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 WA - Participation exercice n°49 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Vendredi 21 novembre 2008 à 23:05:46
Une courte histoire de terreur...

___

Leçon de chant



Là où je vis, il fait sombre mais j’aime ça. Là où je vis, cela empeste mais cela ne me dérange pas. Là où je vis, cela suinte mais cela ne me gêne pas. Car là est mon royaume. L’endroit où je me sens bien. Où je me sens chez moi. C’est au-delà de ton imagination. Au-delà de tes rêves les plus noirs. Les plus horribles. Ceux dont tu refuses de te souvenir quand tu te réveilles en sueur, baigné par la clarté fantomatique de la lune descendante. C’est pourtant bien réel. Juste en dessous. Sous tes pieds. Là où vous enterrez vos morts. Dans le froid et la terre. Je suis là et je vous observe. Toi et tous les autres. Je suis là et je vous hais. Le sais-tu ? Une haine bien pâle au regard du feu qui brûle dans mes yeux quand je vous épie, sous la fenêtre de la cuisine, à la nuit tombée. Car j’aime vous regarder. Vos gestes les plus anodins et vos gestes les plus intimes. Je suis un esprit qui hante les lieux, parmi vous et caché à vos yeux. Un visiteur nocturne.

Je vais te raconter mon histoire. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Il ne doit pas être tout à fait l’heure. J’étais poursuivi par les hommes du shérif et par des infirmiers de l’hôpital psychiatrique de Danvers. Là-bas en Nouvelle-Angleterre. J’étais l'habitant du dernier sous-sol. A l’écart de tous. J’ai fait une promesse. Jamais je ne reviendrai vivant dans le grand bâtiment aux briques rouges. Jamais. Jamais. Tu ne supporterais pas ma confession, comment je me suis échappé. Les cris et le sang. L’air de la nuit et les clameurs des anciennes sorcières. Car c’est à Danvers qu’elles furent toutes brûlées. Les sorcières. A Danvers. Ou plutôt à Salem, son ancien nom. J’ai du sang de sorcière qui coule dans mes veines.

J’ai fui devant les chiens et leurs maîtres. Lancés sur ma piste, ils humaient ma trace. Je leur ai échappé. Une fois. Dix fois...Mais ils me traquaient toujours. Un jour, en voulant me cacher, je suis entré dans le cimetière. J’ai trouvé par hasard une ancienne galerie creusée sans doute par ceux qui vivaient là bien avant vous. Longtemps avant vous. Des créatures étranges et cruelles qui adoraient des divinités encore plus cruelles et encore plus étranges. Une civilisation disparue et toujours inconnue. J’ai trouvé l’autel où ils sacrifiaient leurs victimes, au pied d’un gigantesque bloc de pierre noire et brillante. La vasque rituelle est tellement patinée que son contact paraît soyeux. Enchâssés dans la pierre noire, j’ai découvert leurs dieux. Des dieux de cauchemar aux becs monstrueux et aux griffes acérées. Des dieux d’une mythologie ignorée et inhumaine. Des runes incompréhensibles déroulaient leurs symboles ésotériques tout autour. J’ai passé et repassé mes doigts le long de ces signes sinueux. Une étrange magie s’en est alors dégagée. Une magie malsaine et irrésistible. Une magie qui m’a enivré. Des images orgiaques et bestiales. Des formes incompréhensibles s’enroulant comme des serpents interminables autour de piliers de chairs décomposées. Des cantiques obscurs, psalmodiés par des gorges ouvertes et sanglantes. J’ai vu un chaos pulser tout au fond de la noirceur minérale, un chaos diabolique et tellement séduisant. Un chaos qui battait comme un coeur malade. Un vortex merveilleux et carnassier qui tendait ses tentacules barbelés jusqu’à l’autel, pendant que le Grand Sorcier levait ses bras en signe d’offrande extatique. Une main tenant la lame sacrificielle, l’autre tenant un coeur humain encore palpitant. Il avait tant faim, l’être sans nom qui émergeait du chaos. Il était furieux et avait immensément faim. Il lui en fallait encore et encore et jamais il n’était rassasié. Encore et encore.

J’ai su que ce n’était pas le hasard qui m’avait conduit jusque là. Non. Ma course avait finalement un but. Elle m’avait dirigé là où était ma place. Les voix dans ma tête m’avaient appelé longtemps mais je ne parvenais pas à comprendre ce qu’elles me disaient. Ce qu’elles me voulaient. Des voix stridentes et grinçantes. Des voix qui murmuraient pendant que je dormais. Quand je me réveillais, j’avais oublié et je sentais bien que je n’aurais pas dû. Alors j’ai refusé de dormir pour mieux les écouter et mieux me souvenir. Depuis, je n’ai plus sommeil. J’ai traqué les petits revendeurs dans les ombres des ruelles de derrière. Ils m’ont supplié mais j’ai fait ce que je devais faire. J'ai arraché mon trésor, mes petites pilules blanches. Elles m’empêchent de dormir. J’ai laissé par contre les bleues et les jaunes.

Alors peu à peu, les voix sont devenues mes amies. J’ai commencé de comprendre ce qu’elles voulaient me dire. Elles m’ont ordonné de me glisser dans les maisons quand la lune descend dans le ciel. Il faut que la lune soit descendante. Ni ronde ni montante. Toujours descendante. Les voix m’ont dit d’ouvrir le tiroir où reposaient les lames brillantes. Les voix m’ont accompagné quand j’ai gravi les marches de l’escalier, sans faire craquer le bois. Elles ont bruissé de plaisir quand j’ai doucement poussé la porte de la chambre des parents à l’étage. En m’approchant du lit, les voix sont devenues hystériques. Même si je ne comprenais pas encore tout, les images qui se formaient dans ma tête m’ont suffi. J’ai levé le long couteau que je tenais à deux mains.

Quand tout est fini, quand tout redevient silencieux, je suis quelques fois assis sur un autre lit, dans une autre chambre. Il y a, dessinés sur les murs au-dessus des lits, d’étranges signes barbares qui bavent en sinistres larmes rouges. Ce sont les mêmes runes que celles du temple souterrain. Personne, homme, femme ou enfant, n’a pu prononcer à voix haute les incantations que forment ces runes. Le gosier humain n’est-il tout simplement pas capable de reproduire de telles sonorités? J’ai essayé encore et encore. Je n’y suis pas arrivé. Morts. Ils sont tous morts avant, leurs cordes vocales mises à nu. C’est au-delà du hurlement, au-delà du râle de l’agonisant, au-delà du cri primordial. Je me suis bouché les oreilles certaines fois mais je n’ai pas réussi à reproduire le son que j’éntends pourtant dans ma tête. Chaque nuit quand la lune descend. Je sais que le jour où j’y parviendrai, alors elles descendront lentement du bloc de nuit. Elles reviendront, les créatures aux becs de cigogne et aux griffes démesurées, rappelées à la vie par la magie des runes. Il viendra lui aussi. Etirant ses tentacules et déployant ses ailes d’écailles. Réclamant sa nourriture. Encore et encore. Pour elles, pour lui, je tiendrai le couteau d’os au-dessus de la vasque et le fleuve tari coulera à nouveau. Sans fin. Mon bras ne faiblira pas. Jamais.

Il faut donc que je persévère. Ainsi, chaque fois que la lune descend sur l’horizon, je me faufile dans les ombres qui s’étendent sur mon terrain de jeu. Mon terrain de chasse. Toute la ville. Toutes ses banlieues. Je suis à la recherche de quelqu’un de spécial. Celui qui sera capable de rappeler à la vie les dieux prisonniers de la pierre noire. Celui qui pourra articuler d’une façon ou d’une autre les prières runiques. Les cordes vocales ne suffiront pas. Il faudra que je les aide à sortir, encore et encore. Avec ce couteau que tu vois là.

N’essaie pas de te libérer. Les noeuds sont solides. Ne tourne pas la tête. Elle est bien à tes côtés mais ce n’est pas son tour. Ni leur tour non plus. C’est ça, écarquille les yeux ! Prépare-toi. Seras-tu celui que je cherche ? Nul ne t’entendra. Nul ne vous entendra jamais. Est-ce un cauchemar. Qui le sait ? Personne ne viendra à votre aide. Il n’y a que moi, la lune derrière la vitre et le couteau qui réfléchit son rayon argenté. Vous deux et les petits, à côté. Seras-tu enfin le bon? Je ne suis pas fatigué. La quête est ma vie. Les dieux attendent au fond de la pierre. Alors crie, hurle et je t’aiderai.

M


  
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Netra  Ecrire à Netra

2008-11-21 23:59:07 

 Adorablement glauque...Détails
Texte délectable, abominablement noir sur toute sa longueur, que clôt une délicieuse salve de sadisme...
Je me suis beaucoup plu à faire défiler les images que tu évoques, avec assez de précision pour les rendre vivantes et assez de rapidité pour qu'elles demeurent floues comme les rêves, bref un excellent équilibre, des mots justes, bien choisis et qui sonnent bien à l'oreille.
Tu n'as pas autant martyrisé le français que moi, mais la consigne n'en est pas moins parfaitement respectée.
Si j'avais un chapeau, je me découvrirai.
Netra, qui aime les ambiances noires

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-11-28 23:24:07 

 Commentaire Maedhros, exercice n°49Détails
Courte mais bonne! Un joli moment d'horreur! La consigne est parfaitement respectée, l'histoire est violente, l'expression rythmée, syncopée, forte. Le titre ironique convient très bien à ce délire obsessionnel où le héros trouve néanmoins une satisfaction évidente. La scène dans la crypte est une merveille! Obscure, exotique, envoûtante...
Le héros, malgré sa folie meurtrière, est néanmois attachant. Cet homme errant, perdu, traqué, trouve enfin un sens à sa vie et se sent investi d'une mission, maléfique certes, mais qui provoque chez lui un enthousiasme régénérant. Les humains sont totalement instrumentalisés au profit de sa quête, psychopathie oblige. Et sa quête est incertaine, car le son dont il rêve n'existe peut-être pas. L'idée est originale... Mais où est passé le miroir?
Quelques détails:
- "Là où je vis...": Il me semble que dans la progression "empeste" est plus fort que "suinte"
- "ceux que tu refuses de te souvenir": "dont": ou bien "ceux que tu refuses de te rappeler"
- "il avait tant faim": oui, s'il est québéquois... Sinon, c'est "tellement"
- "ce couteau que tu voies": "vois"


Encore un texte bien agréable à lire et qui sonne (eh eh...) tout à fait juste. A lire le jour, de préférence...
Narwa Roquen,même pas peur!

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Netra  Ecrire à Netra

2008-11-29 11:26:59 

 J'ai relu le texte...Détails
... Avec l'accent québécois, et sérieusement, c'est horriblement drôle. Je vous le conseille, surtout à voix haute.

PS : Narwa, pas beau !!! On écrit québécois, pas québéquois !!! Moralité, on fait tous des fautes !
Netra, qui va essayer avec l'accent marseillais, et puis le belge, et le suisse, et le chti, et...caetera

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2008-11-30 14:40:49 

 Comm 49 MaedhrosDétails
Eh ben moi, j'ai pas réussi à "rentrer dedans". Pourtant tu sais à quel point j'adore tes textes, ton écriture d'habitude, mais là j'ai trouvé le personnage froid, à l'inverse de celui de Narwa sur le même exercice qui est plein d'humanité, le tien je n'arrive pas à le saisir, je passe à côté. Ca, c'est sur le plan émotionnel, mais ce n'est qu'un ressenti, par définition très subjectif!

Par ailleurs, l'idée du motif des meurtres est excellente, très originale, avec un titre très bien trouvé. La trame est bonne, c'est glauque à souhait, c'est noir, c'est bien écrit... à part effectivement ces quelques fautes qui ne te ressemblent pas: vite écrit? C'est des petits détails de rien mais ça coupe le rythme (et pourtant j'en fais aussi, mais moi je ne m'appelle pas M :p)

Ca reste un très bon texte, hein, quand-même :)

Elemm', 'achement constructive!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-12-19 11:36:27 

 Exercice 49 : Maedhros => CommentaireDétails
Sympa, le premier paragraphe.
« J’ai du sang de sorcière qui coule dans mes veines. » : je trouve la phrase un peu lourde. J’aurais mis « du sang de sorcière coule dans mes veines. »
Agréablement lovecraftienne, la description du culte maléfique ! J’aime.
« Il avait tant faim » sonne bizarrement, j’aurais mis « si faim ».
« Etirant ses tentacules et déployant ses ailes d’écailles. » : Iä Iä Cthulhu ftaghn ! si tu me passes l’expression !
La fin est sympa aussi et le titre prend tout son sens. Ca manque peut-être un brin d’histoire mais les descriptions des créatures sont plaisantes.

Est', qui aime les tentacules.

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