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De : Estellanara  Ecrire à Estellanara
Page web : http://estellanara.deviantart.com/
Date : Samedi 29 novembre 2008 à 15:16:58
Désolée Elemm', voici encore un texte sombre. J'ai mis des points virgules, Narwa, mais je ne suis pas sûre de les avoir utilisés correctement. Tu me diras. Ce fut long à écrire et je n'aime pas trop le titre mais voilà :

Edit pour corrections suite à remarques de Z et Narwa.

Broken toy


Beth poussa la porte du cabinet et inspecta méticuleusement la rue. Pas de danger apparent ; j’y vais.Elle sortit et referma la porte de verre avec mille précautions. Puis, elle commença à longer le trottoir en jetant des regards à droite et à gauche, sursautant au moindre bruit. Elle rajusta à son épaule la sangle de son sac à main. Il ne fallait surtout pas qu’il tombe. Non, surtout pas. En face d’elle, une jeune femme tourna le coin de la rue et s’avança en poussant un landau. Le pouls de Beth s’accéléra. Ne pas paniquer. Elle s’immobilisa, vérifia la route et traversa précipitamment. Après une nouvelle alerte - un homme portant une plante en pot - elle parvint jusqu’à l’arrêt de bus. Les transports en commun étaient une importante source de stress mais conduire lui était impossible. Elle présenta sa carte d’abonnement au conducteur et s’installa dans un coin, le plus loin possible des autres usagers. Elle observa longuement chaque personne, évaluant les problèmes potentiels. Ce cabas posé sur le sol en équilibre précaire ?! Mais non, il ne contenait qu’une botte de poireaux. Rien qui casse. Tout va bien ; ne regarde pas. Beth s’autorisa un moment de détente, sans toutefois relâcher complètement sa vigilance. Machinalement, elle porta la main à son poignet, enveloppé dans une bande de gaze. Sa peau tailladée pulsait douloureusement.

Elizabeth White était une petite femme pâle d’une trentaine d’années, au visage piqueté de tâches de rousseur, aux grands yeux hagards. Ses cheveux blonds frisés étaient mal coupés et ses vêtements ne lui allaient pas. Elle avait en permanence l’attitude affolée d’un lapin pris dans les phares d’une voiture. Son psychiatre venait de lui prescrire un nouveau traitement. Plus fort que le précédant. Il lui avait donné un flacon et elle avait avalé deux comprimés rose pâle. Heureusement, le flacon était en plastique. Le psy la connaissait bien. Si le flacon avait été en verre, Beth aurait eu trop peur de le casser. Je casse tout.Tandis qu’elle réfléchissait, ses mains cherchèrent dans son sac et caressèrent le récipient de médicaments. Toujours entier : tout va bien.Elle ne se faisait pas confiance. Elle était si maladroite. Depuis toujours, Beth vivait avec la hantise d'abîmer quelque chose. Elle évitait soigneusement de s'approcher des objets fragiles et même des gens, de peur de leur faire mal sans le vouloir. Sa vie entière était organisée autour de cette peur dévorante. Elle ne possédait pas de bibelots, pas de cadres et sa vaisselle était en plastique. Elle ne conduisait pas, par crainte de l'accident, n'allait pas dans les magasins, n'acceptait jamais une invitation. Et malgré cela, elle cassait beaucoup de choses. Dès qu’elle relâchait son attention, cela arrivait. Il suffisait qu'elle s'énerve, qu'elle perde un instant le contrôle de ses sentiments pour qu'un objet se brise. Une intense angoisse la saisissait alors. Le sang lui battait dans les tempes, la tête lui tournait. Il fallait qu'elle répare et vite ! Souvent, elle y parvenait et cela l'apaisait. Mais il était des choses qu'on ne pouvait réparer. Pour se calmer, elle prenait des anxiolytiques. Elle avait des rituels aussi, comme de vérifier chaque soir avant de s'endormir que tous ses objets étaient intacts. Ou de fixer les petits ustensiles de toilette avec du sparadrap sur la tablette du miroir, pour éviter qu'ils ne tombent. Comme ça, pas de danger.

Quelqu'un monta dans le bus et Beth le scanna immédiatement. Chaussures synthétiques, jeans, veste de laine, sacoche en cuir –bien fermée-, casquette en feutre. Pas d’accessoires en main, pas de lunettes. Elle se replongea dans ses pensées. Le psychiatre s'occupait d'elle depuis quinze ans maintenant. C'était le deuxième. Une femme, douce et calme. Il faut que ce soit une femme."Le sujet qui est demeuré bloqué au stade sadique-anal croit en la toute-puissance de la pensée," disait-elle de sa voix de velours, "mais c'est une illusion". Une illusion... Beth voulait la croire mais cela arrivait quand même. Je casse tout.Elle était également suivie pour une amnésie partielle, portant sur quatre années de son enfance. "La névrose d'angoisse est indubitablement liée à l'inhibition des souvenirs", disait la psychiatre. Récemment, un nouveau trouble était apparu. Beth s'était réveillée une nuit avec la certitude qu'elle avait fait quelque chose de terrible et qu'il fallait qu'elle se punisse. Dans un état second, elle avait pris un couteau de cuisine et s'était tailladé l'avant-bras. Elle n'avait repris ses esprits que sous l'effet de la douleur. Cela s'était produit à trois reprises. La pulsion était incontrôlable. Il fallait qu'elle se mutile, qu'elle se mortifie.Je suis mauvaise, je casse tout.Avec le nouveau traitement, la psychiatre lui avait promis que tout irait mieux. "L'analogue de sérotonine du psychotrope va casser la tendance mortifère", lui avait-elle assuré sur son ton posé. Mais Beth était persuadée que se cachait en elle-même une force terriblement dangereuse, aspirant à la destruction. La possibilité que cette force échappe à son contrôle et se livre à des ravages la terrifiait.Je dois me surveiller.Des années auparavant, elle s’était disputée avec un collègue de travail, un jeune fat qui tentait de la déstabiliser sans saisir la gravité de son état. En colère, elle avait souhaité qu’il aille au diable. Le jeune homme était aussitôt tombé gravement malade et il avait longuement gardé la chambre. Beth était accablée de remords. Il lui était apparu clairement qu’elle était responsable. La psychiatre pouvait parler, elle savait qu’il en était ainsi. Et il ne fallait pas que cela se reproduise. Elle se surveillait donc. Constamment. Pas de pensée négative, pas de colère. Sinon, cela va arriver encore.

Le bus avait traversé la ville et l'avait déposée en banlieue. Elle remonta la rue, lentement, et en surveillant tout, puis pénétra dans un bâtiment tout de béton et d'acier. Sur la façade, s'étalaient en grandes lettres chromées les mots Advanced Neural Research, avec un logo en forme de cerveau stylisé. Beth s'immobilisa quelques instants et inspecta les alentours. Pas de danger apparent ; j’y vais.Elle franchit le hall d'entrée suivant une trajectoire qui évitait soigneusement le distributeur, la fausse plante verte et la table basse design. L'hôtesse d'accueil, une blonde très maquillée, la regarda faire avec une moue dégoûtée. Beth l'ignora. Elle ne pouvait se permettre de penser du mal de cette fille.Je casse tout. Le front plissé par la concentration, elle remonta deux couloirs, passant le plus loin possible des gens qu'elle croisait. Seul Jorge, un quinquagénaire moustachu, la salua avec un sourire. Elle lui répondit par un petit signe de la main. Une fois la porte de son bureau refermée, elle respira un peu plus librement. Elle suspendit son manteau et son sac à la patère et s'assura qu'ils ne tomberaient pas. Puis, comme chaque jour, elle entama une vérification méticuleuse du contenu de la pièce. Le bureau était petit, avec une fenêtre donnant sur un parc. Le mobilier se réduisait à une grosse armoire, une étagère, une chaise et une large table, portant quatre ordinateurs à écrans plats. L'un des écrans était allumé et clignotait de rouge et de vert. Les rares accessoires du bureau - un stylo, un calendrier, un bloc de post-it et un téléphone - étaient fixés au plan de travail avec du scotch. Le téléphone, cassé plusieurs fois, avait été rafistolé avec de la glue. "A ce stade de la cure, le sujet peut maîtriser son angoisse et reprendre une activité professionnelle partielle, dans un cadre aménagé" avait dit la psychiatre six mois plus tôt. Beth contrôla l'intégrité de chaque objet une première fois, puis une seconde pour plus de sécurité. Tout va bien ; rien n’est cassé.Enfin, elle alluma ses ordinateurs et s'assit. Tout en consultant ses messages, elle massait doucement ses bras. Les entailles, à vif sous le bandage, lui cuisaient. Elle ouvrit un dossier numérique et de multiples graphiques et schémas s'affichèrent sur les écrans. Sur la première page, le titre annonçait :

SIN
Système d'Investigation Neurologique
(basé sur les travaux de Stewart-Garfield)

Le laboratoire mettait au point une machine permettant l'induction de rêves lucides et ainsi, une régression virtuelle dans l'inconscient du sujet. Beth avait assisté aux premiers tests in vivo la semaine précédente. Elle édita le code source du programme principal, dont elle était l'auteur. Elle passerait la journée à le vérifier avec minutie, éliminant jusqu’aux erreurs les plus insignifiantes.

Eveil. Sol froid sous son corps. Des flash de lumière colorée. Où suis-je ? Beth cligna plusieurs fois des yeux et s'assit doucement. Elle regarda autour d'elle avec perplexité. Une impasse, sombre, au sol luisant de pluie. Des poubelles en inox. Sur le mur d'en face, un néon bleu - "Blue smoke Club" – clignotait, sa lumière se reflétant dans les flaques. Au bout de la rue, des voitures passaient dans un scintillement de phares. Que m'arrive-t-il ?Ses pensées étaient lentes, comme engluées dans un sirop épais. Elle ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait. Elle essaya de se souvenir de la veille. Elle était rentrée du laboratoire. Une soupe et puis, elle s'était couchée. Mais après... ? Comment était-elle arrivée ici ? Elle ne connaissait pas cette rue. Si froid... Elle baissa les yeux vers son pyjama et, se faisant, aperçut ses mains. Couvertes de sang. Beth poussa un cri étranglé. Elle leva les bras vers la lumière du néon. Rouge. Encore frais. Non... non... Ses yeux s'écarquillèrent comme s'ils allaient rouler hors de leurs orbites. Qu'ai-je fait ? La pluie se remit à tomber, serrée et glaciale. Elle fixait les rigoles écarlates le long de ses poignets zébrés de cicatrices. La tête lui tourna et elle sentit qu'elle commençait à basculer. Ne pas paniquer.La psy... la psy, que disait-elle ? "...la prise sur le réel par une focalisation sur les informations sensitives." Se concentrer sur les sens. Des gouttes froides sur son visage. Le grésillement du néon. L'odeur métallique du sang. Qu'ai-je fait ?La panique déferla sur Beth, lui coupant le souffle, lui voilant les yeux. Elle se leva, vacillante et se mit à courir dans l'impasse.

Beth but une gorgée à sa chope de plastique. La chaleur sucrée du lait au miel la réconfortait un peu. Elle replia les jambes et se recroquevilla dans son fauteuil. Elle ne savait plus trop comment elle était rentrée chez elle. Elle s'était lavée, longuement, à l'eau très chaude. Et elle s'était savonnée encore et encore, jusqu'à ce que sa peau rougisse. Elle avait enfilé un pyjama propre et avait jeté l'autre dans le vide-ordures. A présent, elle essayait de réfléchir mais ses pensées demeuraient confuses. Quand elle fermait les yeux, des images l'assaillaient, décousues, fugitives, comme les éclairs d'un stroboscope. Un homme aux cheveux gris, sous un lampadaire. Les silhouettes noires des arbres ; un parc. Une chemise et une tâche sombre qui grandit. Suis-je en train de devenir folle?Son coeur battait dans sa poitrine et elle n'osait regarder ses mains, de peur de les découvrir ensanglantées. Que m'arrive-t-il ?"...liée à l'inhibition des souvenirs...". Comprendre, peut-être. Aller au laboratoire et comprendre...

Les mains fines de Beth couraient sur le clavier et des colonnes de chiffres défilaient sur les écrans de contrôle, jetant sur son visage blafard un éclat vert. Elle s'était introduite illégalement dans le laboratoire principal, piratant le système de clé magnétique depuis le terminal de son bureau. Puis, elle avait désactivé les caméras de surveillance. A présent, elle programmait la séquence d'exploration sur le SIN. Rêve lucide, type 2... Réactivation de souvenirs occultés... Réveil uniquement sur signal du patient. La grande salle était sombre, encombrée d'ordinateurs reliés entre eux par des faisceaux de câbles. Les appareils émettaient des lueurs pulsatiles et des bips réguliers, brisant le silence lugubre. Les lampadaires, îlots de clarté dans l'obscurité du parc au dehors, projetaient des ombres fantomatiques à travers les vitres. Beth effectua les contrôles de démarrage du système, chargea fébrilement le programme et lança le mode automatique. Puis, elle se leva et gagna promptement le centre de la pièce, passant le plus loin possible des machines. Ne rien casser.Sur une plate-forme, trônait un siège d'aluminium bardé de sangles, surmonté d'un énorme casque couvert de diodes. Le casque était relié par des fils à une arche métallique qui encadrait l'ensemble. Beth s'installa, serra les sangles et descendit l'appareil sur son crâne. Elle attendit, les mains crispées sur les accoudoirs. "Début d'initialisation" annonça une voix synthétique, grave et douce. Des lampes bleutées s'allumèrent au bas de l'arche puis progressivement tout du long, illuminant la pénombre du laboratoire. Un bourdonnement naquit dans le casque et s'amplifia tandis que des éclairs parcouraient les câbles. Beth serra les dents. "Début de phase principale" déclara l'ordinateur.

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Le labo disparaît d'un seul coup. Je suis aspirée vers l'arrière, comme si je tombais de plus en plus vite. Je crie mais je n'entends aucun bruit. Je tente de me raccrocher mais il n'y a rien. Le temps se dilate. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. Et puis, la chute s'arrête brutalement. Je flotte dans le néant. Le vide absolu. Je ne vois rien, je ne sens rien. J'ai peur. Que se passe-t-il ? Ne pas paniquer. Et si la machine ne marchait pas ? Et si elle me lavait tout simplement le cerveau et que mon corps reste là, assis sous le casque, réduit à l'état de légume ? J'ai vérifié le programme à maintes reprises mais je ne me fais pas confiance. Mes pulsions de destruction sont si fortes. Cette expérience est dangereuse mais je dois savoir. J'ai fait du mal à quelqu’un cette nuit, j'en suis sûre. Il ne faut pas que cela se reproduise. Non, surtout pas. Il ne se passe toujours rien. Je ne sens pas mon corps. L'angoisse serre mon coeur dans son étreinte glacée, me soufflant à l'oreille les idées les plus terribles : et si j'étais déjà morte ?

Soudain, je hume quelque chose, le parfum de l'herbe, peut-être. Je me raccroche à cette sensation et j'inspire avec avidité. J'entends le souffle du vent à présent et je devine une lueur dorée. Mes muscles crispés se relâchent un à un. Mes pieds se posent sur une surface plane. La vue me revient comme si un épais brouillard se dissipait. Je suis sur une route pavée de briques jaunes, qui serpente dans une campagne paisible et ensoleillée. A perte de vue, la prairie ondule sous la brise. Elle est si fine et semble si douce; on dirait de la fourrure. Je regarde autour de moi. Est-ce le rêve qui commence ? Sans y penser, j'ai commencé à suivre la route.

Je marche depuis un moment quand j'aperçois au loin un objet qui reflète le soleil. Je me hâte. En m'approchant, je m'aperçois qu'il s'agit d'une maison au bord de la route. Elle est immense et entièrement transparente, comme faite de verre. Je peux voir à l'intérieur, des meubles, tables et fauteuils, des plantes vertes. Je longe un mur, touchant la paroi froide. Il ne semble pas y avoir de porte. Je suis inquiète sans savoir pourquoi. Je continue le tour de la maison, sans pouvoir trouver la moindre ouverture. Soudain, je vois des gens. Une fillette est allongée au centre d'une salle, sur un lit d'hôpital. Elle ne doit pas avoir plus de onze ans. Elle est attachée par des sangles de cuir. Ses boucles blondes s'étalent sur l'oreiller vert et ses grands yeux pâles s'écarquillent de terreur. La chambre est immense avec deux murs capitonnés et le troisième vitré. Il y a deux hommes aussi, en uniforme d'infirmiers. L'un d'eux se penche sur l'enfant et lui étale une sorte de gel sur les tempes. L'autre manipule une machine posée sur un chariot roulant, branchant des fils, réglant des potentiomètres. Un noeud se forme dans ma gorge : ils vont lui faire du mal. Je cogne à la vitre pour attirer leur attention mais ils ne réagissent pas. Je vois leurs lèvres s'agiter mais je ne puis rien entendre. A travers la paroi étanche, le silence de la scène est surréaliste. Si seulement je pouvais entrer ! L'un des infirmiers a saisi un appareil à électrochocs et il s'approche de la fillette. Elle se contorsionne entre ses liens, en vain. Le visage de l'homme est d'une froideur mortelle, inhumaine. Je hurle :
" Non !! Laissez-la ! "
Il a posé l'appareil sur la tête de la fillette. Son petit corps bondit, son dos s'arque brutalement puis retombe. Sa bouche s'ouvre sur un hurlement silencieux. Laissez-la ! Je frappe la vitre, des larmes coulent sur mes joues.
" Je vous en supplie, laissez-la ! Laissez-moi ! "
L'homme s'approche à nouveau de l'enfant. Je frappe encore, mes mains sont en sang.
" Pourquoi faites-vous ça ?! Vous êtes des monstres ! Des monstres !! "

Je ne peux détacher mon regard du visage de la fillette. Plein de terreur un instant plus
tôt, il est à présent déformé par la haine. Un rictus hideux découvre les dents. Elle fixe ses tortionnaires. Sa main se crispe et les deux hommes sont projetés à travers la pièce. Ils volent littéralement ! L'un d'entre eux vient s'écraser contre la vitre. Je fais un bond en arrière et tombe lourdement assise. Le visage de l'homme heurte le verre avec une violence inouïe, encore et encore, jusqu'à n'être plus qu'une bouillie sanguinolente. Il glisse au sol en laissant une traînée rosâtre. Le deuxième gît contre le mur, le cou tordu dans un angle grotesque. La fillette s'est tournée vers le mur vitré. De l'autre côté, est apparue une femme mince et blême. Elle se tient debout, les mains jointes, sans réagir. Maman. Je longe le mur pour la voir de plus près. L'enfant lui parle, son petit visage baigné de larmes, mais elle demeure inexpressive, comme absente. Je l'appelle moi aussi :
" Maman ! Vois-moi ! Entends-moi ! "
Elle porte un corsage blanc sur lequel tranche un foulard rouge vif. L'étoffe écarlate me fait peur. Je ne veux pas qu'elle porte ça. Il ne faut pas. Surtout pas !
" Maman, tu ne dois pas porter ce foulard ! "
J'appuie mes deux mains sur la vitre et je pousse comme si je pouvais la traverser. Maman commence à disparaître. Ses pieds et le bas de sa robe deviennent invisibles, puis ses jambes. Progressivement, elle s'efface. Je ferme les yeux. Pourquoi... pourquoi... ? Je ne sais combien de temps je reste ainsi. Quand je regarde de nouveau, il n'y a plus rien, ni fillette, ni cadavres. La maison est vide. Je retourne lentement jusqu'à la route.

Soudain, un froissement d'herbe derrière moi, et une voix aiguë :
"Tu as tout cassé. Tu as été méchante."
Je sursaute et fait volte face. Un lapin en peluche se tient devant moi. Il est énorme, nos yeux sont presque à la même hauteur. Ses formes sont rondes, couvertes de fourrure blanche synthétique, avec un nez en plastique rose. On peut voir sur son flanc qu'une déchirure a été recousue. Il remue les oreilles et me toise d'un air désapprobateur. Je suis stupéfaite. Il poursuit, le timbre haut perché :
"Maintenant, Maman ne veut plus de toi, elle a peur. Tu n’aurais pas dû casser les infirmiers. Tu casses tout."
J'observe la peluche sans comprendre. Tout à coup, une digue cède en moi et les souvenirs déferlent : c'était mon doudou. Je l'appelais Monsieur Lapin. Nous ne nous quittions jamais. Mon coeur se gonfle d'amour. Comme il m'a manqué ! Je dormais en le serrant dans mes bras, nous jouions ensemble dans la cabane... Je veux l'étreindre mais il me fixe avec sévérité et s'en va. Je le suis, accélérant le pas à mesure qu'il s'éloigne. Mais c'est comme si je faisais du sur-place. Le paysage n'avance pas et Monsieur Lapin est déjà si loin, juste un point blanc à l'horizon. Je crie :
" Reste ! Ne me laisse pas toute seule ! "
Il y a des accents de panique dans ma voix. Il est parti. J'ai envie de pleurer de nouveau. Je m'assois sur le sol et j'essaie de me calmer. Tout va bien. Tout ceci est un rêve. Je suis assise dans le laboratoire. Je réfléchis à ce que j'ai vu. Etait-ce mon passé ? Je ne contrôle pas mes visions. Et les deux hommes morts ? Un réflexe morbide me fait me retourner mais la maison n'est plus là. J'ai voulu qu'ils meurent et ils sont morts. C'était vrai. Je sais que je les ai vraiment tués. J'avais occulté ces souvenirs mais à présent, tout me revient. Je suivais une cure dans un hôpital. Ils sont morts et ma mère m'a mise en pension. Mais comment ont-ils pu voler dans les airs ?? Est-ce moi ai fait ça ? Est-ce cela la force destructive en moi, celle que j'ai toujours crainte ? Je dois en savoir plus. Je suis terrifiée à l'idée de ce que je vais découvrir mais je n'ai pas le choix. Ils me faut plonger plus avant dans ma mémoire.


  
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Réponses à ce message :
3 WA45 : participation 2/2 - Estellanara (Sam 29 nov 2008 à 15:20)
       4 Commentaire Estellanara, exercice n°45 - Narwa Roquen (Dim 30 nov 2008 à 22:12)
              5 Merci ! - Estellanara (Ven 5 dec 2008 à 14:28)
       4 X-Files - z653z (Sam 29 nov 2008 à 23:52)
              5 Broken toy : spoilers - Estellanara (Dim 30 nov 2008 à 16:13)


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