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 WA, exercice n°83 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 23 septembre 2010 à 22:40:44
Cette fois vous aurez à vous confronter à une double contrainte - mais je vous rassure, ce n'est pas un double bind! D'une part, votre récit ne se déroulera que la nuit. Et d'autre part, vous y introduirez autant de néologismes qu'il vous sera possible.
Je vous rappelle la définition de "néologisme" (pour le cas qui nous intéresse), selon Bob: "emploi d'un mot nouveau, soit créé, soit obtenu par dérivation, composition, troncation, siglaison, emprunt, etc..."
En toute logique, le résultat devrait être plutôt étrange, sinon bizarre... De quoi séduire un lecteur qui ne serait ni trop obtus ni trop conventionnel... bref, le lecteur typique de Faëries!
Votre challenge: rester compréhensible! N'hésitez pas à traduire avec des notes de bas de page, si vous avez le moindre doute. Les private jokes sont géniales quand le lecteur les comprend, mais sinon ça le vexe, et un lecteur vexé est un lecteur mécontent...
Bonne prise de tête! Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 14 octobre. Et que les pontes de l 'Académie Française s'arrachent le peu de cheveux qui leur restent... Notre Académie est insolente et pétillante et novatrice, et une langue qui n'évolue pas est condamnée à mourir... Pom pom pom pom....
Narwa Roquen, bizarre, vous avez dit bizarre?


  
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Réponses à ce message :
Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-09-29 07:31:40 

 WA - Participation exercice 83 (+82, et +69, désolé...)Détails
L'Annuit échaude, elle est sauvage


Note de l'auteur: Vous aurez remarqué que je prends désormais la désagréable habitude d'enchevêtrer les WA... Ce n'est en aucun cas de la fanfaronnade. En réalité, je sèche souvent pour une consigne particulière mais me creuse vraiment la tête et y revient régulièrement, sans rien produire de bien concret. Et plus les WA avancent et les règles s'accumulent, plus je me sens "libre" dans l'expression écrite. Quand j'y pense, c'est un peu ma conception intime de la liberté! Par exemple, le mariage "néologismes", "nuit", "déjanté" et "érotisme" m'a immédiatement évoqué quelque chose. D'où ce texte. Bon courage!


C'était enfin l'annuit, et cela va sans dire, nous serions dans l'éthénèbre durant 365 nuits un quart.

Vivre l'éthénèbre, c'est - comment l'exprimer avec des mots simples? - souscrire un aboniment de douze mois à la noirceur des fâmes et des fhommes. La procédure, elle-même plutôt complexe, fût entérinée lors du solstice d'hiver, à lunanimité (moins une voix, lactée).

L'annuit se déguste usuellement en quatre assaisons:
L'Ethé, nous dissertons autour de tisanes et autres boissons échaudées des aspects philosophiques et psychanalytiques de la noircissance de l'humanité.
L'Atone est une période plus sombre, que beaucoup jugent d'ailleurs un peu trop spective, mais qui permet de se confronter à la monotonymie de son égo littératuré.
Heureusement, l'Hibère nous affranchit de cette somnibulance en nous offrant des nuits espagnoles, où nous dégustons des tapas sous les étioles (à cette époque les fleurs fanent par manque de luminarité, à part les névrosiers qui restent superbes durant toute l'annuit). Les garçons se prennent alors pour des artristes et jouent de la guitare tandis que les filles dansent pleines de mélancovie. Les plus anciens, qui ont l'expérience d'éthénèbre, nous confient qu'après toutes ces annuits l'Hibère effroie plus qu'il ne soulage... mais nous les ignorons passablement, l'esprit embué par les chopines nocturnes et l'âmusique étrange qu'elles suggèrent.
Dernière assaison, le Plaintemps. L'annuit alors s'étire à n'en plus finir, poussant de déchirants sanglongs pour retarder l'édéchéance et la fin d'éthénèbre. C'est le pire, et c'est évidemment ce que je préfère.

Donc, j'y reviens, l'annuit venait de débuter. Je m'étais dévêtu de mes habitudes de lumière. J'étais nu. J'éteignis. La lumière. Céline me rejoignit. Dévêtue-en-voilà elle aussi, elle approcha l'eau frémissante de ma tasse.

- Du thé?
- Il est à peine miduit Céline, attendons une heure ou deux!
Dans un éclair d'obscurté, je perçus une crainte nervée d'impatience dans son regard. Ma voix se fit plus douce:
- Nous avons trois longs émois pour discuter de ces choses, jeune fille. L'éthé commence à grand peine, et l'annuit que je te réserve va te changer à jamais...
- Comment cela se passe-t-il alors?
- Souvent mal la première fois. C'est pour cette raison que nous n'hésitons pas à accorder notre pardombre durant l'Ethé. Cela évite de trop manquer à l'autre quand arrive l'Atone et que nous nous séparons.
- Soit, fit-elle résignée en se penchant vers moi, parle-moi de ton ombril.

Je lui racontai avec force détails ma pardombre, l'époque où je vivais parmi les exigens, mes amouribonds d'un soir et mes prejets sans lendemain. Elle m'écoutait, vidait nos tisanes affroidies dans l'herbe, baillait parfois et, constatant que le jour ne se levait pas plus que la veille, rapportait de l'eau chaude puis reprenait l'effile de mon existence.
Une nuit, pourtant, elle se mit à parler. La lune était pleine mais son visage se cachait derrière une sombrelle et lui donnait un air mystérieux.

- Nous n'avons donc qu'à souffrir de l'attente? Ces petits monoloques te rendent l'annuit plus sombre, et c'est ce que tu cherches.... Ne pas m'embrasier, ne pas me toucher... Buvarder, toujours buvarder quand l'autre s'épanche. Et c'est à mon tour maintenant, de te faire flanguir. Car l'annuit est douce, Ferdinand, en ce premier émois d'Ethé. Quand on y pense, c'est l'assaison rêvée pour s'âmuser un peu avec nos corps... Nous sommes nus, nous nous plaisons-aller à des badineries existentielles... Faut-il donc attendre la fin d'éthénèbre pour jouir l'un de l'autre?

Elle s'était avancée en devisant, belle-de-nuit papillonnant autour de moi d'envoutantes sentheures de fâme. Je savourais le momensonge, sachant qu'elle s'en tiendrai à ces ambiquités et finirait bien par retourner à sa place. Elle n'en fit rien.

Je sentis ses têtronds effleurer mon dos nu et une main se glisser vers mon ventre. Le coeur afolâtré, je repoussai ses élances érodacieuses mais son autre bras furetrouva son chemin jusqu'à ma vergerie. Je me retournivelai vers elle, me débattouillant d'entre ses attouchatoutements frondeurs. Elle me tendait une bouche gourmendiante, et je fermadoubletourais mes yeux pour ne pas voir ses lèvres étreintinabuler les miennes. J'avais l'esprit enflamouré. J'imanginai ses cuisses galbûrinées de rayons de lune se tendre de plaisir et sa respiration spasmathique me suffliquer de la prendre haut et court. L'obscurté se fébrilisait déjà. Céline étouffa un sanglong puis m'embrasa à pleine ébouche, une tiède humilactée m'envagualâmisait aussitôt et la rosée perla sur nos orteils mêlherbes, attrapisant les premiers éclats de l'orore.
Le ciel se mâtinait de mauve. Nous étions enlovés de désirs serpentins et la lune faiglissante se voilait de brume tandis que je pénentraillais Céline dans l'annuit avortée, déchirant l'interdit d'éthénèbre.
Ses hanches redondaient de pulsensations vives. Nous sentions désormais que l'Atone ne viendrait plus. Entre deux élangueurs, elle scrutait l'orhizon.

Un éclat dans ses yeux accueillit le matin.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-10-02 16:37:11 

  WA - Participation exercice n°83Détails
Alors là, c'est carrément une chanson, type metal, bien burnée, avec des tas de riffs sauvages, de breaks monumentaux, de descentes de manches incendiaires, de cavalcades de double pédale hyper speed et une voix chaude et rocailleuse mix improbable de Joe Cocker et de Francis Cabrel!! Bref... un vrai moment loufoque!!! Et cela ne répond pas du tout à la consigne...
--------

Poor Lover Blues



Dans un lit à Madrid, je joue des castagnettes
Dans un lit à Milan, un rappel je demande
Dans un lit à Berlin, je jouis sur commande
Mais dans un lit anglais, je pense à Margaret...

Dans l’arène en feu de la Porte du Soleil,
Taureau fou je renâcle en frôlant véronique.
Tant je vide ma bourse en passes impudiques
Qu’à la fin je perds... et ma queue et mes oreilles !

Quand s’ouvre le rideau sur ma Cinecitta
Je suis le beau Marcello dans Huit et demi.
Rires et larmes des corps ouvrent l’appétit !
Mais pauvre pigeon, je compte deux ... et basta !

Dans un lit à Madrid, je joue des castagnettes
Dans un lit à Milan, un rappel je demande
Dans un lit à Berlin, je jouis sur commande
Mais dans un lit anglais, je pense à Margaret...

...Et soudain je blêmis, je frémis bref j’ai peur !

Je rejoins à Berlin ma blonde Walkyrie
Je chevauche sans fin ses formes athlétiques
Pour combler son désir, nounours mécanique
J’attends son envolée.... en m’serrant le kiki

Mais au coeur de Soho, finie la bonne chère !
Comment puis-je aimer ces ravissantes anglaises,
Croquer un baiser sur leurs lèvres couleur fraise,
Quand ouvrant les yeux, je vois Madame Tatcher ?

Dans un lit à Madrid, je joue des castagnettes
Dans un lit à Milan, un rappel je demande
Dans un lit à Berlin, je jouis sur commande
Mais dans un lit anglais, je pense à Margaret...

....cela refroidit d’un coup toutes mes ardeurs !


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-02 22:51:09 

 Pas de panique!Détails
J'ai juste oublié de dire que la date limite était le jeudi 14 octobre (trois semaines). Inutile de vous précipiter pour écrire (quoique j'en sois ravie...). Mais il n'y aura pas de commentaire avant la date limite! Faut quand même que j'aie le temps de m'y mettre...
Narwa Roquen,pouf pouf... un peu essoufflée dans la montée...

Ce message a été lu 6737 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-18 00:02:43 

 WA n°83, participationDétails
A force de bizarreries, j'ai bien peur que le texte ne soit illisible! Il m'aurait fallu au moins un an pour rendre ce langage cohérent. Mais même Tolkien n'a pas inventé l'elfique en trois semaines... Donc pour ceux qui se lasseraient , j'ai ajouté le texte en clair après l'autre...


LE SECRET D’AYGUE-LE-FORT




J’ai le coeur qui chamade comme si j’allais rendez-voir une jolie bonnefille. Il s’agit bien d’amour, mais c’est bien plus profond, c’est de l’aygueamour ! Il n’en sait rien encore. Il dort à fermepoings, son beau visage d’enfant posé sur le brodoreiller, rêvant à un nouvexploit sur le dos de Volcan, le petit baicheval que je lui ai offert pour ses dix ans. J’ai tout orparé. Le flacon, la cuirlanière et aussi, puisqu’il le faut, le poinçon qui va le toujmarquer. Et s’il refusait ? Cela ne s’est jamis produit depuis que le château ayguiste. Mais s’il avait peur ? La vie était plus rudamère de mon ayguetemps, nous étions ayguerris plus tôt, il y avait tant de vifdangers, les brigueurs, les désertants, les comtrivaux de mon père... Le Royaume est bien plus repaisible maintenor. Qui sait si notre douxvivre n’a pas perfaibli la vigueur de son ayguesang ? Hélène m’a jursuré que non, mais une mère n’est-elle pas toujoir amoureuse de son béfils ? Cepende je reconsais qu’elle-même est une femme couraygueuse, et aussi bienvouée au Fort que si elle y était ayguenée. Je l’ai Initiée au Secret, et je n’ai jamis eu à dégretter ce choix. Ma propre mère... Allons, elle repaise loin d’ici et je ne la revurai jamis.
Le clochoi vient de sonner dix coups, le soleil est clos depuis près de deux heures. Il est ayguetemps. Je ne peux m’empriver de sourire. Je me solviens de cette nuit, il y a un peu plus de trente ans, où j’entrai moi aussi, à la fois émerstellé et terrhorré, dans la lignée des Comtes d’Aygue...


Une grande agitescence régnait dans le Château depuis deux jours. Personne n’avait responsé à mes interrogues persistées, si bien qu’au cours du dîner j’avais pris mon couraygue à deux mains pour quesmander à mon père : « Sommes-nous en guerre ? »
Il avait courroncé le sourcil et terminé de mâchevaler à la lente sa bouchée de gigot de chevreuil.
« Tu n’es qu’un enfant. Tu particieras aux affaires du Fort quand l’ ayguetemps sera venu.
- Mais j’ai dix ans !
- Oh le vaille guerrier que voilà ! Il n’a point encore la force de souporter une épée, et il se croit indessentiable ? Finis donc ton assielle et va te liter. »
Je baissai le nez et obéis.
Quand je rebouclai la porte de la mangesalle, Elyette, ma vieille nourrice, qui avait ayguélevé mon père avant moi, était dans le passageoir. Elle desposa un baiser sonneur sur mon front et en m’augurant le bonsommeil elle me glissa à l’écoute d’un ton complami :
« Ne soyez pas impatemps, mon petit Seigneur. L’ayguenfance passe plus vite que vous ne croyez... »
J’eus du mal à m’enssoupir. Deux jours auparave, mon oncle était venu rendre viste à mon père. Les deux hommes s’étaient embouclés dans le bureau du Comte, et en passégeant devant la porte close j’avais entendu des voiséclats. Antoine – le capitaine Dejean -, qui m’avait pourte souvent fait genussauter et s’esforçait encore tous les matins de faire de moi un cavalier accept – m’adressa un regard irroucé qui ne m’encouraygua pas à m’attemper dans le passageoir.
Mais j’étais sûr que cela avait un rapport avec l’effervation subaine qui régnait à Aygue. Avait-il déclamé la guerre à mon père ? Allait-il nous armatrer ? Véritement, j’étais plus jexcité qu’effrouché. Tout l’ayguemonde savait que le Fort était imprisable. Et cet oncle mystétrieux que je n’avais dû croicontrer que trois fois dans ma vie et dont personne ne parlait qu’à contre-envie, surflammait d’autant plus mon imaginier fertoyant de jeune garçon...


« Deboute-toi, Guillaume, et vêtemente. Pas un mot. »
Je m’habitai en trembleurant. Mon père en personne, auprès de moi en nuitpleine, sans la mindre lampelle... Il nous fallait fuir, à la sûre, le Château était envadé, nous étions en vifdanger...
Mais son pas tressonnait fièrement sur les dalles du passageoir, il ne tenchait pas à se cacher. Cepende il me fit pénentrer dans un secretpas, situé au bout de l’aile ouest, celle des genvités, depuis longans déserte. Je le suivis dans un spiralier sombre et rétroit, la main accrippée à la murasse pour ne pas tomber, alors que mes jambes flageoblaient à chaque marche. Il dépoussa une porte et nous entrâmes dans une petite pièce éclafoyée par le seul âtrefeu. Deux silhombres sortirent de la nuit, Antoine, le capitaine de la Garde, et Norbert, l’Intendant. Leur prestence me rassurva un peu.
Mon père se cortourna vers moi, aussi mystétrieux que solennel.
« Guillaume, mon fils, veux-tu entrer dans la grande Lignée des Comtes d’Aygue ? »
Comme, interbloqué, je lontardais à responder, il reprit d’une voix plus douce.
« Si tu accens l’Initiation, je te dévèlerai le secret d’Aygue-le-Fort. Tu en diaviendras le Seigneur après moi. Tu seras toujmarqué du Sceau, comme nous tous. Si tu transfreins le secret en dehors d’une Initiation, le Sceau te tuera. Mais si tu accens l’honneur qui t’est fait, tu persuivras ma tâche et celle de tes ancêtres, et tu n’auras jamis plus peur de la mort. »
Malgré sa voix tendrueuse, mon père était terrifoyant. Antoine et Norbert, cepende, me regardaient en souriant d’un air encourayguant, et je les consavais depuis toujours, j’avais confoition en eux.
« Je... j’accense », bredmurai-je plus pour leur faire plaisheur que par choix déterfléchi.
Les trois hommes ouvrirent leur chemique, m’amontrant le A tatoué au milieu de leur poitraille. Puis mon père plongea une tiglonge de métal dans le feu.
« Tu vas avoir très mal, mon petit. Mais crois-moi, cela en valt la peine. »
L’avertance aurait pu me faire arriérer, mais à l’étrange elle me rendit à la parfaite calme. Je savais que mon père ne m’avait jamis menti.
Je souffletai sous la flambure et malgré moi des larmes m’escalèrent aux yeux, mais je ne brongeai pas. L’odeur de la carne carbonisée – ma carne ! – me donna la vomée, mais les cris joreux des trois hommes me firent tout amnésier.
« Mordedi ! Il est couraygueux !
- De la bonne granole de Comte !
- Je suis fier de toi, Guillaume ! »
Antoine parduisit la flambure d’un balme apaxant et la doule cessa. Mon père noua un cuirlacet autour de mon cou et je sentis sur ma poitraille le poids de la mystétrieuse métalfiole que j’avais entraperçue rarfois chez certains domitants du Fort, mais dont aucun n’avait accepturé de me dévéler la provénition.
« Viens. Maintenor tu peux savoir. »


Nous parmarchâmes un long tunnelier qui s’enchonçait en pente douce sous la terre, dans l’obscurance la plus totale. Et pourtant, j’y voyais à la parfaite. Nous déversâmes sur une immense salle, grande comme un bléchamp, au suffond tellement haut que je me quémandai si ce n’était pas le ciel lui-même qui lui serviçait de voûte. Des hommes, des femmes, des enfants, tous affupés à des tâches differses, s’astoppèrent en me voyant et leurs voix joheuses et vrincères me trappèrent en plein coeur :
« Bienarrivée au petit Maître ! Hourrah ! Vivat ! Vivat !
- Aygue-leFort a un nouveau Comte !
- Vive Guillaume !
- Aygue ne mourra pas !
- Longue vie à Aygue-le-Fort ! »



Je revisai ces gens, sombres dans l’obscurance. Une pâle lueur verte permanait d’eux, et je distinctais à la parfaite les traits de leurs visages. Certains étaient jeunes, d’autres plus vieux, mais ils parblaient tous joreux et serteins. Antoine ne m’ensignait pas que la cavalition ou le manièrement des armes.
« Si tu obserges bien ton antami, si tu arriens à compréhenser ce qu’il pense, tu sauras où le trapper. »
Sans cesse il me forçait à dénumer les expressances, à noter la petite moue de dédis, la crispance de la colère, l’oeil écarloqué de la peur. Mais tous ces gens, que je ne consavais pas...
« Guillaume ! Je suis si fier que tu sois là !
- Gr... grand-père ? »
Malgré moi je surbondis. Je parvussis à me caltrôler pour ne pas arriérer, pour ne pas m’encourir en hurlant. Je cherchai des yeux mon père, et Antoine, joyriants tous les deux. Ils étaient illucés d’une vague refluence bleue, qui baignait à l’égale mes mains et mes vêtes. Je n’osais fordire cette véritence qui était aussi évidentiable qu’inimaginière. Mon père posa la main sur mon espalie, et je lui en sus gré.
« C’est bien cela, Guillaume. Ce sont nos morts. Tous ceux qui avant nous ont accepturé de se bienvouer corps et âme à Aygue-le-Fort. A l’heure de leur trépassage, quelqu’un a versé sur leur poitraille la contention d’une fiole identique à celle que tu portes désormis autour de ton cou. C’est le Secret d’Aygue-le-Fort. La nuit, nos morts quittent leurs sépulteauxs et revaquent dans les grottes du château pour nous ayguer à prégarder sa puissance. Tu vois cette fontaine ? »
J’avais revisé les gens, je n’avais rien vu du décor prodifique qui m’autourait. Nous étions dans une immense salle soussolière rectanglaire. Des pillars de marbre blanc, ronds et massards comme des chênes centageaires, s’adroitaient le long des parois, tels des soldats atrépides. Je fus pris de vortige en les suivant des yeux de bas en haut ; leur verticalité géantesque se muait en ogive harmonique aboutant à une moulure centrière où était sculptée la lettre A. Le suffond, entre les arcades de marbre, était parcouvert d’une mosaïque verte faiblement lucinescente. Au centre de la grotte, à l’afil du faîte, une grande fontaine visageant un cheval cabré disversait une eau limpieuse dans le vasquier rond où vingt hommes auraient pu se bagner. Le marbre sous mes doigts était lissent et brilleur. Je m’attempai à en frôlesser la surfance, ému par une sensité qui jetait le troubloi dans mon corps préhomide. C’était... une ravission, une plaisance à nulle autre pareille, presque un extasir... Et l’eau était fraîche et joheuse, solennelle et famayguière, amicale et mystétrieuse.
Il me parbla que mon père rechangeait un regard complami avec ses compayguons.
« Voilà l’Aygue, la Source qui a appritoyé la mort. La légende dit que le premier Comte qui fit constreindre le Château, Aymeric le Guerrier, était un homme de bien, mais, selon son surdit, il aimait un peu trop s’armattre. Aussi, le jour où le château fut aspiégé par une troupée de barbares venus de l’au-delà des mers, au lieu d’abrister derrière ses hautes murasses, décida-t-il d’aller les affacer au corps à corps. Hélas ! Il fut à la cruelle blessé au côté. On dit que son cheval Ouragan, un splendique étalon blanc, s’ingenouilla près de lui pour qu’il puisse se hauter sur le selloir, et il parvussit à raguider au château le corps de son maître malgonisant. Le jour tombait ; un vent violide s’était levé, forbligeant les ennemis à refuger dans la forêt toutproche. La châtelaine, tenant son fils âgé de dix ans par la main, se fit violure pour descendre sépulter son époux dans la grotte où nous sommes. Tandis que ses serviceurs dépleinaient une tombure à la va-vite, elle gémoyait et se désolatait ; l’enfant, debout près d’elle restait dignant et silencite. Mais tous deux versaient des larmes nombramères sur le cadavre de l’homme qu’ils aimaient le plus en l’ayguemonde. Enhors la tempête rageusait, et les éclairs illuçaient à la lugubre le batachamp où trop d’hommes avaient laissé la vie. Or voilà que le tonnerre plus forgronda, et la terre trembla. Alors, là où Angélique et Thibault avaient versé leurs larmes d’innespoir, jaillita une source vive qui bagna le thorse sans vie d’Aymeric. Et le Comte se leva, nimbé d’une strangère lucité verte, et il dit :
« Ne pleure plus, ma femme bien-aimée, ni toi, mon fils couraygueux : l’Aygue sauvera le château, maintenor et toujoir. Vite, raguidez nos morts et verpandez sur leur poitraille cette eau miraculière. Enpuis nous irons chasser ces malcréants ! »
Et c’est ainsi que delors, la seule souciance des Comtes en cas d’armatre est de tenir jusqu’à la nuit. L’Armée des Anciens est invainciable ! »
Pendant que mon père parlait je revisais cette strangière populance qui s’affairait de toutes parts. Des dizaines de forgistes métamartaient pour des épées, des lames de haches, des flèchepointes ; les femmes et les enfants alimentassaient les forges avec des embrassées de bois. Un petit groupe d’hommes âgés conjonctaient les flèches et les haches, de jeunes garçons rempleinaient les fléchois ou ajustaient la tensure de la corde des arcs.
Je levai les yeux vers mon père.
« Nous sommes en guerre, n’est-ce pas ? »
Cette fois il accensa de me responder.
« Il se peut que ton oncle armatre le Fort. Detoutcas il m’a manaxé, et je l’ai pris au sérial. Je pense que ses troupées seront là aubetemps. Si je devais mourir aujourd’après, Aygue aura un nouveau Comte pour drivier les combattures jusqu’à la nuit. C’est pourquoi je t’ai Initié maintenor. L’Armée des Anciens ne peut se debouter qu’à l’appelance du Comte. »
Les yeux sipleins de larmes, je murmurai :
« Mais pourquoi... mon oncle...
- Gaston est le frère de ta mère, tu le sais. Elle était sa puisoeur, et il l’avait toujours terrhorrée. Un dié, il l’accria auprès de lui et sous ses manaxes, elle laissa escaper une parole aprudente ; depuis, Gaston est consuadé qu’Aygue-le-Fort imbrite un trésor fabulique. Maintenor qu’il s’est ruiné à force de gaspiner son argent en fêtes et en jeux, il voudrait une part de ces richeries.
- Mais ma mère...
- Ta mère était une femme merveillante, mais trop bonne pour resforter à ce frère bruteux et cupidier. Quand elle a réagisé qu’elle en avait trop dit, elle est maladitée, et elle est morte de regords et de chagreur, diciloin.
- C’est... la Marque ? »
Mon père n’était pas un homme sensivif. Pourtant, une grande tristerie marqua à la profonde son visage.
« Je... J’aurais préchoisi ne pas t’en parler. Mais, c’est vérite, tu as le recte de savoir. Je me suis toujoir dit que si je ne l’avais pas Initiée, elle serait encore en vie. J’aimais ta mère, Guillaume. Je voulais tout parchanger avec elle. Et c’est mon amour qui l’a tuée !
- Non ! C’est pourrable son frère qui l’a tuée, mais pas vous ! Vous, vous l’aimiez... »
C’est une drôlance que de surporter son propre père quand on est un enfant. Je sensitai son regard s’apployer sur le mien, plein d’innespoir et de reconnaissure. Sa main asserra la mienne et il pertourna les yeux pour me cacher l’émotiance violurée qui le troublillonnait.


J’eus du mal à somtrouver quand enfin je me rallitai. A serrecoeur, je sensitais la mort rôder dans la nuit et ses ailes glacieuses me frôleter dans une ricanerie silencite.
« Pas mon père, pas mon père ! », rengainai-je mille et une fois pour déjurer le sort. Mais quelque chose en moi savait déjà que la destinance était en avancée.


Les assailleries rengainées durèrent tout le jour. Archers contre archers, pierres catajectées contre seaux d’oléage bouillant, la tensure était instoppante mais Aygue-le Fort tenait.
Je faisais les cent pas devant le cheminier de la grande salle, incapapte de me chaiser ou de rien mâchevaler, tandis qu’Elyette me surgardait en tricotinant silencite. Je mourais d’enviesse de courir sur les remparts mais mon père me l’avait interdicté. Je compréhensais bien que tant que je n’aurais pas de fils ma survivure était indessentiensable à celle du Fort, mais je me rongetais les sangs en regardant par la fenestrie cette journée qui ne se décidurait pas à finir. Soudainpuis une clamance horrorée me broya le coeur. Je me précapitai enhors malgré les glapitements effroissés de ma gardière tricotine. Je grimpai quatre à quatre les spiraliers des remparts, me faujetant entre les jambes des soldats. Mon père était lité, souffletant, sur le rondegarde, une flèche fichée dans le cou. Son visage était crispuré par la doule, mais il poumonait encore. Autour de lui les hommes pierrefiés restaient à ballants-bras. Une nouvecharge s’approdait, plusieurs groupées d’armatrants couvertionnés de leurs boucliers couraient vers le château en souportant des escabelles. Grands Dieux ! Il faisait jour !
D’une voix que je ne me consavais pas, je criai :
« Thomas, Bertrand, transsauvez le Comte dans la grand salle. Et vous autres, vous allez demester longtemps à cornebailler ? Armatez les catajectes, faites rehauter encore de l’oléage, tenez-vous prêts à dépousser les escabelles ! Pour Aygue–le-Fort, vivat !
- Vivat, vivat, vivat ! », hurlèrent les soldats en choeur. »



J’eus le temps de m’ingenouiller pour recueilleter l’ultior soupir de mon père, au moment où le crépuscule s’avenait enfin. Enhors, les antamis se battaient avec moins d’énergance. Ca et là des campfeux s’étaient alluminés, horsportée des flèches du château.
J’étais horsdoute un monstre. Je n’avais même pas larmé en closant les yeux de mon père. Je tembleurais juste un peu en dégraboutant sa chemique, puis je versai la contenition de sa fiole sur la Marque. Aussitôt il se redebouta et me sourit.
« Le Fort est salvé, grâce à toi. Va, maintenor, va chercher notre Armée. Tu es le seul à ce pouvoir. »
Je m’étais précapité dans l’aile ouest, recouvrant sans peine le secretpas. L’Armée des Anciens m’attendait, hommes affilés et graves, leurs armes scintoyantes à la main. Seul reflet bleu dans cette foule verte, je les haranguai :
« A moi, mes braves ! Mon père est mort. Je suis le nouveau Comte d’Aygue et le destort du château est maintenor entre vos mains. Pour Aygue-le-Fort, vivat !
- Vivat, vivat, vivat ! », récria le choeur des Anciens.
Mon grand-père était au rangprime. Ses yeux brilluçaient dans la presquombre ; il me glissa :
« Quel que soit ton désir de vengerie, ne nous suis pas. Tu sais très bien que ce serait un inurisque. Tu dois accomplurer ton devoir. »
Je baissai la tête.


Je crois avoir lu, enfant, tous les légencontes qui parlaient de mondes estrangiers et de créatesses inouïes. Mais la réavité que je vis de mes yeux cette nuit-là démarque en fabulosité toutes les fictiances possibles.
Les trois lunes s’étaient levées. Aglaé, la lune bleue, à l’est, Varlin, la lune jaune, à l’ouest, et au nord Fédora, la lune blanche. Antoine était derrière moi sur les remparts, et je trouvai de prime ridicieuse et pesière la main qu’il posa sur mon espalie. Mais vitôt je réavisai que ce lien humain était le melior rempart pour m’empesquer de bastomber dans la foliesse.
Je les vis jailliter des remparts du Fort, horde silencite et verte de travemurasses affilés en combordre, leurs épées parjetant des éclairs puissinistrants aux clairs de lunes. Horsbruit ils pervestirent l’ antacamp. Je haïssais ces hommes qui avaient fait mortomber tant des nôtres, et qui m’avaient déprivé du seul parent qui me restât. Mais leurs terrhurlements et leurs agocris dans la claire nuit me frissonnèrent et me pâlirent sans qu’aucune joie ne vienne me chaufforter. Ils se battaient à la vaille, mais leurs armes tracoupaient le corps des Anciens sans leur inflixer niune blessure. Quand ils compréhensaient qu’ils étaient perdamnés, certains genutombaient, la plupart restaient figés dans un pétrifiement horroré, jusqu’à ce que leur tête soit détranchée ou leur coeur transfendu. L’assalt fut bref. Il n’y eut pas de survivant. Il n’y en avait jamais eu. Il ne fallait pas qu’il y en eût.
Avant que le jour ne se lève, le sinistre bûchâtre finissait de se consompter, défaçant toute trace de ce qui avait été une armée.


De ce jour, je n’ai plus jamais été un enfant. J’ai fait de mon melior pour évencher toutes sortes de conflarmés, et il m’a été donné de ne plus jamis assister à pareille scènure. Je souris en dépoussant la chambreporte de mon fils. Dans quelques minutes, j’aurai finmissionné, et assugardé la survivure d’Aygue-le-Fort pour une génératiance de plus.
« Deboute-toi, Clément, et vêtemente. Pas un mot. »
L’enfant me regarde, à la fois surprisé et un peu effroré. François, mon Capitaine, et Albert, mon Intendant, nous attendent dans le petit bureau. Qu’importe mon destort à présent, pour Aygue-le-Fort, vivat !


Et voici la version en clair:




Le secret d’Aygue-le-Fort



J’ai le coeur qui chamade comme si j’avais rendez-vous avec une jolie fille. Il s’agit bien d’amour, mais c’est bien plus profond, c’est de l’aygueamour ! Il n’en sait rien encore. Il dort à poings fermés, son beau visage d’enfant posé sur l’oreiller brodé, rêvant à un nouvel exploit sur le dos de Volcan, le petit cheval bai que je lui ai offert pour ses dix ans. J’ai tout préparé. Le flacon, la lanière de cuir et aussi, puisqu’il le faut, le poinçon qui va le marquer pour toujours. Et s’il refusait ? Cela ne s’est jamais produit depuis que le château existe. Mais s’il avait peur ? La vie était plus rude de mon temps, nous étions aguerris plus tôt, il y avait tant de dangers, les brigands, les déserteurs, les Comtes rivaux de mon père... Le Royaume est bien plus paisible maintenant. Qui sait si notre douce vie n’a pas affaibli la vigueur de son sang ? Hélène m’a assuré que non, mais une mère n’est-elle pas toujours amoureuse de son fils ? Cependant je reconnais qu’elle-même est une femme courageuse, et aussi dévouée au Fort que si elle y était née. Je l’ai Initiée au Secret, et je n’ai jamais eu à regretter ce choix. Ma propre mère... Allons, elle repose loin d’ici et je ne la reverrai jamais.
Le clocher vient de sonner dix coups, le soleil est couché depuis près de deux heures. Il est temps. Je ne peux m’empêcher de sourire. Je me souviens de cette nuit, il y a un peu plus de trente ans, où j’entrai moi aussi, à la fois émerveillé et terrifié, dans la lignée des Comtes d’Aygue...


Une grande agitation régnait dans le Château depuis deux jours. Personne n’avait répondu à mes questions insistantes, si bien qu’au cours du dîner j’avais pris mon courage à deux mains pour demander à mon père : « Sommes-nous en guerre ? »
Il avait froncé le sourcil et terminé de mastiquer lentement sa bouchée de gigot de chevreuil.
« Tu n’es qu’un enfant. Tu participeras aux affaires du Fort quand le temps sera venu.
- Mais j’ai dix ans !
- Oh le vaillant guerrier que voilà ! Il n’a point encore la force de soulever une épée, et il se croit indispensable ? Finis donc ton assiette et va te coucher. »
Je baissai le nez et obéis.
Quand je refermai la porte de la salle à manger, Elyette, ma vieille nourrice, qui avait élevé mon père avant moi, était dans le corridor. Elle déposa un baiser sonore sur mon front et en me souhaitant la bonne nuit elle me glissa à l’oreille d’un ton complice :
« Ne soyez pas impatient, mon petit Seigneur. L’enfance passe plus vite que vous ne croyez... »
J’eus du mal à m’endormir. Deux jours auparavant, mon oncle était venu rendre visite à mon père. Les deux hommes s’étaient enfermés dans le bureau du Comte, et en passant devant la porte close j’avais entendu des éclats de voix. Antoine – le capitaine Dejean -, qui m’avait pourtant souvent fait sauter sur ses genoux et s’efforçait encore tous les matins de faire de moi un cavalier acceptable – m’adressa un regard courroucé qui ne m’encouragea pas à m’attarder dans le couloir.
Mais j’étais sûr que cela avait un rapport avec l’effervescence soudaine qui régnait à Aygue. Avait-il déclaré la guerre à mon père ? Allait-il nous attaquer ? En vérité, j’étais plus excité qu’effrayé. Tout le monde savait que le Fort était imprenable. Et cet oncle mystérieux que je n’avais dû croiser que trois fois dans ma vie et dont personne ne parlait qu’à contre-coeur, enflammait d’autant plus mon imagination fertile de jeune garçon...


« Lève-toi, Guillaume, et habille-toi. Pas un mot. »
Je me vêtis en tremblant. Mon père en personne, auprès de moi en pleine nuit, sans la moindre lampe... Il nous fallait fuir, sûrement, le Château était envahi, nous étions en danger...
Mais son pas résonnait fièrement sur les dalles du corridor, il ne cherchait pas à se cacher. Cependant il me fit pénétrer dans un passage secret, situé au bout de l’aile ouest, celle des invités, depuis longtemps déserte. Je le suivis dans un escalier sombre et étroit, la main agrippée à la muraille pour ne pas tomber, alors que mes jambes flageolaient à chaque marche. Il poussa une porte et nous entrâmes dans une pièce éclairée par le seul feu de la cheminée. Deux silhouettes sortirent de l’ombre, Antoine, le capitaine de la Garde, et Norbert, l’Intendant. Leur présence me rassura un peu.
Mon père se tourna vers moi, aussi mystérieux que solennel.
« Guillaume, mon fils, veux-tu entrer dans la grande Lignée des Comtes d’Aygue ? »
Comme, interloqué, je tardais à répondre, il poursuivit d’une voix plus douce.
« Si tu acceptes l’Initiation, je te révèlerai le secret d’Aygue-le-Fort. Tu en deviendras le Seigneur après moi. Tu seras marqué du Sceau, comme nous tous. Si tu enfreins le secret en dehors d’une Initiation, le Sceau te tuera. Mais si tu acceptes l’honneur qui t’est fait, tu poursuivras ma tâche et celle de tes ancêtres, et tu n’auras jamais plus peur de la mort. »
Malgré sa voix affectueuse, mon père était terrifiant. Antoine et Norbert, cependant, me regardaient en souriant d’un air encourageant, et je les connaissais depuis toujours, j’avais confiance en eux.
« Je... j’accepte », bredouillai-je plus pour leur faire plaisir que par choix réfléchi.
Les trois hommes ouvrirent leur chemise, me montrant le A tatoué au milieu de leur poitrine. Puis mon père plongea une longue tige de métal dans le feu.
« Tu vas avoir très mal, mon petit. Mais crois-moi, cela en vaut la peine. »
L’annonce aurait pu me faire reculer, mais étrangement elle me rendit parfaitement calme. Je savais que mon père ne m’avait jamais menti.
Je haletai sous la brûlure et malgré moi des larmes me montèrent aux yeux, mais je ne bronchai pa. L’odeur de la chair carbonisée – ma chair ! – me donna la nausée, mais les cris heureux des trois hommes me firent tout oublier.
« Mordious ! Il est courageux !
- De la bonne graine de Comte !
- Je suis fier de toi, Guillaume ! »
Antoine enduisit la brûlure d’un baume apaisant et la douleur cessa. Mon père noua un lacet de cuir autour de mon cou et je sentis sur ma poitrine le poids de la mystérieuse fiole de métal que j’avais entraperçue parfois chez certains habitants du Fort, mais dont aucun n’avait accepté de me révéler la provenance.
« Viens. Maintenant tu peux savoir. »


Nous parcourûmes un long tunnel qui s’enfonçait en pente douce sous la terre, dans l’obscurité la plus totale. Et pourtant, j’y voyais parfaitement. Nous débouchâmes sur une immense salle, grande comme un champ de blé, au plafond tellement haut que je me demandai si ce n’était pas le ciel lui-même qui lui servait de voûte. Des hommes, des femmes, des enfants, tous occupés à des tâches diverses, s’arrêtèrent net en me voyant et leurs voix joyeuses et sincères me frappèrent en plein coeur :
« Bienvenue au petit Maître ! Hourrah ! Vivat ! Vivat !
- Aygue-le-Fort a un nouveau Comte !
- Vive Guillaume !
- Aygue ne mourra pas !
- Longue vie à Aygue-le-Fort ! »



Je regardai ces gens, sombres dans l’obscurité. Une pâle lueur verte émanait d’eux, et je distinguais parfaitement les traits de leurs visages. Certains étaient jeunes, d’autres plus vieux, mais ils semblaient tous heureux et sereins. Antoine ne m’enseignait pas que l’équitation ou le maniement des armes.
« Si tu observes bien ton ennemi, si tu arrives à savoir ce qu’il pense, tu sauras où le frapper. »
Sans cesse il me forçait à déchiffrer les expressions, à noter la petite moue de dédain, la crispation de la colère, l’oeil écarquillé de la peur. Mais tous ces gens, que je ne connaissais pas...
« Guillaume ! Je suis tellement fier que tu sois là !
- Gr... grand-père ? »
Malgré moi je sursautai. Je réussis à me contrôler pour ne pas reculer, pour ne pas m’enfuir en hurlant. Je cherchai des yeux mon père et Antoine, souriants tous les deux. Ils étaient illuminés d’un vague reflet bleu, qui baignait également mes mains et mes habits. Je n’osais formuler cette vérité qui était aussi évidente qu’inimaginable. Mon père posa la main sur mon épaule, et je lui en sus gré.
« C’est bien cela, Guillaume. Ce sont nos morts. Tous ceux qui avant nous ont accepté de se vouer corps et âme à Aygue-le-Fort. A l’heure de leur trépas, quelqu’un a versé sur leur poitrine le contenu d’une fiole identique à celle que tu portes désormais autour de ton cou. C’est le Secret d’Aygue-le-Fort. La nuit, nos morts quittent leurs sépultures et reviennent dans les grottes du château pour nous aider à préserver sa puissance. Tu vois cette fontaine ? »
J’avais regardé les gens, je n’avais rien vu du décor prodigieux qui m’entourait. Nous étions dans une immense salle souterraine rectangulaire. Des piliers de marbre blanc, ronds et massifs comme des chênes centenaires, s’alignaient le long des parois, tels des soldats intrépides. Je fus pris de vertige en les suivant des yeux de bas en haut ; leur verticalité gigantesque se muait en ogive harmonieuse aboutissant à une moulure centrale où était sculptée la lettre A. Le plafond, entre les arcades de marbre, était recouvert d’une mosaïque verte faiblement luminescente. Au centre de la grotte, à l’aplomb du faîte, une grande fontaine figurant un cheval cabré déversait une eau limpide dans la vasque ronde où vingt hommes auraient pu se baigner. Le marbre sous mes doigts était lisse et brillant. Je m’attardai à en caresser la surface, ému par une sensation qui jetait le trouble dans mon corps impubère. C’était... un ravissement, un plaisir à nul autre pareil, presque une extase... Et l’eau était fraîche et joyeuse, solennelle et familière, amicale et mystérieuse.
Il me sembla que mon père échangeait un regard complice avec ses compagnons.
« Voilà l’Aygue, la Source qui a apprivoisé la mort. La légende dit que le premier Comte qui fit construire le Château, Aymeric le Guerrier, était un homme de bien, mais, comme le dit son surnom, il aimait un peu trop se battre. Aussi, le jour où le château fut assiégé par une armée de barbares venus de l’au-delà des mers, au lieu de rester à l’abri derrière ses hautes murailles, décida-t-il d’aller les affronter au corps à corps. Hélas ! Il fut cruellement blessé au côté. On dit que son cheval Ouragan, un splendide étalon blanc, s’agenouilla près de lui pour qu’il puisse se hisser sur la selle, et il réussit à ramener au château le corps de son maître agonisant. Le jour tombait ; un vent violent s’était levé, obligeant les ennemis à chercher refuge dans la forêt toute proche. La châtelaine, tenant son fils âgé de dix ans par la main, se fit violence pour descendre enterrer son époux dans la grotte où nous sommes. Tandis que ses serviteurs creusaient une tombe à la va-vite, elle gémissait et se désolait ; l’enfant, debout près d’elle restait digne et silencieux. Mais tous deux versaient des larmes nombreuses et amères sur le cadavre de l’homme qu’ils aimaient le plus au monde. Dehors la tempête faisait rage, et les éclairs illuminaient lugubrement le champ de bataille où trop d’hommes avaient laissé la vie. Or voilà que le tonnerre gronda encore plus fort, et la terre trembla. Alors, là où Angélique et Thibault avaient versé leurs larmes de désespoir, jaillit une source vive qui baigna le torse sans vie d’Aymeric. Et le Comte se leva, nimbé d’une étrange lumière verte, et il dit :
« Ne pleure plus, ma femme bien-aimée, ni toi, mon fils courageux : l’Aygue sauvera le château, maintenant et toujours. Vite, ramenez nos morts et répandez sur leur poitrine cette eau miraculeuse. Ensuite nous irons chasser ces mécréants ! »
Et c’est ainsi que depuis, le seul souci des Comtes en cas d’attaque est de tenir jusqu’à la nuit. L’Armée des Anciens est invincible ! »
Pendant que mon père parlait je regardais cette étrange population qui s’affairait de toutes parts. Des dizaines de forgerons martelaient le métal pour en faire des épées, des lames de haches, des pointes de flèches ; les femmes et les enfants alimentaient les forges avec des brassées de bois. Un petit groupe d’hommes âgés assemblaient les flèches et les haches, de jeunes garçons remplissaient les carquois ou ajustaient la tension de la corde des arcs.
Je levai les yeux vers mon père.
« Nous sommes en guerre, n’est-ce pas ? »
Cette fois il accepta de me répondre.
« Il se peut que ton oncle attaque le Fort. En tout cas il m’a menacé, et je l’ai pris au sérieux. Je pense que ses troupes seront là à l’aube. Si je devais mourir demain, Aygue aura un nouveau Comte pour diriger les combats jusqu’à la nuit. C’est pourquoi je t’ai Initié maintenant. L’Armée des Anciens ne peut se lever qu’à l’appel du Comte. »
Les yeux pleins de larmes, je murmurai :
« Mais pourquoi... mon oncle...
- Gaston est le frère de ta mère, tu le sais. Elle était sa cadette, et il l’avait toujours terrifiée. Un jour, il l’appela auprès de lui et sous ses violences, elle laissa échapper une parole imprudente ; depuis, Gaston est persuadé qu’Aygue-le-Fort abrite un trésor fabuleux. Maintenant qu’il s’est ruiné à force de gaspiller son argent en fêtes et en jeux, il voudrait une part de ces richesses.
- Mais ma mère...
- Ta mère était une femme merveilleuse, mais trop bonne pour résister à ce frère brutal et cupide. Quand elle a réalisé qu’elle en avait trop dit, elle est tombée malade, et elle est morte de remords et de chagrin, loin d’ici.
- C’est... la Marque ? »
Mon père n’était pas un homme sensible. Pourtant, une grande tristesse marqua profondément son visage.
« Je... J’aurais préféré ne pas t’en parler. Mais, c’est vrai, tu as le droit de savoir. Je me suis toujours dit que si je ne l’avais pas Initiée, elle serait toujours en vie. J’aimais ta mère, Guillaume. Je voulais tout partager avec elle. Et c’est mon amour qui l’a tuée !
- Non ! C’est peut-être son frère qui l’a tuée, mais pas vous ! Vous, vous l’aimiez... »
C’est une drôle de chose que de porter son propre père quand on est un enfant. Je sentis son regard s’appuyer sur le mien, plein de désespoir et de reconnaissance. Sa main serra la mienne et il détourna les yeux pour me cacher l’émotion violente qui le troublait.


J’eus du mal à trouver le sommeil quand enfin je me rallongeai dans mon lit. Le coeur serré, je sentais la mort rôder dans la nuit et ses ailes glacées me frôler dans un ricanement silencieux.
« Pas mon père, pas mon père ! », répétai-je mille et une fois pour conjurer le sort. Mais quelque chose en moi savait déjà que le destin était en marche.


Les assauts répétés durèrent tout le jour. Archers contre archers, pierres catapultées contre seaux d’huile bouillante, la tension était incessante mais Aygue-le Fort tenait.
Je faisais les cent pas devant la cheminée de la grande salle, incapable de m’asseoir ou de manger une seule bouchée, tandis qu’Elyette me surveillait en tricotant silencieusement. Je mourais d’envie de courir sur les remparts mais mon père me l’avait interdit. Je comprenais bien que tant que je n’aurais pas de fils ma survie était indispensable à celle du Fort, mais je me rongeais les sangs en regardant par la fenêtre cette journée qui ne se décidait pas à finir. Et puis soudain une clameur horrifiée me broya le coeur. Je me précipitai dehors malgré les glapissements effrayés de ma gardienne tricoteuse. Je grimpai quatre à quatre les escaliers des remparts, me faufilant entre les jambes des soldats. Mon père était couché, haletant, sur le chemin de ronde, une flèche fichée dans le cou. Son visage était crispé par la douleur, mais il respirait encore. Autour de lui les hommes pétrifiés restaient les bras ballants. Une nouvelle charge s’approchait, plusieurs groupes de combattants recouverts de leurs boucliers couraient vers le château en portant des échelles. Grands Dieux ! Il faisait jour !
D’une voix que je ne me connaissais pas, je criai :
« Thomas, Bertrand, transportez le Comte dans la grand salle. Et vous autres, vous allez demeurer longtemps à bailler aux corneilles ? Armez les catapultes, faites amener encore de l’huile, tenez-vous prêts à repousser les échelles ! Pour Aygue–le-Fort, vivat !
- Vivat, vivat, vivat ! », hurlèrent les soldats en choeur. »



J’eus le temps de m’agenouiller pour recueillir le dernier soupir de mon père, au moment où le crépuscule s’avançait enfin. Dehors, les ennemis se battaient avec moins d’énergie. Ca et là des feux de camp s’étaient allumés, hors de portée des flèches du château.
J’étais sans doute un monstre. Je n’avais pas versé une larme en fermant les yeux de mon père. Je tremblais juste un peu en dégrafant sa chemise, puis je versai le contenu de sa fiole sur la Marque. Aussitôt il se releva et me sourit.
« Le Fort est sauvé, grâce à toi. Va, maintenant, va chercher notre Armée. Tu es le seul à pouvoir le faire. »
Je me précipitai dans l’aile ouest, retrouvant sans peine le passage secret. L’Armée des Anciens m’attendait, hommes alignés et graves, leurs armes scintillantes à la main. Seul reflet bleu dans cette foule verte, je les haranguai :
« A moi, mes braves ! Mon père est mort. Je suis le nouveau Comte d’Aygue et le sort du château est maintenant entre vos mains. Pour Aygue-le-Fort, vivat !
- Vivat, vivat, vivat ! », répéta le choeur des Anciens.
Mon grand-père était au premier rang. Ses yeux brillaient dans la pénombre ; il me glissa :
« Quel que soit ton désir de vengeance, ne nous suis pas. Tu sais très bien que ce serait un risque inutile. Tu dois accomplir ton devoir. »
Je baissai la tête.


Je crois avoir lu, enfant, tous les contes et légendes qui parlaient de mondes étranges et de créatures inouïes. Mais la réalité que je vis de mes yeux cette nuit-là dépasse en extraordinaire toutes les fictions possibles.
Les trois lunes s’étaient levées. Aglaé, la lune bleue, à l’est, Varlin, la lune jaune, à l’ouest, et au nord Fédora, la lune blanche. Antoine était derrière moi sur les remparts, et je trouvai d’abord ridicule et pesante la main qu’il posa sur mon épaule. Mais bientôt je réalisai que ce lien humain était le meilleur rempart pour m’empêcher de basculer dans la folie.
Je les vis jaillir des remparts du Fort, horde silencieuse et verte de passe-murailles alignés en ordre de combat, leurs épées jetant des éclairs sinistrement puissants aux clairs de lunes. Sans un bruit ils investirent le camp ennemi. Je haïssais ces hommes qui avaient fait tomber tant des nôtres, et qui m’avaient privé du seul parent qui me restât. Mais leurs hurlements de terreur et leurs cris d’agonie dans la claire nuit me firent frissonner et pâlir sans qu’aucune joie ne vienne me réchauffer. Ils se battaient vaillamment, mais leurs armes traversaient le corps des Anciens sans leur infliger aucune blessure. Quand ils comprenaient qu’ils étaient condamnés, certains tombaient à genoux, la plupart restaient figés dans une immobilité horrifiée, jusqu’à ce que leur tête soit emportée ou leur coeur transpercé. L’assaut fut bref. Il n’y eut pas de survivant. Il n’y en avait jamais eu. Il ne fallait pas qu’il y en eût.
Avant que le jour ne se lève, le sinistre bûcher finissait de se consumer, effaçant toute trace de ce qui avait été une armée.


De ce jour, je n’ai plus jamais été un enfant. J’ai fait de mon mieux pour éviter toutes sortes de conflits armés, et il m’a été donné de ne plus jamais assister à pareille scène. Je souris en poussant la porte de la chambre de mon fils. Dans quelques minutes, j’aurai accompli ma mission, et assuré la survie d’Aygue-le-Fort pour une génération de plus.
« Lève-toi, Clément, et habille-toi. Pas un mot. »
L’enfant me regarde, à la fois surpris et un peu effrayé. François, mon Capitaine, et Albert, mon Intendant, nous attendent dans le bureau de l’aile ouest. Qu’importe mon destin à présent, pour Aygue-le-Fort, vivat !
Narwa Roquen,demain je commence les commentaires!

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-20 22:54:15 

 Commentaire Maeglin, exercice n°83 (+...)Détails
C’est un texte agréable à lire, mais difficile à commenter ! C’est un délicieux exercice de style où tu joues avec la langue française, cette vieille dame digne et parfois compassée, jusqu’à la transformer en Lolita impertinente et débridée. Un jeu de mots en entraîne un autre, et le texte se déroule en cascade, comme une chute infinie de dominos... C’est brillant, astucieux, déjanté, érotique. Et ça se passe bien la nuit. Le pauvre Céline, complice involontaire de tes élucubrations, doit se retourner dans sa tombe, mais le lecteur s’amuse et le lecteur est roi.
Au niveau du sens, j’ai un peu de mal avec la fin. J’ai du mal à comprendre pourquoi le matin arrive, alors qu’on s’attend à une année de nuit. Le fait que les héros aient fait l’amour remet en question l’ordre du monde, ou bien sont-ils les seuls à avoir, par leur voyage érotique, atteint le bout de la nuit ?


Bricoles :
- fût entérinée : fut
- sachant qu’elle s’en tiendrai : tiendrait
- je fermadoubletourais : passé simple : ai
- m’envagualâmisait : passé simple : a


Je conçois que la distance est dure à tenir avec un tel déluge de calembours. Mais... La première qualité d’un écrivain, c’est de raconter une histoire. Ce que tu as écrit est excellent. Mais l’histoire s’arrête à peine commencée. Je sais que le thème était propice aux manifestations d’intelligence, voire de narcissisme. Cependant, quand bien même tu serais génial, le lecteur s’en fiche. Le lecteur veut une histoire, pour se distraire, s’amuser, s’indigner, trembler, réfléchir...
Alors, s’il te plaît, la prochaine fois, écris pour lui : pour le gars fatigué qui rentre du boulot après une journée de merde, qui n’a pas envie de se flinguer mais qui en a gros sur la patate parce que le lendemain sera semblable à la veille. Il ouvre un bouquin, c’est un recueil de nouvelles. Ton boulot, c’est de dérober son esprit pendant sa lecture, quitte à l’empêcher de se coucher tôt. Pendant tout le temps où il est avec toi, son petit vélo mental s’arrête – ça vaut une séance de yoga, et il n’y a pas à se tordre les jambes... Et si tu as bien travaillé, il va s’endormir le sourire aux lèvres, comme quand il était gamin, en murmurant « Cool... »
Narwa Roquen,dont le carquois est rempli de flèches du Parthe...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-21 23:03:36 

 Commentaire Maedhros, exercice n°83Détails
De néologismes, je cherche en vain la trace... Et la nuit... On peut imaginer que le récitant rêve dans son lit, dans un sommeil halluciné...
La métrique est bonne sauf "pour combler son désir, nounours mécanique", qui ne compte que 11 pieds, mais avec un "gros nounours",ça passe. Les rimes, c'est presque ça, sauf quand les féminines riment avec des masculines ( castagnettes/Margaret, soleil/oreilles, chère/Tatcher). Quant aux césures, elles sont plus qu'improbables... Mais oui, si on imagine un blues, avec une bonne basse et des percu assassines, ça peut passer.
Quand même, l'accent grave de Cinecittà...
Tout ceci me rappelle étrangement une chanson de Renaud, du temps où il y croyait encore...


Le jury de la WA t'absout en raison de ton passé méritoire. Mais qu'on ne t'y reprenne plus!
Narwa Roquen,et comme réverbère quotidien, je m'offrirai madame Tatcher
Narwa Roquen,et comme réverbère quotidien, je m'offrirai madame Tatcher

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-04 17:17:22 

 j'avoueDétails
... être passé très rapidement (une dizaine de phrases) à la version traduite.
Et le coup de raconter un souvenir pour que l'action principale se passe en moins d'une heure, c'est jouer avec la consigne.
Une belle histoire de rite de passage avec des morts-vivants.

Une broutille :
"je ne bronchai pa" -- pas

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Adival  Ecrire à Adival

2010-12-12 19:40:39 

 texte...Détails
...tortueux mais pas tordu.
Je suis d'accord avec la philosophie de Narwa concernant le lecteur.
Mais ici, et étant donné la complexité des sujets, le lecteur se doit de passer par les méandres intellectuels de l'auteur.

On jubile pour les calembours, on rêve pour l'univers et on s'émoustille pour l'histoire.

Respect

Adival, qui dit que les plus courtes sont les meilleures, ça l'arrange...

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-12-15 10:00:21 

 WA-Exercice 83 - La nuit, néologisme.Détails
La nuit de Tarevaux.


Huit heure du soir, les bureaux sont enfin vides. Je suis seul. Cette nuit est la mienne. Ce soir, je serai dieu, ou tout comme.
Avec la force de l'habitude, je marche dans le laboratoire, quelques pianotages sur les claviers, divers réglages... Je travaille ici depuis maintenant neuf longues années. Et pendant tout ce temps, personne ne s'est jamais douté ni de mon intelligence à ce point supérieure, ni de la véritable raison de ma présence ici.
Que fait-on dans un laboratoire pharmaceutique spécialisé en neurologie et autres produits psychotiques ? De la merde. Juste de la merde. Département recherche et développement... Un ramassis de crétins à peine capable de faire une addition s'ils n'ont pas un super calculateur entre leurs doigts boudinés. Leurs papelards, je me torche avec. Tout ce qui est sorti de ce labo, c'est moi qui l'ai trouvé, absolument tout. Le reste, c'est de la pisse de chat.
Mais ils ont quelque chose que je n'ai pas. De l'argent, du matériel de pointe. Je leur fournis un résultat tous les six mois environ, histoire de contenter nos amis les actionnaires, et mon sale caractère (je vous emmerde), fait le reste, on me fout la paix.
Non, mon véritable projet est entrain de se faire distiller dans cette machine grande comme une maison. Et il tient dans un petit tube à essai, un liquide rouge... un imbécile pourrait croire qu'il s'agit d'un verre de grenadine. Mais ces quelques millilitres sont ma fierté, mon oeuvre, et ce soir est le grand soir, je vais le tester in vivo.
Quelques minutes d'attente encore... C'est peu comparé aux années de recherche, mais ce sont les dernières, malgré moi, je suis fébrile. J'ai fait des tests, autant que j'ai pu sans attirer l'attention. Sous prétexte de tester des psychotropes quelconques, j'injectai ma grenadine à des souris. Les résultats sont spectaculaires, presque magique à ce niveau là.
Une sonnerie retentit. Un simple ding, mais il m’ouvre les portes du paradis. J’actionne le mécanisme d’ouverture, un code à dix chiffres, un quart de tour, et elle est là : ma solution, à tous les sens du terme...
J'ai peur... Je prends un gros risque, le plus gros de ma vie. Les souris commencent à dégénérer en trois mois. D'après mes théories et un bon million de calculs, vu la différence de morphologie, je devrai gagner un facteur quatre en temps. Une année.

L’intelligence est supérieure à la matière.
Je bois.

Le goût est amer. Résolument détestable. Et le produit me brûle l’oesophage. Il me semble le sentir se répandre dans mon corps. J’ai chaud. Au bout d’une minute, je me sens comme si je venais de boire une rasade de vodka de quatre-vingt degrés bien tassés.

Les secondes tombent les unes après les autres, elles s’égrènent, interminables... Les premiers effets devraient se faire sentir d'ici une heure, peut-être un peu plus.

C'est sans doute psychosomatique, mais j'ai déjà l'impression de respirer un peu mieux, de penser plus vite, et un quart d'heure seulement s'est écoulé... Un élixir d'intelligence. Combien un gouvernement pourrait payer pour quelques goutes de ce produit ? Alors oui, il y a l'effet secondaire, mais ce n'est qu'une question de temps. L'antidote existe, j'en suis convaincu. J'y suis presque, il me manque juste... presque rien, un détail, une évidence qui se dérobe... Mais, bordel, trois fois bordel, je n'y arrive pas.
Cet échec me hante, je le hais. Je ne supporte pas de perdre. Jamais. Plutôt mourir. C'est pour ca que je bois, ce soir. Parce qu'avec un qi doublé, triplé, décuplé même, suivant les tests les plus optimistes, mon problème redeviendra cette évidence et cessera enfin de me narguer, de se moquer.

Le temps fait écoulement. Milles idées foisonnent en même temps. Je viens de retrouver, mentalement bien sûr, à quel endroit j'ai perdu mes lunettes, celle d’hier, et de la semaine d'avant aussi. Une nouvelle paire arrive par la poste chaque semaine, parce que je les perds tout le temps, ou je les casse. Ces yeux... Je trouverai une solution aussi. J'exècre la faiblitude.

Une heure de passagement. Ou deux ? Je me sens euphorique. Je viens de jeter un oeil sur la travaillure de mes collègues, cela fait trois mois qu'ils cherchaillent une nouvelle molécule pour réduire les effets des caillots sanguinatoires dans le cerveau. Ils n'étaient pas loin, mais j'ai correctionné leurs égaratures.

Le monde prend des couleurs étrangistes. C'est pareillement qu'avant, mais c'est saveurement différent. Mes réfletures changent. Il parait que le génie est celui qui intellationne directement le point A vers le point D, là où les ouvrieux passerdent leur temps en B et C. Je survolte tout l'alphagamme. Le monde se clairci tellement ! J'ai l'imprimation de comprendre tout ! Le temps se fond.

Une oeillade fenestrière, les constellations éclatent. Je saivoure les noms, les âges, les densités des étoiles. Est-ce le visage de Dieu ? J'ai moinsure l'envie de trouvailler sur mes formules. Mon univesprit se déplandi. C'est fantastibuleux. Je flove dans un ouatonde. Quelle passure le temps file ? Dieu me contoit, les courbures tempesques sont si évidentes ! J'acruche les théocordies, mes solunotes s'envolent, volutent et souffloient la révolution. Je génialise. Euphoratoire.

La satelune dehors souricane, se moque ? Je peurçois des intuilletions. J'attrapamois l'idée flilante. Dégénérature.
Je souricane à retour, comprisse mes triviallures. Je bêtais tant ! Mointantplus, falsitare des résultants. Meurt, pas l'an ! La nuit.
Terrorifiant.

Je ploie mon esprit, trivialler un soludote ! Faicile ! Je tapianote célévitement. Solution dans l’ameachine, l’heurloge tourfile. Calculs... Les rainsultants pardent. Serveau mort au solevé, soludote siminutise trop tard...

Les secondes creutombent, la mienne.
Satélune blanchit ma nuitvit. Jamais les checks, pas surportant, feujoie pour calacher, mon corps avec. Fumée les tarevaux, fumée le laidbeau. Piquent les oeillères, sauvent sourires blanches. Padieux. Je bêtais tant...
En crie, je bruleroi, enterre inculte.

--
Onirian, en terre, un culte.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-12-16 11:21:10 

 beau texte...Détails
...mais j'aimerais juste avoir une version traduite pour la fin car je n'ai pas tout compris et j'ai la flemme de relire plusieurs fois la même phrase pour peut-être (mal ?) la comprendre.

Sinon, l'idée est géniale.

Et les fautes qui ont sauté à mes yeux :
huit heure -- huit heures
est entrain -- en train
sont spectaculaires, presque magique -- magiques
quelques goutes -- gouttes
mes lunettes, celle d’hier -- celles

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-12-16 20:01:25 

 Entrain de potionner.Détails
En gros, à la fin, il trouve la solution, l'antidote pour le guérir de la dégénérescence, parce qu'il est devenu très intelligent, mais vu le temps que ca lui à pris (surtout dans la mesure ou sa perception du temps est également troublée un peu), il se rend compte que quand la machine aura préparé l'antidote, il sera trop tard. Il s'est foiré dans ses calculs quand il était encore "normal", les effets néfastes sont beaucoup plus rapide sur lui que sur les souris.
Ne supportant pas l'échec et étant condamné à mourir, il brule le labo, et lui avec.
The end (avec un vague jeu sur le fait qu'il voulait devenir un dieu et qu'il enterre un culte en se brulant, mais c'est accessoire ^^)

Sinon, pour "entrain" "en train", si tu sais dans quel cas il faut utiliser l'un ou l'autre, ca m'intéresse.

--
Onirian, en terrain culte.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-12-17 11:26:03 

 Commentaire Onirian, exercice n°83Détails
C’est excellent ! Simple, précis, logique, lumineux et noir... Je suis sûre que Est’ va adorer ! Le point fort, à mon sens, c’est la justification que tu donnes aux néologismes, le cerveau qui s’emballe, la pensée qui chevauche plus vite que les mots : ça, c’est très bien vu.
Ton personnage est sûrement détestable au quotidien mais il force le respect, il va jusqu’au bout de ses projets. Tel Achille qui préférait vivre comme un lion quitte à mourir jeune... Cette quête d’absolu, de vérité à tout prix me fait penser aussi à cette merveilleuse pièce de Charles Morgan, « Le fleuve étincelant », histoire d’un mathématicien génial qui devient momentanément fou quand on essaie de lui faire croire qu’il s’est trompé. Ce comportement extrême colle bien avec l’image que nous autres pauvres ignares nous faisons des génies...
Neuf ans, un cycle qui se termine, car Dieu punit toujours ceux qui goûtent aux fruits de l’Arbre de la Connaissance...
La montée en puissance est un morceau de bravoure, qui finit dans un feu d’artifice – de joie ? - de purification sans doute. C’est très bien dosé, on a de plus en plus de mal à suivre, mais n’en déplaise à notre ami z653z, ça reste compréhensible, et on est totalement embarqué... « Ces secondes creutombent », j’ai beaucoup aimé. Et merci d’avoir sauvé les souris !
Bricoles :
Orthographe :
- Huit heures
- Je serai dieu : un dieu ; sinon : Dieu
- entrain : tu fais quelque chose avec enthousiasme, avec entrain ; il ne faut pas te déranger pendant que tu le fais, quand tu es en train de le faire !
- presque magiques (les résultats)
- je devrais gagner (conditionnel)
- quatre-vingts (quand il n’y a pas de chiffre derrière, ex : quatre-vingt un)
- quelques gouttes
- qi : QI
- celles d’hier (les lunettes)
- ce monde se claici : claircit
- se déplandi : déplandit
- je bruleroi : autant l’accent circonflexe sur le u je suis sûre qu’il faut le mettre, autant le s à la fin, j’hésite : marquer le présent de l’indicatif, ou garder le « roi » ?


Ponctuation :
- (je vous emmerde), fait le reste : pas de virgule
- Liquide rouge.... un imbécile : j’aurais coupé la phrase en mettant la majuscule à Un
- Les dernières, malgré moi, je suis fébrile . Certes, il est fébrile. Mais j’aurais quand même coupé. « ... les dernières. Malgré moi, je suis fébrile. »

Autres
- Produits psychotiques : sauf si c’est intentionnel, sinon c’est psychotropes ( tu l’utilises plus bas)


Voilà un de tes meilleurs textes. Ton niveau ne cesse de monter, et cela nous inonde de bonheur !
Narwa Roquen, comme un poisson dans l'eau

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Netra  Ecrire à Netra

2010-12-24 19:30:08 

 Wa, exercice n°83 partie 1, où la Lune brille par son absence.Détails
Chers tous,
Voilà, j'avais très envie d'écrire ça. Pour vous expliquer le truc, Lou est le personnage que j'incarne depuis 2 mois dans un jeu de rôle dont je vous laisse deviner le nom (celui qui trouve a droit à un gastéropode), masterisé par Corbin pour ceux qui ont zoné sur le site des Ménestrels. L'histoire a beaucoup avancé mais je voulais raconter le début, au moins du point de vue de mon perso. Pour information, les deux autres PJ sont Dame Hildegarde et Mael le garde. Je crains que ça ne manque de néologismes, c'est plutôt une espèce d'argot de campagne déformé. Toutefois et en guise de compensation Lou a un parler très... personnel. 


Nouvelle Lune.


Un cadeau d'adieu
Ça fait trois fois mes dix doigts en nuits qu'il est malade. Je pense qu'il va mourir. S'il meurt, je suppose qu'il y verra le signe de sa fameuse rédemption. Il la désire depuis si longtemps, sa rédemption... Il dit que c'est pour ça qu'il m'a trouvée, il y a cinq ans. Moi je dirais plutôt que c'est parce qu'il cherchait des châtaignes, et que c'est sous un châtaignier que je me suis évanouie. Mais je ne vais pas le détromper maintenant, il serait triste. Ça ne m'ennuie pas vraiment qu'il meure, il ne m'est plus utile depuis des années. Je voudrais juste qu'il ne souffre pas. Il n'a pas mérité ça. S'il souffre trop, je le tuerai. 
- Lou...
Sa voix est faible, rocailleuse comme les récifs de Fréhel. À souffler comme une chandelle de suif.
- Bartholomey ?
- Prends le coffret qui est sous le lit. 
Je m'exécute, si ça peut lui faire plaisir. En cinq ans, il ne m'a jamais laissé y toucher, à ce coffret. Je me suis toujours dit qu'il contenait de l'or ou quelque chose de cet acabit. En fait je n'en ai cure. Ici, l'acier vaut plus cher que l'or. Mon poignard de bergère vaut mieux que tout l'or des impôts. Je le pose devant lui, sur le chevet. Il a les yeux qui blinquent sous ses dernières mèches blanches, entre l'entrelacs de ses rides et de ses ridules, et sa main de squelette où pendent comme des haillons de peau brune se tend vers ce fameux coffret de bois sombre, long comme mon avant-bras et large comme deux de mes paumes côte à côte. Il le porte, dans un effort presque incroyable, sur sa vieille cage thoracique qui palpite encore presque malgré elle. Entraînée par le mouvement, sa croix de bois de houx tombe sur l'oreiller.
- Tu te souviens du jour où je t'ai présentée à mon ange gardien ? 
- C'était une nuit. Tu as dit qu'il m'avait acceptée. 
- Très bien. Il y a très longtemps, lorsque je suis arrivé ici, il m'a confié ce coffre. Depuis, je ne l'ai jamais ouvert. Je ne sais pas ce qu'il contient, mais il te revient désormais. C'est à toi de le garder. Mon ange gardien veillera sur toi tant que tu l'auras avec toi. 
- Et moi, je peux l'ouvrir ? 
- Rien ne t'interdit de le faire, maintenant qu'il est à toi. Tu vois bien qu'il n'y a pas de cadenas. 
- ...
- Je vais y aller, à présent, Lou. Tu vas devoir te débrouiller seule, alors sois très prudente, et que Dieu veille sur toi. 
- ...
J'ai la gorge nouée, c'est étrange. Je ne pensais pas qu'il représentait tant pour moi. Pourtant en cinq ans il a été à la fois mon père, mon ami, mon professeur, et tout ce temps j'ai essayé de ne pas m'attacher à lui. Parce que je ne voulais pas le perdre ? Parce que j'avais peur de souffrir encore ? Je ne sais pas. Peu importe. J'ai mal. 
- Adieu, Bartholomey. 
Il est trop tard et je le sais. J'espère qu'il ira au Paradis. Il le méritait sans doute, il n'avait de haine pour personne, lui. Il aurait même pardonné à messire Abélard. 

Moi pas.

J'ouvre le coffret. Si c'est l'énorme loup aux yeux rouges que Bartholomey appelait son ange gardien qui le lui a donné, alors ce n'est pas de l'or qu'il y a dedans et c'est peut-être utile. Parce que pour sûr, les loups n'en ont rien à faire de l'or. Si c'était le diable je ne dis pas, mais Bartholomey est ermite et tout le monde sait que le diable ne tente pas les ermites.
Je...
J'hallucine ?! C'est un croc, ça ? C'est plus long que ma main ce truc, je sais que je suis petite mais quand même, un croc de loup plus long que ma main, c'est énorme ! Je veux pas savoir à quelle bestiole appartenait ce truc-là ! Ça doit être un chasseur qui l'a abattu, un braconnier je dirais vu qu'il est monté en sautoir comme le faisait Romaric avec les dents des renards qu'on prenait, petits. Avant tout ça. 
Ne pas penser à Romaric. 
Ne pas penser à Jehan. 
Ne pas penser à avant.
Ça réveille la haine. Et la haine, c'est mauvais pour la survie. 
Je plante rageusement le croc dans la table quand même, ça désénerve. Je n'aime pas être énervée. Si je ne me désénerve pas vite, je ne pourrai pas chasser, et comme Bartholomey allait mal ça fait trois nuits que je ne suis pas sortie chasser, alors j'ai tout crapé les réserves. Il n'y a plus rien à manger que des herbes médicinales, ici. Sauf que je suis pas Bartholomey, je compte pas crever cette nuit et j'ai l'estomac aussi vide que le tronc du vieux chêne. Ça fait mal comme quand on se prend un coup de griffe dans la jambe, un peu. Enfin non mais pas loin. Aussi mal mais pas pareil. Enfin heu non mais bon hein !
Hé ? Y'a du bruit dehors. Une bestiole. Comme ça je dirais la taille d'un gros-gros sanglier. Du genre vraiment gros. Haut jusqu'à mon torse au moins. Pas mignonne la bestiole. Et assez grosse pour décliquer la porte. Faut que je la fasse quérir la lune, pas envie que Bartholomey se fasse craper par je sais pas quoi quand même. Bon.
De un, le feu. Pas question qu'il meure avant mon retour, c'est une chicanerie à rallumer. Trois bûches devraient suffire à lui faire passer la nuit, et ça, ça fera une bonne torche pour sortir. 
De deux, mon gilet en peau de lapin, pour pas choper la mort dehors, et ma ceinture où y'a tout bien : mes collets à lapin, mon poignard, ma bourse avec mes herbes médicinales et un linge roulé en cas de plaie. 
De trois, le croc. Ça peut faire une autre arme pour ma main gauche au besoin, tellement il est long. J'ai qu'à utiliser la lanière pour le pendre à mon cou. Par contre, je le mets sous ma chemise, parce que ça blinque un quelque chose, Doué !
Ayé, j'y suis. La bestiole est toujours là, je l'entends qui maraude autour de la maison, elle doit sentir la viande. Désolée, mais la barbaque c'est pas pour ta pomme !

J'ouvre la porte et je referme bien avec la grosse lanière de cuir. Celle-là, c'est moi qui l'ai tannée dans un vrai sanglier que j'ai piégé toute seule, il y a trois ans, et j'en suis sacrément pas peu fière. Même si ça m'a rapporté une sacrée cicatrice au mollet gauche, parce que c'est salement résistant, un sanglier. D'ailleurs, je préférerais que ce soit un ours qui rôde qu'un sanglier.
Woh-hé !
Elle s'est déjà débinée, ma bestiole ? Ah, non, elle est là. Un peu plus loin que tout à l'heure, mais là. Elle se carapate trop vite pour être crédible, celle-là ! Ça, ça veut dire qu'elle attend que je rentre ou que je m'éloigne pour revenir. Tu vas voir, ma vieille, tu vas pas regretter le déplacement, j'vais t'envoyer à perpette !
Allez, droit dessus !

Netra, jdr addict.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-18 11:41:11 

 Wa, exercice n°83 partie 2, où l'on découvre le pourquoi du comment.Détails
Vengeance !
C'est pas un sanglier, c'est pas non plus un ours. Trop silencieux et trop rapide pour ça. Les ours, les sangliers, ça fait du bruit, surtout quand ça va si vite. Là, rien. Ça fait une heure que je la suis, la bête, et j'ai la sale mauvaise impression qu'elle ne fait de bruit que quand elle veut bien, juste assez pour me faire avancer encore. Il n'y a qu'une seule bête de cette taille qui puisse à la fois être aussi rapide et aussi silencieuse. C'est l'ange gardien, le loup géant. Ce n'est pas un loup comme les autres, il est trop grand, et il a les yeux rouges. Bientôt, je me serais aventurée beaucoup trop loin de l'ermitage pour que ce soit très raisonnable. Mais si l'ange gardien de Bartholomey veut que je continue, je continue. De toute façon entre ça et rester à l'ermitage... Je sais très bien par où nous allons, c'est un endroit que je ne saurais revoir sans souhaiter tuer et me venger. Peut-être est-ce parce que j'ai droit à ma vengeance qu'il m'emmène là-bas ? 
Cette fois j'ai passé le point de non retour : je suis arrivée à la lisière des bois. Là-bas dans le lointain, malgré l'absence de lune, je distingue la silhouette massive du château de Leon. En bas, près de la rivière, il y a le village. 
Il y a cinq ans, c'était mon village. Je peux voir le clocher de l'église, derrière il y a le presbytère, où le curé donnait les leçons de lecture. Et plus loin, là-bas après le pont, il y a les grands prés communaux. C'est là qu'on allait, avec Jehan, Romaric et les autres. Papa et Maman m'envoyaient aux moutons avec Jehan pour qu'on ait le temps de braconner. De tous les pâtres j'étais la plus jeune, tout le monde m'appelait la bergerette, comme dans la chanson, et un hiver on s'est battus contre les loups, et j'y ai eu ma première cicatrice, au bras droit. 
Le vent joue avec mes cheveux noirs, mais je n'entends plus rien. L'ange gardien est parti. Je ne sais pas si c'est la curiosité, le désir de vengeance ou quelque chose d'autre qui me pousse en avant mais j'ai l'envie irrésistible de retourner dans le village. Dans ce qui a été, jusqu'il y a six ans, mon village. 
Celui où je suis née, dans la métairie de mon père et de ma mère. Celui où j'ai fait mes premiers pas, encouragée par mes deux frères aînés et imitée, peu après, par les deux cadets. Celui où j'ai appris à lire et à écrire chez M. le curé, parce que Papa et Maman estimaient que j'aurais à bien savoir compter pour vendre au marché. Celui où j'ai dansé un dimanche de Pâques, avec Romaric, le jour de nos fiançailles. Celui où, avec lui, Jehan, mon grand frère, et puis Alan et Pierrig, nous gardions les moutons dans le pré communal au-delà de la rivière, le jour où messire Abélard est sorti de la forêt après une mauvaise chasse.
C'est là que tout a dérapé.
Romaric aimait me voir danser, et Jehan jouait de la flûte, et lui du tambourin, et Alan et Pierrig tapaient des mains et moi, je dansais, et nous riions en gardant les moutons. Alors messire Abélard, vexé de nous voir si joyeux, décocha une flèche sur l'une de nos brebis et la tua. Jehan avait le sang vif, et il retint le seigneur par la bride en l'invectivant. Abélard le frappa au visage d'un coup de cravache qui lui creva l'oeil. Quelques jours plus tard, Jehan mourut de sa blessure. Romaric bouillait de rage, et moi et les autres aussi. 
Nous avons monté un plan. À la tombée de la nuit, je devais attirer l'attention des gardes, feignant d'avoir traîné après la moisson et d'avoir peur de retourner seule au village, pendant que mes trois camarades se glissaient dans la douve sèche et allaient égorger les chiens de chasse du seigneur Abélard. Mais alors que j'étais encore à parler aux veilleurs, l'alerte a été sonnée et, conformément aux instructions que m'avait donné Romaric, je me suis enfuie pour ne pas être prise.
Ah.
Voilà, je suis arrivée. C'est là, à la croisée des chemins, que j'ai retrouvé les corps de mon fiancé et de mes camarades, le lendemain. Messire Abélard avait ordonné de les laisser pourrir là, mais l'un des gardes est revenu de nuit, en secret, les enterrer. Je l'ai vu, je crois que c'était le Mael, et... Holà ! Y'a des gens qui rappliquent depuis le château, à terre, Lou !
Une silhouette encapuchonnée de noir, le genre qui cache son visage... Une femme, je dirais, à la corpulence. Mais plus, ça... et avec elle, y'a Mael. L'est encore en vie, donc il s'est pas fait prendre, ça c'est plutôt une bonne nouvelle. Ils vont bon, bon train, j'crois qu'ils sont pressés. J'attends une distance raisonnable et je les suis. 
Le village a pas changé, sauf ce qui a été ma maison. Elle est abandonnée, ça m'étonnerait pas qu'Abélard, qu'il pourrisse en Enfer, ait banni du duché de Leon. Bon, hé, tu te concentres un peu sur les deux autres, là ? 
Ils vont à la taverne, jusque là rien que de très normal, ça arrive à tout le monde, sauf que dans l'auberge y'a un sacré raffut à en réveiller Lucifer. Je passe pas par devant, trop risqué. Je vais regarder par la fenêtre de derrière. Le temps de faire le tour, et... 
Abélard. 
Il est là, messire Abélard, l'assassin de mon fiancé, de mon frère, de mes amis. Et très accessoirement, il est en train de mettre à sac la taverne, il a fichu trois gars à terre et maintenant il s'en prend au tavernier. À la porte, Mael et la femme, une noble rien qu'à l'allure, je dirais à l'âge damoiselle Hildegarde, la petite soeur de l'autre, le regardent d'un air ahuri. Hé, réagissez ou il va buter le tavernier, il a la bave aux lèvres, je savais bien, moi, qu'il adorait le sang !
Entrer là-dedans, et le tuer. La porte de la réserve. Vite.
Oh, vieux crétin, pourquoi l'as-tu fermée ? Elle était toujours ouverte quand j'étais môme !
Je cours comme une folle pour retourner à la porte principale. Mael est entré et il essaie de maîtriser son seigneur, ça a pas l'air de marcher des tas. Au moins ça détourne son attention. Abélard, tu vas regretter de t'être mis dos à la porte !
D'un bond, je saute sur une table, poignard à la main, et de là sur ses épaules. Je suis peut-être petite, mais la vie dans les bois, ça rend agile. Évidement, il se débat, mais ne compte pas te débarrasser de moi si facilement !
Je vise la gorge. Le couteau ripe sur son pourpoint, se plante dans l'épaule, je l'en retire sanglant. Ça n'a pas l'air de lui faire grand chose, il est complètement enragé ! Mael en profite pour tenter quelque chose, c'est raté, l'autre esquive, essaie de m'attraper derrière sa nuque, mais je lui plante le bras et ça le refroidit un peu.
Sauf qu'on en a pas fini, toi et moi, messire Abélard ! Tu vas crever !
Ce taré colle un grand coup d'épée dans le comptoir. Là j'avoue je comprends pas... Hé, y'a sa soeur derrière ! Il va pas s'en prendre à elle quand même ? Elle essaie de le raisonner maintenant, peine perdue, damoiselle, il n'écoute plus et...
Il va vous tuer, dégagez de là !
Mael s'est interposé au dernier moment, mais il est salement amoché. En attendant, j'ai le champ libre !
Cette fois c'est la bonne, je sens mon poignard couper net la gorge, la trachée, je retire une main rouge de sang encore chaud de l'artère d'où il sort, je lâche ma prise sur ses épaules, j'exulte, je jouis littéralement de le voir se vider sous moi... Mais hé que quoi -
Aaaaah !
Aouille !
Ça fait mal ! Comment il arrive encore à bouger dans cet état ? Il m'a jetée contre le comptoir, cet enfoiré ! Je te hais !
Je me relève aussi vite que je peux, j'ai mal à l'épaule mais ça va. J'ai envie de lui coller un nouveau coup de poignard avant que cet abruti de Mael se décide à se bouger, mais pas la peine : il s'écroule. Je pousse un cri de joie, bien mal m'en prend : dehors, les villageois viennent de comprendre qu'on a assassiné leur seigneur. Ça sent pas bon cette histoire. Pas bon pas bon ! Vite, je file dans la remise, me glissant derrière damoiselle Hildegarde, qui déblatère déjà un petit discours bien senti aux vilains. Moi je crois pas qu'il t'écouteront, mais bon, j'm'en fiche, j'me taille une petite lieue et je te bénirai de cet échappatoire, promis.
Ah, pas le temps de faire une lieue. Je jette un regard qui en dit long à Mael. Il est d'accord avec moi, et tourne la clef de la remise. Damoiselle Hildegarde a compris aussi : ça ne sert à rien d'essayer de leur faire comprendre quelque chose. Bon, ben... On fonce !
Netra, à partir de la partie 3 il va y avoir des indices évidents, alors celui qui trouve en étant arrivé ici est un as.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-18 16:40:51 

 Wa, exercice n°83 partie 3, où Lou sert de joujou.Détails
Des cloches dans la nuit
On cours tous les trois comme des dératés dans les champs mal éclairés par les étoiles. En gros on va vers le château, ça m'arrange pas mais je peux pas me séparer des autres, je me ferais avoir trop facilement. J'ai un peu d'avance, sans grand mérite : je suis moins chargée que Mael et plus musclée qu'une damoiselle qui passe ses journées enfermée dans la bibliothèque de son père. Derrière nous, ils doivent être bien deux fois dix à nous courir après. Si je trouve une planque, je m'y colle et personne ne m'y trouvera avant demain matin, juré ! Sauf qu'on est en plein dans les champs raz du printemps et que la première haie m'obligerait à me séparer des autres mais...
Hélà !
Qu'est-ce qui se passe ? Y'a quelque chose qui attaque les villageois qui nous poursuivent ! J'en vois des qui... volent dans les airs ? C'est quoi cette diablerie ? J'y crois pas, c'est Abélard ! Je l'ai pas assez démoli peut-être ? J'ai raté la jugulaire ? Tu vas voir, cette fois je vais te tuer.
Je laisse les autres courir et je fais demi-tour. J'entends Mael me crier de sonner le tocsin. Pas bête, ça, comme idée. Mais là, je viens de commettre une grossière erreur. Y'a plus de paysans pour faire tampon entre Abélard et moi, là... Je suis pas de taille à le démolir en face à face. Il fait largement deux fois mon poids, et deux têtes de plus que moi. 
J'ai pas trop compris comment, mais je file en courant vers le village et la chose qu'est devenu Abélard me poursuit. Là ça le fait pas du tout, pas du tout du tout du tout ! Je bondis dans la remise de la taverne, je ferme à clef sur lui, le temps qu'il essaie de la défoncer, dans sa folie frénétique et diabolique, et moi je suis sortie par la porte de devant. L'église, vite. Je me rue dedans, je ferme la porte à clé, que je prends avec moi dans ma bourse, entre les herbes médicinales et un linge qui me sert de bandage. Puis j'avise la corde des cloches. Je saute pour les entraîner de tout mon poids. Le temps de redescendre et le carillon clair mais sinistre du tocsin résonne sous la voûte de l'édifice de bois. Je reste pendue à la corde un bon moment, assez pour que toute la vallée se mette en état d'alerte.
Et maintenant ? Je ne vais pas ressortir, il y a sans doute Abélard qui m'attend à la grande porte, et je n'ai pas de quoi ouvrir celle de la sacristie... Reste... Le clocher ? De là-haut j'aurais une meilleure vue sur la situation. Va pour le clocher.
J'ouvre la petite porte et grimpe l'escalier en colimaçon qui m'amène sous les quatre cloches encore vibrantes de l'église. J'enjambe la balustrade qui me sépare du toit de bois de l'église. Gagné, je vois tout. Le village et les environs, aussi bien qu'une nuit sans lune mais sans nuage le permet. Pas d'Abélard en vue. Rien en vue du tout d'ailleurs, tout est d'un calme plat, terrible, mortel, glacé malgré le printemps déjà avancé, j'en ai froid jusque dans les os. Bon, je fais quoi ? Je vais pas restée plantée là jusqu'à l'aube, je risquerai de m'endormir et de tomber, ou de choper un mal à rester au froid, ou tout simplement de me faire attraper par les paysans, demain... Redescendre et risquer de devoir affronter Abélard ? Je ne le vois pas, il n'est pas devant l'église, peut-être qu'il rôde dans le village ? Si je sors et que je file dans la forêt, il ne me verra peut-être pas. Sans doute pas, en fait. J'arrive à me cacher des sangliers, des loups, des ours, alors un humain... Même si j'ai de gros doutes sur l'humanité d'Abélard.
Je redescends l'escalier. Les marches de bois ont un avantage, elles ne glissent pas, je ne risque rien même si je ne vois rien. J'arrive en bas, j'ouvre la porte. Dans l'église, il fait complètement noir. C'est pas normal. Tout à l'heure, il y avait des chandelles, et puis les étoiles faisaient des raies de lumière à travers les vitres teintées. En plus c'est pas un noir naturel et puis... Il y a quelqu'un ici. Là. Dans l'église, avec moi. Pas possible. C'est juste pas possible. Seul le curé a la clef de la sacristie, et c'est moi qui ais celle de la grande porte. Donc personne n'a pu rentrer. Donc il n'y a personne. Donc, Lou, tu arrêtes de te laisser avoir par ton imagination et...
- Ha ha ha ha !
- Qui est là ? 
Impossible de savoir d'où vient ce rire sinistre et cynique. Il résonne contre les poutres et le toit et les murs pourtant lambrissés. J'ai peur. Ça faisait longtemps mais là, j'ai peur. Très peur.
- Dites-moi qui vous êtes ! Sortez de là !
Une seconde salve de rire. Mais il se moque de moi, en plus ! Ce truc est pas humain. Et c'est pas Abélard non plus, Abélard n'est pas assez subtil pour ça. Je regarde à ma droite. L'autel. Dessus, le gros crucifix de bois et d'étain de la paroisse. Lui, il me protégera de ce démon !
Je me jette en avant vers le choeur. Un seul objectif, atteindre l'autel. Le crucifix. Vite ! Sur le sol, l'ombre est poisseuse, elle accroche mes pieds nus, j'ai du mal à courir, d'un coup, je trébuche dans un banc dont j'aurais pu jurer qu'il n'était pas sur ma trajectoire initiale. Je me vautre dedans en piaillant de terreur, et me relève d'un bond, peu soucieuse de mes bleus. L'autel est à quatre ou cinq pas de moi. Peut-être ais-je surpris le démon en me relevant si vite, parce que je l'atteins. Je prends le crucifix à deux mains, il doit peser mon poids mais je n'en ai cure, je le brandis face à l'ombre, à peu près vers la nef. 
- Arrière ! Laissez-moi partir !
Encore un rire. Oh, je hais, je maudis, j'abjure ce rire malsain ! Mais je suis idiote : si ça a pu rentrer dans l'église, ça ne craint pas les crucifix. Je repose à peu près respectueusement l'objet sacré à sa place. Je suis debout sur l'autel, face à moi il y a l'allée de procession et au bout, la grande porte. Dieu sait si je préfère encore Abélard à cette ombre sadique qui joue avec moi ! Il me suffit d'aller tout droit. Tout droit, Lou !
Je saute, je cours, quelque chose happe ma cheville, m'envoie valser dans les bancs. Je hurle et puis je vois des étoiles qui blinquent partout dans mes yeux, je crois que je suis sonnée. Tant pis. Je me relève. Je retrouve le bon sens, vers la grande porte, grâce au prie-dieu du banc de derrière. Tout droit, Lou ! Tout droit !
Deuxième salve, cinq foulées et il m'englue le pied si bien que je tombe encore. J'ai peur ! Tout droit, Lou ! Grouille-toi, crétine ! Et l'autre sadique qui rit, qui rit, ce rire me vrille les tympans ! Je vais devenir folle !
Je heurte la porte de tout mon poids, peinant à croire que je l'ai enfin atteinte, pendant que l'ombre se remet à rire. J'éjecte la barre hors de ses gonds, puis je tourne la poignée... Hé ? C'est fermé, c'est fermé à clef, je suis enfermée là-dedans avec ce truc ?! Je... Oh, Lou ! C'est toi qui l'as, la clef, oie stupide et gourde ! Ouvre-moi cette porte et SORS D'ICI !
Je pousse le battant de toutes mes forces, je sors, je m'éjecte littéralement hors de l'ombre. Le temps de respirer un grand coup, et je relève la tête.

Abélard.

Il est devant moi, l'épée à la main, l'air hagard, stupéfait. Je me glace de terreur. Puis je me rue dans ses jambes, espérant le faire trébucher.
Il me saute par dessus et entre dans l'église. Genre, rien à faire de mon existence. Ça lui ressemble plutôt bien mais là... Il a agit comme si on l'avait sommé d'entrer là-dedans. Tant pis, trop contente. Que les monstres s'entretuent, ça m'ira très bien. Je ferme l'église à clef, étouffant le vacarme d'un début de combat. Puis je me retourne et m'appuie une seconde sur le battant pour reprendre mon souffle. 

Il y a quelque chose qui approche. Ça va de maison en maison pour ne pas se faire voir, ça a quatre pattes, c'est grand... L'ange gardien ? Il est de retour, celui-là ?

Le temps de cligner des yeux, et un homme se tient devant moi. Il doit faire deux bonnes têtes de plus que moi, trapu comme un ours, vêtu de fourrures et armé d'une hache énorme. Il a l'air fort comme un taureau et commode comme une truie qui allaite : de ce que je vois de son expression sous sa barbe, elle est dure et fermée. Il me rappelle les marchands normands qui sont passés une fois quand j'étais petite.
- Qui êtes-vous ?
Il ne répond pas. Il me tends un tonnelet. Quelque part dans les collines, le dernier écho des cloches s'éteint dans la nuit noire.
Netra, bon là qui n'a pas trouvé ?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-01-19 23:04:54 

 Commentaire Netra, exercice n°83 - 1Détails
Joli début! C'est accrocheur, le lecteur se pose plein de questions; l'héroïne est pudique mais sincère, blessée mais revancharde, courageuse... Elle est très attachante, et tout le monde a envie de connaître la suite. Pour un début, c'est gagné.

Une question: ça veut dire quoi &#8722 ?
2 bricoles:
- "C'est plus long que ma main ce, je sais que..." :
ou bien : "ce... Je sais que...", ou bien "... ma main... Je sais que..."
- je préfèrerai: préfèrerais

La consigne de la nuit est bien respectée, et le parler particulier , même s'il n'est pas très néologique, donne un côté "couleur locale" original.
Tu viens de publier la suite. J'ai quelques obligations intermédiaires et je reviens...
Narwa Roquen,pouf pouf pouf... tenir la distance...

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-21 14:48:15 

 &#8722Détails
Heu je crois que c'est un problème d'encodage, normalement c'est des tirets de dialogue. Je vais corriger ça et les autres fautes de suite de suite ^^

Et poster la quatrième et dernière partie aussi. 

Je me suis arrêté au milieu du premier scénario, on en est au quatrième... J'aime bien jouer Lou, c'est plus qu'à moitié un animal sauvage mais c'est ça qui est marrant. 

Netra, le MJ est sadique.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-21 14:52:58 

 Wa, exercice n°83 partie 4, où il se passe des choses pas catholiques.Détails
Blasphème & asile.
Je vais à lui, je prends le tonnelet, je l'ouvre. Ça sent l'huile. L'huile... ça brûle. C'est pour brûler les démons enfermés dans l'église ? Mais si je brûle l'église, j'ai intérêt à pas me faire prendre !
Je lève les yeux vers lui. Je suis sûre que c'est le grand loup, l'ange gardien de Bartholomey. Bon il a pas vraiment la tête qu'on aurait pu attendre d'un ange, en même temps un ange qui se transforme en loup, voilà quoi. Puis d'abord j'ai jamais vu d'ange, et si ça se trouve, ils n'apparaissent avec des ailes comme sur les vitraux que quand c'est pour des saints, et que quand c'est pour des, heu, des moi, ben ils apparaissent en vikings. Ou alors c'est leur forme de nuit et la forme de jour elle a des ailes. Ou alors, c'est carrément pas du tout un ange, parce qu'un ange qui me demande de brûler une église, c'est plutôt pas très commun. Voire vraiment vraiment inattendu.
Je voudrais qu'il me dise quelque chose, mais je crois que je peux aller voir en enfer s'il y reste un oeuf à cuire : il me tourne tout simplement le dos et s'en va. Tant pis, je peux bien me débrouiller sans lui. Je retourne à la taverne, vide les lits du dortoir des hôtes de leurs draps, chipe un briquet et de l'amadou sous le comptoir. Et je reviens avec le tout devant l'église. Les deux monstres s'y livrent apparemment un combat acharné, je les entends. Je pose les draps en long devant la porte, j'asperge le tout d'huile et j'y mets le feu. D'abord, les flammes lèchent doucement le tissu huilé, ça chauffe même pas mais ça fait de la lumière et presque plus de fumée. Et puis elles grimpent, grimpent, gagnent la porte, les murs, et ça commence à ronfler fort, comme un boeuf qui renâcle. Ça flambe bien ! Un vrai feu de la Saint Jehan ! Je sais bien que c'est une église mais au bout de cinq ans sans en voir une, j'avoue que j'ai pris un peu de distance. Je suppose que Dieu ne m'en voudra pas trop d'avoir brûlé l'une de ses nombreuses maisons pour renvoyer deux démons en Enfer. Ou alors je suis en état de pêché mortel, ce qui est un peu ennuyeux. Mais comme je compte pas clamser là de suite, j'aurais toujours le temps d'aller me confesser. Enfin je crois que c'est quand même un très très très gros blasphème que je suis en train de dire là... Vaguement. Tant pis.
- Le bonjour à Lucifer, Abélard.
Et je m'en vais. Y'a plus rien à voir, de toute façon. Ça crame et c'est très bien comme ça. Bartholomey, heureusement que tu n'es pas là, tu m'aurais engueulée ! Maintenant, j'ai fait ce que j'avais à faire ici, je suppose. La nuit est bien avancée, j'ai faim pire qu'un renard en hiver, sommeil comme les ours à l'automne et je ne suis plus du tout énervée. J'ai envie de chasser.
Sans même que j'y aie réfléchi, j'ai repris la direction de l'ermitage. À mon allure normale, c'est-à-dire un pas de course léger papillon, presque parfaitement silencieux. Le genre de pas que je peux tenir des heures si je veux. Là-haut, les étoiles blinquent dans le ciel, c'est beau. D'ici un bon jet de pierre, je serai dans ma forêt, et adieu le village !
Je m'arrête. Là. Net. Pile et pantoise. À trois pas de l'orée des bois. Tout mon corps se glace. Il y a quelque chose qui m'empêche d'aller plus loin. Quelque chose de puissant et de terrifiant. Comme quand on pénètre sur le territoire d'une bête et qu'elle veut pas. Genre si je fais un pas de plus, je suis morte. Je recule. Un peu. J'ai pas peur, non, je suis carrément clairement nettement terrorisée !
C'est tapi dans l'ombre, à l'abri de la lueur des étoiles. C'est pas méchant, mais hostile à cent lieues. C'est pas à l'affût, ça ne viendra pas m'attaquer si je ne pénètre pas sur son territoire. D'instinct, je m'éloigne à reculons. Ça ne désarme pas. Au contraire, c'est encore plus agressif ! Ça veut que je prenne le large, et vite !
Je tourne les talons et fais quelques pas. C'est toujours là, ça s'impatiente même. Je sais que ça n'attaquera pas, mais j'ai besoin de tout, tout, tout mon sang-froid pour continuer à réfléchir. À gauche, y'a le village. L'église qui brûle blinque encore plus fort que les étoiles. Même pas la peine que j'y retourne. À droite, ça monte au château. Mouais, j'aurais peut-être une chance de m'y glisser avant le jour et m'y planquer. En tout cas je reste pas dans les prés, c'est du suicide ! Je vais me faire repérer par les chiens des villageois !
Je marche toujours, jusqu'au chemin. La présence hostile n'a pas disparu. Elle est plus loin, plus calme, elle m'observe. J'ai pas le choix. Si je ne peux pas rentrer dans la forêt, faut que j'aille au château en espérant m'y planquer. Au pire Mael m'aidera, vu ce qui s'est passé dans la taverne j'ai de quoi le forcer à m'aider. Puis Mael d'autant qu'il m'en souvienne il est gentil. 
Je suis presque arrivée, maintenant. La présence me suit toujours. En fait elle veut que je rentre là-dedans. J'ai pas le choix, je fais pas le poids. Sans que je sache ce que c'est, je préférerai affronter une meute de loups complètes que ce qui me suit. Va falloir que je retourne parmi les hommes. Ça m'énerve, alors je serre mon croc pour me désénerver. Je déteste les humains. J'ai beau être de la même espèce, je ne suis plus des leurs. Moi, je le sais. Eux, ils le sentiront. Il va falloir que je sois assez maligne pour trouver un moyen de me faire accepter, et assez dure avec moi-même pour ne pas réagir comme à l'ermitage.

Mais je sais quelque chose.

Un jour, je retournerai dans la forêt. Et je redeviendrai une bête. 
Netra, le MJ est sadique.
Netra, le MJ est sadique.

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z653z  Ecrire à z653z

2011-01-24 16:38:34 

 qui n'a pas trouvé quoi ?Détails
CF Titre.
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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-01-25 23:07:26 

 Commentaire Netra, exercice n°83, 2° parieDétails
Je vais continuer à commenter chaque texte séparément (ça me donnera l’impression d’avancer), puis je ferai un commentaire global.
Donc, l’épisode 2 : flash back sur le passé de l’héroïne, et aussi sec, à peine avons-nous découvert le drame qu’elle a vécu, qu’elle a l’occasion d’assouvir sa vengeance. A ce stade là le lecteur se dit :
- si c’est si facile, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant ?
- l’intervention de l’ange gardien est un peu trop providentielle
- plus de suspense ! Certes, elle va devoir s’échapper, mais l’histoire pourrait s’arrêter là...

Un petit rappel sur les cinq ans, par exemple quand elle se rend compte qu’elle va vers le village, sur la haine contenue, sur l’intention ferme de se venger, sur le fait que Bartholomey l’a peut-être protégée cinq ans pour mieux la préparer, quelque chose comme ça, pour faire monter l’intensité, pour qu’on ait le temps de se préparer... Et le croc, il devient quoi ? Et pourquoi l’histoire ne s’arrête pas ? Ca, peut-être que je le saurai dans l’épisode suivant.
J’aimais bien le vocabulaire de l’épisode précédent. Question de continuité, tu devrais en remettre un peu, et éviter les mots détonants, comme « littéralement » et « très accessoirement ». Logiquement, ta gamine, elle sait à peine lire et écrire et elle parle comme les paysans.
La bagarre est sympathique mais un peu confuse :
-« Maël en profite pour tenter quelque chose » : quoi ? S’il veut frapper Abélard, il faut le dire
- Lou a sauté sur les épaules d’Abélard et rien n’indique qu’elle en soit descendue. Elle reste donc accrochée comme un singe et la noble dame essaie de raisonner... non pas Lou, mais Abélard... Je veux bien qu’ils soient tous complices, mais l’ensemble est curieux.
- Au départ il y avait trois gars par terre dans l’auberge, et personne dans la rue. Pas de nouvelle des trois gars, et puis tu dis « dehors les villageois viennent de comprendre qu’on a assassiné leur seigneur. » Alors, en pleine nuit, il y avait du monde dans la rue, ou ils sont sortis de chez eux entre temps ? Cette scène est la plus importante du texte. Une scène de combat est toujours difficile à décrire, il faut garder le mouvement, il faut que ce soit clair, vif, précis, comme une chorégraphie.


Bricoles :
-bientôt je me serais aventurée : serai ( le texte est au présent)
- aux instructions que m’avait donné : données
- une femme, je dirais, à la corpulence : corpulence évoque un corps grand et massif (corpulent)
- Mais plus, ça... : Je suppose que tu veux dire « je ne peux pas en dire plus » ; la formule est un peu trop concise


- je retire une main rouge de sang encore chaud de l’artère d’où il sort : pouf pouf :
- de... de... d’où
- ben oui, le sang est encore chaud, le gars est vivant
- d’où il sort : pas utile. Trouve un adjectif pour l’artère, question de rythme, ça suffira


-je jouis littéralement : sauf erreur de ma part, ta jeune héroïne n’a pas encore connu la jouissance sexuelle ; donc elle peut jouir, mais pas « littéralement »


GRRRRR....Casse-b..., ch..., emm..., fronce les sourcils, petit breton, et envoie-moi au diable tant que tu veux. Ton histoire ne demande qu’à s’épanouir pour être palpitante, mais il va falloir l’arroser encore un peu... Tu as le droit de maudire l’horrible sorcière, qui ne voit vraiment pas où tu veux en venir, avant de t’y remettre...
Narwa Roquen,pénible, et qui le sait...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-01-27 23:12:44 

 Commentaire Netra, exercice n°83, 3°épisodeDétails
L’histoire se complique. Abélard est-il un démon, un vampire, ou une autre créature inhumaine ? Qui est le monstre dans l’église, qui ricane et fait trébucher Lou, mais n’essaie pas de la tuer ? Et pourquoi Abélard part-il l’affronter ? Qui est l’inconnu de dernière minute, qui semble étrange mais pas hostile ?
C’est bien, on croyait l’histoire finie, et ça rebondit, on est obligé de remettre en question ce qu’on croyait savoir, le lecteur adore ça !
Ceci dit il y a quelques détails qui clochent (hé hé) un peu :
- Je trouve que Lou accepte trop facilement l’idée qu’Abélard n’est pas mort
- La porte de l’église : elle l’ouvre et la referme à clé ; où était la clé ? Dehors, dedans dans la serrure, ailleurs ? Quand elle repart, elle éjecte la barre... qu’elle n’a pas mise auparavant, ou en tout cas tu ne l’as pas dit...
- 20 paysans poursuivent Lou : pour venger Abélard ? Si la population lui est favorable, pourquoi sonner le tocsin ?
- Pourquoi a-t-elle cru que le barbu avait 4 pattes ? Et le tonnelet ? C’est Saint Bernard, qui peut être chien ou humain à sa guise ?


Bricoles :
-on cours: court
- la première haie m’obligerait à me séparer des autres : Pourquoi ? Parce qu’elle pourrait la sauter et pas eux ?
- j’ai raté la jugulaire : dans le texte précédent, tu parlais d’une artère. La jugulaire est une veine ; l’artère, c’est la carotide
- Abélard... deux têtes de plus que moi ; le géant, à la fin : deux bonnes têtes de plus que moi : trouve autre chose
- J’aurais une meilleure vue : j’aurai
- Je risquerai de m’endormir : risquerais
- Les vitres teintées : dans une voiture ; dans une église, c’est des vitraux
- C’est moi qui ais celle : ai
- Personne n’a pu rentrer : entrer
- J’abjure ce rire : abjurer signifie : « abandonner solennellement une opinion religieuse » ; « J’abhorre », si tu veux, mais ce n’est pas trop le vocabulaire de Lou
- J’éjecte la barre... je m’éjecte littéralement (encore un littéralement, cf épisode 2)
- Il a agit : agi


Joli, le « commode comme une truie qui allaite ». On a retrouvé le verbe « blinquer », c’est déjà ça. Rajoutes-en dans le parler local, il faut la continuité avec le premier épisode. Par exemple pour idiote ou crétine, tu n’as pas autre chose ? L’oie stupide et gourde, c’était mieux.
Là, le lecteur est bien embarqué. Trouver ou ne pas trouver, là n’est pas la question. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment tu vas te sortir de cet embrouillamini, sans oublier le croc, l’ange gardien, Bartholomey, le tocsin... et toutes les créatures étranges...
Narwa Roquen,pénible, accrochée..

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-28 15:45:57 

 Meuh non pas pénible, ha la la Détails
Bon je trouvais aussi cette partie moins bonne que la première, mais ton commentaire m'indique clairement que j'ai carrément pas mis assez de détails en fait. J'avais peur de trop alourdir, et j'en profite pour vous annoncer un truc à tous : c'est SUPER DUR de retranscrire une partie de JDR !!!
Mine de rien c'est fou le nombre de jets de dés rien que dans ce *** de combat contre Abélard (et on l'a même pas tué en plus, j'suis deg')

Bon ben je vais reprendre ça, hein !!!
Netra, et le MJ est de plus en plus sadique.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-28 15:58:23 

 La plupart des réponses...Détails
... Quelqu'un qui a reconnu le JDR a à peu près les réponses, mais comme Lou, elle, ne les a pas (et pourtant... ce texte ne relate que la moitié de la première partie, et c'est à la fin de la quatrième qu'on a les réponses XD)

Je trouverai une WA intéressante pour raconter la suite, mais elle se passe de jour (et quitte à avec l'autorisation des joueurs je pourrais raconter un peu pour eux aussi...)

Bon j'ai pris note des critiques, je m'occupe de la partie 2 d'abord mais ça suivra.
Netra, et le MJ est de plus en plus sadique.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-01-28 16:13:28 

 La réponse est dans le prologue de l'épisode 1Détails
Je parlais du JDR auquel on joue. Car ce récit est la transcription d'une demi-partie de jdr.
Netra, mais j'aime bien le MJ quand même.

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Adival  Ecrire à Adival

2011-01-28 19:33:13 

 Ceci est ...Détails
... un texte ingénieux et diaboliquement bien construit.
Je suis de l'avis des autres commentaires sur sa qualité, aussi, pas d'étalage de louanges (le salaud). Bravo pour l'originalité mais surtout, merci d'être parvenu à me surprendre.

Au plaisir de te lire...


Adival, le danseur du solstice des soldes.

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Netra  Ecrire à Netra

2011-02-02 17:19:55 

 Wa, exercice n°83 partie 3, où Lou sert de joujou, version 2Détails
J'ai fait un nouveau post pour plus de simplicité... J'ai modifié beaucoup de vocabulaire et explicité pas mal de choses.

Des cloches dans la nuit
On court tous les trois comme des dératés dans les champs mal éclairés par les étoiles. En gros on va vers le château, ça m'arrange pas mais je peux pas me séparer des autres, je me ferais avoir trop facilement. J'ai un peu d'avance, sans grand mérite : je suis moins chargée que Mael et plus musclefe qu'une damoiselle qui passe ses journées enfermée dans la bibliothèque de son père. Derrière nous, ils doivent être bien deux fois dix à nous courir après. Si je trouve une planque, je m'y colle et personne ne m'y trouvera avant demain matin, juré ! Sauf qu'on est en plein dans les champs raz du printemps et que la première haie m'obligerait à me séparer des autres mais...
Hélà !
Ça grand huche de par derrière !
Qu'est-ce qui s'trime ? Y'a quelque chose qui attaque les villageois qui nous poursuivent ! J'en vois des qui... volent dans les airs ? C'est quoi cette diablerie ? Aucun homme n'est assez fort pour en affronter vingt autres et les jarper à dix mètre ! Je m'arrête et je blinque trois fois dez yeux pour voir mieux. Non... Quoi ? Je... Hé c'est pas possible ! Je vois mal, je dois voir mal... C'est grand, carré, ça huche et ça bave tellement que ça blinque jusqu'ici ! Par Astaroth et Azrael, c'est pas... Oh Doué ma Doué ! C'est Abélard ! Je l'ai pas assez démoli peut-être ? J'ai raté mon coup tout à l'heure ? Les autres l'ont soigné à temps ? Ou alors c'est moi qu'ai bon depuis cinq ans et c'est un démon qui se fait passer pour un humain ! Tu vas voir, cette fois je vais te tuer.
Je laisse les autres courir et je fais demi-tour. J'entends Mael me crier de sonner le tocsin. Pas bête, ça, comme idée. Si l'autre fol continue son massacre, il va pas s'en prendre qu'à nos poursuivants, mais aussi au reste du village ! Heu... là, je viens de commettre une grossière erreur. Y'a plus de paysans pour faire tampon entre Abélard et moi, là... Je suis pas de taille à le démolir en face à face. Il fait bien deux fois mon poids, et il est aussi grand que quand je lève le bras tout droit vers le haut... 
J'ai pas trop compris comment, mais je file en courant vers le village et la chose qu'est devenu Abélard me poursuit. Là ça le fait pas du tout, pas du tout du tout du tout ! Je bondis dans la remise de la taverne, je ferme à clef sur lui, le temps qu'il essaie de la défoncer, dans sa folie frénétique et diabolique, et moi je suis sortie par la porte de devant. L'église, vite. Je me rue dedans, je ferme la porte, il y a la clef à l'intérieur comme avant, pour qu'on puisse se réfugier dedans si des bandits arrivent, et la clef je la prends avec moi dans ma bourse, entre les herbes médicinales et un linge qui me sert de bandage.  Je saisis la poutre qui sert à barrer la porte de l'intérieur et je la mets aussi. On sait jamais... Puis j'avise la corde des cloches. Je saute pour les entraîner de tout mon poids. Le temps de redescendre et le carillon clair mais sinistre du tocsin résonne sous la voûte de l'édifice de bois. Je reste pendue à la corde un bon moment, assez pour que toute la vallée se mette en état d'alerte au moins jusqu'à Dinan.
Et maintenant ? Je ne vais pas ressortir, il y a sans doute Abélard qui m'attend à la grande porte, et je n'ai pas de quoi ouvrir celle de la sacristie... Reste... Le clocher ? De là-haut j'aurai une meilleure vue sur la situation. Va pour le clocher.
J'ouvre la petite porte et grimpe l'escalier en colimaçon qui m'amène sous les quatre cloches encore vibrantes de l'église. J'enjambe la balustrade qui me sépare du toit de bois de l'église. Gagné, je vois tout. Le village et les environs, avec plus loin les remparts de Dinan, aussi bien qu'une nuit sans lune mais sans nuage le permet. Pas d'Abélard en vue. Rien en vue du tout d'ailleurs, tout est d'un calme plat, terrible, mortel, glacé malgré le printemps déjà avancé, j'en ai froid jusque dans les os. Bon, je fais quoi ? Je vais pas restée plantée là jusqu'à l'aube, je risquerais de m'endormir et de tomber, ou de choper un mal à rester au froid, ou tout simplement de me faire attraper par les paysans, demain... Redescendre et risquer de devoir affronter Abélard ? Je ne le vois pas, il n'est pas devant l'église, peut-être qu'il rôde dans le village ? Si je sors et que je file dans la forêt, il ne me verra peut-être pas. Sans doute pas, en fait. J'arrive à me cacher des sangliers, des loups, des ours, alors un humain... Même si j'ai de gros doutes sur l'humanité d'Abélard.
Je redescends l'escalier. Les marches de bois ont un avantage, elles ne glissent pas, je ne risque rien même si je ne vois rien. J'arrive en bas, j'ouvre la porte. Dans l'église, il fait complètement noir. C'est pas normal. Tout à l'heure, il y avait des chandelles, et puis les étoiles faisaient des raies de lumière à travers les vitraux. En plus c'est pas un noir naturel et puis... Il y a quelqu'un ici. Là. Dans l'église, avec moi. Pas possible. C'est juste pas possible. Seul le curé a la clef de la sacristie, et c'est moi qui ai celle de la grande porte. Donc personne n'a pu rentrer. Donc il n'y a personne. Donc, Lou, tu arrêtes de te laisser avoir par ton imagination et...
- Ha ha ha ha !
- Qui est là ? 
Impossible de savoir d'où vient ce rire sinistre et cynique. Il résonne contre les poutres et le toit et les murs pourtant lambrissés. J'ai peur. Ça faisait longtemps mais là, j'ai peur. Très peur.
- Dites-moi qui vous êtes ! Sortez de là !
Une seconde salve de rire. Mais il se moque de moi, en plus ! Ce truc est pas humain. Et c'est pas Abélard non plus, Abélard n'est pas assez subtil pour ça. Je regarde à ma droite. L'autel. Dessus, le gros crucifix de bois et d'étain de la paroisse. Lui, il me protégera de ce démon !
Je me jette en avant vers le choeur. Un seul objectif, atteindre l'autel. Le crucifix. Vite ! Sur le sol, l'ombre est poisseuse, elle accroche mes pieds nus, j'ai du mal à courir, d'un coup, je trébuche dans un banc dont j'aurais pu jurer qu'il n'était pas sur ma trajectoire initiale. Je me vautre dedans en piaillant de terreur, et me relève d'un bond, peu soucieuse de mes bleus. L'autel est à quatre ou cinq pas de moi. Peut-être ais-je surpris le démon en me relevant si vite, parce que je l'atteins. Je prends le crucifix à deux mains, il doit peser mon poids mais je n'en ai cure, je le brandis face à l'ombre, à peu près vers la nef. 
- Arrière ! Laissez-moi partir !
Encore un rire. Oh, je hais, je maudis, je déteste ce rire malsain ! Mais je suis plus bouchée qu'une cheminée pas ramonée : si ça a pu rentrer dans l'église, ça ne craint pas les crucifix. Je repose à peu près respectueusement l'objet sacré à sa place. Je suis debout sur l'autel, face à moi il y a l'allée de procession et au bout, la grande porte. Dieu sait si je préfère encore Abélard à cette ombre sadique qui joue avec moi ! Il me suffit d'aller tout droit. Tout droit, Lou !
Je saute, je cours, quelque chose happe ma cheville, m'envoie valser dans les bancs. Je hurle et puis je vois des étoiles qui blinquent partout dans mes yeux, je crois que je suis sonnée. Tant pis. Je me relève. Je retrouve le bon sens, vers la grande porte, grâce au prie-dieu du banc de derrière. Tout droit, Lou ! Tout droit !
Deuxième salve, cinq foulées et il m'englue le pied si bien que je tombe encore. J'ai peur ! Tout droit, Lou ! Grouille-toi, poulet empoté ! Et l'autre sadique qui rit, qui rit, ce rire me vrille les tympans ! Je vais devenir folle !
Je heurte la porte de tout mon poids, peinant à croire que je l'ai enfin atteinte, pendant que l'ombre se remet à rire. J'éjecte la barre hors de ses gonds, puis je tourne la poignée... Hé ? C'est fermé, c'est fermé à clef, je suis enfermée là-dedans avec ce truc ?! Je... Oh, Lou ! C'est toi qui l'as, la clef, oie stupide et gourde ! Ouvre-moi cette porte et SORS D'ICI !
Je pousse le battant de toutes mes forces, je sors, je m'esbigne hors de l'ombre. Le temps de respirer un grand coup, et je relève la tête.

Abélard.

Il est devant moi, l'épée à la main, l'air hagard, stupéfait. Je me glace de terreur. Puis je me rue dans ses jambes, espérant le faire trébucher.
Il me saute par dessus et entre dans l'église. Genre, rien à faire de mon existence. Ça lui ressemble plutôt bien mais là... Il a agi comme si on l'avait sommé d'entrer là-dedans. Tant pis, trop contente. Que les monstres s'entretuent, ça m'ira très bien. Je ferme l'église à clef, étouffant le vacarme d'un début de combat. Puis je me retourne et m'appuie une seconde sur le battant pour reprendre mon souffle. 

Il y a quelque chose qui approche. Ça va de maison en maison pour ne pas se faire voir, ça a quatre pattes, c'est grand et silencieux... L'ange gardien ? Il est de retour, celui-là ?

Le temps de blinquer des yeux, et un homme se tient devant moi. Il est haut et trapu comme un ours, vêtu de fourrures et armé d'une hache énorme. Il a l'air fort comme un taureau et commode comme une truie qui allaite : de ce que je vois de son expression sous sa barbe, elle est dure et fermée. Il me rappelle les marchands normands qui sont passés une fois quand j'étais petite.
- Qui êtes-vous ?
Il ne répond pas. Il me tends un tonnelet. Quelque part dans les collines, le dernier écho des cloches s'éteint dans la nuit noire.
Netra, brezhoneg da viken *-*

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Netra  Ecrire à Netra

2011-02-02 17:28:46 

 Wa, exercice n°83 partie 2, où l'on découvre le pourquoi du comment, version 2 aussiDétails
Voilà la nouvelle version de la partie 2, où je crois avoir explicité la plupart des points obscurs du précédent. En revanche, je ne peux absolument rien à la providence de l'arrivée de l'ange gardien, c'est pas moi qu'ai fait le scénario, c'est le MJ... Et il avait besoin que Lou sorte de la forêt. 
Pour l'anecdote, les expressions de Lou telles que "craper", "gloper", "c'hi", "hucher" (celui-là par contre c'est du bon français !)... sont des expressions utilisées par mes arrière-grand-parents, qui parlaient gallo comme Lou. Mais je me souviens pas de tout non plus, j'ai dû demander à ma grand-mère pour certains.

Vengeance !
C'est pas un sanglier, c'est pas non plus un ours. Trop silencieux et trop rapide pour ça. Les ours, les sangliers, ça fait du bruit, surtout quand ça va si vite. Là, rien. Ça fait une heure que je la suis, la bête, et j'ai la sale mauvaise impression qu'elle ne fait de bruit que quand elle veut bien, juste assez pour me faire avancer encore. Il n'y a qu'une seule bête de cette taille qui puisse à la fois être aussi rapide et aussi silencieuse. C'est l'ange gardien, le loup géant. Ce n'est pas un loup comme les autres, il est trop grand, et il a les yeux rouges. Bientôt, je me serais aventurée beaucoup trop loin de l'ermitage pour que ce soit très raisonnable. Mais si l'ange gardien de Bartholomey veut que je continue, je continue. De toute façon entre ça et rester à l'ermitage... Je sais très bien par où nous allons, c'est un endroit que je ne saurais revoir sans souhaiter tuer et me venger. Peut-être est-ce parce que j'ai enfin droit à ma vengeance qu'il m'emmène là-bas ? Est-ce que c'est parce que je suis prête à affronter messire Abélard ?
Cette fois j'ai passé le point de non retour : je suis arrivée à la lisière des bois. Là-bas dans le lointain, malgré l'absence de lune, je distingue la silhouette massive du château de Lehon. En bas, près de la rivière, il y a le village. 
Il y a cinq ans, c'était mon village. Je peux voir le clocher de l'église, derrière il y a le presbytère, où le curé donnait les leçons de lecture. Et plus loin, là-bas après le pont, il y a les grands prés communaux. C'est là qu'on allait, avec Jehan, Romaric et les autres. Papa et Maman m'envoyaient aux moutons avec Jehan pour qu'on ait le temps de braconner. De tous les pâtres j'étais la plus jeune, tout le monde m'appelait la bergerette, comme dans la chanson, et un hiver on s'est battus contre les loups, et j'y ai eu ma première cicatrice, au bras droit. 
Le vent joue avec mes cheveux noirs, mais je n'entends plus rien. L'ange gardien est parti. Je ne sais pas si c'est la curiosité, le désir de vengeance ou quelque chose d'autre qui me pousse en avant mais j'ai l'envie irrésistible de retourner dans le village. Dans ce qui a été, jusqu'il y a six ans, mon village. 
Celui où je suis née, dans la métairie de mon père et de ma mère. Celui où j'ai fait mes premiers pas, encouragée par mes deux frères aînés et imitée, peu après, par les deux cadets. Celui où j'ai appris à lire et à écrire chez M. le curé, parce que Papa et Maman estimaient que j'aurais à bien savoir compter pour vendre au marché. Celui où j'ai dansé un dimanche de Pâques, avec Romaric, le jour de nos fiançailles. Celui où, avec lui, Jehan, mon grand frère, et puis Alan et Pierrig, nous gardions les moutons dans le pré communal au-delà de la rivière, le jour où messire Abélard est sorti de la forêt après une gaste chasse.
C'est là que tout a dérapé.
Romaric aimait me voir danser, et Jehan jouait de la flûte, et lui du tambourin, et Alan et Pierrig tapaient des mains et moi, je dansais, et nous riions en gardant les moutons. Alors messire Abélard, vexé de nous voir si joyeux, décocha une flèche sur l'une de nos brebis et la tua. Jehan avait le sang vif, et il retint le seigneur par la bride en l'invectivant. Abélard le frappa au visage d'un coup de cravache qui lui creva l'oeil. Quelques jours plus tard, Jehan mourut de sa blessure. Romaric bouillait de rage, et moi et les autres aussi. 
Nous avons monté un plan. À la tombée de la nuit, je devais attirer l'attention des gardes, feignant d'avoir traîné après la moisson et d'avoir peur de retourner seule au village, pendant que mes trois camarades se glissaient dans la douve sèche et allaient égorger les chiens de chasse du seigneur Abélard. Mais alors que j'étais encore à parler aux veilleurs, l'alerte a été sonnée et, conformément aux instructions que m'avait donné Romaric, je me suis enfuie pour ne pas être prise.
Ah.
Voilà, je suis arrivée. C'est là, à la croisée des chemins, que j'ai retrouvé les corps de mon fiancé et de mes camarades, le lendemain. Messire Abélard avait ordonné de les laisser pourrir là, mais l'un des gardes est revenu de nuit, en secret, les enterrer. Je l'ai vu, je crois que c'était le Mael, et... Holà ! Y'a des gens qui rappliquent depuis le château, à terre, Lou !
Une silhouette encapuchonnée de noir, le genre qui cache son visage... Une femme, je dirais, à la corpulence. Mais plus, ça... et avec elle, y'a Mael. L'est encore en vie, donc il s'est pas fait prendre, ça c'est plutôt une bonne nouvelle. Ils vont bon, bon train, j'crois qu'ils sont pressés. J'attends une distance raisonnable et je les suis. 
Le village a pas changé, sauf ce qui a été ma maison. Elle est abandonnée, ça m'étonnerait pas qu'Abélard, qu'il pourrisse en Enfer, ait banni ma famille du duché de Lehon. Bon, hé, tête de linote, tu te concentres un peu sur les deux autres, là ? 
Ils vont à la taverne, jusque là rien que de très normal, ça arrive à tout le monde, sauf que dans l'auberge y'a un sacré raffut à en réveiller Lucifer. Je passe pas par devant, trop risqué. Je vais regarder par la fenêtre de derrière. Le temps de faire le tour, et... 
Abélard. 
Il est là, messire Abélard, l'assassin de mon fiancé, de mon frère, de mes amis. Je sais pas ce qui l'a mis dans une colère pareille, mais il est en train de mettre à sac la taverne : il a fichu trois gars à terre qui s'en sont pâmés au point d'y laisser la conscience, et maintenant il s'en prend au tavernier. À la porte, Mael et la femme, une noble rien qu'à l'allure, je dirais à l'âge damoiselle Hildegarde, la petite soeur de l'autre, le regardent d'un air ahuri. Hé, réagissez ou il va buter le tavernier, il a la bave aux lèvres qu'on dirait un c'hi qu'a la rage ! Le savais bien, moi, qu'il adorait gloper le sang !
Entrer là-dedans, et le tuer. La porte de la réserve. Vite.
Oh, vieux crétin, pourquoi l'as-tu fermée ? Elle était toujours ouverte quand j'étais môme !
Je cours comme une folle pour retourner à la porte principale. Mael est entré et il essaie de maîtriser son seigneur, ça a pas l'air de marcher des tas. Au moins ça détourne son attention. Abélard, tu vas regretter de t'être mis dos à la porte !
D'un bond, je saute sur une table, poignard à la main, et de là sur ses épaules. Je suis peut-être petite, mais la vie dans les bois, ça rend agile. Évidement, il se débat, mais ne compte pas te débarrasser de moi si facilement !
Je vise la gorge. Le couteau ripe sur son pourpoint, se plante dans l'épaule, je l'en retire sanglant. Ça n'a pas l'air de lui faire grand chose, il est complètement enragé ! Mael en profite pour tenter de placer un coup d'épée. C'est raté, l'autre esquive, essaie de m'attraper derrière sa nuque, mais je lui plante le bras et ça le refroidit un peu.
Sauf qu'on en a pas fini, toi et moi, messire Abélard ! Tu vas crever !
Ce taré colle un grand coup d'épée dans le comptoir. Là j'avoue je comprends pas... Hé, y'a sa soeur derrière ! Il va pas s'en prendre à elle quand même ? Qu'est-ce qu'elle fout là d'ailleurs, elle était à la porte y'a un blinque ! Elle essaie de le raisonner maintenant, peine perdue, damoiselle, il n'écoute plus et...
Il va vous tuer, dégagez de là !
Mael s'est interposé au dernier moment. Il protège sa maîtresse, c'en est même myon ! Mais il est salement amoché. En attendant, j'ai le champ libre !
Cette fois c'est la bonne, je sens mon poignard couper net la gorge, la trachée, je retire une main rouge de sang encore chaud de l'artère d'où il sort, je lâche ma prise sur ses épaules, j'exulte, je ris même de le voir se vider sous moi... Mais hé que quoi -
Aaaaah !
Aouille !
Ça fait mal ! Comment il arrive encore à bouger dans cet état ? Il m'a jetée contre le comptoir comme un vulgaire sac de navets, ce putois des enfers ! Je te hais !
Je me relève aussi vite que je peux, j'ai mal à l'épaule mais ça va. J'ai envie de lui coller un nouveau coup de poignard avant que cet abruti de Mael se décide à se bouger, mais pas la peine : il s'écroule. Je pousse un cri de joie, bien mal m'en prend : dehors, les villageois réveillés par le raffut de tous les diables qu'on a flanqué dans la taverne, viennent d'ouvrir la porte et de comprendre qu'on a assassiné leur seigneur. Ça sent pas bon pour moi cette histoire. Pas bon pas bon ! Vite, je file dans la remise, me glissant derrière damoiselle Hildegarde, qui déblatère déjà un petit discours bien senti aux vilains. Moi je crois pas qu'il t'écouteront, mais bon, j'm'en fiche, j'me taille une petite lieue et je te bénirai de cet échappatoire, promis.
Ah, pas le temps de faire une lieue. Je jette un regard qui en dit long à Mael. Il est d'accord avec moi, et tourne la clef de la remise. Damoiselle Hildegarde a compris aussi : ça ne sert à rien d'essayer de leur faire comprendre quelque chose. On s'en est pris à leur seigneur, ils veulent pas être accusés du meurtre, donc ils veulent qu'on trinque pour gloper tout le fiel à leur place et si possible à celle d'Abélard aussi. Désolée, moi j'm'esbigne dans la forêt. Bon, ben... On fonce !
Netra, qui relit, qui relit.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-02-09 22:21:07 

 Commentaire Netra, épisode 4 et commentaire généralDétails
Episode court, qui ouvre d’autres voies pour la suite : que va devenir Lou au château ? Les démons sont-ils vraiment morts ? Quelqu’un va-t-il découvrir que c’est elle qui a incendié l’église ?
J’ai bien aimé le dialogue muet entre Lou et « la bête ». Sauf qu’on ne sait pas d’où elle sort... La fin, à la Mowgli, est intéressante et humainement irréprochable. Quoiqu’en dise l’héroïne, elle est humaine, et doit retourner vers l’humain. Mais je me demande comment elle va se faire accepter dans le lieu même dont elle a tué le propriétaire ? Elle ne pourra pas se cacher éternellement, et ça ne la ferait pas avancer. Maël complice, la fille aussi, d’accord, mais les autres ?


Bricoles :
- les lits du dortoir des hôtes de leurs draps : beaucoup de « de », et les draps sont loin des lits...
- et presque plus de fumée : pas ?
- pêché : péché ( la pêche, le péché)
- j’aurais toujours le temps : j’aurai
- j’aurais peut-être une chance : j’aurai
- m’y planquer : répétition
- je préfèrerai affronter : préfèrerais
- une meute de loups complètes : toute une meute de loups
- je serre mon croc pour me désénerver : s’il ne sert qu’à ça, ce croc, c’est dommage

J’ai bien aimé : « aller voir en enfer s’il reste un oeuf à cuire »

Cet épisode, effectivement, n’est pas très catholique ; il est centré sur l’action, ce qui en soi n’est pas un mal... mais... cf commentaire général.


Commentaire général :
D’abord un détail : la mort du fiancé de Lou a eu lieu il y a 5 ans, période assez récente, et nul ne pouvait ignorer qu’Abélard en était responsable. Alors pourquoi les villageois le soutiennent-ils ? Il avait sûrement dû se comporter d’autres fois en despote cruel. Quand un dictateur meurt, il est rare que le peuple pleure... et encore plus rare qu’il veuille le venger ! A moins qu’une évidence ne m’ait échappé...


Je suppose que l’exercice ne doit pas être évident, les impératifs du GN et ceux de la littérature n’étant pas les mêmes. Vu du côté de la littérature, l’ensemble des 4 textes a un gros défaut d’ensemble : les scènes se succèdent, comme un script, l’action est ininterrompue, avec beaucoup trop de « deus ex machina » qui apparaissent et disparaissent. Ca manque de descriptions, de réflexions, de temps où le lecteur se pose et découvre le Monde de l’intrigue, et éventuellement la philosophie de l’auteur. Ce n’est pas un mauvais texte : c’est imaginatif, l’héroïne est sympathique, les personnages secondaires sont bien campés, l’ensemble est cohérent. Mais à mon avis ça manque de souffle. Relis un peu de Maedhros : tu vas vite comprendre ce que je veux dire. Tu as retranscrit un GN, et c’est exactement ce que je te reproche : tu as retranscrit ; je suis sûre que tu peux faire nettement mieux, en t’appropriant l’histoire, en en faisant quelque chose de plus personnel, de plus inspiré. Je serais toi, je n’essaierais pas de relire « pour voir où je peux rajouter quelque chose ». Je laisserais dormir un peu, puis je réécrirais sans avoir relu ce premier jet. Si entre temps tu as oublié un détail, tu sais que l’histoire est écrite, tu pourras toujours corriger. Mais, la prochaine fois, prends ton temps. Installe-toi. De toute façon, tu sors du cadre de la nouvelle. Donc tu n’as pas le choix, il te faut aller au fond des choses...
Narwa Roquen, qui rattrape son retard lentement mais sûrement

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-02-11 22:22:12 

 DétailsDétails
C'est mieux. Le combat est plus clair, le langage plus étudié, il y a plus d'explications. Mais il y a encore quelques bricoles:
- cinq ans ou six ans, depuis qu'elle a quitté le village?
- cette fois tu coupes la trachée, pourquoi pas? c'est vrai qu'autre fois on l'appelait la trachée artère, mais ça n'est jamais qu'un tuyau plein d'air, et je persiste à dire que "de l'artère d'où il sort" alourdit pour rien.
Narwa Roquen, cent fois sur le métier...

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Netra  Ecrire à Netra

2011-02-17 19:48:02 

 De la difficulté de la retranscriptionDétails
J'avoue c'était très, très dur comme exercice en fait -_-

D'abord, le premier scénario a commencé à 300 à l'heure, même dans la partie j'avoue on avait du mal à suivre. En plus le MJ ex machina c'est très difficile à gérer, surtout du point de vue d'un personnage. Parce que je n'ai aucun mais alors aucun contrôle sur le scénario en lui-même...

Je laisse ici quelques spoilers avant la relecture et la V2 ^^
 Alors déjà le jeu de rôle c'est Vampire Dark Age, donc ça se passe au Moyen-âge. Habituellement, dans ce jeu, on commence en tant que jeune vampire mais le MJ a trouvé plus amusant de nous faire d'abord jouer des humains... Comme je voulais absolument appartenir au clan Gangrel (vampires qui se métamorphosent en animaux)j'ai pris le personnage le plus proche de la nature que j'aie pu créer : Lou. Pour info, on a fait 4 scénarios complets en tant qu'humains, c'était sportif.

En fait il n'y a que Lou qui déteste vraiment Abélard, c'est pas un seigneur spécialement méchant, enfin c'était pas du moins. Du coup ses vilains n'ont pas vraiment envie de se le mettre à dos : si c'est pas lui, c'est Hildegarde ou pire, le comte de Dinan. Mais j'avoue que c'est pas expliqué du tout. J'ai même pas pensé à l'expliquer en fait -_-

Sinon le loup-ange-gardien c'est un vampire, en fait c'est le futur sire (créateur, quoi) de Lou. Et il l'a faite sortir de la forêt non pas pour lui permettre de se venger mais parce qu'il ne voulait pas qu'un autre vampire (un cinglé ) y touche. Il avait pas prévu du tout que ça l'envoyait encore plus au casse-pipe. 

Pour le croc je dis rien, ça serait gâcher la surprise...  

Netra, qui relit, qui relit.
Netra, qui relit, qui relit.

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