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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 25 juillet 2010 à 20:20:41
Je cours après mon histoire... elle ne veut rien savoir et elle galope devant!

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4 - LE THEATRE DES REVES



L’air embaumait les pins et les embruns venus de la mer. De retour à la maison. Comment oublier cet inimitable parfum si typique des terres méditerranéennes. Devant moi se dressait un vaste théâtre semi-circulaire qui épousait le flanc d’une colline couronnée d’arbres. Les travées de gradins étaient généreusement remplies de spectateurs vêtus de tuniques de lin aux couleurs vives. Je me tenais sur la scène à quelques pas de celle que j’avais immédiatement reconnue. Malgré son costume perse qui soulignait les courbes de son corps et le masque tragique qui se révélait incapable de contenir ses mèches rouges et rebelles que le soleil couchant embrasait comme un incendie. Je faisais partie du choeur.

Elle me fit un signe de tête imperceptible car il était à moi seul destiné. Elle avait deviné mon arrivée. En faisant un pas vers nous, elle s’exclama d’une voix éteinte et douloureuse, finissant sa tirade :

« Dans le trouble où je suis, ô Perses, ô fidèles vieillards, donnez-moi vos conseils; c’est de vous seuls que j’attends des avis salutaires.! »

Mais c’était de moi seul qu’elle souhaitait le conseil!

A ma grande stupeur, j’entendais le grec ancien aussi naturellement que si elle s’était exprimée en français contemporain. Chose encore plus inouïe, je me surpris à déclamer à l’unisson du choeur :

« Reine, n’en doutez pas; un mot de vous suffit. Faut-il parler, agir? Disposez de nous. Vous consultez ceux dont le coeur est à vous ! »

Ma voix se détachait claire et forte au-dessus de toutes les autres et je sentais bien que ces mots signifiaient beaucoup plus que le sens que leur avait accordé le divin Eschyle. Bien sûr, elle jouait le rôle de la reine Atossa, reine des Perses et mère de Xerxès, le grand Roi que la vaillance de nos armes avait défait lors de la bataille de Salamine.

Elle reprit, me fixant droit dans les yeux :

« Depuis que mon fils, assemblant son armée, a marché contre la Grèce qu’il veut dévaster, des songes chaque nuit troublent mon sommeil : mais je n’en avais encore jamais eu d’aussi intelligibles que celui de la nuit dernière; écoutez. Deux femmes me sont apparues, superbement vêtues, l’une à la mode des Perses, l’autre a la façon des Doriens; toutes deux d’une taille au-dessus de la nôtre, d’une beauté parfaite, et visiblement filles du même père. Le sort leur avait assigné pour séjour, à l’une la Grèce, à l’autre la terre des Barbares... »

Et je perçus dans ces paroles une prière muette qui déchira mon âme en deux.

C’est à cet instant que les cris commencèrent de fuser, des cris d’effroi. Brutalement interrompus par ce brouhaha, nous nous immobilisâmes, nos visages toujours dissimulés derrière les masques peints en blanc qui ne reflétaient aucune autre émotion que celle gravée dans le bois ou le cuir.

Des cliquetis métalliques et des bruits de pas martelant la terre retentirent derrière les colonnes bordant l’arrière du théâtre. En me retournant, je vis les longues lances et les crinières rouges et noires de la garde du temple remonter rapidement vers le nord, vers le temple d'Asclépios, le sanctuaire sacré.

Dans les gradins, une vive agitation s’empara de l’assistance, se transformant bientôt en panique quand un soldat hagard déboucha sur la scène, le visage en sang. Il cria d’une voix forte que la merveilleuse acoustique du théâtre porta jusqu’au dernier rang :

« Les Celtes... les Celtes arrivent... ! »

Aussitôt, ce fut la débandade parmi les spectateurs qui tentèrent de s’enfuir en se bousculant les uns les autres. J’aperçus une femme trop lente à réagir se faire piétiner par des hommes surexcités. Alors que la lumière déclinait, l’horizon se tacha de sang et de feu.

« Pars... »

Ces mots me furent murmurés à l’oreille. Elle était là et je pouvais sentir la tendre pression de sa main sur mon épaule. Ce contact réveilla des échos insolites et fulgurants. J’en voulais plus. Je voulais ses lèvres. Comme dans mon rêve, elle m’enivrait de sa seule présence. Elle avait pourtant conservé son masque et mes yeux étaient aveuglés par les feux du soleil couchant.

« Qui es-tu ? » Parvins-je à articuler « Par Zeus, qui es-tu ? »

« Pourquoi parles-tu d’un Dieu mineur? Nos maîtres sont romains à présent. Leurs Dieux se sont montrés plus puissants. Prie donc Jupiter ! »

Cette conversation me parût soudain surréaliste. Nous étions plongés dans le chaos d’une bataille imminente et les hurlements avaient succédé aux cris. La scène était déserte, Xerxès et Darius avaient fui dans le crépuscule qui s’épaississait. La phalange grecque protégeant le sanctuaire rassemblait sans doute le peu de courage qui lui restait pour ne pas les imiter devant la furieuse charge que préparaient les démons du Nord. Les Celtes. La gloire athénienne s’était évanouie depuis longtemps. Et moi, j’étais au centre d’une scène de théâtre vide où les ombres s’allongeaient comme celles qui ensevelissaient peu à peu ma patrie dans les limbes poussiéreuses de l’Histoire.

« Pars ! » me répéta-t-elle d’une voix plus pressante. « Tout ici ne sera bientôt plus que ruine et désolation. M’as-tu bien écouté ? As-tu bien entendu les mots que j’ai prononcés ? »

J’inclinai ma tête pour acquiescer.

« Alors choisis! Et choisis bien. Tu me reverras, c’est écrit. Il devient difficile pour moi de lever les voiles du temps. Mes forces ne sont plus aussi puissantes qu’auparavant et tu viens de si loin ! »

« Donne-moi ton nom ! Je ne partirai pas si tu refuses !» C’était plus qu’une prière, c’était une imploration. Je me jetai à ses pieds et les larmes coulant sous le masque, je levai la tête vers elle. Elle passa une main douce sur ma tête en disant simplement :

« Nous nous reverrons si tu me cherches. Je serai au bout du chemin. Je serai toujours au bout du chemin pour toi. »

Elle ne pût en dire plus. Quatre soldats au cimier noir et aux cnémides brillantes surgirent de l’ombre. Ils tenaient d’une main une courte épée et de l’autre un imposant bouclier rond. Ils nous encadrèrent et celui qui paraissait être leur chef s’adressa à moi :

« Et toi-là, face de lune, debout, tu vas nous suivre. Nous avons besoin de tous les valides pour les défenses intérieures. Vite, ta cité te réclame. Il n’y a plus de temps à perdre ! »

Son ton était catégorique. J’aurais vainement tenté de me soustraire à cet ordre. C’étaient des vétérans qui plaçaient leur mission par-dessus tout. Elle fit un pas en arrière et les ténèbres l’enveloppèrent comme un linceul se referme, la dérobant à ma vue. Je me retrouvais seul et désemparé. Et que pouvais-je espérer à me mettre en travers de l’invasion inéluctable des Hérules ?

J’ai ôté mon masque. Le cabinet des curiosités était silencieux mais dans mes oreilles bourdonnait encore le rire des soldats grecs.

M


  
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