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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Lundi 9 juin 2008 à 18:02:35
Martin revenait vers la forge, d’un pas fatigué, sa faux sur l’épaule. Le soleil commençait à décliner sur l’horizon. Il avait soif. Un long filet de sueur lui dégoulinait encore au milieu du dos. Il posa la faux à terre et tira du puits un seau d’eau qui lui sembla peser un quintal. Il trempa franchement sa tête dedans, frissonnant de bonheur dans la fraîcheur subite qui succédait à tant d’heures de labeur dans la chaleur du jour. Puis il but, longuement, dans ses mains en coupe, s’assit dans l’herbe encore chaude, laissant ses muscles épuisés se détendre enfin.
« Ah te voilà enfin ! Et mon cheval ? »
Martin soupira. A hauteur de son nez se dressaient les bottes cirées de Rodolphe ; il cligna des yeux au soleil et leva la tête vers son beau-frère, impeccable dans son uniforme bleu des armées du Roi.
« Tu devais le ferrer cet après-midi ! Je dois partir demain !
- Elie s’est blessé, et le vieux Paul s’est senti mal, il faisait une chaleur... On devait finir ce soir, demain on a promis d’aider Lucas. »
Passant devant Rodolphe, il rangea la faux, ralluma la forge et activa le soufflet. L’autre le suivit en pérorant.
« A moi aussi tu m’avais promis.
- Et dans une heure ton cheval sera ferré.
- J’ai perdu l’après-midi à t’attendre ! Tu aurais pu les laisser continuer sans toi...
- Pour faner mon pré ? Tu galèges ! Je ne suis pas officier, moi, je ne commande pas à mes amis. Ils m’aident et je les aide, voilà.
- Tu l’as fait exprès, hein ? Ca t’amuse de me faire attendre pendant que tu ris de moi avec ta bande !
- On a fauché le pré du Coucou, tu le connais, ce pré, tu l’as fauché assez souvent.
- Et ma soeur te l’a amené en dot, tu ne vas pas t’en plaindre !
- Je ne me plains pas.
- Mais tu n’as que mépris pour les soldats qui défendent tes terres. Tu ferais une autre tête si l’armée de Louhal y mettait le feu ! »

La forge commençait à ronronner. Martin prépara le rogne-pied, la mailloche et la tricoise, sans répondre.
« Mais c’est plus facile de se taire, quand on est sûr de dormir dans son lit tous les soirs.
- C’est toi qui a choisi, non ? Ta mère ne t’a pas mis dehors.
- Oui, j’ai choisi de me battre pour l’honneur de mon pays, pour protéger ma mère, la tienne, et les enfants que tu feras à ma soeur !
- Va chercher ton cheval, il est dans l’enclos. La forge est prête.
- Ah, tu n’as rien à me répondre ! Autrefois tu m’appelais « frère », mais aujourd’hui tu me traites comme un manant ! »
Martin posa le soufflet et le feu se refléta dans ses yeux noirs.
« Autrefois tu aurais quitté tes beaux habits et tu serais venu m’aider à faner sans même que je te le demande. Qui de nous deux traite l’autre comme un manant ?
- Et tu viendras te battre à mes côtés quand je me défendrai à un contre cinq ?
- Il n’y aurait pas de guerre s’il n’y avait pas de soldats pour la faire.
- Tu insultes le Roi ? Tu insultes la Patrie ? Tu préfèrerais que la terre de tes ancêtres tombe sous la coupe de Louhal ?
- Le Roi n’est pas plus sage que Louhal. Que m’importe qui prélève les taxes ? La terre de Louhal n’est guère différente de la nôtre, et ses paysans travaillent autant que moi. La patrie n’est qu’une invention des puissants pour soumettre le peuple et trouver une raison d’envoyer des jeunes gens à la mort. Tant que nous tremblerons devant Louhal, nous ne protesterons pas contre les impôts !
- Blasphème ! Blasphème ! Traître à ton pays ! C’est Louhal qui te paie pour fomenter la révolte ? Tu veux notre mort à tous ?
- Je ne veux la mort de personne ! La guerre est toujours injuste et toujours absurde !
- Alors quand Louhal arrivera ici, égorgera ta femme et ta mère, incendiera ta maison et dévastera tes terres, tu lui diras « Faites, Monseigneur, la guerre est absurde » ?
Martin haussa les épaules.
« Les soldats de Louhal sont des gens comme nous. Si on leur laissait le choix ils rentreraient chez eux.
- Tu es ivre, Martin, ou le soleil t’a tapé sur la tête ! Je plains ma soeur d’avoir épousé un pareil poltron ! Déjà quand tu étais enfant tu ne savais que pleurnicher dans les jupes de ta mère !
- Tu profitais de tes trois ans de plus que moi et de ta force physique pour me battre chaque fois que tu pouvais !
- Je t’entraînais au combat ! Grâce à moi tu sais te défendre ! Et qui t’a appris à pêcher à la mouche ? Qui t’a appris à dénicher les oeufs, à suivre une piste ? Qui t’a offert ta première chope de bière ?
- ...qui m’a rendu malade pendant trois jours... J’avais huit ans !
- Après tout ce que j’ai fait pour toi, tu n’as donc aucune reconnaissance ? Et qui t’a donné ma soeur en mariage ?
- Ta mère, parce que ton père était déjà mort, épuisé de faire double tâche pendant que tu troussais les filles de la ville et t’enivrais dans les tavernes à soudards ! Et laisse ma femme en dehors de tout ça !
- Je cherchais à m’engager ! Crois-tu qu’on entre si facilement au service du Roi ?
- La nuit tombe, va chercher ton cheval, je suis fatigué, Dora m’attend pour dîner.
- Petit égoïste ! Tu ne penses qu’à toi, à tes prés, à ton dîner, à ton confort ! Tu n’es qu’une poule mouillée, un avorton, un... »
Martin fit un pas en avant, les poings serrés de rage.
« Sors d’ici. Va faire ferrer ton cheval où tu veux, moi je n’y toucherai pas.
- Tu avais promis ! Espèce de traître ! »
Le coup partit à la vitesse de l’éclair. Martin fut projeté en arrière et s’écroula sur le sol de terre battue. Epuisé par la trop longue journée passée aux champs, il perdit connaissance.
Quand il revint à lui, il faisait nuit noire. Quelques braises rougeoyaient encore dans la forge. Sa mâchoire lui faisait mal, et du sang avait coulé de sa lèvre éclatée jusque dans son cou. Il se releva péniblement, se lava le visage dans le seau resté près du puits, et rentra chez lui. En passant, il constata que l’enclos était vide.
Narwa Roquen, flower power...


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-06-14 18:14:31 

 Martin n'ira pas à la guerre!Détails
Un texte médiéval où il est question d'honneur et de valeur, de labeur et de bonheur, de la relativité des positions sociales, toutes ces choses que l'on n'apprend plus de nos jours.

Entre Martin et Rodolphe, deux anciens amis et deux actuels beaux frères, les perspectives sur le monde changent selon que l'on soit sur ou derrière le cheval. Chacun étant persuadé de la justesse de son rôle et de la futilité de celui rempli par l'autre. L'atmosphère entre les deux frères devant la loi se dégrade progressivement pour finir en gerbe d'étoiles pour Martin.

Les termes de maréchalerie et les expressions "rurales" campent bien le décor et l'époque.

J'ai trouvé un peu étonnant que le régiment du Roi auquel appartient sans doute Rodolphe ne possède pas son propre maréchal-ferrant, surtout s'il s'agit d'un régiment de cavalerie.

En attendant la suite...

Om mani padme hum !

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-10-03 15:16:27 

 Exercice 39 : Narwa Roquen => CommentaireDétails
Très sympa, ce thème ! Félicitations d’ailleurs pour tous ces thèmes ! Que j’aimerais pouvoir participer à tous ! Cette année, je me dégage du temps pour écrire.

Galéger ? On ne le lit pas souvent, ce verbe !
Joli contraste entre les deux personnages, d’un milieu commun mais ayant choisi des voies différentes. Le thème de la dispute est universel.
Le discours du paysan est peut-être un brin trop élaboré pour un gars qui passe son temps courbé sur les cultures mais il en a sans doute discuté des soirées entières avec ceux de ses collègues qui pensent vers lui.
Bien vu, les vieux motifs de querelle qui émergent, quoique cela me paraisse un trait assez féminin de citer de très anciens griefs. Un texte court et efficace.

Est', en pleine lecture.

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