. Ce n’est qu’une question de temps. Ma fin ne sera pas belle à voir. Je vomirai du sang, je pisserai du sang, je pleurerai du sang, je hurlerai du sang tandis que mes organes se liquéfieront en une purée sanglante... J’ai vu les images à la télé sur le câble. Ils savent parfaitement faire ça de nos jours. Et puis soudain, le ciel s’éclaircit quand les violons entament l’adagietto, l’admirable adagietto. C’est un miracle qui dissipe l’angoisse et les ténèbres... C’est un hymne à l’amour solaire qui enchante l’âme et l’élève par-dessus les brouillards du crépuscule. Et je ne peux que pleurer sur ce paradis à portée de main, à portée de vie... car il va me falloir redescendre aussi...même si la musique s’étire en longues phrases harmoniques. Il n’y aura pas de salut, je suis en rémission.


M


  
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