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 WA, exercice n°76 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 31 mars 2010 à 22:30:17
Ah ah... comment qualifierais-je ce thème? Inventif? Concret? Indispensable? C'est un grand classique. Il arrive très souvent qu'un héros soit amené à partir à l'improviste, sans intendance ni secours. Votre mission, si vous l'acceptez, sera de montrer que vous savez faire survivre votre héros, quelles que soient les contrées hostiles qu'il traverse. N'abusez pas de la magie, je veux du concret: manger, boire, dormir, se protéger des intempéries et des dangers qui menacent, variables en fonction de l'histoire. Usez et abusez des détails prosaïques! Bien sûr, les anciens scouts ou les adeptes d'une certaine émission de télé-réalité seront avantagés... Rassurez-vous, je n'en fais pas partie, et je commence déjà à me gratter la tête à la recherche d'idées... Si votre imagination est en panne, revoyez "Seul au monde", avec Tom Hanks, relisez "Robinson Crusoë", ou sa version plus récente "Vendredi ou les limbes du Pacifique", de Michel Tournier, un bouquin absolument génial et une grande réflexion sur la solitude.
Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 22 avril. On ne sait jamais de quoi demain sera fait, cela pourrait peut-être nous servir un jour...
Narwa Roquen,survivre, c'est inventer


  
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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-04-15 12:14:14 

 WA-76 Participation Maeglin (avec des morceaux de WA-75 dedans)Détails
Vers les Lochs

(Où le poids et l'ennui me courbent le dos)

Une nuit d'avance.
Et la dérangeante impression que les veneurs du Palatinat me l'ont laissé plus par goût du divertissement que par nécessité.

D'abord parce que mon plan de sabotage des arsenaux impliquait de rouler dans la farine le plus pervers des officiers de l'Empire, mais surtout à cause de l'inopportune trahison de cette bécasse de Bellissende.

Ma chère comtesse Bellissende ! Prit-elle plus de plaisir à dévoiler ses charmes à mon intimité que mes ambitions à son époux légitime ? Je n'en saurai probablement rien, mais je lui dois depuis quelques lunes la plupart des emballements de mon coeur, avec une préférence marquée pour nos courses coquines dans les salons feutrés du manoir comtal plutôt que cette traque mesquine à travers les bois fétides de Klaverlye.

Prenons toutefois l'exercice avec sérieux. Les spadassins de Sanche-Loup sont réputés pour leur appétit des battues pénibles, indépendamment de l'espèce animale ou humaine qu'ils poursuivent.

Alors certes, je ne compte pas leur faciliter la tâche. Mais à ma décharge, je tiens à dire que je viens de m'assoupir une petite heure sur un tapis de rameaux pourris et de bogues de châtaignes, qu'il pleut à torrents, que je suis encore en habits de courtisan et que mon nécessaire d'aventurier en fuite est soigneusement remisé depuis une dizaine de saisons dans un coffre du palais comtal, dont je suis actuellement séparé par six lieues de forêt hostile et une meute de chiens fauves dirigée par une troupe de rabatteurs sanguinaires et revanchards.

La pluie reste une alliée de taille tant qu'elle m'évite de me désaltérer aux eaux croupies des bois. Puis elle ralentit la progression et la traque des chiens, ce qui n'est pas pour me déplaire. Il existe bien sûr quelques extraits complexes de plantes que l'on frotte sur la peau pour empêcher que l'odorat des clébards ne s'intéresse trop à nous. Il existe également une solution plus rustique dans ma situation, c'est de s'enduire de boue et d'humus. En insistant sur l'entrejambe et les aisselles.

Ne pas courir comme un dératé. Je n'en ai plus l'âge et déjà plus la force. À chaque effort supplémentaire, mes cuisses me proposent désormais un avant-goût des coups de poignard de Sanche-Loup, alors je choisis ma route et mes écarts avec soin, évitant les pistes de chasseurs et les travées connues des guetteurs.

Une colline bienvenue peuplée de hautes fougères m'accueille pour déjeuner sous un ciel encore gris. Plus prosaïquement, je m'affale exténué et la faim au ventre au milieu de nulle part. Un nuage turgescent me rappelle cruellement l'andouillette de l'Auberge du Nez Fleuri que j'ai eu la coquetterie de ne pas finir hier midi... Mon estomac attendra quelques heures. Pour patienter, je retire patiemment les échardes de mes pieds et j'examine précautionneusement ce qui reste de mes souliers, devenus en quelques heures mes meilleurs amis. Enfuyez-vous avec une épée sainte, des vivres en abondance et un attirail exhaustif de baroudeur, si vous n'avez pas de bonnes chaussures et des orteils fonctionnels, votre balade se terminera sans gloire à la première ravine !

De mon promontoire à couvert, les aboiements me parviennent en échos du sud-est. Encore assez lointains, mais s'ils ont emprunté la vieille chasse de Klaverlye c'est parce qu'ils pensent que je me rends vers la Marche de Stirfding et qu'ils ont pris des montures pour me rattraper. Bonne nouvelle, j'ai choisi l'option plus pragmatique des ronciers et des futaies épaisses qui mènent aux Grands Lochs. Sanche-Loup finira bien par rabattre ses mâtins par ici, mais chaque heure gagnée me sera précieuse pour rejoindre les Terres Franches.

N'avoir croisé que quelques grouses et un vieux cerf depuis ce matin m'incite à continuer vers le coeur de Klaverlye. J'y rencontrerai sans doute quelques chats sauvages, néanmoins je mise surtout sur l'exagération des locaux quant à l'existence d'une confrérie de leprechauns tapie dans les ombres de la forêt.

J'ai froid. L'énergie qui maintient le corps en urgence après la frousse commence à lâchement s'éparpiller. La fragile clarté qui perce entre les arbres s'amenuise maintenant à chaque pas. J'ai déjà trébuché trois fois sans conséquence, mais je ne sens plus mes mollets et ma tête dodeline d'épuisement. Plus d'aboiement depuis longtemps, cependant une pluie fine et régulière assourdit les bois et je me fie de moins en moins à mes perceptions. Je me laisse alors tomber sous un immense chêne dont le tronc part en dévers, m'offrant une protection toute symbolique contre l'averse.

Le grand défi de ces prochaines heures consiste à me reposer sans m'endormir et reprendre des forces en avalant quelque chose.

Dors bien, gentil petit d'homme
Ton ventre est plein,
Tes pieds au chaud
Dors bien, dors jusqu'au matin


Maintenant que j'y pense, j'ai un doute sur ces champignons. Non, non, je les ai bien grattés et lavés et ils ne ressemblaient à aucun des toxiques, pourtant il me semble que certains ont des propriétés dangereuses lorsqu'ils sont mangés crus...

Dors bien, gentil petit d'homme
Les leprechauns vont s'occuper
Et de ton ventre et de tes pieds
Dors bien, dors jusqu'au matin


Il fait nuit désormais. Le ciel s'est partiellement dégagé et une brise fraîche s'engouffre dans les cimes. Je me suis recroquevillé sur un matelas de feuilles mortes, secoué de tremblements et de vertiges, incapable même de bâtir un abri de fortune pour me protéger du vent. Les feulements des chats sauvages se mêlent aux hurlements des chiens.

Dors bien, gentil petit d'homme
Dans Klaverlye tu es entré
Les leprechauns tu as trouvé
Jusqu'au matin, tu nous appartiens !


Ils sont une douzaine. Vêtus de rouge sombre, certains brandissent des lanternes au dessus de leurs têtes et tous braquent des regards indécis dans ma direction. Une silhouette gracile vient se planter à mes pieds. Au fond, j'aurais préféré Sanche-Loup et ses sbires.
Bellissende est méconnaissable. Elle n'a rien perdu de sa beauté frondeuse, mais ses longues boucles détachées sur cette robe étrange lui donnent l'air d'une sylphide moqueuse.

Mon bel amant, la promenade ne semble pas vous réussir ! Relevez-vous donc que je brosse un peu votre pourpoint... Voilà. Comme neuf. Bienvenue en Klaverlye.

Je me suis levé d'un bond. Sans douleur. Propre. Rassasié. Je peux sentir l'entêtant parfum de Bellissende lorsqu'elle ondule sa chevelure.

Sanche-Loup sera bientôt là. Vous savez que je n'apprécie pas Sanche-Loup, et mes amis ici présents le détestent tout autant. Nous allons avoir besoin de vous.

J'aime la manière dont elle me regarde. Lorsque je tends les mains vers elle, elle y dépose une épée et une pièce d'or. Puis un baiser.

Clignement de paupières. Les chiens grognent et les hallebardiers se rapprochent. Des torches dansent derrière les troncs d'arbre. Un cri, le mien, et des carreaux qui sifflent. La chaleur des boyaux sur la garde de l'épée. Un choc, à genoux, une cheville tranchée. Il hurle, je me relève. Deux chiens sur moi. L'un tombe mort. L'autre s'accroche, sa tête rompt sous mon pied. Les chats sauvages se ruent sur les autres. Je le leur ai demandé. Un carreau dans le bras, l'épée entre ses yeux. Il me fixe encore et son torse s'effondre. Deux pas vers le prochain. On s'interpose, j'écarte d'un raffut. Un chat est sur sa gueule. Je transperce l'armure et j'ai le goût du sang. Sa dague rebondit, je me retourne, mon crâne fend le sien. Il rampe, vomit, les os de son bassin finissent par craquer sous les coups de pommeau. Une hallebarde brisée au milieu de sa jambe. La mâchoire démise par mon coude. Le bourdonnement enfle. Je ferme encore les yeux. L'averse recommence.

Sanche-Loup est entouré de ses molosses. Les chats sauvages se tiennent derrière moi, prêts à bondir. Un échange de coups rudes. Une parade, une deuxième, puis une frappe d'estoc qui troue son plastron. Il titube. La pluie se mêle au sang et ravine jusqu'à mes lèvres. Les chiens se replient dans les ombres, les torches se taisent en fumées âcres les unes après les autres. Sanche-Loup est à terre, haletant ses dernières forces en spasmes inutiles, l'épée des leprechauns figée dans son coeur.

La bruine a fini par me réveiller. Un jour pâle s'immisce par nappes brumeuses entre les souches. Le cliquetis sourd des gouttes sur le sol détrempé. Un vol de grouses vers l'ouest. La certitude qu'il ne s'est rien passé de tout ça.

Boire une gorgée d'eau à même la feuille. Laver son visage et ses flancs au ruisseau, être rassasié de quelques châtaignes crues. Sentir la fièvre tomber et une sève nouvelle affluer à mes membres engourdis par le confort des palais. Empoigner un bâton, suivre les sentiers dérobés des animaux sauvages, marcher jusqu'au couchant.

Je ne suis pas un tueur. Ma chemise est devenue celle d'un errant, maculée de boue, de sueur et du sang des plaies bénignes récoltées sur le chemin. Je n'ai jamais manié d'épée. J'apprends à manger des pousses de bruyère et les jeunes roseaux, et j'ai maintenant une peau de cerf tannée pour me protéger du froid. Parfois, je crois entendre des chiens crier au sud et je détruis mon abri de fortune avant de pousser plus loin, vers les Lochs. C'était sans doute la fièvre cette nuit-là, me dis-je chaque jour depuis des lunes. Je peux désormais sans trop peiner allumer un feu avec une feuille percée, une goutte d'eau et le soleil braqué sur un tas de brindilles sèches. Bellissende me chassera bien une grouse un de ces jours, elle semble moins farouche depuis que je lui ai sauvé sa patte blessée. Ce n'est qu'une grosse chatte sauvage, évidemment, mais la manière qu'elle a de se frotter à moi lorsqu'elle se sent vulnérable me rappelle une comtesse des lisières de Klaverlye. Je dois rester vigilant pour Sanche-Loup et continuer à garder de l'avance, parce que cette histoire de léprechauns et de combat en forêt devient floue chaque fois que j'y pense. Ça ne me tire plus souci pour la bonne raison que j'ai de quoi occuper mes journées, mais quand vient le soir et que la pluie se met à tomber je ne peux pas m'empêcher de porter nerveusement la main à la seule poche qui reste à ma tunique.

Et parfois, je sens la forme arrondie d'une pièce d'or.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-22 23:37:57 

 WA, exercice n°76, participationDétails
Le Dragon des Czerniks (suite)


Le jour commençait à poindre quand Nadievna s’arrêta. J’avais passé la nuit accrochée à sa crinière, plus souvent somnolente qu’éveillée, et je l’avais sentie plusieurs fois rétablir mon assiette à l’aide d’un petit soulèvement de hanche quand je glissais de la selle.
« Tu peux dormir deux heures », me transmit-elle par l’esprit. « Il n’y a pas de danger. »
Je me laissai tomber au sol, titubante et étourdie. J’ôtai le filet et la selle et je m’écroulai dans l’herbe fraîche couverte de rosée. J’aurais sûrement froid à mon réveil mais j’étais trop fatiguée pour déplier la couverture que Diakine avait roulée dans mon paquetage.
Le museau tiède de Nadievna me tira de mon sommeil sans rêve.
« En route. Sers-moi un peu d’orge, mange aussi, nous repartons. »
J’obéis, sans même me demander pourquoi c’était ma monture qui me donnait des ordres. Ma jument reprit son petit galop cadencé.
« Où allons-nous ?
- Il serait temps que tu t’en inquiètes ! Il est vrai que tu es bien jeune, et que tu as confiance en moi. Mais je te rappelle que tu es Princesse de Svetlakie, tu as une place à tenir. »
Je me renfrognai.
« Ne te fâche pas. Tes muscles se durcissent et tu me sautes sur le dos, c’est désagréable. »
Je me relâchai aussitôt, confuse et encore plus vexée.
« Pardon. Tout ceci s’est passé si vite...
- C’est le destin. On croit qu’il dort, pendant des années, et il prépare ses coups en douce... Puis tout explose, et on s’étonne... Mais le destin n’a jamais cessé d’avancer... Enfin, puisque tu es la première intéressée, je t’informe que nous allons dans les montagnes. »
Je levai le nez, repérai la position du soleil.
« Quoi ? Les Czerniks ?
- Exactement. Tu n’as pas perdu ton sens de l’orientation, Zéphyr serait fier de toi.
- Mais... Pour quoi faire ?
- Ca, je n’en sais rien. Zéphyr m’a dit : tu l’emmèneras dans les Czerniks.
- C’était la patrie de notre Dragon, mais il est mort...
- Qui sait, il y en a peut-être d’autres, il avait sans doute une femelle, des petits ? Est-ce que tu as appris l’Histoire des Dragons des Czerniks ?
- Heu... Oui... Sûrement... Mais Golgotch vivait depuis si longtemps... Je ne me souviens que de lui.
- Ma mère disait toujours : « Apprends ta leçon aujourd’hui, car sinon elle te sera reproposée demain, et sûrement de manière plus impérieuse... »
Je me triturai le cerveau pour essayer de me souvenir, mais rien ne me revint. J’avais suivi l’enseignement de Dmit Yabelkov, avec Vlad et Marishka, jusqu’à la mort de mes parents. Marishka était l’aînée, elle devait donner l’exemple. Vlad était le seul garçon, et il en était fier. Je les laissais rivaliser tous les deux et je ne pensais qu’à m’échapper pour aller jouer avec les chiens et monter à cheval. Et Yabelkov n’était pas trop exigeant avec moi, puisque aucun avenir royal ne m’attendait. Fort bien. A défaut de connaissance, il me fallait user de logique. Diakine et Pola m’avaient prédit que je reviendrais. Pour quoi faire ? Vraisemblablement, pour régner à la place de Marishka. Mais comment la vaincre ? Le peuple semblait mécontent, il me soutiendrait. Cela serait-il suffisant ? Le peuple était pauvre, désarmé, impuissant. Le Pouvoir était dévolu à la Couronne, et aux nobles, pour qui trop souvent le peuple n’était que quantité négligeable. Je l’avais souvent constaté, et je me souvenais que mon père le Roi intervenait toujours pour que justice soit rendue et que les pauvres gens ne soient ni maltraités ni exploités. Ils lui vouaient un véritable culte, et de son temps personne n’aurait osé médire de lui. Il pouvait voyager partout sans arme, je l’avais accompagné souvent, même les bandits de grand chemin mettaient genou à terre quand ils le reconnaissaient.
Comment asseoir ma légitimité auprès des Barons ? Ah si Golgotch... Golgotch... Golgotch! Le Dragon, le Dragon des Czerniks! Si dans les montagnes il existe un autre Dragon, si j’arrive à le convaincre que ma cause est juste, alors toute la Svetlakie, noble ou roturière, sera avec moi! Je me souviens, maintenant.
« Le Dragon des Czerniks soutient et protège le Roi légitime, il est garant de sa sincérité et de son dévouement au peuple de Svetlakie. »
J’avais dû étudier ma leçon, ce jour-là...


Nous avançâmes sans encombre pendant trois jours, et les montagnes se rapprochaient sensiblement. Nous faisions halte tous les soirs, puisque Nadievna me certifiait que nous n’étions pas poursuivies. Nous ne manquions pas de vivres, et le temps était au beau fixe. J’étais un peu engourdie de courbatures, mais c’était toujours un bonheur de chevaucher Nadievna.
Le quatrième jour, vers midi, un orage terrible s’abattit sur nous, nous trempant jusqu’à l’os. Je suppliai Nadievna de s’arrêter.
« Ici ? En plein milieu de la plaine de Verdansk ? Je préfère continuer et chercher un abri digne de ce nom. »
N’ayant guère d’argument à lui opposer, je préférai me taire, malgré les longs frissons de froid et de peur qui me secouaient tant et plus.
Cela dura une éternité. La pluie était si dense qu’on n’y voyait pas à travers, les chemins s’étaient changés en mares boueuses où Nadievna glissait, et le vent glacé venu des montagnes figeait mes mains et mes lèvres. Il y eut même une averse de grêle, sous laquelle je courbai l’échine en serrant les dents. Nous avions croisé quelques rares bouquets d’arbres, juste bons à nous faire bombarder de branches cassées et de feuilles arrachées, et Nadievna ne s’était pas arrêtée. Je me laissais glisser par moments dans une torpeur résignée, et chaque fois ma jument m’interpellait :
« Ne dors pas ! Tu ne pourrais plus te réchauffer ! La Svetlakie a besoin de toi ! Tiens bon, petite fille, je vais nous trouver un refuge, mais le sol est glissant, je ne peux pas aller plus vite... »
« Sonietchka, ne t’endors pas ! Reste avec moi ! »
« Allez, encore un effort ! Chante ! Chante pour nous donner du courage ! S’il te plaît... »
J’étais transie et nauséeuse, mais la pauvre bête devait être au bord de l’épuisement. Claquant des dents, la gorge nouée, je réussis pourtant à émettre un petit filet de voix, c’était tout ce que je pouvais lui offrir.
« Libre Svetlakie, tes enfants courageux
Porteront sans faillir les couleurs du Dragon
L’honneur et la fierté illuminent leur front
Et la frater...nité... »
Je revoyais mon père, assis sous le grand Dais Royal, à la Fête des Récoltes, chantant cet hymne debout avec la même ferveur que le plus humble de ses sujets. Et tous, soldats et paysans, nobles et va-nu-pieds, enfants, matrones, vieillards, tous unissaient leurs voix autour de lui pour que ce chant pur et fier s’élève jusqu’aux Czerniks...



La nuit était presque tombée et je n’avais plus de voix. Je murmurais encore les paroles du refrain, comme une litanie, comme si ce marmonnement informe détenait le pouvoir de me garder en vie. Nadievna s’arrêta.
« Là, regarde, au pied de ce rocher. Une vieille cabane. Tu y seras au sec. »
Je mis pied à terre et allai pousser la porte grinçante. La pièce était nue, la cheminée vide, mais il n’y pleuvait pas. Il y avait du bois dehors, sous l’appentis. Je n’avais même plus la force de parler.
« En baissant un peu la tête, tu pourrais entrer ? Je ne resterai pas à l’abri si tu es dehors. A l’intérieur, il y a assez de place pour nous deux. »
Nadievna me suivit prudemment et franchit la porte. J’enlevai le harnachement et lui donnai la dernière ration d’orge. J’avais des allumettes dans mes fontes, mais elles étaient mouillées, et je ne savais pas comment allumer un feu sans elles. Des larmes plein les yeux, je me tournai vers ma jument.
Nadievna se coucha en vache.
« Viens contre mon flanc. Prends quelque chose à grignoter et enroule-toi dans la couverture. Tu n’auras plus froid. Demain sera un jour meilleur. »
Je m’installai près d’elle, épuisée et reconnaissante, et je m’endormis avant d’avoir touché à mon quignon de pain.



Je m’éveillai lentement. Le sol était dur, mais je n’avais plus froid. Mon estomac criait famine, donc j’allais bien. En revanche un étau brûlant enserrait mes tempes et j’avais terriblement soif. Je me traînai jusqu’à mes fontes et vidai d’un trait le peu d’eau qui restait dans ma gourde. J’aurais voulu fermer les yeux et me rendormir pour échapper à cette dure réalité : je n’avais plus d’eau ni de vivres, j’étais au milieu de nulle part et incapable de subvenir à mes besoins. J’entendais Nadievna brouter juste devant la cabane, et je l’enviai de trouver si facilement sa pitance.
« Il y a quelqu’un ? »
La voix d’un homme me fit sursauter. Je cherchai fébrilement mon poignard et me cachai derrière la porte rabattue. L’inconnu entra d’un pas tranquille.
« Oh, eh, il y a quelqu’un ? J’ai vu votre cheval dehors. Vous avez quelque chose à manger pour un pauvre vagabond ? »
Par la fente de la charnière je vis à ses côtés un chien de berger, un énorme Czernikois aux longs poils et au museau carré.
Je contactai son esprit.
« Qui est ton maître ? Que veut-il ? »
Le chien remua la queue.
« Ah, une humaine ! Il sera ravi de te rencontrer, depuis le temps que nous courons les routes, seuls et affamés... Tu n’as pas de crainte à avoir. Je n’arrive pas à le faire tenir tranquille mais c’est un bon maître. Ah oui... il n’est pas méchant envers les humains non plus. »
Je sortis de ma cachette, le couteau à la main.
« Bonjour. Désolée, je n’ai plus de provisions. Et je n’ai plus d’eau non plus... »
Une barbe sauvage recouvrait ses joues un peu creuses, ses vêtements étaient usés et déchirés par endroits. Il avait l’air plutôt jeune, ses yeux verts étaient malicieux et son expression pacifique.
« Bien le bonjour, jeune homme... ou devrais-je dire jeune fille ? Maquillez votre voix, si vous voulez qu’on vous prenne pour un garçon. Ceci dit, vous avez raison, par les temps qui courent, il vaut mieux cacher ses faiblesses.
- Je ne vois pas en quoi être une fille serait une faiblesse ! » aboyai-je malgré moi en tombant dans le panneau.
Il éclata d’un rire sincère et me tendit ses mains nues.
« Vous êtes adorable ! Je ne suis pas armé. Je n’ai rien mangé depuis deux jours, mais il me reste de l’eau, si vous avez soif... »
Il me tendit son outre en peau de chèvre, et malgré l’odeur forte j’en avalai goulûment le contenu, persuadée de n’avoir jamais rien bu d’aussi savoureux.
« Bon », reprit-il, pourquoi ne pas reparler de tout ça devant un bon feu ?
- Mes allumettes sont mouillées », grimaçai-je.
Il haussa les épaules.
- « Asseyez-vous. Je m’en occupe. »
Je le vis fouiller dans sa besace et en sortir une sorte d’arc à la corde lâche, un gobelet en étain, un petit chaudron en cuivre, une planchette creusée de godets noircis, une petite bourse en cuir et une baguette toute droite qu’il posa délicatement au sol après s’être assuré de la main qu’il était sec.
Comme je le regardai éberluée, il expliqua :
« Il faut toujours avoir préparé à l’avance de quoi allumer un feu. Ca peut se faire le soir, quand on s’arrête. Sinon, le temps de tout réunir, ça peut prendre des heures. Vous voulez bien rentrer un peu de bois ? Et si vous trouvez des morceaux d’écorce sèche, ou des feuilles mortes... »
Je m’exécutai. Nadievna ne leva même pas la tête en me voyant passer. L’herbe était abondante. Ca ne remplaçait pas le grain mais c’était mieux que rien.
Je disposai le bois dans la cheminée. Ma tête ne me faisait plus mal et je recommençais à avoir les idées claires.
Je le regardai faire, puisqu’il y avait là quelque chose d’utile à apprendre. Il mit le genou gauche à terre, maintenant la planchette sous son pied droit. Il cala la baguette dans un godet, le gobelet enfilé sur le haut lui permettant de la garder verticale de la main gauche. Il enroula la corde de l’espèce d’arc autour de la baguette, ce qui lui permettait, par de larges mouvements de va et vient, de la faire tourner, encore et encore. Un petit filet de fumée noire s’éleva bientôt. Il ouvrit alors sa bourse en cuir huilé.
« C’est de l’écorce de genévrier », m’expliqua-t-il. « La graisse sur le cuir permet de l’imperméabiliser. Parce que si l’amadou est humide, c’est fichu... Tu vois, il y a de la poudre, et des morceaux plus gros, il faut faire comme un petit nid où je vais mettre mon morceau de braise... »
C’est ce qu’il fit, sur le devant de l’âtre, puis il se mit à souffler, doucement d’abord, puis plus fort. Le nid s’embrasa, et son souffle le projeta sur les brindilles et les feuilles mortes que j’avais posées à la base du fagot. La cheminée tirait bien. Le feu prit violemment, sauvagement, et la pauvre masure abandonnée fut bientôt transformée en un havre de paix lumineux et chaud. Il ne se tourna pas vers moi pour recueillir mon regard d’admiration et de reconnaissance.
« Je reviens », me dit-il en sortant.
Quelques minutes plus tard, il jetait dans son chaudron plein d’eau quelques herbes fraîches qu’il venait de cueillir.
« Il y a une source juste derrière. J’ai trouvé de la menthe, de la verveine et de la citronnelle. Ca ne va pas nous nourrir, mais c’est mieux que rien. Dommage que nous n’ayons pas de sucre... »
Je bondis sur mes pieds.
« Il me reste un peu de miel... »
Je lui tendis le pot en souriant. Je n’avais plus peur de lui, il me semblait même sympathique, son chien ne savait sûrement pas mentir et Nadievna n’avait pas l’air inquiet.
« Tu vas loin ?
- Je suis presque arrivée. »
Je sirotais ma tisane avec délectation.
« Les Czerniks ? »
J’acquiesçai.
« En cette saison, ce n’est pas encore... confortable. Mais je suppose que tu as de bonnes raisons... »
Je ne relevai pas le tutoiement.
« Je dois aller cueillir des herbes rares pour mon maître. C’est un puissant sorcier », mentis-je effrontément.
Le Czernikois, qui s’était couché devant le feu, leva la tête et me regarda d’un air interrogateur.
« Pourquoi tu mens ?
- Je dois me protéger. J’ai une mission importante à remplir.
- Tu as tort. Il pourrait t ‘aider. »
L’homme avait observé mon silence et le mouvement du chien. Je fus cependant étonnée de l’entendre demander :
« Tu communiques avec les animaux ? »
Je pris sur moi pour cacher mon trouble.
« Bien sûr. C’est mon maître qui m’a appris.
- Eh bien... Et alors... mon chien dit des choses intéressantes ? »
Je lui souris.
« C’est un bon chien.
- Ca, je le savais ! Bon, moi j’ai faim. Je vais aller poser quelques collets, mais il faudra attendre un peu...
- Est-ce qu’il y a une ferme dans les environs ?
- J’en ai croisé une, à une lieue à l’est.
- Alors nous sommes sauvés, je t’invite à déjeuner.
- Parfait. J’aurai de la viande pour ce soir. Ah... au fait, si tu peux, ramène aussi du saindoux, une ou deux livres...»
Nous sortîmes ensemble au moment où le soleil réussissait enfin à percer les nuages.
« Je suis bien contente qu’il ne pleuve plus !
- Ah oui... Il a plu, hier ?
- Attends, tu étais où ?
- Euh... à l’abri, sans doute. »
Je le regardai avec étonnement. C’est vrai qu’il n’avait pas l’air d’un homme qui s’était fait mouiller tout le jour. Mais je n’avais pas le temps d’y réfléchir.
Je sautai sur le dos de Nadievna, en me disant que si je m’étais trompée sur lui il pouvait me voler ma selle... Mais elle ne lui servirait de rien...
La fermière binait son potager. Je sortis ma bourse, pour lui montrer que je pouvais payer. Je parlai d’une voix aussi grave que possible.
« Bonjour. J’ai besoin d’orge, et d’un poulet... »
Elle me toisa d’un air ironique.
« Vous avez l’air bien loin de chez vous, jeune homme. »
Je persévérai dans mon mensonge.
« Je vais chercher des herbes dans la montagne pour mon maître, un puissant sorcier. Mon temps est précieux.
- Bien sûr... », soupira la femme nullement impressionnée.
Elle me mena à la grange et me montra les sacs de grain. J’en ouvris un.
« Vous n’avez que ça ? C’est tout moisi et plein de charançons... »
Elle me regarda différemment.
« Les sacs du fond sont mieux ».
Je sortis de la grange en portant sur l’épaule un sac d’orge parfaite, ronde et saine, et ma fierté rendait la charge moins lourde. Dans le poulailler, je choisis ma volaille, et le hochement de tête de la fermière m’apprit que l’enseignement de Tania, la cuisinière, avait porté ses fruits. Je lui pris encore un pot de miel, deux livres de saindoux et des allumettes, car je n’étais pas sûre d’avoir la patience du vagabond. Je tendis à la femme six pièces de cuivre. Je la sentis prête à protester, mais elle n’en fit rien. Sans doute avait-elle compris que je connaissais les prix du marché, et que je ne m’en laisserais pas conter.
Le vagabond entretenait le feu. En plumant le poulet, tandis qu’après avoir nourri Nadievna il préparait le gruau pour nous, je lui narrai le récit de mes commissions.
« Je connais cette femme. Elle n’est pas tendre. Tu t’es bien débrouillée. »
Je faillis rougir de ce compliment inattendu, tant j’étais persuadée que mon ignorance en matière de feu avait dû me faire passer à ses yeux pour une parfaite imbécile. A ma grande surprise, comme si d’un coup il me donnait sa confiance, il planta ses yeux dans les miens et déclara :
« Je m’appelle Alexeï, mais tout le monde dit Aliocha.
- Moi, c’est Sonia... Sonietchka. »
Bêtement, je lui tendis la main, et il y déposa un baiser respectueux qui me laissa sans voix. Heureusement, j’avais fini de préparer le poulet et je me levai pour le disposer sur la broche. Nadievna ne me demandait toujours pas de repartir, j’en étais soulagée.


Après le repas, j’avais accompagné Aliocha relever ses collets. Il m’expliqua longuement qu’il fallait d’abord bien choisir l’emplacement, sur un trajet emprunté par les lièvres, en repérant leurs excréments. Il me montra comment fabriquer le collet avec un fil de fer fixé à une branche basse, posé à la hauteur de la tête de l’animal (« Pour un lièvre ou un renard, ce n’est pas pareil », précisa-t-il, et je le crus sur parole). Il fallait obstruer les passages adjacents pour que le lièvre n’ait pas le choix. Et enfin dissimuler le fil en enroulant des herbes autour... J’admirai son savoir-faire et sa patience, en me disant que je n’y arriverais jamais. Les Dieux nous avaient été favorables, et nous passâmes la soirée, après avoir dégusté un délicieux civet à la citronnelle, à faire sécher lentement les trois autres lièvres pour en faire des provisions de route. Alexeï avait soigneusement réservé les peaux.
« On peut en faire des moufles excellentes, et des gilets... Mais pas ce soir, je suis fatigué. Le temps sera froid demain ... Il se pourrait qu’il neige dans les montagnes.
- Comment le sais-tu ?
- Je le sais. J’ai ... appris, avec le temps. Je ne cherche pas à être indiscret, mais vu que je n’ai pas de but précis, veux-tu que je t’accompagne ? »
Le chien, sans ouvrir un oeil, me conseilla :
« Tu devrais accepter. »
Et Nadievna, qui préférait dormir dehors tant qu’il ne pleuvait pas, surenchérit :
« Il a raison. »
Mais c’était ma quête, et sans doute avais-je besoin de me prouver que je pouvais la mener à bien sans l’aide de quiconque. Je lui souris.
« Je te remercie, mais ce ne sera pas nécessaire. Je n’ai qu’à cueillir quelques herbes et je redescendrai très vite. »
Il hocha la tête, nullement convaincu.
« Quand tu auras froid, enduis tes lèvres de saindoux, ainsi que les pâturons de ta jument, pour éviter les gerçures qui se transforment vite en crevasses. Et surtout, marche, même si la pente est raide. C’est le plus sûr moyen de te réchauffer. Et découvre-toi si tu transpires. Si ta sueur gèle, tes habits seront insupportables... »


Au matin je le remerciai de son aide précieuse et je lui dis adieu. Il avait l’air perplexe mais j’avais trop hâte de partir pour en tenir compte. Le temps était clair, nous avions partagé les vivres, je me sentais reposée et sûre de moi.
La marche fut facile toute la journée. Mais bien avant le coucher du soleil, le ciel s’obscurcit d’un coup, le vent se leva, et en quelques instants la neige se mit à tomber dru. Je sautai à terre, j’avais bien retenu la leçon. Je recouvris les pâturons de Nadievna d’une épaisse couche de saindoux et protégeai aussi mes lèvres. Je repartis à pied.
« Accroche-toi à ma queue », me suggéra ma jument quand je fus hors d’haleine. « Nous ferons halte au prochain col, il y fera moins froid. »
Mais je secouai la tête et continuai de marcher devant elle. La neige collait au sol, masquant progressivement les reliefs. Je n’avais aucune expérience de la montagne et de ses pièges. Le sol se déroba sous mon pied et je tombai dans une crevasse, pas assez profonde pour que je me blesse, mais suffisante pour que je n’arrive pas à en sortir. Mes mains tendues arrivaient juste à la surface, mais je n’avais pas assez de force dans les bras pour me soulever, et la paroi lisse ne donnait aucune prise à mes pieds.
J’entendis Nadievna lancer un hennissement tonitruant, et il me sembla qu’au loin un chien aboyait.
Tandis que j’essayais encore de trouver une aspérité pour y poser un pied, Nadievna m’exhortait à garder mon calme.
« Reste tranquille, ne t’épuise pas. Contracte juste un peu tes muscles pour ne pas te refroidir. J’ai appelé au secours. Ne t’inquiète pas. »
Et puis je vis la lueur d’une lampe au dessus de moi, et le visage d’Aliocha défiguré par la peur, et ses mains accrochèrent les miennes, et ses bras puissants me ramenèrent à l’air libre.
Pouvais-je lui en vouloir de m’avoir suivie ? Je m’étais comportée comme une enfant stupide, et il venait de me sauver la vie. Ma douce et tendre mère m’avait toujours répété :
« Tout le monde fait des erreurs. Le plus sage est de les reconnaître. »
« Merci, Aliocha. Tu avais raison, et j’avais tort. Si tu ne m’avais pas suivie, je serais morte. »
Il me regarda d’un air étonné.
« Je ne sais pas qui tu es, mais tes parents doivent être fiers de toi. »
Une vague de sanglots me submergea, à la pensée de ces êtres chéris qui m’avaient été retirés trop tôt, et que j’avais failli rejoindre bien malgré moi par une mort horrible, dans la nuit et le froid...
Il m’attira contre son épaule, chaleureux et fraternel, et sa main caressa mes cheveux.
« Là, petite fille, là... Si tu n’es pas trop fatiguée, il faut repartir. Il y a sûrement un endroit plus propice pour passer la nuit. Harinordoki nous guidera, il connaît bien ses montagnes.
- Harinordoki ? C’est un grand nom !
- Un grand nom pour un grand chien... Mais il ne se vexe pas si on l’appelle Hari. »


Nous parlions et nous plaisantions en marchant, et je n’avais plus froid et je n’avais plus peur. La neige dansait joyeusement dans la lumière de la lampe, c’était comme autrefois quand nous faisions les fous dehors, la nuit du Solstice d’Hiver, avec Marishka et Vlad, pendant que les adultes parlaient au coin du feu, jusqu’à ce que la voix faussement courroucée de mon père ne nous rappelle :
« Rentrez tout de suite, les enfants ! Sinon, pas de cadeaux ! »
Mon plus beau cadeau, c’était Aliocha, ce vagabond peut-être fugitif, peut-être hors-la-loi, qui mettait du soleil dans mon coeur au creux de la nuit la plus froide et la plus noire...
Hari aboya.
« Nous sommes arrivés », affirma Alexeï. « Je ne communique pas par l’esprit, mais je connais ses aboiements ! »
Le chien nous mena à une grotte, haute de plafond, sèche, et où il faisait presque chaud, par comparaison avec l’extérieur. Nous nous endormîmes très vite, blottis les uns contre les autres, humains et animaux, dans un silence merveilleusement doux. Il me sembla dans mes rêves entendre un hurlement sauvage au loin, un hurlement que j’avais déjà entendu autrefois, et dont j’étais étrangement sûre que je n’avais rien à redouter...



A suivre....
Narwa Roquen,ric rac, fatiguée... mais tellement embarquée dans cette histoire...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-23 23:49:46 

 Commentaire Maeglin, exercice n°76Détails
« Ils arrivent le ventre alourdi de fruits les bateaux » (de mémoire...). A première vue, pas de rapport. Mais « Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles », c’est sûrement le souhait inexprimé de ton pauvre héros qui se trouve dans une situation bien difficile...
L’histoire n’est pas très longue, mais elle est qualiteuse, bien construite, bien écrite. Elle respecte parfaitement la consigne, avec des détails concrets sur la manière de survivre – le feu dans une goutte d’eau pourquoi pas, mais quand il n’y a pas de soleil ? En revanche j’aime beaucoup « L’énergie qui maintient le corps en urgence... »
J’adore le moment trouble avec les leprechauns, où on ne sait pas si c’est la fièvre, les champignons, ou un simple rêve. Il ne faut surtout pas qu’on le sache ! Tout le charme est là...
La scène de combat est excellente, rapide, hachée, efficace, et je sais que dans notre civilisation seule l’imagination peut nous guider (sur le fond, je ne m’en plains pas), mais par expérience c’est vraiment difficile à réussir.
Il n’y a pas un mot inutile, c’est original, bien mené, cohérent, et la fin est délicieuse.



Quelques bricoles :
- je n’en saurais : je n’en saurai, puisque la phrase est au présent.
- Une colline de hautes fougères bienvenue : ça se comprend mais à l’oreille ça passe mal : une colline bienvenue avec ses hauts fougères, une colline de hautes fougères est la bienvenue : elle m’accueille...
- Raffut : ce mot-là m’a donné du mal ! Je pense qu’il s’agit de raffût, terme de rugby qui s’emploie lorsque, sur une phase offensive, le porteur du ballon pour éviter un plaquage tient à distance l’adversaire à l’aide d’un bras tendu, pour faire bouclier. Chaud devant ! Si tu as une autre origine pour ce mot, je serai ravie de l’apprendre !


Je pense qu’il faudrait ajouter une scène au début, où on verrait le héros dans toute sa splendeur passée, ce qui n’en rendrait la suite que plus forte. Bon, je pinaille...
En l’état, le texte est excellent et je me réjouis de ta persévérance. Comme disait un de mes copains de maternelle, un certain Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».
Oui, je sais, c’est agaçant... J’ai beau me répéter cette phrase, il y a des tas de fois où c’est quand même trop difficile !
Narwa Roquen, clap clap clap!

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-04-24 07:32:12 

 J'aime cette histoire...Détails
... et j'en arrive même à anticiper la suite au gré des WA proposés...
Pour les références rugbystiques tu ne t'en sors pas trop mal non plus, le "Harinordoki" du Biarritz Olympique étant entre autres un sacré adepte du "raffût" que tu as justement pointé dans mon texte.
J'en profite d'ailleurs pour proposer ce terme à l'académie, tant j'ai été frustré de ne pouvoir décrire ce geste guerrier autrement que par un anachronisme d'emprunt.
En revenant à ton texte, je trouve qu'il flirte avec le cliché tout en gardant une vraie saveur authentique: comme une recette diablement bien exécutée avec des produits de saison certes connus mais toujours bienvenus (une princesse qui doit gagner sa légitimité, un royaume à reconquérir, un dragon lointain, des chevaux qui causent, un vagabond sexy et mystérieux... what else!)
L'enchaînement des situations est toujours crédible, les détails sonnent justes, les personnages et les animaux attachants.
Bref la mayonnaise est en train de prendre! Et ça, je le remarque quand je parviens à lire des textes qui dépassent la longueur de mon écran (les miens y compris). Merci!

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-06 12:28:00 

 RaffutDétails
Pour Narwa

me l'ont laissé plus par goût -- laissée
il s'agit de la journée.

J'ai bien aimé ce mélange survie-rêve un peu fou au milieu. Cela me rappelle la transformation de l'héroïne de Narwa dans la précédente WA.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-06 13:08:26 

 petits trucsDétails
Nadievna n’avait pas l’air inquiet -- inquiète
Il pourrait t ‘aider -- t'aider

Et il y a ce genre de passages :
"- Ah oui... Il a plu, hier ?
- Attends, tu étais où ?
- Euh... à l’abri, sans doute."
Qui me laissent sur ma faim.

A suivre.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-05-06 14:27:53 

 Eh eh...Détails
"Lorsque l'adjectif attribut est construit avec "avoir l'air", on peut l'accorder avec le sujet, ou le mettre au masculin singulier en l'accordant avec le nom "air"."
Le Nouveau Bescherelle, tome 3, la grammaire pour tous

Quant à ce passage bizarre, c'est un jalon pour la suite, car il y aura une suite...

Merci néanmoins de ta lecture attentive!
Narwa Roquen, qui n'a pas dit son dernier mot

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-05-09 18:20:40 

  WA - Participation exercice n°76Détails
ZONE NOIRE



La lumière crue des néons traverse le barrage de mes paupières, focalisant un point chaud et dérangeant. Je n’ai pourtant pas envie d’ouvrir les yeux. Je sais ce qui m’attend. Je voudrais simplement rester au pays du Sommeil. Là-bas, je me suis fait un ami. Il m’a dit s’appeler Némo. C’est un petit garçon aux allures anachroniques et à la consistance incertaine. Il n’a aucune épaisseur et ses couleurs sont trop uniformes, juxtaposition d’aplats artificiels. Je le reverrais avec plaisir au cours d’une prochaine nuit. Bon, maintenant que je suis réveillé, il ne faut pas que je traîne dans le coin, sinon les noirs vont me tomber sur le paletot. La période de tolérance a pris fin avec l’aube. L’aube de mon quatre-vingtième jour.

Je rassemble mes maigres affaires. Elles tiennent dans le sac à dos que les bleus m’ont remis peu avant mon exil. Quatre vingt jours. Une descente ininterrompue dans les entrailles du monde. J’ai l’impression de filer tout droit vers le rectum d’où je serai expulsé comme un déchet organique non assimilable. Il y a moins de trois mois, j’étais un citoyen reconnu et respecté. Quatre vingt jours plus tard, je suis une merde dans le caniveau. Je frissonne. Le couloir de maintenance vibre doucement. Les machines des profondeurs se sont réveillées. Quelques minutes pour déguerpir avant que les jaunes et les verts ne surgissent pour gagner leurs postes. Je n’existe pas. Je suis une excroissance anormale tolérée, un quantième non significatif dans leurs statistiques. J’ouvre une porte, je grimpe pesamment plusieurs volées de marches et je débouche hors du complexe technique. L’air épais me pique les yeux mais cela ne me surprend plus. Je parviens même à supporter sa tonalité d’oeuf pourri. J’ai jeté mon masque urbain, inutile depuis que j’ai épuisé la dernière cartouche filtrante il y a deux jours. Bien sûr, ce n’est pas immédiatement mortel mais j’ai lu que les reins et le système lymphatique morflaient sacrément en cas d’exposition prolongée. Qu’est-ce qu’ils entendaient par « exposition prolongée »? Je n’ai pas retenu !

Mes jambes me font bien moins mal. Mes muscles réapprennent l’effort. Je peux marcher plus de deux heures d’affilée sans que le feu n’embrase mes poumons et que mon coeur ne se mette à tambouriner à tout rompre. Ma graisse fond à vue d’oeil. Je nage dans mes vêtements. Je ne me reconnais plus lorsque je croise mon double sur une surface réfléchissante. Avant-hier, j’ai même réussi à courir quelques dizaines de mètres pour distancer ce qui ressemblait vaguement à un chien. Courir! Moi! Mon avatar savait faire tout ça et plus encore. C’est du passé. Comme tout le reste. Mon avocat a plaidé en vain. Les auxiliaires de la justice ont été inflexibles. Le juge collégial a prononcé le verdict. Les appels ont été examinés dans la foulée. Le jugement a été confirmé par toutes les instances. Jusqu’à la Cour Suprême. Cela a pris moins d’une minute. J’étais déchu de tous mes droits sociétaux. La sentence a été mise à exécution dès le jour suivant.

A six heures tapantes, j’ai assisté au spectacle de ma propre mort, d’une certaine façon. Je me suis affaissé lentement pendant que la douloureuse sensation d’agonie, consécutive à la coupure de tous mes bio-accès, m’arrachait hors de mon avatar. Conçu en même temps que moi, il était moi dans la vraie vie. Celle qui compte. Dans l’Iconosphère. Tout a été très vite. C’est horrible de contempler un écran noir, de se sentir isolé, orphelin du reste de l’humanité. Sur ma porte, une croix noire a été peinte par les scripteurs officiels, ces machines aux traits vaguement humanoïdes..

Dès le jugement publié sur tous les réseaux, mes amis et mes débiteurs ont tous disparu. Toutes mes habilitations furent retirées. Sans elles, impossible d’accéder au moindre service. Plus de boulot. Plus d’argent. Plus rien. Un mort-vivant comme dans ces vieux 2D restaurés, aux effets antédiluviens. Tous mon patrimoine, tous mes biens ont été réquisitionnés par le gouvernement. Mon appartement a été classé en zone noire. J’ai libéré les lieux avant que les verts ne viennent procéder à sa réinitialisation. J’ai quitté le confort douillet de mon nid perché au cent soixante quinzième étage de la tour clanique. Avec tout ce que je pouvais emporter sur moi, conformément à la loi

J’ai gardé un livre. Je veux dire un vrai livre, écrit sur du vrai papier. Je l’avais acheté sur le site institutionnel de la Grande Bibliothèque. Un ouvrage à la couverture écornée et aux pages froissées. Un exemplaire d’époque, bon marché mais que j’ai acquis pour une petite fortune. L’histoire qu’il raconte est intemporelle, faite de magie et de grâce. Sous mon regard émerveillé, entre ses lignes, se déploie un univers noble et beau, lavé de toute souillure par le sacrifice d’un seul. Depuis, j’en lis quelques pages chaque jour et, durant cette parenthèse, mon esprit s’évade sur des chemins oubliés qui traversent de grandes forêts enchantées. Ce livre est l’un de mes deux trésors.

J’ai faim. Avant, tous mes besoins primaires, animaux, étaient satisfaits sans même y penser. A présent, je dois me débrouiller tout seul. Je passe une main calleuse sur ma nuque, là où l’implant neuronal a été occulté par une bande de tissu cicatriciel à prise rapide. Je sens à peine une légère dépression sous mon doigt. J’éprouve cependant de temps à autre la sensation frustrante qu’une transduction est sur le point d’être établie. Ce qui est désespérément impossible puisque tous mes connecteurs ont été inactivés de façon irréversible.

Je pose le sac à terre. Il devrait me rester quelques rations. Ils poussent la fausse sollicitude jusqu’à déposer de la nourriture et des vêtements sur des aires de ravitaillement. Soudain, deux zèbres émergent de l’ombre, non loin. Des psychopathes. Des malades qui se baladent aussi à l’air libre. Mieux vaut ne pas s’y frotter. Je reste prudemment accroupi. L’un tend son bras vers moi. Merde, ils m’ont vu. Sans demander mon reste, j’empoigne le sac et je m’éloigne rapidement. Mais ils se lancent à mes trousses. Dans mon malheur, j’ai la chance d’être tombé sur des nouveaux, aux corps encore gourds et obèses. J’ai dû leur ressembler au début. Ils sont lents et devraient vite se fatiguer. Mais la peur me noue le ventre. Je parviens aux abords d’une unité de recyclage. C’est un parc de vastes bassins circulaires où toutes sortes de boues et de bouillies aux relents sulfurés ou azotés fermentent quelque temps, pour être ensuite à nouveau digérées par des collecteurs installés au fond des cuves. En zigzagant entre les bassins, je repère un bulbe à demi-enterré. Je trottine vers lui en essayant de ne pas gêner les servants cybernétiques, petit robots ovoïdes. Ils ne sont heureusement pas agressifs avec leurs membres graciles d’insectes. Je soulève le couvercle de plexiglas qui protège un étroit boyau vertical s’enfonçant dans le noir. Des barreaux rouillés sont scellés à la paroi de béton. Je lève les yeux. Mes deux sinistres poursuivants sont à l’autre bout du champ. Ils n’ont pas renoncé. La journée sera pourrie. Je le redoute.

J’enjambe le rebord et m’agrippant aux anneaux branlants, je m’enfonce sous la terre. Ne pas penser au vertige. Ne pas imaginer que ce puits n’est qu’une foutue impasse. Heureusement, la descente n’est pas trop longue. J’ai compté cinquante degrés. Mon pied heurte le fond, plat et sec. L’obscurité est moins dense que ce que je craignais. Il y a une sorte de petite porte carrée derrière laquelle gronde une lourde plainte, raclement glaireux d’une gorge malade. L’ombre se fait plus profonde. Le disque blanc du ciel est obscurci. Quelque chose fait écran. Des éclats de voix tourbillonnent vers moi en rebondissant sur les pierres du puits. Les zèbres me collent au train. Ils ne m’ont pas lâché les salauds. Qu’est-ce qu’ils disent? Que je revienne? Ben voyons! J’ouvre l’écoutille. Je passe une tête circonspecte. De l’autre côté, une étroite corniche court le long d’un immense tunnel bétonné faiblement éclairé par quelques points lumineux. Sous la corniche, un vide effrayant d’où monte l’écho monstrueux d’un interminable gargouillis. L’autre paroi du tunnel est trop lisse et bien trop loin pour tenter quoi que ce soit. Mon choix est assez restreint. Droite ou gauche.

« Tu devrais aller vers la droite ! Et vite !»

La voix me fait sursauter. Une voix enfantine. Une voix que je reconnais. Une petite silhouette se tient dans l’angle le plus obscur du boyau vertical. Nemo. Mon petit copain du pays du Sommeil.

« Ils vont arriver. C’est une question de minutes. Dépêche-toi ! Ne pose pas de question. Il n’y a pas de réponse! »

La petite silhouette tremblote, vacille et s’évanouit avant que je n’aie le temps de réagir. Je m’engage sur la corniche en me plaquant contre le mur. C’est vraiment étroit, juste la place pour placer mes pieds. Pas moyen de bloquer l’écoutille. Sur cette marche parfaitement rectiligne, nul endroit où se cacher. Ils m’auront en point de mire. Je commence à avancer vers la droite. Le poids de mon sac, qui brinqueballe sur mon ventre, m’attire vers le vide. J’écarte les bras pour essayer de trouver des prises que je pourrais utiliser. Peine perdue. Toutefois cela me procure une meilleure stabilité. Je progresse un peu plus vite. Sur ma gauche, l’écoutille n’est plus visible quand des bruits du métal frappant la pierre s’ajoutent au grondement remontant du fond. Un zèbre émerge du conduit, à environ cinquante mètres. Il marque un temps d’arrêt, comme je l’ai fait. Puis il m’aperçoit. Je continue sans le perdre du regard. Ils sont tous les deux sur la corniche et mettent leurs pas dans les miens. Si la situation n’était pas si grave, leurs formes obèses prêteraient à rire. Deux bibendums en pyjama rayé. Oui, je pourrais en rire si leur seul désir n’était pas de me faire la peau. Qu’attendre d’autre de la part de psychopathes? Une toute petite voix dans ma tête me rappelle malicieusement que j’avais moi aussi un pyjama de ce genre quand ils m’ont foutu dehors! Non, ce n’est pas exact. Il n’était pas blanc avec des rayures noires. C’est un fait.

Drôle de poursuite. Ils gagnent du terrain, mais pas suffisamment pour constituer une menace à court terme. J’ai remarqué qu’ils n’avaient pas de sac à dos. Ils sont donc moins gênés et c’est un avantage. J’ai failli me débarrasser du mien. Cela aurait été une erreur.

Il contient mes dernières richesses. Si je les perds, je me perds aussi. Mon livre et son présent. Celui qu’elle m’avait offert. Un simple anneau d’or où est sobrement gravé : « Je t’aimerai toujours ». J’ai ensuite prêter un terrible serment que j’ai respecté parce que je l’aimais plus que tout. J’ai été condamné pour ça. Le sang ne peut être versé dans l’Iconosphère car il est impossible de remplacer un avatar sans altérer gravement l’équilibre psychique de son propriétaire. Elle était promise par les lois de son clan à un sinistre individu aux cornes belliqueuses. Mon avatar a tué l’avatar de son prétendant. Avant qu’ils ne mettent à exécution leur sentence, elle m’a juré qu’elle me retrouverait. J’ai foi en elle.

Le grondement devient différent, se parant d’une tonalité agressive supplémentaire. Cela enfle pesamment. Des volutes de vapeur d’abord isolées puis de plus en plus épaisses s’élèvent du gouffre. Cela ne présage rien de bon. Je me penche le plus possible, en tendant au maximum mon cou. Caché dans la perspective, un peu plus loin, s’ouvre un petit renfoncement. Ne pas regarder au-dessous. L’air est surchargé d’effluves qui piquent les yeux et la gorge. Le vacarme est assourdissant, la chaleur étouffante. Des arcs électriques dessinent des lignes iridescentes sur la paroi opposée. Une forte odeur d’ozone se répand dans le tunnel. Les deux pyjamas rayés accélèrent leur rythme. Ils doivent être aussi effrayés que moi. J’entends un cri affolé. L’un d’eux a fait un faux pas et a dévissé. Ses bras battent l’air inutilement quand il perd l’équilibre et tombe de la corniche. Ses cris accompagnent sa chute plusieurs secondes avant d’être brutalement coupés. Zappés. Son compagnon me lance un seul regard où je lis, malgré la distance, toute la détresse du monde. La folie a quitté ses yeux. Il est trop loin pour rebrousser chemin vers son point de départ.

Un fleuve menaçant monte vers nous. Un fleuve bouillonnant, aux couleurs malsaines. Le renfoncement est à portée de main. Le fleuve grossit rapidement et ses vagues, lourdes et moirées, lèchent dangereusement le béton juste sous mes semelles. Une odeur pestilentielle envahit mes poumons tandis que la chaleur devient infernale. Soudain, une forme oblongue jaillit à ma hauteur, essayant de me happer. Je me recule vivement contre la paroi, évitant de justesse une longue gueule béante, triangulaire et armée de crocs luisants. Une forme sombre et cauchemardesque passe à quelques centimètres et replonge sous les flots aussi rapidement. Qu’est-ce qui peut bien vivre là dedans ?

J’abandonne toute prudence pour franchir comme un équilibriste éméché les derniers mètres en un temps record. Je m’affale dans le renfoncement obturé par une écoutille similaire à la précédente. Haletant et à genoux, je la déverrouille quand le cri du dernier zèbre me vrille les tympans. Un hurlement inhumain. Je ne veux pas savoir. Je me jette comme un fou hors du tunnel et referme d’un coup de pied le sas. Une tempête semble s’être déchaînée derrière le panneau qui frémit sur ses gonds.

Je m’octroie un répit jusqu’à ce que mes muscles cessent de trembler. Je me trouve dans une pièce circulaire assez vaste et complètement nue. Une lumière qui me paraît peu naturelle se déverse en abondance d’une série de meurtrières percées juste sous une coupole située à une grande hauteur. Le panneau que je viens de refermer est la seule ouverture visible au niveau du sol. En explorant du regard autour de moi, je découvre alors les marches. Lames de métal brillant, elles sont d’une incroyable finesse. Fichées dans le béton de la paroi, elles remontent en spirale sur la circonférence de l’imposante structure. Aucune balustrade ou garde au corps ne protège l’ascension. Elles finissent par aboutir à un étroit palier de métal grillagé faisant face à une porte perchée sous la voûte. Ce jour sera définitivement particulier.

L’exil hors des écheveaux virtuels réduit drastiquement le taux de survie à moyen terme. J’ai vu des cadavres depuis mon exclusion, avant que les bruns ne les ramassent pour les recycler. Certains ont été visiblement terrassés par une crise cardiaque, leur système cardio-vasculaire n’ayant pu supporter les efforts réclamés. Certains, d’une maigreur extrême, étaient morts d’inanition, leur système digestif incapable d’assimiler une nourriture solide. Il faut dire que l’Iconosphère a modifié en profondeur les caractéristiques humaines fondamentales. Dès lors, le retour forcé à un mode de vie plus primitif est en soi une peine de mort à peine déguisée. D’autres enfin ont connu une mort violente. J’ai vu leurs visages tuméfiés et bleuis, leurs boîtes crâniennes ou leurs thorax enfoncés, leurs mâchoires disloquées, leurs membres brisés ou mutilés, leurs plaies béantes, larges et profondes et les mares de sang. Oui, malgré la toxicité de l’environnement et le dénuement dans lequel il se retrouve quand il est exclu des tours claniques, l’homme se montre toujours un loup pour son prochain.

Je me lève doucement pour éviter tout mouvement brutal. J’ai appris à écouter mon corps. Je ne commande plus mon avatar. Au sein de l’Iconosphère, j’étais un demi-dieu aux pouvoirs et aux privilèges étendus. J’étais un membre important de l’un des tous premiers cercles du Clan, un cadre dirigeant de l’Iconomie. Mon avatar jouissait d’un prestige considérable. Prolongement de ma volonté et de mes désirs, il incarnait dans l’Iconosphère, ma puissance et mon prestige. Il comblait tous mes appétits. Je n’avais qu’à penser pour obtenir ou accomplir. Simplement penser. C’est du passé. Mon avatar a été anéanti sur le bûcher des Infamies, au sein du tourbillon de forces qui a défait jusqu’à la trame même de sa matrice. Quand le lien a été rompu, j’ai senti une déchirure intense au plus profond de mon cortex. J’ai failli en perdre la raison. Hélas ! Je n’ai pas eu cette chance. J’ai survécu.

J’ai survécu également à la redécouverte de mon corps, de mon vrai corps. Un corps obèse et lourd, à la peau molle et lâche, aux plis disgracieux. Je ressemblais à ces pachydermes marins dont les avatars domestiqués peuplent certaines prairies de l’Iconosphère. Je me suis haï quand j’ai senti les fluides nauséabonds sortir de moi et souiller mes vêtements. C’était... dégoûtant. Dans le cocon cybernétique de la tour clanique, toutes ces contingences étaient invisibles et ignorées. Il y avait des machines discrètes et efficaces. Je n’avais qu’à penser pour obtenir, qu’à penser pour accomplir. Quand je déambulais le long des avenues de l’Iconosphère, lorsque je fréquentais les forums où réside son pouvoir, j’étais un demi-dieu, fier et altier, la représentation la plus fidèle de la perfection humaine. Mon avatar était ma véritable identité. Ce qui gisait entre les tubes des machines, dans la cellule capitonnée de la tour, n’était que la partie ignoble et indigne d’intérêt. Nul besoin de corps physique pour exister dans les sphères éthérées.

La montée des marches se fait sans encombre jusqu’à la porte. Je place ma paume sur la zone de contact et elle s’efface sans bruit, dévoilant l’obscurité verdâtre et apaisante d’un jardin intérieur. Une bouffée d’air moite m’environne et des senteurs boisées et florales flattent mes narines. Des soleils miniatures sont accrochés à des cintres suspendus à une prodigieuse hauteur sous une voûte en ogive. Des fougères et des massifs d’arbustes s’enchevêtrent à l’orée d’une forêt dense et obscure. De part et d’autre de la porte, les parois sont prises d’assaut par une végétation grimpante faite de longues lianes couvertes de fleurs mystérieuses, aux larges corolles blanches et rouges d’où jaillissent d’impressionnants sépales barbelés. J’ignorais que ce genre d’endroit existait hors de l’Iconosphère. Le sol est recouvert d’une terre grasse et souple où mes pieds s’enfoncent légèrement. Je m’accroupis pour en prendre une poignée. Le contact est moelleux, presque sensuel. Je porte la motte à mon nez où son arôme puissant réveille aussitôt des souvenirs champêtres qui remontent à la surface de ma mémoire. Des images de champs cultivés et de collines arborées. Ce sont des souvenirs fabriqués de toutes pièces, intégrés à des kits prêts à l’emploi directement injectés dans les centres mémoriels par induction neuronale.

Et puis je remarque le silence. Il n’est pas naturel. Ce n’est pas le silence d’un lieu désert. Non. C’est le silence formé par une présence qui se retient. C’est un silence attentif. Quelque chose m’observe derrière le mur végétal. Des yeux invisibles. La tension est palpable et les lianes elles-mêmes se sont immobilisées, les fleurs tournées vers moi, menaçantes. Cette jungle paraît infranchissable. Les arbres sont trop serrés pour que je me faufile entre eux. Leurs troncs se tordent selon des angles impossibles et leurs branches s’entremêlent de façon délirante. Aucune logique, aucune ligne directrice n’a présidé à la naissance de ce jardin. On dirait que le jardinier est devenu fou et qu’il a utilisé des semences contaminées et des engrais interdits. Ou bien il est mort et son jardin est devenu fou, de douleur ou de rage.

« L’apparence de toute chose est différente de ce qu’elle est vraiment ! »

Némo est là, tout près de moi, fragile apparition sans relief. Cette fois-ci je peux le voir, il ne se cache pas. Il est comme dans mon rêve. Un tout petit garçon à la tignasse sombre, vêtu d’un pyjama à gros boutons. Pourtant ses regards trahissent une maturité et une intelligence sans commune mesure avec son aspect physique.

« Je suis en train de rêver ? »
« Non, répond-il, tu ne rêves pas. Avant, tu rêvais mais plus maintenant. Je suis là parce que tu as besoin de mes services! »
« Quels services? »
« T’apporter conseil, de prévenir, t’aider pour tout dire. »
« Un bambin comme toi pour m’aider? Hors de l’Iconosphère? »
« Je suis l’image que tu souhaites voir! »
« Oh, je pensais que le Capitaine Nemo était du genre plutôt vigoureux, avec une barbe drue et une pipe à la bouche! »
« Je ne suis pas ce Némo là. Je suis celui qui voyage chaque nuit, sous l’effet d’un puissant charme, au pays du Sommeil. Mais ceci n’est pas utile en cet instant. Sache que je viens à ton aide chaque fois que tu en éprouves le besoin. »
« Bon ! Je dois devenir fou ! Mettons que je te croies. Comment faire pour traverser ce jardin? »
« Pourquoi le traverser. Il faut trouver son coeur d’abord. »
« Son coeur ? »
« Oui. Des réponses t’y attendent. »
« Je n’attends aucune réponse. Je suis un condamné, un exclus de l’Iconosphère. Tout ce qui m’attend sera forcément décevant.»
« Je ne peux en dire plus. Si tu veux gagner le coeur, suis-moi ! Sinon, tu ne pourras pas aller plus loin à partir de ce point ! »

Sans attendre ma réaction, Némo se dirige vers la forêt. Une houle naît autour de lui, au fur et à mesure qu’il avance, l’enveloppant dans une sorte de champ de force qui courbe légèrement la lumière. Les arbres sont écartés, ménageant un passage. Némo s’arrête. Il m’attend. Je m’empresse de le rejoindre. A quoi bon lutter contre quelque chose d’incompréhensible?

« Reste bien derrière moi ! » me prévient-il.

Nous nous enfonçons sous une mer de verdure. Les branches des arbres se contorsionnent au-dessus de nos têtes, fouettant l’air, cherchant à frapper. Leur bois craque sinistrement quand elles sont repoussées violemment. Les fougères géantes aux feuilles fuselées et dentelées se pressent de toutes parts mais ne réussissent pas à pénétrer l’enveloppe immatérielle qui nous protège. Leur appétit et leur voracité sont palpables. Certaines fleurs se balancent sur leur longues tiges, tournant vers nous des calices boursouflés qu’elles contractent brutalement pour cracher dans notre direction des giclées graisseuses de suc jaunâtre. Celles-ci éclaboussent en vain le champ de force et dégoulinent en minces ruisseaux. A l’endroit où il touche le sol, le suc bouillonne tel un violent acide, rongeant l’herbe et la terre en myriades de cloques fumantes.

C’est une Nature étrangère et rebelle. Hostile et insoumise. Dans l’Iconosphère, elle est le produit évolué de séquences binaires dessinant des fugues et des volutes mathématiques au sein de matrices multidimensionnelles. Dans l’Iconosphère c’est une Nature docile et augmentée, belle et foisonnante, plus riche aussi. Mais dans ce jardin-cathédrale, elle se dévoile primitive, furieuse et menaçante. Elle serait capable de me tuer si j’étais livré sans défense à sa merci.

Devant moi, Némo, tel Moïse, ouvre une mer émeraude aux vagues rugissantes qui se plient à son commandement. Même si je sais parfaitement que cet endroit est confiné dans un immense silo de béton, j’ai l’impression de marcher sous la voûte bruissante et changeante d’une ancienne forêt qui paraît s’étendre sans limite dans toutes les directions. Elle résonne de mille bruits assourdis par le champ de force. Je respire mille parfums étonnants, aux accents tanniques presque enivrants. Némo trace la voie et je me contente de le suivre. Il me conduit au coeur d’une île entourée de murs, là où les distances semblent abolies par quelque puissant enchantement.

La pénombre forestière laisse progressivement place à une clarté plus soutenue. Un parfum plus puissant domine tous les autres, un parfum marin, frais, chargé d’embruns. Si je ferme les yeux, je verrais des mouettes et d’autres grands oiseaux de mer, une plage de sable blanc et quelques palmiers doucement inclinés vers le rivage. Souvenir préfabriqué et bon marché. Je n’ai jamais vu la mer. Oh bien sûr, dans l’Iconosphère, j’ai régaté sur des voiliers aux courbes élégantes, domptant les vagues sous des lunes jumelles. J’ai chassé le tylosaurus dans les eaux turquoises des Cyclades, armé d’une simple lance à énergie. Mais hors des tours, le monde est mort. Nous portons toujours son deuil. Beaucoup sont partis pour d’autres Terres tournant autour d’autres soleils. Nous ne les reverrons plus. Les distances sont trop importantes et la vieille malédiction d’Einstein n’a pas été levée. Il faut plusieurs vies pour rallier ces mondes lointains, plusieurs vies que nous n’avons pas. Il a été plus facile de créer un monde intérieur, paré des plus belles illusions. Des illusions plus réelles que la réalité. Alors le choix a été facile.

Nous sortons de cette forêt gardienne en empruntant une anfractuosité qui déchire la paroi du jardin. Un panorama se dévoile sous mes regards ébahis. Un panorama beau à couper le souffle. Un petit promontoire s’avance droit dans un ciel à l’azur pur et limpide où brille un pâle soleil, légèrement plus gros que dans mes souvenirs. Mais quel crédit dois-je accorder à mes souvenirs? Némo me tire de mon étonnement :

« Voilà, nous sommes arrivés au Coeur de la Forêt. A partir de ce point, tu n’as plus besoin de moi. Je vais bientôt me réveiller. Adieu ! »

Sans me laisser le temps de lui répondre, il disparaît. Je m’approche alors prudemment du bord du promontoire, langue étroite couleur azalée. Dans le lointain, deux massives montagnes jumelles grimpent à l’assaut du ciel. Elles n’ont cependant pas l’apparence froide et implacable de la roche mais plutôt celle de tendres éminences, palpitantes de chaleur et de douceur. Leurs gigantesques proportions masquent difficilement une grâce et une harmonie qui jettent dans mon coeur un trouble et un émoi qui ne me sont pas inconnus.

Je sais que je franchirai un jour leur vallée émouvante pour découvrir ce qui m’attend au-delà. Elle.

M

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-10 14:28:22 

 beau voyageDétails
Le monde est habilement décrit et le contexte également. Le début est un peu lent mais on a ainsi plus envie de suivre le survivant.

"bibendommes" --> "Bibendums"

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-05-18 23:14:18 

 Commentaire Maedhros, exercice n° 76Détails
Que voilà une histoire complexe et extraordinaire, extraordinairement complexe et complexement extraordinaire! J'ai comme l'impression d'être passée à côté de quelque chose; cette impression a été renforcée sur la fin, au moment des montagnes jumelles qui évoquent à n'en pas douter les seins de la femme aimée. La forêt, ça va dans le même sens. Le long tunnel, pourquoi pas. Mais je me suis perdue en route...
A part ça, c'est une histoire plutôt hallucinante. Pas trop de recette de survie, mais le contexte etant franchement hors normes, le lien est difficile avec une quelconque réalité et ouf, c'est tant mieux.
Question imaginaire, tu n'as pas trop de souci à te faire, ça fonctionne. On se laisse embarquer avec les yeux écarquillés, on est sidéré du début à la fin. Le mélange de virtuel et de (presque) réel tient du grand art. La description de la forêt aurait séduit même Kipling. L'histoire est originale, cohérente, forte, multidirectionnelle, polymorphe, tentaculaire et somme toute, excellente.
Bricoles:
- un mort vivant comme dans ces vieux 2D restaurés, aux effets antédiluviens: je ne comprends pas "effets"
- tous mon patrimoine: tout
- si le pyjama rayé identifie les psychopathes, ça serait sympa de le préciser quelque part... c'est déjà assez compliqué!
- brinqueballe: tu es sûr qu'il faut 2 l? L'infinitif c'est brinquebaler
- des bruits du métal frappant: de métal
- je continue sans le perdre du regard: ton héros marche sur une corniche étroite; est-ce qu'il avancerait sans regarder devant lui?
- j'ai ensuite prêter: prêté
- garde au corps: garde-corps
- t'apporter conseil, de prévenir: te prévenir
- pourquoi le traverser. : ? mieux que .
- si je ferme les yeux, je verrais: je verrai; ou bien: si je fermais les yeux, je verrais


Je t'envie cette capacité à manier la SF d'une manière si naturelle, en jouant avec les mots ( iconosphère, iconomie...), comme un virtuose de son violon. Chapeau bas, Monsieur Maedhros. c'est de la belle ouvrage.
Narwa Roquen,épatée

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-05-20 16:16:25 

 WA-Exercice 76 - SurvivreDétails
Déjà, première chose, je suis hors sujet.
Ce thème m'a posé problème, alors dans ces cas là, je tourne autour. En l'occurence, j'ai tourné autour du mot "survivre".
Je suis parti de l'idée de quelqu'un tout seul dans une prison où tout le monde était mort. Comment survivre dans 10m² avec rien. Puis j'en ai fait une autre version, puis de fil en aiguille, probablement encore un peu influencé par la wa précédente j'ai fait un texte où la survie n'a somme toute plus qu'une faible place et où personne ne meurt. Tant pis, ce n'est pas la première fois que je déborde, et avec un peu de chance, pas la dernière non plus ;-)

---

Héro.


Bientôt un mois que je suis en prison. Mes forces me quittent, je vais finir par craquer. Dans mon ventre, le tourbillon ne s'arrête plus, j'ai faim. Ils empoisonnent ma nourriture, pour me faire parler. Je m'astreins à ne manger qu'une ou deux bouchées par jour, pour que mon corps puisse absorber la dose sans ployer.
Un mois... J'avais imaginé les prisons du ministère un peu plus extravagantes, avec diverses protections magiques et des golems pour gardes, mais non, il n'y a que ces murs étranges recouverts d'un tissu matelassé. Décevant.
Décevant, mais également incroyablement frustrant, car même s'il n'y a visiblement que des protections bassement physiques, elles sont néanmoins suffisantes pour me retenir ici, sans option de sortie.

Ma volonté vacille... Certes, je suis encore capable de me lever, mais pour combien de temps encore ? Mes yeux se posent pour la millième fois sur l'assiette. Une tranche de boeuf un peu trop cuite, trois petites pommes de terre, un fagot de haricot. Mon repas est froid depuis longtemps, il m'a été apporté à midi pile, comme tous les jours. Il me sera repris à dix-huit heure non sans me féliciter pour les bouchées que je leur aurais accordé. Puis, à dix-neuf heure précise, on m’apportera le dîner en m'encourageant vivement à prendre des forces...
Si seulement je savais à quoi ressemble le véritasérum. Est-ce plus facile pour eux de le glisser dans les pommes de terre ? Ont-ils poussé le vice jusqu'à saturer la nourriture des boeufs avec du poison, pour ensuite concocter les repas des prisonniers ? Toujours les mêmes interrogations... Et depuis quelques temps cette nouvelle question, indicible : si mon corps malnutri devient trop faible, la quantité de poison nécessaire pour me faire parler se réduira, mais manger pour le garder fort me fait ingurgiter trop de produit... Le problème est insoluble. Je peux juste tenter de retarder l'échéance. Survivre, coûte que coûte, gagner du temps.
J'avais pourtant cru le monde sauvé quand j'ai vu l'Anneau bruler, mais les forces du mal se régénèrent sans cesse. Je n'ai plus la force de lutter... Il me faut pourtant essayer encore et encore, il faut bien que quelqu’un le fasse, quand j’en parle autour de moi, chacun fait mine de ne pas me comprendre. Ils sont lâches... mais comment leur en vouloir ?
Ma dernière action m'aura couté la liberté. Evidement, c'est plus difficile depuis qu’Arthur Petrelli m'a volé mes pouvoirs. Il a faillit me tuer. M'apercevoir que je ne savais plus voler juste après avoir sauté du quatrième étage, quelle ironie. Mais j'ai survécu, un héro ne meurt jamais tout à fait. Je soupçonne Wolverine d’avoir trouvé un moyen de me prêter ses capacités de régénération quelques instants. Il aura agit dans l’ombre pour ne pas se faire repérer, évidement. Et les ambulanciers seront venus trop vite, ne me laissant pas assez de temps pour guérir tout à fait.
Les pommes de terre me narguent. Rondes, jaunes. J'en attrape une, espérant que le véritasérum est caché dans la viande. S'ils ont utilisé la technique de Durzo, l'Ange de la Nuit, il faut manger de tout pour que le poison se recrée dans mon corps. N'en manger qu'une ne me fera rien. Par les neufs, où donc est caché ce poison ?
La pomme de terre manque de sel.
Je regarde, méfiant, le petit sachet blanc et bleu, négligemment jeté à droite du plateau. Se serait subtil... un repas sain, avec un poison au gout de sel. Je pourrais m'infliger moi-même la dose idoine... Tant pis, j'avale le restant de ma pomme de terre d'une bouchée, j'ai trop faim.
Je dois m'évader ou je vais mourir...
Je me lève péniblement et me jette contre un mur, peine perdue. Comment passer à travers alors que je suis si faible ? Le revêtement moelleux du mur y est sans doute pour quelque chose, une manière d’absorber mon énergie.
Je n'ai pas reçu l'entrainement des forces armées du pentagone. Ma concentration n'est pas assez forte, mon esprit me lâche, je me perds... L'assiette m'appelle à nouveau. Un sort d'attirance est-il posé dessus ? Je crois l'entendre parler.
Je ferme les yeux, me prend la tête, je crie un peu, je dois me reprendre.
Quelques minutes s'écoulent, j'ai recouvré la raison. L'assiette ne peut pas me parler puisque je n'ai pas vu de chapelier.
Pourquoi Clark Kent ne vient pas me délivrer ? L'assiette me souffle que c'est parce que je ne suis pas à Métropolis. Je lui retourne un regard mauvais. Il est où ce lapin blanc ?
Des pas dans le couloir, j'ai peur. Le poison était dans la pomme de terre, c’est sûr, ils viennent m'interroger ! Ils font toujours ça ! Je dois être plus fort qu'eux !
Et soudain, l'illumination ! Un mois quasiment sans nourriture, à ingurgiter diverses concoctions dont j'ignore tout, sinon qu'elles sont nocives, je vais leur faire croire que je suis fou. Peut-être me laisseront-ils. Cela peut prendre des années... Tant pis.
Je saute sur le lit. Non, je m'assieds. J'attends.
La porte s'ouvre.
Ils entrent... Deux personnes en blanc, habillées à la manière des médecins, mais je ne suis pas dupe. Il me faut dire quelque chose pour leur faire croire que j'ai perdu la raison...
- Lord Voldemort n'existe pas.
Ils sont intrigués, ca marche ! Le premier homme parle :
- Monsieur Smith ? Que dites-vous ?
- Que Voldemort n'existe pas. Ni l'Anneau Unique. J'ai juste vu ça à la télé.
Aurait-je dû insister encore plus ? Affirmer que Buffy non plus n'existe pas ?
Ils discutent entre eux, à voix basse... Nier l'existence du mal, si avec ça ils ne me croient pas fous... Mais peut-être est-ce un mensonge trop énorme ? Trop tard, je ne peux plus faire marche arrière... Ainsi soit-il, la folie sera mon arme pour sauver le monde des forces du mal.

--
Onirian, pas plus fou qu'avant.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-05-23 11:33:01 

 Commentaire Onirian, exercice n°76Détails
L’idée de l’homme seul dans sa prison était effectivement intéressante. Mais le face à face de ton héros avec son assiette peut-être empoisonnée, naviguant entre ruse, logique et paranoïa est un morceau de bravoure. Tu envoies des clins d’oeil tous azimuts, le SDA, Alice au pays des merveilles, Harry Potter, Superman, Buffy et les vampires, X-men, la voie des Ombres...
L’hyperactivité mentale de ton héros peut évoquer la folie, mais le stress permanent induit par le jeûne et la peur de la mort peut aussi en être responsable – à moins que ce ne soient les effets du poison.
Il y a deux manières de considérer cette histoire : soit le type est fou, et alors c’est une histoire habilement écrite mais qui se limite, au fond, à une pirouette d’acrobate (doué, certes). Soit le type n’est pas fou, et ça peut déboucher sur une histoire foisonnante, richissime, époustouflante... si tu veux bien en écrire la suite...
Bricoles :
- manque de s : dix-huit heure, dix-neuf heure précise
- verbes : les bouchées que je leur aurai accordées ; il aura agi (sans t) ; me prends la tête
- quelques temps : quelque temps
- accents circonflexes : brûla, coûté, goût
- quand j’en parle autour de moi : à qui ? Est-ce qu’il sort de sa cellule ? Il a des hallucinations ?
- évidement : évidemment
- héro : c’est comme ça qu’on appelle un héros dans ton monde, ou tu as oublié le s ?
- Se serait subtil : ce serait
- Pentagone


Je trouve que la consigne est respectée : il s’agit bien de survivre. Pour nous aussi, un peu frustrés de ta brièveté... Mais que veux-tu, quand c'est bon, c'est toujours trop court!
Narwa Roquen, panne de connexion à la maison, ça complique!

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z653z  Ecrire à z653z

2010-06-01 17:18:03 

 héro héro petit patatoDétails
Je pense que le 's' manquant à héro a un lien avec la série Heroes (il parle d'Arthur Petrelli un peu plus haut).
Je vote qu'il est fou car autant de références dans une seule histoire est difficilement gérable.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-02 13:36:54 

 Exercice 76 : Onirian => CommentaireDétails
Pareil que les autres, je m'interroge sur le titre.
Je vote aussi pour le fait que ton personnage soit dingue et je trouve le premier paragraphe habilement construit pour le montrer.
« Certes, je suis encore capable de me lever, mais pour combien de temps encore ? » : répétition de encore.
« Pourquoi Clark Kent ne vient pas me délivrer ? » : ne vient-t-il.
Sympas les allusions à toutes sortes d'oeuvres.
Le retournement à la fin est intéressant et assez inattendu. Mince, je reste sur ma faim.

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-02 13:46:28 

 Exercice 76 : Maedhros => Commentaire + récriminations diversesDétails
Une vraie bonne histoire de SF, un poil cyberpunk, avec un monde intéressant et construit comme on aime !
J’aime bien le jeu des couleurs des costumes qui rappelle le Meilleur des mondes. Ok pour le monde pollué, entièrement automatisé.
Tu amènes progressivement l’iconosphère et les avatars virtuels, bien vu. Comme d'ailleurs le vocabulaire inventé pour l'occasion, qui renforce agréablement le dépaysement.
Je me suis demandé comment ton mec ramolli a réussi à partir de chez lui; il ne devait pas savoir marcher s’il ne l’a jamais fait.
Je n’ai pas compris quel livre il lit, ni qui sont les zèbres.
Tiens, Little Nemo de Winsor McCay ! Est-ce pour suggérer qu’il est toujours dans un rêve dont il s’apprête à émerger ?
La présence de l’objet matériel dans ton histoire d'amour, l’anneau, m’a choquée. S’ils vivent en permanence dans le virtuel, comment ont-ils pu échanger des anneaux ? A quoi cela lui sert-il ?
Quoique certaines scènes étaient sacrément oniriques et je me demandais s'il était si sorti que cela du virtuel.
« Mon avatar jouissait d’un prestige considérable. Prolongement de ma volonté et de mes désirs, il incarnait dans l’Iconosphère, ma puissance et mon prestige. » : répétition de prestige.
Très jolie ambiance du jardin, malsaine et carrément hostile.
« On dirait que le jardinier est devenu fou et qu’il a utilisé des semences contaminées et des engrais interdits. Ou bien il est mort et son jardin est devenu fou, de douleur ou de rage. » : répétition de "devenu fou".
Merdouille, je n'ai rien pigé à la fin ! Moi qui avais l'impression de suivre, snif ! J'ai presque eu l'impression qu'il allait naitre...

Est', en pleine lecture.

PS : J'espère que tu viendras éclairer ma lanterne sur la fin. C'est dommage mais quand je critique les textes de toutes les personnes du forum, je pose fréquemment des questions pour demander des précisions ou éclaircir des points que je n'ai pas compris et pratiquement personne ne me répond... Est-ce uniquement parce que je critique avec tant de retard ? Du coup, je reste avec mes questions et mes doutes...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-02 13:55:56 

 Exercice 76 : Narwa => CommentaireDétails
Des chiens, des chevaux, on est bien chez Narwa, hihihi ! Tiens, une idée peut-être : écrire un texte sans y mettre ses motifs habituels. J'éviterais les discours écolos, les tentacules, les enfants qui perdent leur innocence, quoi d'autres ? Encore faudrait-il pouvoir identifier ses propres motifs. Cela requièrerait l'aide des autres mais ça pourrait être intéressant.

Je ne m'attendais pas à une suite, tant la première partie me semblait autonome.
Original le personnage autoritaire et sec de la jument. Sympa aussi le pouvoir de parler aux animaux, qui ouvre des perspectives de mise en scènes intéressantes.
J'ai été impressionnée par les détails crédibles sur le fait d’allumer un feu, les pièges. Tu t'es documentée ou tu sais survivre en nature ?
Ca colle très bien au thème, en tous cas.
Du classique mais habilement mené. Ca se lit sans faim.

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-02 14:04:17 

 Exercice 76 : Maeglin => CommentaireDétails
Une histoire au ton tout à fait original.
Ca commence avec ce curieux sous-titre que je ne m'explique toujours pas à la fin du texte.
« indépendamment de l'espèce animale ou humaine qu'ils poursuivent » : animale ou humaine est superflu, vu que nous sommes des animaux.
Intéressant détail de s’enduire de boue pour cacher son odeur. D'une trivialité rafraichissante.
Ton personnage m'est fort sympathique.
Bien vu le nuage en forme d’andouillette pour le pauvre gars qui a faim.
Magnifique, des leprechauns habillés en rouge comme ils le sont dans les vraies légendes et pas les stupides pubs ! Clap clap clap !!!
Curieux les dialogues sans tiret, sans guillemets. Mais cela s'intègre bien dans le passage oniriquo-délirant.
J'ai trouvé la fin curieuse.

Est', en pleine lecture.

PS : Narwa, un avis dis-moi, sont-ce mes yeux ou le niveau monte-t-il sensiblement à la WA ?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-08-02 14:26:43 

 Je me suis documentée...Détails
Google est mon ami!
Narwa Roquen,qui tient ses promesses!

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-08-02 14:35:03 

 Le niveau monte...Détails
C'est comme une grande déferlante de talent dont je suis la première à me réjouir! Même si ça m'oblige à me creuser la tête de plus en plus pour donner à "mes" auteurs chéris du grain à moudre!
Narwa Roquen,qui charge les sacs dans la charrette...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-18 16:56:40 

 Desperate X-MenDétails
J’ai trouvé ce texte schizophrénique particulièrement intéressant. Il surfe avec brio et ironie sur la vague très actuelle des personnes aux super-pouvoirs qui déborde de tous nos écrans, grands ou petits. Il y a aussi un zest de la théorie du complot si chère à nos amis d’outre-atlantique.

C’est en effet très tendance de mettre au goût du jour les héros de bandes dessinées aux prodigieux pouvoirs, avec le côté clinquant et visuel adoré par Hollywood. Les forces de l’Ouest se ramassent dans les pays à forte densité terroriste ? Envoyons-leur Iron-Man qui arrive à décimer toute une bande d’affreux zozos sans toucher le moindre cheveu des civils forcément innocents qui les entourent de près!

Bon, j’avoue, j’aime aussi en avoir plein la vue en tant que spectateur et les effets spéciaux devenant année après année de moins en moins discernables, le réalisme de ces productions devient bluffant ! Et pour faire bonne mesure, ils saupoudrent tout ça avec des considérations métaphysiques proprement stupéfiantes.

Pour revenir au sujet, tu parsèmes le récit d’allusions qui renvoient à la filmographie précitée. Mythomane ou vrai super-héros, tu ne permets pas de conclure définitivement dans un sens ou dans l’autre. Personnellement, je pencherais néanmoins pour le mythomane qui se croit plus grand qu’il n’est réellement.

A force d’être abreuvés par des inepties, certains esprits plus faibles ou vulnérables ne pourraient-ils pas être tentés de se réfugier dans ces pathologies pour échapper à la misère de leur propre existence ? Il paraît que nombre de citoyens américains encore eux sont, pour certains, persuadés que les hommes ont été contemporains des dinosaures et pour d’autres, que les chevaliers du moyen-âge ont réellement combattu des dragons ! Alors...

Le style est fluide et concis. La brièveté du récit ne m’a pas gêné. C’est un huis-clos mental.

Le titre est énigmatique. Mais il ne peut être mauvais en soi puisqu’il est également le titre d’un film chinois extraordinaire de lyrisme et de beauté.

C’est bon texte qui confirme en tous points ce que je disais dans mon précédent message.

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-20 16:29:29 

 Drago west!Détails
Voici donc la suite de l’histoire de la princesse de Svetlakie que tu nous livres là avec une verve qui ne se dément pas. Tu valides le respect des consignes grâce aux péripéties contenues dans cet épisode qui présente le voyage de l’héroïne vers les montagnes.

Cela te permet de décrire avec force de détails les efforts de survie déployés. La précision de certaines pratiques est assez bluffante à l’instar de la façon de faire bouter le feu. Bien vu. Tu pourrais facilement survivre dans certaine émission de télé réalité où les aventuriers survivent l’enfer là où les touristes ne voient que des destinations paradisiaques.

L’introduction d’un nouveau personnage, cet homme des bois qui m’a fait penser à Tom Bombadil à la fois pour sa façon de s’inviter dans le récit, sa proximité avec la nature et le fait qu’il ait sauvé la princesse. Bien sûr ce n’est qu’une interprétation personnelle. Il semble qu'il ne soit pas appelé à être un personnage mineur non?

Le style est irréprochable as usual, au service d’une narration fluide et cohérente. Malgré le fait qu’il s’agît d’un temps « faible » dans l’histoire, tu n’ennuies pas le lecteur au contraire. En outre, ces pérégrinations sont un élément incontournable de toute saga d’héroïc-fantasy et Tolkien , surtout dans le SDA, y a largement fait appel.

J’attends la suite....

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-20 17:41:57 

 A Death in the Family (*)Détails
C’est une histoire comme je les aime.

Une évocation brumeuse de l’Ecosse qui effleure avec une élégance rare, les contes et légendes de ce pays où comme nulle part ailleurs, la fibre épique et nostalgique, est omniprésente. Le détournement de la chanson du grand Charles est quasi parfait : les docks se sont transformés en Lochs, termes en fait assez peu éloignés car ne désignent-ils pas tous deux la rencontre de la terre et de l’eau ?

Cela m’a aussi évoqué les soubresauts indépendantistes écossais qui ont vainement secoué le joug de son puissant maître du Sud. En lisant tes lignes, des images de Rob Roy me sont revenues en mémoire, et j’ai vu dans les traits de Sanche-Loup, le visage de loup de Tim Roth. La confusion entretenue entre rêve et réalité est également un point fort de ce récit. Les créatures légendaires sont presque impalpables et le combat, décrit sur la base de ses temps forts, est délectable.

Et tu finis avec cette pièce d’or, le fameux shilling des Leprechauns. La pièce du bonheur, celle qui ne fait jamais défaut car une fois dépensée, elle revient dans la bourse de son lutin de propriétaire.

Le style est impeccable et implacable (rugby joke), avec une construction qui participe de la perte de repères, des images parlantes et évocatrices, un humour qui affleure un peu partout et un rythme enlevé et agréable. La consigne est respectée.

Oui, un sacré bon texte !


(*) inénarrable épisode de la série The Persuaders où il y a un clin d’oeil appuyé sur un vieil écossais. Rien à voir je sais mais le ton m’a aussi fait penser à cet humour so british...

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-20 18:36:09 

 Fiat LuxDétails
Chère Est'

C'est vrai que je ne suis guère prolixe pour répondre aux questions que suscitent mes textes, en règle générale.

Cela tient sans doute au fait que bien souvent, l'interprétation du lecteur est différente de celle que j'avais prévue à l'origine. C'est tant mieux du reste. En outre, mes textes ne sont pas frappés loin s'en faut, tu l'as constaté, aux coins de la logique et de la raison, alors essayer d'argumenter ensuite...!

Mais ne crois pas qu'il s'agit d'une quelconque mesure de rétorsion à une critique tardive. C'est toujours gratifiant de lire les réactions (bonnes ou mauvaises) aux textes publiés.

Allez, je vais tacher de répondre à ton post pour cette fois. Toutefois, je crains que mes réponses ne t'apporteront toute la lumière que tu attendais!


a) Je me suis demandé comment ton mec ramolli a réussi à partir de chez lui; il ne devait pas savoir marcher s’il ne l’a jamais fait :

Les machines s'occupant de tout, j'imagine que tout est mis en oeuvre pour que le corps reste sinon en état de marche, du moins en état de conservation minimum. Et puis, en fait, marche-t-il réellement, tout simplement?

b) Je n’ai pas compris quel livre il lit, ni qui sont les zèbres :

Le livre est bien sûr le SDA (forêts enchantées), parce que c'est une de mes références favorites. Mais tu peux le remplacer par tout livre qui aborde ce type de sujet.

Les zèbres: ce sont des psychopathes,déchus de leur citoyenneté. Ils sont vêtus de pyjamas rayés blanc et noir, d'où leur nom.

c) La présence de l’objet matériel (...) à quoi cela lui sert-il ?

Dans un monde désincarné, n'y avait-il pas de plus belle preuve d'amour qu'un symbole d'union tel un anneau? C'est le gage de leur amour qui les affranchira. Je n'ai pas vraiment réfléchi à la façon dont elle le lui a adressé. Mais est-ce vraiment utile?

d) Merdouille, je n'ai rien pigé à la fin ! Moi qui avais l'impression de suivre, snif ! J'ai presque eu l'impression qu'il allait naitre... :

Quand j'écrivais, je voyais le héros comme une sorte de souvenir persistant hantant l'envers du décor propre et lisse de l'iconosphère. A mon avis, il a été physiquement éradiqué mais la magie de son amour hors norme l'a transformé en une sorte de fantôme, de fantôme dans la machine.

Celle-ci essaie vainement de le recycler mais il est aidé par des éléments exogènes qui se sont développés au coeur de la matrice (Little Nemo par exemple) et qui sont envoyés par celle qui l'aime. N'a-t-elle pas promis de tout faire pour le ramener à elle?

Son parcours est donc irréel : il n'existe plus que sous forme d'un fantôme qui erre dans une matrice.

Quand il découvre les montagnes au loin, il voit le but qu'il s'est fixé. Il l'a retrouvée (en fait elle n'a cessé de le guider) et il va s'efforcer de la rejoindre et fusionner avec elle. Mais ton interprétation et la mienne ne sont pas très éloignées car quelque part, ne renaît-il pas en l'apercevant?


bon courage

M

PS : c'était une vraiment bonne moquette!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-23 17:57:11 

 Cher Maedhros,...Détails
... grand merci d'avoir pris un moment pour me répondre. Le côté onirique de tes textes fait effectivement partie de ton style, je pense. Cela ne me frustre pas quand les contours du récit sont flous; c'est un style; mais plutôt quand il s'agit d'un jeu de piste dont je loupe les indices.
Oh, je ne croyais pas qu'il s'agisse d'une mesure de rétorsion mais bien que mes réponses se perdaient dans les vieilles pages pour ceux qui n'utilisent pas la fonction Messages récents.
Ah, c'est bien ce que je pensais pour le livre et les zèbres. Sisi, ça m'éclaire quand même tes explications. Encore merci,

Est', en retard de lecture.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-23 19:56:23 

 Tu risques d'être servie...Détails
...en indices cachés un peu partout et en matière de jeu de piste si tu trouves le courage de lire "le baiser de méduse".

M

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