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 WA - Participation exercice n°38 - 2 et fin Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Mercredi 28 mai 2008 à 23:43:33
ENTROPIE PERVASIVE

(fin)


Elle me sourit comme elle sourirait à un enfant têtu qui fait semblant de ne pas comprendre.

« Quand Sharon parlait d’une route, elle ne pensait pas à une véritable route. Elle m’a parlé d’un homme, d’un homme juché sur la montagne. Un homme à l’écart. Un homme qui possédait la clé, celle de l’arc-en-ciel, la route des songes. Elle l’a appelé le Rimeur. »

Rimeur. Depuis combien de temps n’avais-je pas entendu ce sobriquet. Rimeur. J’étais jeune, si jeune. Je descendais les artères de Paris avec dans mon dos, la flèche métallique de la Tour Eiffel. J’étais maladroit et encore hésitant. Je m’adossais souvent à la colonne Morris. Sur l’affiche, le talon de la Goulue était tendu vers ma tempe. Je grattais frénétiquement ma guitare en fredonnant mes premières chansonnettes. J’essayais de m’imprégner de la magie singulière de l’endroit, très « belle époque ». Je suis devenu quelque part moi-même sur cette placette, pas loin de la bouche de métro, et les gens m’ont surnommé Rimeur. C’était mon nom de guerre, mon nom d’Apache. Rimeur. Il est tombé depuis dans l’oubli, au fur et à mesure que je m’épaississais.

Doucement, presque à contrecoeur, j’ai acquiescé :

« Vous avez trouvé Rimeur et je suis sans doute l’homme sur la montagne. Mais je suis incapable de tourner la moindre clé dans votre serrure.»

« Le temps presse. Tous les dénizens que j’ai pu convaincre sont regroupés au pied de la montagne, non loin des ruines Anasazi. Mais les Ténèbres s’approchent rapidement. Bientôt elles seront sur eux. Ce sera la fin. Il n’y aura pas de salut, pas de paradis, juste la fin de toute chose. Tous nos rêves, tout ce qui a fait notre originalité et notre culture sera effacé. Il ne restera rien de nous. Rien du tout. La prêtresse m’a encore soufflé un dernier conseil. Il faut que je vous demande de me donner ce que j’ai commandé ! »

« Le Commandeur ! » Je me lève d’un bond, toutes les pièces se mettent en place et m’aveuglent dans une vérité enfin révélée. Je ressens en cet instant ce que Mozart a pu ressentir quand, épuisé, il a accepté d’écrire le requiem pour le comte Walsegg. L’effroi qui fut le sien quand il a entendu les coups frappés à sa porte par le Messager en gris. Je sais déjà que, comme Mozart, je n’irai pas au bout.

« Partez ! Partez ! dis-je à Natalie. « Partez, je vais vous ouvrir la route céleste. J’ai compris. C’était écrit. Laissez-moi seul. Il faut que je branche mes petites machines. »

Je l’enlace et je l’embrasse. Je l’étreins et la repousse. Elle rit et pleure en nouant ses mains sur ma nuque. Elle m’embrasse et m’enlace. Elle m’étreint et me repousse.

« Vous ne venez pas ? »

« C’était une fugue à sens unique, un aller sans retour. Il faut que je sois là pour que vous puissiez vous enfuir de l’autre côté de l’arc-en-ciel. »

Et en posant ma joue contre la sienne, je lui murmure à l’oreille, une très vieille chanson :

“Somewhere over the rainbow
Skies are blue
And the dreams that you dare to dream
Yes, they do, really come true
Someday I'll wish upon a star
And wake up where the clouds are far behind me
Where troubles melt like lemon drops
Away above the chimney taps”


Je lui dépose sur ses lèvres parfaitement ourlées un léger baiser d’adieu. Elle sourit à travers les larmes qui embuent son regard :

« Je ne t’oublierai pas. »
« Tu ne m’as pas dit si ce sanctuaire avait un nom. »
« Ils l’appellent Have-Alone ! »
« Have-Alone, c’est un joli nom pour un sanctuaire ! »

Elle relace ses grosses chaussures de montagne, ajuste son bonnet et soulève son sac. Elle arrête son geste.

« Attends. Je veux te faire un cadeau. C’est un Missel que m’a donné Sharon. C’était son bien le plus précieux. Elle l’avait gardé même après qu’elle ait rejoint les Haves. Le symbole de son ancienne alliance avec son Dieu. Je l’ai parcouru et il apporte un réconfort singulier. »

Elle tire un volume épais, revêtu d’un cuir rouge et noble, les lettres dorées et en relief de sa couverture forment le mot Missel. Elle me le tend. Je prends mais je la presse :

« Pars vite ! Je vais remettre le téléphérique en route.»

Dehors, la luminosité diminue sensiblement. Comme un orage qui s’annonce, comme un ouragan qui s’approche, comme un enfer qui étend son royaume. Nous filons vers la cabine qui tangue sur son câble porteur. Elle s’assied dans la nacelle pendant que je déverrouille le mécanisme. En grinçant un peu, les engrenages se remettent en mouvement et le câble se tend. En oscillant, la cabine se détache lentement du berceau d’accueil. A l’intérieur, Natalie me fait un dernier adieu de la main et se retourne vivement. Comme attirée par l’abîme qui s’ouvre en dessous, la cabine plonge vertigineusement sous la falaise. Elle est partie.

Je consulte ma montre. La descente sera rapide. Quelques minutes au plus. Il ne me reste plus qu’à faire ce que je dois. Je remarque à peine les ombres noires qui ont envahi le ciel, laissant la montagne émerger comme une île solitaire. Il règne une atmosphère poisseuse et délitée. Je remonte vers la maison à pas lents.

Je suis devant mon clavier et mes machines ronronnent en clignotant, attendant que je les libère. Que je libère la musique. Mes doigts effleurent les touches noires et blanches, et je sens le picotement délicieux et familier. Je n’ai pas besoin de relire mes notes, elles sont toutes là. Ma concentration devient presque douloureuse. Je plaque alors le premier accord. Ensuite, tout n’est que musique. Ample et démesurée. Tellurique et féerique. La cathédrale s’élève majestueusement, pierre après pierre, note après note. La symphonie se dresse dans les décombres d’un monde qui meurt. Une dernière prière qui monte en lent crescendo. Et puis soudain, un trait de feu déchire le ciel vers l’Orient, une langue de lumière qui troue les sombres nuées. L’arc-en-ciel.

Mes doigts semblent doués d’une vie propre tandis que je contemple le pont de lumière qui se forme non loin. Les ténèbres sont repoussées au contact de l’arc-en-ciel mais s’amassent tout autour de la maison. Il ne faut pas que je m’arrête. J’entame le scherzo, augmentant la puissance et la violence de ma révolte. Une étincelle fuse le long de la ligne incandescente qui troue le ciel, puis deux, puis dix...puis des dizaines qui montent de plus en plus vite et quittent ce monde moribond. Il y en a tellement. Puis le flux se ralentit et cesse peu à peu. C’’est fini. Ils sont partis. Ils rejoignent Have-Alone.

Je lève les yeux vers le grand miroir qui me fait face. Il y a le livre que m’a donné Natalie. Le Missel. Il est là, sa couverture bien visible. Je distingue parfaitement les lettres dorées. Et quand je lis ce que le miroir me renvoie, alors j’éclate de rire. Je suis bien dans la vallée des ombres de la mort. Mes doigts s’immobilisent sur le clavier et le silence se reforme. Je vois les Ténèbres envahir la maison mais je continue de rire...

M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 38 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Jeu 2 oct 2008 à 14:18)
       4 Resuite... - Maedhros (Jeu 2 oct 2008 à 19:35)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°38 - Narwa Roquen (Ven 30 mai 2008 à 19:34)
       4 Attention spoiler. - Maedhros (Ven 30 mai 2008 à 21:43)
              5 Seven moons in the still water... - Narwa Roquen (Jeu 5 jun 2008 à 19:29)
                   6 But who is that on the other side of you? - Maedhros (Jeu 5 jun 2008 à 20:39)
                       7 Pfiououhh!!! - Narwa Roquen (Ven 6 jun 2008 à 19:06)


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