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 WA, exercice n°113 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 8 novembre 2012 à 23:13:06
Ah, la 113... On peut la suivre vers le nord de Toulouse, vers Montauban, Cahors, puis Limoges... ou bien descendre vers le sud, Villefranche, Castelnaudary, Carcassonne, et puis la mer...
Le plus illustre des auteurs qui prirent la route comme héroïne est sans nul doute Jack Kerouac. Encore que Cormac Mac Carthy ait décrit une route à mon avis infiniment plus troublante. Au cinéma, il y a eu les road movies, Easy rider, Paris Texas, Thelma et Louise, Un monde parfait... et tant d'autres...
A la sauce fantasy, ça peut donner quoi? A vous de le dire! Pour agrémenter le challenge, je voudrais des points-virgules, et pour corser le tout, je voudrais que vous vous attachiez à décrire l'univers olfactif que votre héros traversera sur sa route. On décrit volontiers les formes, quelquefois les couleurs. Mais on a souvent tendance à oublier les odeurs, qu'elles soient pestilentielles ou délicatement parfumées. Je suis sûre que cela va vous ouvrir de nouveaux horizons...


Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 29 novembre. Roulez jeunesse! et gardez bien les narines ouvertes aux senteurs de la route!
Narwa Roquen, quoi enrhubé? C'est bas le bobent!


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-12-02 16:25:22 

  WA - Participation exercice n°113Détails
Retour aux terres d'antan...


LE CARREFOUR DES BERGERS



La tonalité générale du texte...

Le jour déclinait rapidement. La forêt s’obscurcissait. Les ombres grandissaient aux pieds des conifères géants qui la peuplaient. Il faisait froid et humide, l’hiver approchait. Il accourait du Nord, descendant les pentes enneigées des Montagnes des Dieux qui s’élevaient plus au nord. Les parfums nocturnes, aériens et subtils, supplantaient peu à peu les fragrances solaires et capiteuses qui avaient régné tout le jour. Les notes boisées persistaient mais elles prenaient une tonalité différente, virant du vert au bleu nuit. Entre les troncs serrés qui semblaient tordre leurs longues branches pour tenter de la griffer, une frêle silhouette avançait sur le chemin qui s’enténébrait. Emmitouflée dans un long manteau au capuchon abaissé, prenant grand soin de demeurer au milieu de la route forestière, elle marchait d’un pas soutenu. D’une main, elle tenait la longe d’une mule placide dont les flancs disparaissaient sous de larges bâts rebondis. De l’autre, elle serrait un grand bâton.

Il n’y avait qu’une seule et unique route qui traversait la forêt du nord au sud. Bien sûr, tout autre voyageur que lui aurait pu choisir de la contourner par l’est ou par l’ouest mais alors, il aurait perdu énormément de temps. Lui ne se dirigeait pas vers l’estuaire du grand fleuve où les ruines altières d’une ancienne cité se dressaient encore au-dessus d’un port en eau profonde où plus aucun navire ne s’amarrait. Il répondait à un appel pressant qui ne pouvait souffrir aucun retard. Pour s’y rendre, il avait emprunté la route de la forêt. Quand il en avait atteint la lisière, il avait interrogé le soleil. Le jour était bien avancé. Nul mortel ne pouvait impunément cheminer sous les ramures des grands arbres. Des créatures sans nom s’y cachaient, des choses aux formes tourmentées qui massacraient les imprudents tombant entre leurs griffes, qu’ils soient gueux ou héros. Seule la route les maintenait à l’écart.

Avant qu’elle ne soit ouverte, de fiers seigneurs vêtus d’armures brillantes, à la tête de puissantes armées, s’étaient avancés dans les sous-bois, bien décidés à éradiquer le mal qui se terrait entre les arbres où disparaissaient régulièrement d’humbles forestiers. Leurs cors et les trompettes avaient résonné fièrement pendant quelque temps puis le silence s’était reformé. Nul ne revit jamais ces téméraires.

Un roi plus sage que ses devanciers convoqua alors une multitude de bûcherons, les attirant avec la promesse de primes mirobolantes. Il en vint de toutes parts. Bientôt, une armée de tentes fit disparaître la plaine qui s’étendait devant la forêt ensorcelée. A l’aube du premier jour, le monarque monta sur une estrade et, face à la multitude, tint ces propos mémorables :

« Si le fil des épées et la pointe des lances ne sont pas venus à bout des monstres qui rôdent dans ces bois, alors le fer de vos haches et les dents de vos scies mordront les troncs qui font cette forêt. Travaillez tout le jour, abattez les arbres un à un. Vous êtes des milliers et ce ne sont que de vulgaires troncs de bois, des souches en puissance, des bûches pour faire danser les flammes dans nos âtres. Ce soir, abandonnez vos outils et placez-vous sous la protection de mes chevaliers et de mes gens d’armes. Festoyez à mes frais et que la nuit vous réconforte! Demain, quand le soleil grimpera à nouveau dans le ciel, vous reprendrez à nouveau votre labeur! Et le jour suivant encore. Et les jours d’après. Nous verrons bien si la patience et la méthode viendront à bout de cette verrue dans mon royaume ! »

Les bûcherons relevèrent le défi et manifestèrent bruyamment leur accord. Ils s’attelèrent sans délai au labeur et les arbres commencèrent de s’abattre avec fracas. Les bûcherons chantaient virilement en travaillant. C’étaient les meilleurs ouvriers forestiers que le monde avait enfantés. Ils scièrent avec entrain les troncs à la périphérie de la forêt. Quand le soleil fut à son zénith, d’accortes et plaisantes servantes passèrent parmi eux, leur offrant du pain et des viandes, du vin et des rires, des fruits et des baisers. Et bien plus, à l’ombre des arbres couchés où les feuillages formaient de verdoyants matelas. Puis le travail reprit.

Le roi contemplait ce spectacle avec satisfaction. Le travail avançait visiblement. Les troncs étaient tractés par des attelages de boeufs vers des lieux de stockage d’où ils partiraient pour les scieries qui les débiteraient en longues et belles planches. A ce rythme-là, dans une lune au plus songeait le souverain, la forêt aurait diminué de près d’un quart. Il souriait d’aise en lissant sa barbe. Il s’était montré avisé et prudent.

Juste avant que le soleil ne se cache derrière l’horizon, les trompettes royales sonnèrent la fin des travaux. Les bûcherons, harassés mais contents de ce qu’il avaient fait, revinrent en sifflant, la hache sur l’épaule, aussi fiers que des soldats après une éclatante victoire. Ils laissaient derrière eux une plaine bien plus vaste qu’au matin. Ils simulèrent un défilé, débraillés et braillards, en passant devant l’estrade où était assis le roi. Celui-ci se leva aimablement et leur fit l’honneur de les saluer à son tour.

D’autres festivités attendaient les bûcherons quand ils regagnèrent leurs tentes. Des attractions avaient été amenées à grands frais par le roi. Des cohortes de cracheurs de feu, de jongleurs, de magiciens et de toutes sortes de bateleurs, égayèrent cette première veillée. Puis des filles, comme une nuée d’hirondelles nocturnes, descendirent de chariots qui patientaient non loin. Des brunes. Des blondes. Des rousses. Il y en avait pour tous les goûts et pour tous les âges. Les hommes hurlèrent de joie et les musiciens se remirent à jouer de plus belle, battant l’estrade jusqu’à s’en faire mal aux doigts. A minuit pourtant, la fatigue rattrapa les joyeux drilles qui se faufilèrent sous les tentes, enlaçant leurs faciles conquêtes.

Il existe, au coeur de chaque nuit, un moment singulier où le monde oscille entre le passé et le futur. Rien n’y est écrit, rien ne s’y rattache. Il n’est déjà plus hier et pas tout à fait demain. Cela dure sans doute quelques battements de coeur, mais cela ne signifie pas grand-chose puisque le temps y coule différemment. Cet instant est une parenthèse insondable, un présent qui refuse d’abdiquer. Les dormeurs le rencontrent souvent. C’est une ombre qui voile la clarté des rêves et réveille les monstres des cauchemars. Et puis cela disparaît car demain vient de naître. Hier est mort. C’est durant ce moment unique et magique que la forêt meurtrie déploya ses artifices.

Un héraut impassible vint réveiller le roi au petit matin. Une lumière grise plombait le ciel et le roi ressentit une inhabituelle amertume envahir sa gorge. Il courut au rempart, essayant de percer le brouillard qui noyait la plaine. Nul bruit ne se faisait entendre. Aucune de ces rumeurs familières et ordinaires qui émaillent l’activité d’une armée de bûcherons se préparant à une nouvelle journée de labeur.

Un petit détachement de sa garde personnelle l’attendait quand il enfourcha son destrier. Le pont-levis s’abaissa et les cavaliers s’engagèrent au petit trot dans le demi-jour frissonnant. Ils ne mirent pas longtemps pour parvenir au campement. Dans le brouillard tenace, ils se retrouvèrent au milieu d’un grand rassemblement de fantômes éplorés, endeuillés, aux longues tuniques traînantes. Ils comprirent bientôt qu’il s’agissait des tentes que les volutes de brume transformaient en spectres évanescents. Les feux étaient froids, leurs gardiens invisibles.

Une atmosphère funèbre planait au-dessus du camp et le roi sentit une main de glace broyer son âme. Il sauta de sa selle et pénétra dans la tente la plus proche. Il réprima difficilement un cri d’effroi. Là, devant lui, il y avait des corps enlacés. Des hommes et des femmes. Les visages étaient terreux et les yeux vitreux. Une indicible douleur tordait leurs traits, comme s’ils avaient souffert une éternité avant que la mort ne les délivre enfin. Mais là n’était pas le plus horrible. Une branche noueuse et épaisse comme l’avant-bras d’un homme avait poussé au travers de leurs corps, les transperçant pour les clouer au sol comme des papillons. Des ramilles plus minces surgissaient de leurs bouches ouvertes, de leurs oreilles et de leurs yeux. Un fin duvet herbeux avait poussé sur leur peau comme une lèpre verdâtre. Le spectacle était insoutenable. Un des chevaliers du roi se plia en deux pour vomir. Les autres reculèrent, une main sur le pommeau de l’épée. Le roi blêmit. Il avait compris qu’il ne vaincrait pas la forêt aussi facilement.

Il se précipita hors de la tente, respirant profondément l’air chargé d’humidité pour effacer de son esprit la terrible vision. Le brouillard ne se décidait pas à se disperser. Ils visitèrent plusieurs dizaines de tentes. Elles répétaient toutes le même destin tragique. Ils ne trouvèrent aucun survivant. Hommes, femmes, chiens, chats, chevaux, bêtes de trait, la vengeance de la forêt n’avait épargné personne.

Hébété, le roi revint vers son palais. Sa raison chancela. Il rassembla son armée pour la bataille. Ses généraux et ses capitaines lui conservèrent leur loyauté bien qu’ils comprissent qu’ils se préparaient à une mort inéluctable. Mais que pouvaient-ils faire d’autre après le massacre du campement des bûcherons ? Ils sellèrent leurs chevaux, firent briller leurs lances et leurs boucliers, levèrent leurs fanions et leurs drapeaux. Une armée étincelante s’aligna sous les remparts où s’était amassés ceux qui restaient en arrière. Aucune trompette ne résonna d’un chant guerrier. Aucun tambour ne battit une marche martiale. Les visages étaient fermés comme le jour sans soleil.

Le roi éperonna les flancs de sa monture et derrière lui, toute son armée s’ébranla à sa suite. Il traversa le camp silencieux et observa la forêt qui se dressait devant lui. Durant la nuit, tous les arbres abattus avaient repoussé. Il ne restait rien de l’oeuvre des hommes. La forêt avait recouvré son aspect habituel, comme si rien ne s’était déroulé la veille. Nulle trace des arbres abattus, des souches déracinées et même des ornières creusées par les troncs halés dans les herbes.

Alors que l’ost allait s’enfoncer parmi les hautes fougères qui formaient un rideau ondoyant à l’orée du bois, un homme surgit dans la lumière. C’était un homme extraordinaire, vêtu d’une simple tunique immaculée, attachée par une broche sur son épaule gauche. Elle lui dénudait les bras et une partie du torse. Il avait une peau diaphane, presque dorée. Des muscles longs et déliés trahissaient une vigueur discrète. Sous une chevelure de bronze qui ressemblait à un casque de guerre, un visage aux traits fins et juvéniles respirait pourtant une sagesse inaltérable. Mais ce qui retenait l’attention c’était ses yeux. Des yeux surnaturels. Des yeux dont on ne pouvait déterminer la couleur parce qu’ils les possédaient toutes. Des yeux changeants comme un ciel avant l’orage ou après la pluie. Des yeux insondables. Des yeux qui semblaient refléter l’infini ou bien mieux, l’éternité. Il était impossible de soutenir bien longtemps le regard émanant de ces yeux-là. Noble ou misérable. Lâche ou héros. Homme ou femme.

En cet instant où la folie menaçait d’engloutir toute raison, où le royaume risquait de disparaître comme tant d’autres avant lui, cette apparition fit l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel tourmenté. Un coup de tonnerre libérant une tension insupportable. Son destrier se cabrant vivement, le Roi fut tout près d’être désarçonné. Les chevaliers de sa garde d’élite, se remettant de leur surprise initiale, entourèrent leur souverain et dégainèrent leurs épées. Derrière eux, l’armée toute entière s’était figée comme autant de statues de pierre saisies en plein mouvement.

L’inconnu leva une main en signe de paix. Dans l’autre, il tenait un grand bâton noueux, taillé dans un bois d’if à la teinte rouge sombre. Son extrémité supportait un tore. Par un hasard singulier, un rayon de lumière perça l’épais banc de brume et se ficha exactement au centre du tore, y faisant naître un vortex flamboyant. L’intensité de ce soleil miniature impressionna douloureusement les rétines des humains qui se protégèrent derrière leurs mains ou leurs boucliers. Le miroitement ne dura qu’un instant mais il déchira le brouillard comme une épée céleste. D’autres se joignirent à elle, taillant impitoyablement la masse cotonneuse qui recula sous l’assaut et se dispersa rapidement. Dans un ciel désormais limpide au-dessus de la plaine, le soleil brilla d’un doux éclat. Les couleurs reprirent leurs teintes naturelles, perdant leurs tonalités blafardes et estompées.

Le Roi posa les rênes sur le pommeau de la selle et mit pied à terre. Sa suite l’imita immédiatement. La disparition du brouillard rendait toute chose moins lugubre, la jeune lumière du jour l’éclairait au contraire d’un modelé gracieux et apaisé. Le monarque s’approcha lentement de l’homme qui n’avait pas esquissé le moindre geste.

« Noble souverain, engage-toi sous ces arbres millénaires et ils deviendront les tombeaux de tes hommes. Il n’y a rien dans la glauque et verte obscurité que tu puisses vaincre en ce jour. Le soleil, aussi brillant soit-il, ne perce pas facilement les feuillages de cette forêt enchantée. C’est une enfant rebelle qui refuse d’écouter les voix du Temps. Elle est entêtée et dangereuse. Il ne t’appartient pas de te mesurer à elle. Si tu pénètres plus avant, tu t’y perdras comme tous ceux avant toi et ton âme sera retranchée du Grand Décompte. Elle restera éternellement prisonnière du corps qui pourrira sous les racines profondes de ces arbres. Elle ne s’élèvera pas pour rejoindre le lieu secret où se rassemblent toutes les âmes de ton peuple après la mort, attendant la fin des temps. Celles de tous tes hommes connaitront le même sort ! »

Le Roi écouta ses paroles et il sut qu’elles disaient la vérité. La voix de l’être mystérieux était posée et douce mais elle était empreinte d’une grande force de conviction. Elle s’adressait au Roi dans sa langue maternelle, exempte de tout accent, mais sa musicalité la rendait indiciblement étrangère. Le Roi répondit et sa propre voix résonna disgracieusement après celle de l’étranger :

« Je ne connais pas ton nom mais je devine que tu es un Premier Né, noble rejeton de la race qui a jadis dominé ce monde avant que ses navires ne repartent au-delà de l’horizon pour ne plus revenir. Les Dieux ont accepté l’offrande expiatoire que j’ai proposée. Les prêtres ont déchiffré les entrailles des bêtes sacrifiées. L’honneur commande de ne pas laisser impuni l’odieux forfait perpétré cette nuit. Si je ne me conformais pas à cette exigence, une tache noire s’étendra en mon coeur, nécrosera mon âme et polluera ma raison. Si je ne respectais pas le serment que j’ai prononcé à genoux devant l’autel, je bafouerais l’honneur de ma Maison et je flétrirais les valeurs auxquelles je crois. Tous ceux qui sont à mes côtés sont venus de leur plein gré, écoutant non ma voix mais celles du sang et de l’honneur. Je n’ignore pas que jamais ne reverrai le visage aimant de mon épouse. Je ne l’étreindrai pas ce soir quand mes yeux se refermeront pour l’éternité. Mais il n’est plus temps. Mon devoir m’appelle, noble étranger. J’espère pouvoir simplement livrer un ultime et honorable assaut! »

L’étranger parut réfléchir. Un pli barra son front altier. Il ne quitta pourtant pas le Roi de son regard magnétique. Il frappa le sol de son bâton et tous les hommes ressentirent l’onde de choc qui passa en grondant sous leurs pieds comme une vague en pleine terre.

« Noble Roi, écoute mes paroles. Ecoute-les bien. Ton acte insensé pourrait à la rigueur se concevoir s’il n’engageait que toi et ceux qui te suivent. Mais il n’en est rien. Tu as provoqué celle qui dort au-milieu de la forêt. Tu as provoqué une force qui dépasse ton entendement. Une force qui n’en a pas fini de te faire payer l’affront que tu lui as fait hier. Crois-tu que tu pouvais impunément t’en prendre à ses fils et à ses filles ? Car n’en doute pas, les arbres que tu as jetés bas sont ses enfants et elle est une mère possessive et vindicative. Elle n’en a pas terminé avec toi. Ta mort et celle de tes hommes ne suffiront pas à assouvir son courroux. Elle s’est réveillée et elle a soif de vengeance. »

Un connétable de la maison royale, au tabard bleu fleur-de-lysé, se porta à la hauteur de son souverain. Il lui murmura quelques mots à l’oreille. L’inquiétude se lut dans les yeux du Roi, une pâleur soudaine envahissant son visage. Il venait d’apprendre une nouvelle inquiétante. L’étranger demeurait immobile. Derrière lui, la forêt frissonnait doucement alors qu’aucun souffle de vent n’était perceptible. Des effluves musqués et terreux descendaient des frondaisons qui semblaient se balancer nerveusement. De sinistres craquements se faisaient entendre, provenant des ombres boisées. Quelque chose s’ébrouait sous le couvert des arbres. Quelque chose qui s’impatientait. Un flottement parcourut les rangs de l’armée. La détermination de l’aube se transformait en hésitation inquiète. Les regards devenaient fuyants. Beaucoup jetaient de fréquents coups d’oeil en arrière, vers la grande citadelle hors de vue qu’ils avaient quittée au point du jour. L’étranger apostropha à nouveau le suzerain :

« Il n’est plus temps, as-tu dit. Ces mots sont exacts. Il n’est plus temps pour toi. La bête s’est réveillée. Son domaine est bien plus vaste qu’il n’y paraît. Ses ramifications s’étendent loin dans toutes les directions, invisibles sous la surface. Ta cité est cernée. Rien ne peut s’opposer à la puissance des racines souterraines. Les blocs de granit des remparts que tu pensais inexpugnables ne résisteront pas bien longtemps à la pression des doigts qui surgiront des profondeurs de la terre. Pierre après pierre, ton palais et tous les autres bâtiments qui faisaient la gloire de ta cité, seront anéantis. Rien ne restera debout de la glorieuse cité avant que ce jour ne se termine. Pas même les dômes dorés de tes temples et tous leurs autels de marbre. La forêt exige réparation et les Dieux resteront sourds à tes prières. Il est des équilibres en ce monde qui ne peuvent être remis en question. Je suis celui qui peut éviter cela. Daignes-tu m’écouter ? »

Le Roi sentait ses forces le fuir malgré tous ses efforts pour les retenir. Il se sentait vieux et impuissant. Le messager envoyé par le Gardien des Portes, le défenseur de la Cité en son absence, confirmait ce que disait l’Etranger. Les sentinelles avaient observé l’émergence d’une double ligne d’arbres monumentaux qui avait encerclé la grande citadelle. Les pavés des rues se disjoignaient sous la contrainte des pousses végétales qui s’infiltraient entre eux. Un émissaire dépêché sur la route de l’Est pour quérir de l’aide auprès du royaume voisin n’avait pu franchir les arbres. Il avait été brutalement happé par des branches lorsqu’il avait voulu passer sous elles. Il avait été tiré, hurlant comme un damné, sous la terre en un instant. Un autre messager avait été envoyé vers l’armée royale et celui-là était passé sans encombre entre les arbres. L’Etranger reprit la parole :

« Il existe un dernier espoir. Tu dois te conformer à ma volonté si tu souhaites vraiment éviter que tous tes sujets sans exception ne soient frappés par le terrible sort que leur réserve la forêt. Es-tu prêt à m’entendre ? »

Le Roi acquiesça lentement.

« Cette forêt ne peut être vaincue par les hommes et les Dieux ne contrarieront pas le cours de sa colère. Mais il existe un moyen de pacifier cet endroit. Ce monde n’appartient pas encore totalement aux hommes. Je m’appelle Eru-Aedel et je suis effectivement un Premier Né. Un enfant du Premier Matin. Comme tu l’as rappelé, la plupart des miens sont repartis sur leurs vaisseaux et ils ne reviendront pas. Certains, peu nombreux en vérité, sont demeurés sur ces terres. Ils avaient noué des relations privilégiées avec les Enfants du Crépuscule aux longues barbes. Auprès d’eux, ils ont appris comment creuser des galeries sous les montagnes et tailler la roche pour trouver les veines où dorment des trésors. Nous avons amélioré leurs techniques avec la science qui appartenait à notre race et nous sommes devenus habiles en d’étranges domaines. Nous sommes devenus des bergers, mais nos troupeaux ne paissent dans aucun champ et n’ont ni sabots ni cornes. Je te propose un marché. Si nous tombons d’accord sur le prix, toi et les tiens n’aurez rien à craindre désormais de la bête qui gronde dans la forêt ! »

« Quel est ton prix Eru-Aedel ? Dis-moi ce que tu attends de moi et je te l’offrirai avec joie si au bout du compte, cela sauve mes loyaux sujets du joug de la bête. » répondit le Roi.

Le Premier Né retint un moment sa réponse. Il leva son thyrse et par un curieux jeu de lumière, il sembla, à tous ceux qui étaient rassemblés là, parcouru d’un halo d’énergie sur toute sa longueur.

« Voici les termes du marché. Tu as un enfant. Une petite princesse prénommée Célésia, âgée de six printemps. Je veux sa vie pour consacrer un autel que je bâtirai au centre exact de la forêt. C’est à ce prix que tous les autres seront sauvés. Voilà mon offre. Réponds-moi sur le champ. Il n’y a rien à négocier. Réponds-moi simplement par oui ou par non. ! »

Un éclair aurait frappé le pauvre roi en cet instant qu’il n’en aurait pas été plus pétrifié. Ses cheveux devinrent blancs en une seconde. Ses épaules s’affaissèrent comme si tout le poids du monde s’abattait sur lui. Il vacilla sur ses jambes, le souffle coupé. Célésia. La prunelle de ses yeux. La chair de sa chair. Le sang de son sang. Non ! Pas Célésia. Pas Célésia. Elle était innocente. Il la vit en cet instant devant lui, boudeuse et rieuse à la fois. Il vit ses fossettes et son air taquin. Il la vit accourir pour se jeter à son cou en criant son nom, bousculant les gardes en armure qui souriaient en s’écartant vivement. Célésia. Sa princesse. Célésia. Non. Pas elle.

« Non... bredouilla-t-il d’une voix. NON ! cria-t-il violemment. Tout. Tout ce que vous voudrez Seigneur mais pas Célésia. Pas mon enfant. Je refuse ! Comment pourrais-je vivre ensuite ? »

L’étranger hocha la tête :

« Que pourrais-tu me donner ? Tout ceux que je vois devant moi, toi compris, sont déjà plus morts que vifs. Tous ceux qui vivent là-bas sont déjà morts. Ta fille est déjà morte, comprends-tu ? Le marché est équitable. Une vie pour les sauver tous. Une vie déjà condamnée. Comprends-tu ? Mais si tu me la donnes maintenant, si tu consens à ce sacrifice alors je te promets que tous seront en vie quand le soleil se lèvera demain matin. Il n’y a rien que tu puisses faire pour changer cela. Rien que tu puisses dire. Donne-moi ta fille et je jugulerai la bête. Donne-moi ta fille et tu deviendras le Seigneur d’un puissant royaume. Donne-moi ta fille maintenant. Le temps passe et bientôt il sera trop tard pour intercéder en ta faveur, malgré tous mes pouvoirs. Décide-toi maintenant ! »

D’un geste ferme, il planta son bâton dans le sol et en cet épicentre naquit une nouvelle houle qui roula sous les pieds des hommes massés tout autour. Le Roi ne regarda personne. Aucun de ses vassaux, aucun de ses généraux, aucun de ses hommes d’armes. Qu’auraient-ils pu dire ? La décision était sienne et il devait la prendre. Il questionna le ciel qui n’apporta aucune réponse. Il referma la main autour de l’amulette en ivoire qui pendait à son cou, la salamandre qui était l’emblème de sa maison mais elle demeura froide et distante. Il murmura une prière qu’il adressa à ses dieux tutélaires et inspira profondément avant de répondre au Premier-Né :

« Qu’il soit fait selon ta volonté ! Présente-toi en mon palais et Célésia te sera confiée !»

Une larme glissa sur sa joue. Il l’essuya d’un revers de gant puis, sans attendre, il revint vers sa monture. Sans jeter un regard en arrière, il se mit en selle et éperonnant ses flancs sans ménagement, il lança sa monture au grand galop pour regagner la cité. Aucun autre cavalier ne le rattrapa avant qu’il n’atteigne son palais. Il fit à peine attention aux arbres qui encerclaient les remparts de la ville. Des arbres immenses aux branches menaçantes. Des arbres qui semblaient doués de vie propre, d’une vie malveillante et ténébreuse. Des gardiens vigilants. Des bourreaux piaffant d’impatience.

Mais au moment où il mettait pied à terre, son cheval tremblant des efforts fournis et roulant des yeux injectés de sang, il se figea de désespoir. Là-haut, Eru-Aedel l’attendait. Rien dans son attitude ne trahissait la moindre fatigue. Le Roi, lui, était en nage d’avoir galopé sans relâche. Ses muscles endoloris le faisaient souffrir mais tout disparut quand il vit le Premier-Né sur le perron du palais. Celui-ci avait dit vrai. Il n’y avait rien qu’il puisse faire pour modifier le cours de son destin. Il baissa la tête et précéda l’étranger. Quand il franchit les portes du palais, quand il entendit une voix enfantine crier son nom à tue-tête, il comprit qu’il rentrait vivant dans son tombeau.

* * *


La forêt murmurait. La forêt conspirait. Il l’entendait distinctement. Elle n’était pas domptée. Loin s’en fallait. S’écarter de la route de quelques pas conduisait au trépas. Il connaissait parfaitement les dangers qui guettaient dans les premières ombres de la lisière. La route les tenait à l’écart. La route protégeait les voyageurs. La route menait en lieu sûr. La route. Il l’avait ouverte voici des siècles. De nombreux siècles. Il se souvenait du visage du Roi quand celui-ci lui avait remis son enfant. Ce souvenir n’était pas plaisant mais il avait appris à accepter. A regarder les choses en face. A ne jamais tourner le dos au passé.

Il arpentait cette terre depuis si longtemps. Avec ses frères, il la domestiquait pour que jamais plus les créatures de l’ombre ne se lèvent pour la dévaster. Il se rappelait des batailles légendaires où des armées glorieuses avaient affronté les légions du Chaos. Il avait vécu d’éclatantes victoires et d’amères défaites. Il avait vu ses frères tomber tout près de lui. Il avait pleuré quand ses fils avaient péri au Gouffre des Ames Perdues. Il se souvenait de tant de belles choses et de tant d’autres, plus sombres, plus noires. Il avait été un grand Seigneur et les couleurs de sa Maison flottaient orgueilleusement à la droite du Grand Roi lorsque les clairons sonnaient la charge.

Mais le monde changea. Son peuple obéit alors à un appel lointain. Il construisit de longues nefs aux blanches voiles. Quand tout fut prêt, elles suivirent un chemin tracé dans le ciel où d’étranges étoiles avaient brillé plus fort durant quelques lunes. Quand elles disparurent au-delà de l’horizon, Eru-Aedel sut que lui et une poignée de ses frères étaient désormais seuls dans un monde nouveau. Ils étaient restés en arrière parce qu’ils étaient devenus différents. Ils avaient un travail à finir.

Il quitta ses pensées nostalgiques. La nuit était bien avancée. Le Carrefour n’était plus très loin. Cela lui réchauffa le coeur. Bien vite, une autre pensée ternit son bel optimisme. Combien de ses frères trouverait-il lorsqu’il pénètrerait dans le Cairn des Bergers ? Combien seraient encore présents? Leur nombre ne cessait de diminuer. Même si la Mort Rieuse qui fauchait les humains demeurait impuissante à les vaincre. Un sang minéral coulait dans leurs veines. Un sang que rien ne pouvait corroder. Seule l’extrême fatigue d’une existence sans fin les contraignait un jour à se coucher pour ne plus se relever. Combien cette nuit ? C’était la question qui le taraudait de plus en plus. Combien ? Chaque fois qu’un de ses frères quittait ce monde, une étoile s’éteignait dans le ciel. Une étoile singulière. Une étoile céphéide. Sa voix ne se faisait plus entendre dans le choeur. Bien sûr, les histoires qu’il avait contées demeuraient présentes dans la mémoire de ceux qui les avaient écoutées. Mais la voix disparue faisait cruellement défaut au Chant qui devenait veuf des motifs originaux qu’elle ne pourrait plus jamais apporter.

Il frissonna, son bâton luisant d’un éclat terne. Il aperçut enfin une sorte de trouée non loin devant lui, une zone aux ombres moins épaisses. Le Carrefour. Une allégresse gonfla son coeur que rien ne pouvait plus entamer. Les pierres blanches du cairn formaient autant de taches claires dans la nuit noire. Les ténèbres ne parvenaient pas à effacer le caractère aérien de la construction aux lignes épurées, presque fragiles. Erigée au centre du carrefour, elle s’élevait à une hauteur respectable. Les pierres larges et plates étaient entassées sans mortier apparent, semblant tenir uniquement par quelque prodigieux enchantement. Des runes étaient gravées sur certaines d’entre elles, composées de mosaïques scintillantes.

Eru-Aedel avait utilisé de nombreuses gemmes qu’il avait tirées d’une mine depuis longtemps oubliée. Il avait travaillé longuement, penché au-dessus de creusets bouillonnants dans lesquels il avait versé de savants alliages de métaux rares. Quand le bain était arrivé à bonne température, il y avait plongé les gemmes. Durant plusieurs jours, il avait alimenté les feux sous le chaudron jusqu’au point de fusion. Puis, quand le bain avait suffisamment refroidi, il avait retiré les gemmes une à une. A l’aide d’un marteau à tête étroite, il avait délicatement extrait les pierres précieuses de la gangue métallique qui s’était formée autour d’elles. Elles étaient aussi magnifiques qu’au premier jour où elles lui étaient apparues, tout au fond de la mine. Mais un feu nouveau les habitait, un feu qui palpitait en leur sein, qui magnifiait leur beauté tout en préservant leur authenticité. Il fut content du résultat. N’était-il pas un orfèvre hors pair ? Désormais, ces gemmes n’auraient plus jamais besoin de nulle lumière pour briller de mille feux.

Le cairn protégeait un sépulcre où reposait une princesse dans une châsse de verre si transparent qu’elle paraissait flotter dans l'air. Une princesse dormait sous les pierres amassées. Une jeune et belle princesse à peine effleurée par les ailes du Temps. Une adorable enfant qui semblait à tout instant être sur le point de s’éveiller. Mais Eru-Aedel avait prévenu ses parents éplorés. Ses yeux jamais ne s’ouvriraient. Ses lèvres demeureraient closes. Il était vain d’espérer le contraire. La princesse était morte. Son coeur était glacé au fond de sa poitrine. Elle avait échangé sa vie contre celles de beaucoup d’autres. Il avait fait de son mieux pour que son geste ne soit jamais oublié. Afin que tous se souvienne du don qu’elle avait fait. Le sépulcre attirait de nombreux curieux qui s’avançaient en silence sous l’arche de pierre qui marquait l’ouverture du cairn. Une fraîcheur constante baignait l’atmosphère des lieux. Ils ne pouvaient toucher la châsse qui était installée sur une plateforme de marbre, au-delà d’une double rangée de chaînes en or massif. Les voleurs évitaient l’endroit, malgré l’or qu’aucun cerbère ne gardait. Il y avait une ligne de runes qui avertissait ceux qui entraient dans le cairn. La mort foudroierait quiconque toucherait ou dépasserait les chaînes d’or. Plusieurs incrédules disparurent instantanément sous les yeux effarés des pénitents.

Il y avait une porte secrète. Une porte cachée. Une porte invisible qui s’ouvrait dans la petite salle. Un sceau magique gardait cette porte. Seuls les Premiers Nés connaissaient la formule qui commandait le verrou. La nuit décourageait les importuns. Eru-Aedel pénétra dans une salle déserte. Il coula un regard vers la châsse où était étendue Célésia. Il dit une courte prière pour la paix de son âme d’enfant. Puis il se tourna vers la porte secrète. Il murmura trois mots en une langue oubliée. Une ligne de feu dessina les contours d’une porte immatérielle qu’il franchit lentement.

Il se retrouva dans une grande pièce commune. Un grand feu brûlait dans l’âtre d’une cheminée qui aurait pu facilement contenir trois jeunes arbres. Les flammes étaient deux fois plus hautes qu’un homme debout et les bûches crépitaient joyeusement. De longues tables s’alignaient devant lui et tout au fond trônait un immense comptoir derrière lequel s’affairait Eru-Lydiel. Les géomètres royaux auraient été décontenancés. Il était impossible que cette pièce aux généreuses dimensions puisse tenir dans le cairn, si grand était-il. La nature de cette salle aurait dépassé leur entendement.

Eru-Aedel reporta ses regards vers ses frères attablés qui s’étaient tous retournés vers lui quand il était apparu. Son coeur se serra à nouveau. Ils étaient peut-être une vingtaine en cette nuit particulière. Une vingtaine au mieux. L’année céphéide précédente, ils étaient encore près du double. L’entropie s’accélérait, décimant leurs rangs. Le monde se transformait bien plus vite qu’il ne l’avait escompté. De nouvelles lois s’imposaient pour le régir et elles semblaient ne pas s’accommoder des anciennes. Leurs jours étaient-ils comptés ? Il n’était pas encore fatigué de la vie. Il ne voulait pas partir. Il avait tant de choses à faire. Tant de choses à découvrir. Et puis, il n’avait pas trouvé le moyen. Le moyen de la rejoindre. Il chassa cette pensée qui voletait dans son esprit comme une mouche inopportune. Il chercherait encore. Oui. Il chercherait encore. Les hommes étaient prometteurs. Leurs aptitudes étaient différentes des siennes bien sûr mais ils apprenaient vite et les nouvelles lois leur paraissaient si naturelles alors qu’ils se méfiaient de plus en plus des anciennes, obscures et magiques. Il se reprit et adressa à ses frères un vrai sourire qui illumina son visage. Là, dans la clarté des flammes qui ronronnaient, il redevint un court instant le seigneur qu’il fut.

« Holà seigneurs mes frères ! Qu’il est bon de se retrouver ensemble à nouveau. ! » dit-il sobrement en s’asseyant à la table et en déposant le thyrse près de lui.

Un djinn familier sortit des ombres et lui tendit un cratère d’argent empli d’un breuvage ambré aux odeurs doucement mêlées de myrrhe, de miel et de vin noir. Eru-Aedel s’en saisit et le nectar pétillant et légèrement astringent délassa ses muscles et éclaircit ses idées. Il but jusqu’à la dernière goutte. Il poussa un soupir de contentement avant de poser la coupe sur le bois.

« Tu es juste à l’heure ! lança Eru-Eriel. Il était temps, nous allions commencer sans toi. As-tu remarqué mon frère, combien nous sommes peu nombreux cette nuit. Le Chant devient si ténu que je doute fort qu’il s’entende des quatre horizons. Certains n’auront pu se joindre à nous mais jamais nous n’avons été si peu ! Dans les autres Domaines, le constat est identique. Nous nous effaçons, cher frère. Nous nous effaçons et nul ne nous pleure ! »

« Ne deviens pas morose ! lui conseilla Eru-Santeros, assis à sa droite. Tant qu’une voix s’élèvera dans le noir et tant qu’un coeur pur l’entendra alors nous ne disparaîtrons pas tout à fait. Toute gloire n’est que vanité. Ce monde a besoin de nous. Il y a encore trop de créatures de l’ancien temps qui hantent ces terres et menacent sa jeune existence. Nous devons poursuivre notre mission. Ne crois-tu pas ? »

« Tu as raison noble Santeros ! Il n’est pas venu le temps de se lamenter. Nous allons chanter et nos voix unies traverseront l’éther pour rappeler que nous existons et que nos efforts ne sont pas vains ! »

Ils se levèrent ensemble et s’approchèrent de l’âtre. Les flammes imprégnaient leurs visages d’un hâle doré et faisaient danser leurs ombres sur le grand mur derrière eux. Ils prirent les places qui leur étaient assignées afin que leurs voix se conjuguent entre elles pour tisser un choeur majestueux. Le chant s’éleva et l’histoire fut contée. Car ils étaient des bergers et les bergers chantaient leurs histoires.

Les routes, disaient le choeur, sont les veines du monde. Elles irriguent, protègent et unissent. Il y a de nombreuses variétés de routes et chacune possède un caractère différent.

La voix d’Eru-Lethiel se détacha du choeur. Eru-Lethiel était l’un des plus anciens Premiers-Nés et l’or blondissait ses mèches d’argent, uniquement disciplinées sur son front altier par un ruban écarlate. Il chanta les routes dociles et sûres, celles qui conduisent sans surprise et tranquillement à bonne destination. C’étaient des voies paisibles qui glissaient doucement en pays conquis, aux frontières repérées où nulle menace ne pesait jamais sur le voyageur. Comme leur berger, elles étaient souvent les plus âgées, reconnaissables à leur revêtement poussiéreux ou cendré. Le chant était mélodieux et régulier, aucune aspérité n’accrochait les boucles poétiques qui s’enroulaient autour du thème central. Eru-Lethiel était un maître doux et généreux, à l’image de ses routes qu’il affectionnait presqu’autant que ses enfants repartis vers l’Ouest. Il conclut sa partition soliste en brodant une variation qui se confondit peu à peu avec le choeur.

A son tour, Eru-Cinael fit entendre sa voix claire et agréable. Il n’était pas parti à bord des blanches nefs pour demeurer aux côtés de son épouse qui aimait trop ses vergers pour les laisser à l’abandon. Sa voix était puissante et portait loin. Il était le berger des routes aventureuses. Les pionniers et les cadets infortunés s’engageaient volontiers sur ces pistes à ouvrir, n’ayant aucune appréhension sur ce qui pouvait les attendre à l’autre bout. A chaque tour ou détour, c’était une succession de parages inconnus à défricher. Il leur fallait savoir ouvrir les yeux et les oreilles pour découvrir les trésors cachés. C’étaient aussi les routes préférées des amoureux où il était si doux de perdre de vue les chemins balisés pour explorer des contrées aux couleurs changeantes et aux parfums étonnants, sucrés et grisants. Comme Eru-Lethiel, il termina son solo en observant des diminutions subtiles et le choeur recouvrit bientôt sa voix.

Le Choeur reprit à l’unisson. Ils étaient des bergers. Leurs troupeaux n’avaient ni cornes ni sabots. Les routes obéissaient à leurs voix. Ce nouveau monde avait été donné aux Hommes, cette race jeune et insouciante. Si les bergers n’étaient pas là, les Hommes seraient en grand danger. Le Mal n’avait pas été éradiqué et la Dernière Victoire n’avait pas été définitive. Les routes couvriraient bien vite ce monde d’un réseau si dense que les bêtes du Chaos n’auraient plus jamais d’endroit où se cacher. Grâce à elles, les horreurs et les démons du vieux monde seraient chassés de ces terres. Ils disparaîtraient du réel pour devenir prisonniers des mythes et des légendes, inoffensives et éphémères. Les derniers Bergers les rejoindraient sans doute dans cette dimension impalpable puisque les vaisseaux blancs ne reviendraient pas au port avant la fin. La mélodie devint nostalgique et les souvenirs des bannières anciennes et des feux sous les étoiles, tissèrent une trame grave et triste en contrepoint du thème principal. Dans l’âtre, les bûches se fendirent de soupirs comme si elles partageaient le chagrin des chanteurs. A ce moment, les ombres se firent plus denses et présentes, la lumière affaiblie ne parvenant pas à les repousser.

Les voix d’Eru-Vorel et de ses frères, Eru-Vogel et Eru-Volel, s’élevèrent alors, vigoureuses et rapides. Des voix de baryton aux lourds accents martiaux. Un phrasé presque scandé, aux accents rocailleux. Ils étaient tous de fiers vétérans des batailles anciennes. Leurs voix grondantes portaient loin. Il le fallait. N’étaient-ils pas les bergers des routes rebelles et dangereuses ? Ils étaient ceux qui mettaient au monde les toutes jeunes routes qui s’enfonçaient dans des régions sauvages et inexplorées où les anciennes lois s’obstinaient à maintenir leur ténébreuse emprise. Encore fragiles, ces routes sinuaient au milieu de terres où rôdaient les prédateurs du Chaos. Les trois frères s’employaient à les maintenir ouvertes. Ils les parcouraient inlassablement pour extirper jusqu’au dernier les monstres hantant les forêts et les marais qui les bordaient.

Il y avait aussi les routes au caractère capricieux et imprévisible, qui se rebellaient sans raison. Leurs ponts s’effondraient brutalement au-dessus de vertigineux précipices ou des crevasses sans fond s’ouvraient sous les pieds des voyageurs insouciants. Des brouillards impénétrables noyaient leurs itinéraires et ceux qui s’y aventuraient disparaissaient corps et biens. Enfin, certaines, parmi les plus réfractaires, n’hésitaient pas à donner asile aux monstres errants à demi-effacés qui avaient été chassés de leurs territoires originels. Elles leur permettaient ainsi de reprendre consistance et de menacer l’implantation des héritiers naturels. L’expérience des trois frères, acquise lors des batailles glorieuses du passé, était alors très précieuse pour ramener à la raison ces routes désobéissantes. Leurs voix roulaient comme le tonnerre, le style épique se mariant à la perfection avec les exploits que le chant décrivait. Puis, allant decrescendo, leurs voix s’apaisèrent pour rejoindre insensiblement le Choeur qui les accueillit en son sein où elles reprirent leurs places.

Eru-Aedel chantait avec ses frères. La musique emportait son âme comme les vagues gigantesques qu’il voyait du créneau de la vieille tour au sommet de la falaise d'où il guettait la mer. Mais aucune voile blanche ne grossissait sur l'horizon. Une partie de son être accompagnait le thème qui se déployait autour de lui, majestueux et riche d’une longue tradition. Cette partie de lui aspirait à la plénitude qui se dégageait des harmoniques et de la mélodie. Le Chant était beau et noble, comment ne pas être séduit par les promesses qui étaient brodées en son coeur? Eru-Aedel en comprenait les buts et les soutenait sans réserve. Les Hommes domineraient ce monde naissant tandis que lui et ses frères rejoindraient l’ombre et l’oubli. Il pouvait concevoir cela. Il aimait tant cette terre qu’il lui avait donné ce qu’il avait de plus cher afin d’écarter le péril du Chaos. Les routes avaient été l’instrument pour favoriser l'ascension des Hommes en permettant déplacements et expansion. Elles dispersaient les légendes et rapprochaient les Hommes. Il avait oeuvré comme ses frères et ne regrettait rien. Sa voix était belle et confortait celles de tous les autres. Oui. Mais il y avait une toute petite partie en lui qui frissonnait d’une tonalité bleutée. Qui jetait une once de glace dans son coeur de feu. Une toute petite voix qu’il ne parvenait pas à bâillonner totalement, même en cet instant de joie partagée. Même durant ce chant qui montait jusqu’aux étoiles. Une toute petite voix qui pourtant était parfaitement distincte même s’il faisait de son mieux pour ne pas l’entendre.

Il bâtissait et entretenait toutes les routes de ce monde. Il en était un Berger. Mais il y avait une route qui restait indomptée. Juste une seule. La route qui pouvait le conduire auprès de celle qu’il n’avait jamais cessé d’aimer par delà le temps et l’espace. Celle qu'il avait aperçue pour la dernière fois debout sur le pont d'un vaisseau appareillant vers le soleil couchant voici bien longtemps.

Mais cette route-là, cette route droite lui était à jamais fermée.


M

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Onirian  Ecrire à Onirian

2012-12-03 11:34:57 

 WA-Exercice 113 - La routeDétails
Il y a du hors-sujet dans l'air, tant pis. Pas vraiment de la fantasy, des points-virgules presque inexistants... Au moins, ça parle de route et d'odeur ;-)

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La Route


Ce soir là, il était environ de vingt deux heures, je roulais à plus de cent-cinquante et je venais de louper la sortie d'autoroute qui aurait dû me ramener chez moi. La musique dans la voiture était forte, trop forte, mais elle me protégeait, comme l'aurait fait un cocon, un mur de son en écho à la colère qui me tordait les tripes, un mur entre l'univers et moi.
Je ne savais pas où j'allais, et à vrai dire, je m'en fichais. Je voulais juste être ailleurs, loin. Le plus loin possible de tout.

Cent soixante, je slalomais entre les voitures, je klaxonnais, faisais des appels de phares. Conduite dangereuse. Et après ? Et si je crevais, là, dans un putain d'accident ?
Et si d'autres mourraient par ma faute ?
Rien à foutre, tous des cons.
Cent quatre-vingt. Le moteur hurlait, ma voiture n'était pas conçue pour une telle vitesse. C'était grisant et frustrant à la fois, j'en voulais plus, plus vite, plus fort. A un moment, je me suis rendu compte que je pleurais, simplement parce que bandes blanches se troublaient. Je fuyais.

A me regarder, on aurait cru qu'il s'était passé un drame terrible, la mort d'un proche au moins. Ce n'était pas le cas, pas vraiment. Un rien, un petit détail. Cherchez la femme ? Oui, tu as raison. Elle ne s'était même pas moquée, juste, elle m'avait oublié.
Encore.

La fois de trop, la fameuse larme qui fissure le vase. J'avais senti une mon coeur se déchirer lentement, et mes espoirs sans lendemain avec. Une torture longue comme les heures d'attente, quand le temps s'étire à l'infini. Elle devait juste m'appeler, un simple coup de fil, même juste cinq minutes ; elle me l'avait promis. Devenir fou pour un appel qui n'avait pas été passé... Le peu qui restait de ma raison me trouvait profondément stupide. Quand je vais mal, j'oscille entre colère noire et tristesse insondable. Pour l'heure, c'est la première qui gagnait : j'étais en rage. Non, pas contre la fille, je crois que j'en suis physiquement incapable, mais contre l'univers tout entier, contre moi, contre ces imbéciles qui mettaient trop de temps à se rabattre, contre cette vie pourrie pleine de silence et contre ce foutu téléphone, muet jusqu'à la gueule.

Est-ce que je roulais dans sa direction, vers sa maison ? Elle habitait loin, trop loin. Vu de ma vie, c'était un autre pays, un autre monde même. Partir, être ailleurs.

Cent quatre-vingt dix. Je n'avais jamais roulé aussi vite. La nuit était belle, sans lune, mais emplie d'étoiles. Je me sentais tellement insignifiant... rejeté. Tu me trouves stupide, pas vrai ? Si, ne ment pas, je le vois dans ton regard, dans ton sourire gêné. Tu es certains que je voulais me tuer au risque de faire payer à d'autres le prix de ma bêtise. C'est bien ce que tu penses non ? Et je suis sûr que tu es convaincu d'avoir une histoire bien plus terrible à me raconter ; toi, tu as vécu un vrai malheur, pas vrai, autrement plus dramatique qu'un putain d'appel ? Là, tu vois comme en quelques mots on peut réveiller les blessures ?
Attends... Ne pars pas... Avec le temps, tu apprendras qu'ici, toutes les histoires se valent. Il n'y a pas de malheur absolu, de drame pire que les autres... Tout ça, c'est des foutaises, ça n'existe pas. Il y a la vie, et comment elle vous fauche, c'est tout. Et qu'importe si c'est avec un détail ridicule. A cet instant précis, à mes yeux, par mon histoire, ça me touchait vraiment, et il n'y a que ça qui compte.

Deux cent. Le flash de lumière m'avait aveuglé un court instant. J'ai juste eu le temps de penser que je venais de perdre mon permis avant qu'un des pneus n'éclate. La voiture a tourné, s'est cognée aux rambardes de sécurité, s'est envolée ; pas nécessairement dans cet ordre.
Était-ce vraiment la fin que je voulais ? Un faux suicide pour une raison absurde ? Finir sur... ça ? Avant que l'auto n'ait percuté le sol, ma colère s'est embrasée. Je ne voulais pas mourir. Jamais.

* * *


Lorsque je me suis réveillé, il faisait jour. Ma première pensée a été pour elle, la seconde, c'était l'étonnement d'être encore en vie. Je me trouvais au beau milieu d'un paysage désertique. Il n'y avait plus d'autoroute, même plus vraiment de route à vrai dire, un chemin de terre, tout au plus. Le soleil brillait au firmament d'un immense ciel bleu, il me réchauffait le visage. Mais le plus étrange, c'était mon nez. Il me piquait. Enfin... Pas tout à fait. Pour la première fois de ma vie, ce que je respirais avait un goût.

Oui, la formulation peut te sembler étrange, mais je n'en ai pas de meilleure. Je suis anosmique ; né sans odorat. Parfois, j'arrivais à détecter la fumée de cigarette, ou une mandarine qu'on pèle, mais c'était à cause du changement de texture de l'air. A ta tête, je vois que tu ne sais même pas quoi je parle ! Qu'importe... Il te suffit de savoir que quand je respirais à plein nez fleurs, plats ou merde, le résultat ne changeait jamais : un grand néant.
Là, la Route, le monde, sentait ; mauvais.

Maintenant, je peux te dire que cette route dégageait une odeur de poussière chaude, l'été, la terre sèche et d'autres choses encore. J'ai pas mal d'années de retard par rapport à toi, à tout le monde en fait, et aujourd'hui encore il m'est assez difficile de nommer ces sensations olfactives... T'es-tu déjà demandé à quel point c'est étrange d'entendre quelqu'un dire que ça sent la pluie, le printemps, le froid ? Combien, vu de l'extérieur, cela ressemble à de la magie lorsque une personne sait ce que tu viens de manger simplement en respirant à côté de toi ?

Autour de moi, il n'y avait rien. Juste ce paysage ocre et sable, et cette route au milieu du désert, ton sur ton. Ma voiture gisait quelques dizaines de mètres plus loin, chiffonnée, c'est le bon mot, roues plus où moins pointées vers le ciel, irrécupérable. Vu son état, il était tout simplement impossible que je m'en sois sorti sans blessure, et pourtant j'étais là, indemne.

D'un coup, j'entendis une voix, directement dans ma tête. Celle de la fille qui ne m'avait pas rappelée.
« Il faut faire attention à ses souhaits, parfois, ils se réalisent ».

Oui... tu connais ça aussi n'est-ce pas ? J'y reviendrai... J'avais souhaité être ailleurs, désespérément. Étais-je mort ? Coincé dans une sorte de purgatoire mis au point par un dieu retors ? Je n'en savais rien. Juste, je n'avais aucune raison de rester là, alors j'ai commencé la longue marche.

Mon nez me gênait. J'avais l'impression d'être assailli en permanence par des informations que je ne comprenais pas. Au fil de mes pas, je m'habituais à certaines odeurs, celles qui ne changeaient pas, comme la poussière, mais d'autres venaient me chatouiller les narines régulièrement. Chatouiller les narines... Quelle expression pourrie... Ça me donnait mal au crâne, pas envie de rire. Pendant un moment, j'ai même tenté de ne respirer que par la bouche, c'était un peu moins désagréable, mais j'ai rapidement eu la gorge sèche et l'air restait bizarre malgré tout...

J'ai marché, longtemps, en ayant de plus en plus envie de boire. Plusieurs fois je me suis demandé si une main cosmique m'avait téléporté ici juste pour le plaisir sadique de me voir mourir de soif. J'ai marché, sur cette route, sur la Route. Je ne connaissais pas encore les lois ce monde, et surtout pas la première d'entre elle. Oui, j'y viens, attends.

Le paysage de la Route changeait. Pas rapidement, mais tout de même plus vite que ce qui aurait été naturel. Je suis arrivé au milieu d'un désert, sans rien à des kilomètres à la ronde, mais en marchant, j'ai commencé à voir des cactus sur le bas côté, puis quelques arbres épars. Au début, je m'étais dit que je n'avais simplement pas fait attention, mais en réalité, presque d'une minute sur l'autre, ils pouvaient apparaitre. La Route change, elle s'adapte.

J'ai fini par m'assoir sous un de ces arbres. Le désert n'en était plus un, c'était plutôt devenu une prairie. Tiens, c'est d'ailleurs probablement une des seules odeurs que j'ai spontanément apprécié. Je ne sais pas si ca sent pareil, de l'autre côté... Tu sais, de là où on vient, mais quand le soleil chauffe une prairie avec des herbes folles, des graminées, des coquelicots, je trouve que ça sent bon. Et à chaque fois que je sens cette odeur, je repense à ma première journée ici. Je trouve ça étrange ces souvenirs attachés à mon nez.
Au fond, bien que complètement perdu et isolé, mon seul vrai problème était la soif. Et même ça, je n'arrivais pas à m'en inquiéter vraiment. Il devait y avoir de l'eau, puisqu'il y avait de la végétation.

« La Route pourvoie »

C'était sa voix. Comment te parler d'elle... Cela fait longtemps que je vis ici, tu découvriras que les noms ont un pouvoir, alors je ne vais pas te révéler le sien. Non, ce n'est pas une question de confiance... Disons que c'est... personnel. Appelons-là Alice.
C'était la voix d'Alice donc, pour la seconde fois. J'ignorai alors que j'entendrai souvent cette voix dans les années qui allaient suivre. Elle m'a beaucoup aidé, autant pour comprendre la Route que pour me tenir compagnie.
C'est à ce moment là que j'ai remarqué un vieux type qui arrivait depuis la direction opposée. Je me suis précipité à sa rencontre, pour lui demander où j'étais, ce qui se passait, et une dizaine d'autres choses... Oui, exactement comme tu l'as fait.
Je me souviens de son visage buriné par le vent et le soleil, et de ses cheveux d'un blanc immaculé. Il portait des vêtements taillé pour le voyage et un gros sac à dos. Il m'avait souri en me disant un truc du genre « Toi, t'es un nouveau, pas vrai ? De quoi tu manques ? ». J'avais répondu que j'avais soif et aussitôt il m'avait tendu une gourde en me disant solennellement : « La Route pourvoie ».
Oui, la même chose que ce qu'Alice m'avait dit dans ma tête. Tu imagines un peu mon étonnement quand ce vieux bonhomme sorti de nulle part m'a sorti ça. Y a de quoi se demander si on n'est pas un peu fou non ?

La route pourvoie... C'est la première, et la plus importante leçon de ce monde. Si tu croises quelqu'un, c'est que tu as besoin de lui, ou que lui a besoin de toi. Tu peux voir ça comme une espèce de troc. Tu te souviens des cactus, quand j'avais soif ? Ils sont d'une sorte particulière, tu peux les découper et les manger en tranches, ça ressemble à de la pastèque, et il n'y a rien qui désaltère plus au monde que ça. J'avais soif, la route m'a fourni à boire. Et puisque je n'ai pas été capable de m'en rendre compte par moi-même, elle m'a envoyé quelqu'un pour m'expliquer les règles.

Non loin de l'endroit où je m'étais assis, il y avait une petite pile de bois mort que je n'avais pas remarqué, le vieux bonhomme en a fait un grand feu, puis en guise de repas, il a sorti un lapin de son sac.
J'ai appris à apprécier cette odeur, et ce goût, mais en vrai, sur le moment, j'ai eu du mal à ne pas vomir tant elle était forte. Poil brulé, chair qui cuit. Il parait que les lapins, ici, sentent particulièrement bon, mais quand c'est la première fois... il faut s'y faire disons.
Oui, c'est exactement le même que celui que je suis en train de préparer. Tu trouves que ça sent bon ? Oui, et le goût est excellent, tu verras. Je l'avais trouvé surprenant la première fois, mais c'est parce que l'odeur influe beaucoup sur la saveur en bouche et je n'y étais pas encore habitué.

Encore maintenant, je me pose plein de questions sur le monde d'avant, comme par exemple : est-ce que le lapin, de l'autre côté, a vraiment une odeur qui ressemble à ça ? Beaucoup m'ont dit que oui, certains m'ont affirmé que non, moi, je n'en sais rien.
Alice ? Non, elle ne répond jamais à ces questions là. Au départ, quand elle parlait dans ma tête, c'était souvent par phrases énigmatiques, ou pour me préciser des règles liées à ce monde. Elle m'a prévenu de ton arrivée par exemple.

« Explique-lui »

Tiens, je vais te montrer quelque chose. Regarde...
Impressionnant hein ? Tu vois le feu jaillir de la paume de ma main ? C'est Alice qui m'a expliqué comment faire. Par petite touche, comme un tableau impressionniste. Je voulais faire du feu, et même si La Route pourvoie, il n'empêche que chacun doit faire sa part. Elle m'a d'abord fait comprendre que j'avais le feu en moi, le souffle de vie, la chaleur de mon corps. Puis... Je ne sais pas vraiment comment le dire avec des mots... Elle m'a montré, d'une manière non verbale. C'est comme pour les odeurs tiens. Raconte-moi, sans te référer à d'autres odeurs, à quoi ressemble le parfum de ce lapin ? C'est impossible, au mieux tu arriveras à une description tellement imparfaite qu'elle ne sert à rien.

Mais je m'égare. Donc, j'étais avec ce type, sur la route, le nez plissé et les papilles éveillées.
- Quel est cet endroit ?
- La Route.
- Où mène-t-elle ?
- Plus loin.
- Est-ce que je vais dans la bonne direction ?
- Si c'est toi qui l'as choisie, alors c'est forcément la bonne direction.

Sur le coup, je croyais qu'il se payait ma tête, alors j'ai arrêté de le harceler. Avec le temps, je me suis rendu compte que ses réponses étaient moins superficielles qu'elles n'en avaient l'air. C'est comme le fait d'entendre Alice... Je n'ai pas demandé au vieux s'il entendait aussi une voix. J'ai attendu d'autres rencontres... J'ai fini par questionner une femme d'une quarantaine d'années. Elle semblait gênée mais m'a tout de même dit que tout le monde avait sa voix, mais qu'on n'en parle pas. J'ai aussi fait un bout de chemin avec un ado à moitié cinglé et marché deux mois en compagnie d'un touareg qui n'a jamais dit un seul mot. Drôle de gars.
Tout le monde a sa voix, mais c'est à chacun qu'il appartient de la dévoiler, ou pas. Ne pose pas de question dessus. De toute manière, les réponses finissent toujours par venir.

Bon, assez parlé pour l'instant, le lapin doit être cuit. Mangeons.

* * *


« C'est la première fois que tu parles de cette histoire »
C'est vrai. Mais je me retrouve un peu dans ce môme, j'ai l'impression de me revoir quand je suis arrivé sur la Route. J'ai pensé que c'était le bon moment. Depuis combien de temps suis-je ici ? A marcher toujours droit devant ?
« Ça fera cinq ans la semaine prochaine »
Je ne sais toujours pas... Est-ce que tu existe ailleurs que dans ma tête ?
Non, tu ne répondras pas. Au moins, ne disparais-tu plus tout à fait lorsque je te questionne sur ces sujets. Peut-être est-ce juste parce que je n'attends plus vraiment de réponse ? Cette fichue route... J'ai dû en parcourir des kilomètres. Et quelque soit le besoin :
« La route pourvoie »
La première règle de toute, celle que le vieux m'a dit de ne surtout jamais oublier, lorsque je suis parti avec sa gourde. La toute pr... Par les dieux !
« Tu viens de comprendre n'est-ce pas ? »

Tout en tentant de cacher ma fébrilité, je secoue un peu le gamin pour qu'il se réveille. Hey petit, tu dors ?
Écoute, je vais devoir te laisser. Je sais que tu viens d'arriver, que tu ne sais pas quoi faire, mais je dois partir. Oui, maintenant. Je te laisse ce qui reste du lapin, et ma bonne vieille gourde. Non, ne t'inquiète pas, je saurais m'en procurer une autre si nécessaire. Et surtout, n'oublie jamais, absolument jamais la première règle : la Route pourvoie.


* * *


Je marche. Je n'ai pas changé de direction, avec le temps, j'ai appris qu'ici, c'était inutile. J'ai tenté, quelques fois, mais retourner en arrière ne fait pas revivre le paysage précédent, tout est toujours neuf. Et en plus, l'impression de me tromper de chemin était toujours tellement forte que je n'ai jamais été bien loin.

Ce n'est pas vraiment la première règle n'est-ce pas ?
« Non »
Pourquoi personne ne quitte jamais la route ? Tout le monde la remonte ou la descend, mais personne ne sort du sentier, personne ne pense à s'éloigner, pourquoi ?
« Tu le sais »
La première règle, la véritable première règle, c'est Ne quitte jamais la Route. Et elle est inscrite en chacun de nous à notre arrivée. La Route pourvoie, mais elle se nourrit de nous. Elle a besoin de nous autant que l'inverse, c'est bien ça ?
« Oui »
Dis-moi... Quand je serai revenu l'autre côté... J'aurai mal ?
« Oui »
J'ai peur tu sais.
« Je sais »

Je marche, et rapidement les arbres disparaissent, la végétation se fait rare. Au bout de quelques minutes, je me retrouve au beau milieu d'un désert de sable. Juste après, je découvre la carcasse froissée de ma voiture, qui n'a pas bougé d'un poil. C'est étrange de la revoir exactement telle que je l'ai laissé. Elle n'a aucune trace de rouille, ni même de saleté, comme si le temps s'était tout simplement figé autour d'elle. En m'approchant, mes jambes commencent à me faire souffrir, et une douleur sourde envahi mon bras gauche. Je sens une odeur étrange, que je n'arrive pas à identifier.
« Caoutchouc brulé, essence »
La souffrance augmente au fur et à mesure que je m'approche, mais je suis résolu, et je continue à avancer.
Dis-moi, je me souviendrai ?
« Ce sera comme un long rêve »
S'il te plait, avant d'arriver de l'autre côté... J'ai besoin de savoir. Est-ce que tout ça était réel ? Ces cinq années ?
« Oui »
Et toi... tu seras là ?

* * *


La souffrance est intolérable. Je suis réveillé par le bruit strident d'une scie circulaire. Un type en noir, avec des rayures jaunes fluo, me parle :
- Ouvrez-les yeux, monsieur, on va vous sortir de là ! Comment-vous appelez-vous ?
Abrutit par la douleur, en pleine confusion mentale, je crois que je ne comprends pas vraiment ce qu'il me raconte. Sortir ? Je viens de rentrer. Le monde bouge et le temps n'a aucune signification.
Dis-moi, tu es là ?
Répond moi, s'il te plait !
S'il te plait...
A quoi ça a servit, tout ça. Qu'est-ce que j'ai laissé sur la Route, qu'est-ce qu'elle m'a pris ? La portière disparait, remplacée par le type et ses bandes jaunes. Il me parle, mais je n'arrive pas à focaliser mon attention sur ce qu'il raconte. Il découpe ma ceinture. Ses mots sont vides, mais ils me soulagent un peu quand même. C'est un type bien. Je crois.
Il me soulève et me dépose dans un grand véhicule rouge. Il y a des lumières bleues qui clignotent, tout me semble si étrange. Et le monde... Il lui manque quelque chose.

Je me réveille, je suis dans une chambre bleue ciel. Par la fenêtre le soleil réchauffe mon visage. J'ai mal au bras et à la gorge, je ne sens pas mes jambes. Mon coeur s'emballe quand je prends conscience du tube qui rentre dans ma bouche. Je suis effrayé. Je replonge dans l'inconscience.

Je me réveille. La même chambre, les mêmes douleurs. J'ai la gorge en feu, mais elle est libre. Sur la table de nuit, je vois un téléphone passablement rayé. Il a mieux vécu que moi les tonneaux de la voiture. A nouveau ce manque, que je n'identifie pas.

Une infirmière passe, visiblement pour me redonner une dose de morphine.
- Eh bien vous, on peut dire que vous n'aviez pas envie de mourir. Vu la quantité de sang que vous avez perdu, vous auriez dû y rester, sans parler de l'hémorragie cérébrale et de l'état de vos jambes.
Elle s'est approchée et les as touchées.
- Vous sentez ma main ? Non ? Et si j'appuie plus fort ?
Faiblement. J'ai hoché la tête.
- Et en plus, vous pourrez probablement remarcher. Par contre, une partie de vos os a été broyée, il faudra probablement longtemps avant que vous ne retrouviez un usage complet de votre corps.

Longtemps... Je ne peux pas m'empêcher de penser que ça prendra exactement cinq ans. Enfin, cinq ans, moins une semaine. D'un coup, je revois la Route, tous ces kilomètres que j'ai parcouru sont à nouveau devant moi. N'apprend-t-on donc jamais ?
Est-ce que j'étais heureux sur cette route ? Au moins, n'étais-je jamais seul, avec Alice dans ma tête. Alors qu'ici...
L'infirmière vient de partir. Est-ce qu'elle sentait bon ? Là, c'est ça. Retour à la normale, elle n'avait pas d'odeur, pas plus que cette pièce, pas plus que ce monde. J'espère que mon prochain lapin ne me semblera pas trop fade.
Avant de m'assoupir à nouveau, j'attrape mon portable. J'ai une quinzaine d'appels en absence, y compris un à peine dix minutes après l'accident. Idiot hein ? Qu'importe les histoires, il n'y a que la vie, et comment elle vous fauche, ou pas, le plus souvent sur un détail.

La morphine commence à faire effet, je suis fatigué. Il n'y a plus la moindre trace de colère en moi. Et la tristesse ressemble plus à une douce mélancolie, une forme d'acceptation, de résignation sereine. Je m'endors déjà, mais au moment de plonger, le téléphone vibre. Un message.

« Je ne sais pas pourquoi tu ne décroches pas. Donne-moi de tes nouvelles, s'il te plait. J'ai rêvé de toi hier, et dans ce rêve, je te cherchais, parce qu'il fallait absolument que je te transmette un message : « la Route pourvoie ». Aucune idée de ce que ça peut vouloir dire, mais ça avait l'air vraiment important. Rappelle-moi dès que possible.
A. ».


--
Onirian, on the road again.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-12-06 14:52:26 

 WA, exercice n°113, participationDétails
VAGABOND




1. La vie en marche



J’ai failli être en retard. Domia avait déjà fini de fermer les volets ! Je fendais des bûches, bien concentré sur mon travail, fier de ma force ; le bois était sec, il dégageait une odeur rassurante, promesse de chaleur, générosité de la terre qui nous porte, nous nourrit et nous réchauffe. Un faucon a atterri près de moi. J’ai posé la hache pour ne pas l’effrayer. Il est resté immobile un long moment, me fixant d’un regard lourd de reproche, et puis il s’est envolé. Je l’ai suivi des yeux tandis qu’il planait haut dans le ciel limpide, décrivant au dessus de moi des cercles parfaits. J’enviais sa grâce fluide, j’admirais la précision de sa trajectoire, et je me disais qu’il devait être heureux là-haut, libre et léger, et il me trouvait sûrement stupide de rester collé au sol comme un vulgaire lapin, alors que lui tutoyait les nuages. Je l’ai tellement regardé qu’il m’a semblé sentir le vent du soir fouetter mon front en sueur ; j’avais des ailes puissantes au bout de mes bras ridicules, et je voyais par ses yeux mon monde familier devenir mesquin et banal. Et puis le premier volet a claqué, et j’ai sursauté. J’ai filé au puits, rentré deux seaux d’eau.
« Tu as nourri les poules ?
- Non, pas encore.
- Dépêche-toi ! Le dîner est prêt. Regarde donc s’il n’y aurait pas quelques oeufs. Et le foin pour les vaches ?
- J’y vais.
- Vian, je ne peux pas continuer à te dire toujours ce que tu as à faire ! »
Elle est si belle, avec son fichu bleu qui fait éclater des myosotis dans ses grands yeux sévères. Taquin, je l’enlace, je l’embrasse dans le cou et je libère ses longs cheveux bruns qui sentent le miel et la cannelle. Même si le parfum du ragoût envahit la cuisine (romarin, thym, tomate... agneau ?), le repas pourrait attendre... Elle se dégage, faussement furieuse.
« Voyou ! Regarde ce que tu as fait ! Je suis toute décoiffée ! Ce n’est vraiment pas le moment ! Presse-toi, la nuit va tomber... et si tu traînes trop, le ragoût sera brûlé ! »
Je me hâte en riant, c’est toujours dimanche depuis que j’ai épousé Domia, ma belle princesse.
« Tu t’es lavé les mains ? »
Je me lave les mains. Le nouveau savon qu’elle a ramené du marché fleure bon la lavande, on se croirait en été.
« Demain il faudra tuer un lapin, mon frère vient dîner avec sa femme. Tu n’as pas assez arrosé les courgettes, j’ai vu deux plants qui piquaient du nez. »
Je tuerai un lapin. J’ai horreur de ça. Je n’aime pas sa belle-soeur non plus, elle trouve toujours à redire, et son mari la laisse faire. Mais si ça fait plaisir à Domia...
« Où sont les oeufs ? »
Je les ai laissés dans le poulailler. En sortant, je vois une lumière briller, loin devant, juste sur l’horizon.
« C’est quoi cette lumière ?
- Vian, les oeufs ! »
Je vais, je reviens. La lumière est toujours là. C’est trop fort pour un feu de camp, et il n’y a pas de maison à cet endroit. Enfin, il n’y en a jamais eu.
Dans la nuit, j’ai soif, je me lève sans bruit. C’est plus fort que moi, j’ouvre la porte. Toujours cette lumière. Une nouvelle maison, avec un fanal sur le devant, qui brillerait toute la nuit ? Cela n’a pas de sens.



Les adieux s’éternisent sur le pas de la porte.
« Mets plus de thym, la prochaine fois », recommande notre chère belle-soeur tandis que son mari, impassible, patiente depuis un certain temps sur le siège de la charrette. La lune est pleine, rouge comme la braise, majestueuse et insolite. Et cette lumière, là-bas...
Je n’y tiens plus.
« Modeste, tu sais ce que c’est que cette lumière ? »
Mon beau-frère jette un oeil torve vers l’objet de ma curiosité.
« Ben, c’est une lumière.
- Tu sais si quelqu’un a bâti une maison ? Ca doit être entre Saint Léon et Caussidières...
- J’y vais pas, dans ce coin. Assez à faire ici. »
Je referme la porte.
« Julia a raison. Il faut repeindre les volets, ça s’écaille de partout, ce n’est pas digne.
- Je le ferai, bien sûr. Mais là j’ai le foin à couper, et après il y aura les moissons...
- Le foin peut bien attendre un jour ou deux. Et tu n’as toujours pas nettoyé le poulailler. La cheminée tire moins bien depuis quelques jours. Et le potager est envahi d’herbes folles... »



« Regarde comme j’ai bien travaillé ! Les volets sont repeints, les poules sont au propre, le potager est désherbé... Et j’ai fini de rentrer le foin. Si demain on allait faire un petit tour tous les deux ? On prendrait la charrette, on irait se promener tout l’après-midi, rien que toi et moi. Ulysse fait du lard, il ne travaille pas assez, on le ferait trotter un peu sur les chemins... Et puis tu te reposerais, tu dénouerais tes cheveux, je les verrais voler au vent, et...
- Ah non, demain j’ai promis à ma mère de l’aider pour la lessive. Ulysse va très bien, c’est l’herbe de printemps qui le ballonne, tu n’as qu’à lui donner moins de grain.
- Après-demain, alors ?
- Tu plaisantes ? Après-demain, c’est jour de marché, je dois aller acheter des torchons, et j’ai besoin aussi d’une bassine en cuivre pour les confitures, de tissu pour faire des rideaux, et...
- Mais, mon amour... Je ne suis pas sûr... Tu sais, nous n’avons pas beaucoup d’argent...
- Papa viendra avec moi. »
Son ton est définitif. Papa est riche, lui. C’est lui qui a acheté la maison, les vaches, les poules, les semences, la charrue, le cheval. Moi, je ne suis qu’un va nu pieds. Je ravale ma fierté.



Mais la lumière est toujours là et elle m’attire irrésistiblement.
« J’ai un peu de temps avant les moissons. Alors, puisque tu ne seras pas là de la journée, je vais aller voir là-bas, si je trouve d’où vient cette lumière.
- C’est stupide, Vian. Tu as autre chose à faire.
- Rien qui ne puisse attendre. Et j’ai envie d’y aller. »
Mon amour hausse les épaules.
« Je serai rentré ce soir, et sans doute avant toi.
- « J’ai envie », ce n’est pas une raison suffisante. Tu pourrais couper un peu plus de bois, ou vérifier que le vent n’a pas emporté les tuiles.
- Oui, mais je vais y aller.
- Eh oui, bien sûr ! Mon père m’avait prévenue : épouse ce fils de vagabond, tu ne seras pas déçue ! Un jour ou l’autre, il repartira ! »
Ce coup-là me va droit au coeur. Mais je ne veux pas me mettre en colère, j’aime Domia.
« Je ne suis pas un fils de vagabond. J’ai juste été recueilli par des vagabonds, qui m’ont confié à Carita, et elle m’a élevé avec autant d’amour que si j’avais été son fils.
- Oui, oui... Cette pauvre folle n’avait pas un sou vaillant, elle a vécu toute sa vie de la charité des autres... et de celle de mon père en premier...
- Elle travaillait ! Elle lavait le linge, elle reprisait et raccommodait pour les autres !
- Et elle t’a fait travailler aussi, plus qu’aucun enfant du village ! »
C’est moi, maintenant, qui hausse les épaules.
« Et alors ? J’étais fier de l’aider. On n’était pas riches, mais on était heureux. »
Mon amour ricane.
« J’espère que tu souhaites mieux pour nous deux qu’une bicoque délabrée et trois poules malades !
- Mais tant qu’on s’aime, Domia, le reste n’a aucune importance !
- Tu n’es qu’un rêveur et un paresseux. Moi je veux que nos enfants ne manquent de rien, et qu’on se retourne sur leur passage en disant : «Comme ils sont beaux, avec leurs joues bien rondes et bien rouges ! Comme ils sont bien habillés ! Voilà des enfants heureux ! »
Je n’ai pas envie de me disputer avec elle. Elle monte dans la charrette, ravie d’avoir eu le dernier mot. J’enfourne dans mes poches un quignon de pain, un morceau de fromage, mon couteau et trois abricots. Le coeur battant, je referme la porte derrière moi.




C’est une belle journée de printemps. Ca sent l’aubépine et le chèvrefeuille. Une petite brise fait bruisser les trembles qui bordent le chemin. Il faut que je marche vite si je veux être rentré avant la nuit. Et même avant Domia...
Les ombres raccourcissent, il doit être près de midi. Devant moi la plaine s’étend jusqu’à l’horizon. Le blé a bien levé, et son vert tendre oscille gracieusement dans le vent. Je ne connais pas de couleur plus parfaite que ce vert-là, intense et joyeux à la fois, rassurant, prometteur. En face, ce sont des champs de colza, dont l’or éblouissant m’émerveille chaque année. Un essaim d’abeilles passe au dessus de ma tête. Elles sont admirables de ténacité et de dévouement. Mais je les plains. Je suis sûr qu’elles ne prennent jamais un moment pour admirer les couleurs du monde, pour humer les délices de ce printemps ensoleillé, juste un moment à ne rien faire, pour se sentir vivant et heureux de l’être...
L’herbe est haute à présent sur le chemin, on dirait que personne n’est passé ici depuis des lustres. A ma gauche, la luzerne est en fleurs, jolies petites touches d’un violet pâle sur le vert mat des feuilles allongées. Si Ulysse était là, il se jetterait dessus ! Je ne laisserais brouter que quelques plantes, sur le bord, ça serait du vol et puis ça pourrait le rendre malade. Mais juste un peu... A droite, d’un petit bosquet touffu se dégage une odeur humide de champignons... Si j’avais le temps... Ce soir, en rentrant, je m’arrêterai. Même si je reviens tard, Domia me pardonnera. Elle adore les champignons. Je ne sais pas si je trouverai des girolles, mais peut-être quelques cèpes...Tiens, j’en ai l’eau à la bouche, j’ai faim ! Je croque mon pain et mon fromage sans cesser de marcher, je crache mes noyaux d’abricots en espérant qu’ils germent et donnent de beaux arbres vigoureux...
Je marche depuis ce matin, et toujours pas l’ombre de la moindre maison. Pas malin, aussi, de faire ça en plein jour. Et si je ne suis pas dans la bonne direction ? La nuit, la lumière m’aurait guidé. Mais si, je vois la petite butte de Caussidières au loin sur la gauche. Et il me semble deviner la pointe du clocher de Saint Léon de l’autre côté. Je suis sûr que je vais trouver. De toute façon, je n’avais pas le choix. Je n’ose imaginer les hurlements de Domia si je l’avais laissée seule une nuit ! C’est une enfant gâtée, seule fille après quatre garçons, habituée à ce que chacun cède au moindre de ses caprices – et son père en premier. Mais, par un miracle inexplicable, elle m’a trouvé à son goût, elle qui rayonne comme le soleil, maîtresse brûlante d’un monde soumis.
Ce n’est pas que je sois fatigué... Mais ces herbes hautes sont vraiment tentantes, et Carita disait toujours : « Une bonne sieste chaque jour te gardera en santé jusqu’au dernier. » Avec Domia, ce n’est pas souvent possible. Elle a toujours quelque chose à me faire faire. Quand je peux m’éloigner un peu, je respecte ce rituel régénérant en pensant à ma chère Carita, que son âme repose en paix. Je souris toujours quand je pense à elle. Elle m’a tant donné ! Elle me regardait comme si j’étais un ange descendu du ciel, et son émerveillement m’ôtait toute envie de lui déplaire. Elle voyait toujours le bon côté des choses, et elle pouvait rire de tout. Je me souviens qu’un jour, sous un grand vent d’est, le toit de la vieille masure s’était envolé pendant que nous étions au potager. D’autres auraient crié, se seraient lamentés sur leur sort. Elle avait ri.
« Eh bien, nous n’aurons plus besoin de sortir pour contempler les étoiles ! »
Tiens, là, c’est bien. Un châtaignier déploie son ombre claire, et l’herbe est fine et drue. Je me mets à genoux. Le soleil et le vent ont séché la pluie d’avant-hier, l’herbe ploie sous mon poids, disposant un tapis moelleux et complice. La terre m’invite au repos, comme une amie accueillante. Au ras du sol, cachée entre deux longs pieds de dactyle, une petite touffe de violettes me fait don de son parfum sucré. Domia rêve d’aller vivre un jour dans une grande ville, où les dames portent des bijoux rutilants et où les rues sont pavées de pierres. Mais comment pourrais-je me passer de la chaleur de la terre, de sa bonté infinie, de ses senteurs familières ? Je ne connais pas de plus grande richesse qu’une grange remplie de foin. Si, bien sûr, le blé qui remplit les sacs... Mais le foin, lui, embaume mon coeur. Je ne connais aucun parfum qui soit aussi enivrant. C’est comme un accomplissement, un sourire, une promesse...
Je m’étire. Je ferme les yeux. Le bonheur qui monte en moi détend mes muscles et me fait soupirer d’aise. Quand l’heure sera venue, je voudrais mourir dans l’herbe, un jour de printemps comme celui-ci ; je me laisserai glisser lentement pour retourner à la terre, et je lui rendrai ma substance pour que de nouvelles vies puissent germer...




Combien de temps ai-je dormi ? Trop, sans doute. Le soleil s’incline vers l’horizon, et Domia va rentrer avant moi ! Je me dresse d’un bond et droit devant moi je la vois, toujours là, toujours brillante... Je suis près du but ! Si je rentre en pleine nuit... Mais avoir fait tout ce chemin pour rien ! Je vais rattraper le temps perdu. Je me mets à courir comme si ma vie en dépendait, jusqu’à ce que mes jambes se mettent à trembler et que mon coeur menace d’exploser. J’y arriverai ! Je marcherai toute la nuit s’il le faut. J’arrive à la hauteur d’un petit bois de chênes.
« Non, non, laissez-moi ! Au secours ! »
Ce cri de femme vient du boqueteau. Il y fait plus sombre, il n’y a pas de chemin, mais je me précipite à travers les taillis et les buissons, m’accrochant aux ronces et sautant par-dessus les branches mortes qui jonchent le sol.
« J’arrive ! »
Je trouve un sentier, je cours plus vite ; je débouche sur une clairière où deux soldats maltraitent une femme aux cheveux gris, qui se débat autant qu’elle peut. Son panier plein de champignons s’est renversé. Deux chevaux broutent tout près, indifférents au drame.
« Arrêtez ! »
Ils la laissent, me font face, dégainent leurs épées et s’avancent vers moi, en souriant méchamment. Je saisis une branche morte bien droite. Pourvu qu’elle tienne ! Je n’ai jamais aimé me battre, je n’ai jamais été très doué non plus. Enfant, je me suis fait rosser plus d’une fois, et souvent par les frères de Domia. J’implore Saint Christophe dont je porte la médaille autour du cou. Domia disait que c’était un bon Saint, avec Saint François qui parlait aux animaux. Ils sont plus vieux que moi, sûrement aguerris. L’un est grand et maigre, l’autre petit et trapu. Ne pas attendre, attaquer le premier. C’est ce que me dit une voix dans ma tête. Je tiens fermement mon bâton à deux mains. J’aurai peur plus tard, si Dieu le veut. Je bondis comme un chat sur une souris, et je frappe le grand à l’épaule tout en lançant ma jambe vers sa tête. Il s’écroule. L’autre fonce sur moi, je pirouette pour esquiver sa lame qui frôle mon bras, et dans mon élan j’abats mon bâton sur sa nuque. Le premier se relève mais je cours vers les chevaux et je claque la croupe du plus proche ; ils détalent sur le sentier par lequel je suis arrivé.
« Oh là ! » crie le grand en vain. Perdre leurs chevaux les ennuie plus que de me laisser la vie, et les voilà tous deux qui filent maladroitement à la poursuite de leurs montures.
« Grand merci, petit ! A mon âge, je ne pensais pas attirer encore la convoitise des hommes... »
J’aide la femme à se relever. Mon coeur bat la chamade, mais elle a l’air tout à fait tranquille à présent. Elle ramasse un à un les champignons éparpillés. « Il vaudrait mieux ne pas rester ici...
- Tu n’as pas tort, mais je ne vais pas leur laisser le dîner. Oh... »
Elle porte la main à ses reins.
« Ils m’ont fait mal, ces gueux ! » me sourit-elle après une grimace de douleur.
Je lui tends mon bras pour qu’elle s’y appuie.
« La roulotte est par là ».
La nuit est presque noire. La lumière attendra. J’entends l’orage gronder au loin, et le temps de sortir du bois, voilà que le vent se lève et que l’averse nous tombe dessus. Elle ne peut pas marcher vite et s’en excuse.
« Vous êtes vivante, c’est ce qui compte, » et je suis sincère. Bientôt nous arrivons au campement. Six roulottes sont arrêtées en cercle dans un pré récemment fauché, et une vingtaine de personnes se précipitent vers nous quand nous entrons dans la clarté des deux feux allumés au centre du camp. Ils parlent tous fort, avec une émotion évidente, dans un dialecte que je ne comprends pas. La femme leur répond, elle les calme et les rassure, et ils me sourient, les femmes joignent les mains et les hommes me félicitent d’une bourrade dans l’épaule. Un homme âgé serre la femme dans ses bras et me dit :
« Tu restes manger avec nous. Zéphy, va chercher une de mes chemises pour notre ami. Et prends- lui aussi ma veste noire. Et une couverture. On dirait un chaton qui a sauté dans une flaque ! »
La pluie a cessé, ils ont fait rôtir des lapins et cuire les champignons. J’ai regardé plusieurs fois vers l’est mais je n’ai pas revu la lumière ; sans doute est-elle masquée par le bois. Altaïr, la vieille femme et l’épouse du chef, a touché ma médaille de saint Christophe en hochant la tête. Sa fille Zéphyra ne cesse de remplir mon assiette des meilleurs morceaux, en me regardant comme si j’étais l’archange Gabriel en personne. Et le vieux, le chef, Mistral, m’a fait asseoir à sa droite.
« Altaïr m’a dit que tu t’étais bien battu !
- J’ai eu de la chance, surtout. Je n’ai pas trop l’habitude.
- Tu as fait preuve de courage, de force et d’intelligence. Si tu veux, tu peux marcher avec nous. Jamais je ne voudrais gêner un homme qui a sauvé la vie de ma femme, mais... où allais-tu, tout seul, en pleine nuit, sans arme ni bagage ? »
Je lui raconte la lumière. Il sourit, sans me répondre, et remplit mon verre de vin.
« Vous l’avez vue ? Vous savez ce que c’est ? Vous allez me dire que c’était complètement stupide de partir comme ça... Domia doit être folle d’inquiétude... et de rage, aussi... Mais c’est plus fort que moi... »
Quand je me tais je m’aperçois que tous les voyageurs ont fait silence. Mistral me regarde d’un air grave, et hoche la tête.
« Qui t’a donné cette médaille ?
- Je ne sais pas. Je l’ai toujours portée. On m’a dit que j’avais été trouvé au bord d’une route par des vagabonds, qui m’ont confié à ma mère adoptive ; je ne savais pas encore marcher, et j’avais cette médaille autour du cou.
- Dis-lui », intervient Altaïr à l’intention de Mistral. « Dis-lui, il le mérite. »
Le vieil homme entrouvre sa chemise et me montre, noyée entre les longs poils de son torse grisonnant, une médaille toute semblable à la mienne. Aussitôt, les hommes, les femmes et même les enfants dégagent leur cou où pend la même breloque.
« Tous les membres de la communauté du voyage portent cette médaille depuis le jour de leur naissance. Il peut nous arriver, par des temps de disette, de confier quelques enfants à des sédentaires, pour qu’ils ne meurent pas de faim. Il se peut aussi que ceux qui t’ont d’abord trouvé n’aient pas pu te garder pour une raison ou une autre. Nous sommes souvent pourchassés et traqués. Mais une chose est sûre, tu es des nôtres !
- Mais... la lumière ?
- Ce n’est pas une quelconque lumière. C’est une étoile de saint Christophe. Elle brille pour un voyageur en particulier, quand elle veut l’appeler. D’autres la voient, mais ils restent indifférents. Celle-là est pour toi.
- Alors... Ca ne sert à rien que je continue, l’étoile m’a mené à vous pour que je sache d’où je venais. Je peux rentrer chez moi.
- Si tu ne la vois plus, oui. »
Je saute sur mes pieds, je cours vers l’est jusqu’à la limite du bois. L’étoile est toujours là. La tête basse, je reviens au camp, je ne comprends pas, je suis perdu. En voyant ma mine, Altaïr a tout deviné.
« Tu n’as pas fini ton chemin, mon garçon.
- Mais Domia... ma femme... Je ne peux pas la laisser comme ça !
- Tu vas devoir choisir. »
Les mots de Mistral me broient le coeur.
« Ce n’est pas juste ! Ni pour moi ni pour elle ! Nous nous aimions, nous étions heureux ensemble !
- Tu vois, tu en parles déjà au passé. Bien sûr, tu peux encore revenir sur tes pas.
- Mais ?
- Mais l’étoile t’appellera encore et encore.
- Mais pourquoi ? Pourquoi moi ?
- Je n’en sais rien. Tu le découvriras le jour où ton étoile s’éteindra, le jour où elle t’aura mené à ton but.
- Ce n’est pas juste... »
Je ferme mes yeux brûlants, je recouvre mon visage de mes mains, j’ai l’impression que tout s’effondre autour de moi, comme le jour où j’ai perdu Carita.
« Et pourtant, le lendemain, tu as rencontré Domia sur le chemin, et elle t’a embrassé sur la joue, et elle t’a serré la main très fort... Et tu l’as épousée six mois après... »
Je lève la tête, effaré. C’est une petite fille de sept ou huit ans qui m’a parlé, agenouillée devant moi. Mistral me sourit.
« Tramontana a le pouvoir de lire dans les âmes. En fait... nous avons tous un pouvoir. C’est pour cela que nous voyageons ensemble. Ensemble, nous sommes plus forts. »
Je secoue la tête.
« Ce n’est pas pour moi. Je sais juste cultiver la terre. Je ne sais rien faire d’autre. »
Mistral éclate de rire, et avec lui tous les autres ; mais il n’y a rien de méchant dans leur hilarité, ils rient juste comme devant un enfant qui dit une bêtise.
« Le don n’apparaît que pendant le voyage », affirme Mistral. « Sois donc un peu patient. »
Comme je ne réponds rien, il ajoute :
« Tu n’es pas obligé de décider ce soir. Laisse la nuit conseiller ton coeur. »
Je m’apprête à me coucher, dans la grande couverture bleue que m’a prêtée Altaïr. Mais quelque chose ne va pas. Le ciel est tout clair à présent et la lune au premier quartier se balance au milieu des étoiles ; elle est distante mais elle n’est pas hostile. Carita disait que j’avais des yeux de chat, et c’est vrai que dans l’obscurité je vois mieux que beaucoup d’autres. Je me laisse guider par ce sentiment d’inquiétude étrange. Je franchis le cercle des chariots, je vois les chevaux en liberté qui sont rassemblés près d’un des leurs, couché à terre et agité de spasmes. Son ventre est tendu comme un tambour, il souffre... Il ?
« Mistral ! Altaïr ! Venez vite ! Une jument est en train de mettre bas ! »
Je m’approche. La bête est toute haletante, presque épuisée. Une membrane bombée obstrue sa vulve dilatée. Je ne sais pas ce que je fais, mais de mes doigts repliés en griffes je déchire le tissu élastique et tiède et un flot de liquide chaud me gicle au visage. J’agrippe quelque chose, je tire doucement vers le bas, doucement, il ne faut pas aller trop vite, c’est ce que j’entends dans ma tête.
La jument se relève un peu, et elle murmure:
« Il est presque là. Laisse-moi un peu de temps, je vais y arriver... »
Les autres nous entourent, des torches à la main. Je les arrête d’un geste.
« Attendez ! Ne la touchez pas ! Elle a dit qu’elle pouvait... »
La nuit est silencieuse et parfumée. De cette petite odeur fraîche et humide des nuits de printemps, où le matin dégouttera de rosée. Dans un râle d’effort, la jument pousse... et le poulain apparaît jusqu’au poitrail, les yeux déjà grand ouverts sur le monde, le poil collé, les naseaux dilatés cherchant l’air de la nuit... La mère retombe au sol dans un grand soupir. Je dégage doucement le reste du corps, encore tout enveloppé des membranes protectrices. Je le soulève, je porte devant la tête de la jument, qui commence à le lécher et à grignoter ses entraves fibreuses. J’ai encore envie de pleurer. Qu’est-ce qui m’arrive ?
« Eh bien ! Toi qui pensais n’avoir aucun pouvoir ! Et tu en as un autre, celui de mettre à mal ma garde-robe ! Te voilà encore trempé ! Quoi, tu doutes de mes paroles ? Depuis que Fofo est pleine, aucun de nous n’a pu seulement l’approcher ! Elle a suivi le groupe, en liberté, reculant chaque fois qu’on tendait juste la main vers elle. Je me trompe, ou elle t’a parlé ? Alors, tu vois bien... »
Je ne sais que dire. Ce que je sais, c’est que je suis fatigué jusqu’au vertige. Je ne ferai plus un pas ce soir. La jument s’est relevée, et instinctivement j’ai guidé le petit museau de velours vers les tétines gonflées. Quand le poulain a été rassasié, la mère s’est recouchée en gardant l’encolure bien droite, comme font les chevaux quand ils veulent se reposer tout en surveillant les alentours. Le petit s’est lové contre la chaleur de son flanc, et je me suis calé entre les deux. J’ai senti confusément que quelqu’un me recouvrait d’une couverture, et je me suis abandonné dans cette moiteur sucrée qui sentait bon le lait et le musc.
Au matin j’ai suivi les voyageurs, la tête encore tout embrumée de sommeil. Au détour du bois, j’ai vu le long ruban clair de la route se dérouler devant moi jusqu’à l’infini, et je l’ai trouvée plus belle que la plus belle des étoiles. Mon coeur s’est mis à battre plus fort, pressé par l’urgence vitale de la parcourir. Si j’étais un cheval, je m’élancerais dans un galop effréné ; je verrais autour de moi les paysages changer sans cesse et je les dépasserais, triomphant et fier, admirant chaque chose et pressé d’en voir d’autres, riche de ma vitesse et libre de ne rien posséder.
J’irai à mon rythme d’homme, plus lentement mais sans moins d’impatience.
Domia ne sera pas en peine pour les récoltes. Ses frères peuvent l’aider, et son père a largement de quoi embaucher des tâcherons. Elle se consolera sans doute dans d’autres bras, eh bien, je peux le comprendre. Moi j’ai rendez-vous avec une étoile, quelque part entre ici et le bout du monde.


(à suivre...)
Narwa Roquen, telle un Lapin Blanc, avec une veste et une montre à gousset...

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2012-12-09 12:41:46 

 CommentaireDétails
La suite! La suite!
Un univers dans lequel on entre facilement et dont on n'a plus envie de sortir. Sa Domia me semble, moi, bien antipathique, du coup on est bien heureux que les choses se passent comme ça.
Et bigre, c'est fou comme les odeurs sont importantes pour nous mettre dans l'ambiance! Quand on lit un texte, on voit les images devant les yeux, mais ça n'est rien d'autre qu'un film, encore lointain. Si on met le nez dans l'herbe ou contre le flanc de la jument, là, on est vraiment dans l'histoire!

Merci!
Elemm', qui continue à classer ses dossiers : pas pressé/ à faire bientôt/ urgent/ très urgent/ trop tard.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-12-09 23:06:01 

 Commentaire Maedhros, exercice n° 113Détails
Comm Maedhros n°113





Quel bel hommage à Tolkien que ce texte d’heroic fantasy, dans la plus pure tradition du genre ! Le Maître eût sans doute été plus sobre, mais ton style soutenu à la limite de l’emphase nous emporte dans un dépaysement total. L’histoire est bien construite, cohérente et forte. Mieux encore, elle a du sens. Celui qui a demandé au Roi de choisir le devoir plutôt que le bonheur a lui-même fait le même choix, quoiqu’il le taise. L’histoire se répète, dans l’ombre ou la lumière, et les Premiers Nés ne sont pas si différents des Hommes. Cette trouvaille des routes créées par les Elfes, pour protéger les hommes des créatures maléfiques, est tout à fait originale. Il ne s’agit pas d’un road movie, mais la route est le héros principal du texte. Bien vu !

Bricoles :
- Nous verrons bien si la patience et la méthode viendront à bout : j’aurais mis la phrase au négatif (ne viendront pas...)
- Le Roi écouta ses paroles : j’aurais dit « ces », même si les deux sont possibles
- Il se rappelait des batailles légendaires : il se rappelait les
- Afin que tous se souvienne du don : souviennent
- Aucun souci de concordance des temps, je suis épatée !



Ton texte regorge d’indications concernant la lumière ; on a l’impression que tu décris les scènes que tu vois dans ta tête, et on pourrait sans peine en faire un film, toutes les précisions y sont. En ce qui concerne les odeurs, tu avais très bien commencé dans le premier paragraphe... et puis on trouve quatre phrases pour tout le reste du récit... Quant aux points virgules... J’ai eu beau chercher et chercher encore...
Mais je ne vais pas bouder mon plaisir pour autant. Le texte est rempli de passages merveilleux, comme celui des fantômes de tentes, celui où les arbres poussent à travers les morts, et toute la dernière partie, avec le chant des routes. Mais pour moi le plus beau, c’est ce paragraphe sur « un moment singulier où le monde oscille entre le passé et le futur ». Ca, c’est non seulement de la faërie, c’est vraiment féérique.


Tu surfes un peu au dessus des consignes... mais ce texte est magnifique !
Narwa Roquen,Lapin Blanc avec des étoiles dans les yeux...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-12-15 20:02:14 

 Astrauto-stoppeur.Détails
C’est un texte impressionnant que tu nous as livré là Onirian ! A la fois, un voyage intérieur, transcendantal, symbolique et une expérience de mort imminente. La route est effectivement au centre de l’histoire et elle existe dans les deux dimensions. D’un côté, elle est passive et ne fait qu’accentuer les désirs morbides du héros déprimé et de l’autre, elle est active et apporte une sorte de catharsis.

Par ailleurs, le handicap dont souffre le héros, l’anosmie, est un élément très bien trouvé et s’insère de façon intéressante dans le contexte. D’une part, il répond habilement aux consignes en permettant de décrire les nouvelles sensations olfactives qui désorientent le héros. D’autre part, il n’est pas gratuit et uniquement destiné à cocher une case.

Enfin, cette route dédoublée est une trouvaille géniale. Elle m’a un peu fait penser au roman de Silverberg, le fleuve de l’éternité, même si celui-ci n’est absolument pas comparable. J’aime beaucoup la façon dont tu décris ce voyage immobile, intérieur sur cette route qui, si j’ai bien compris, ne mène nulle part où plus précisément ramène au point de départ, avec une qualité d’écriture fluide et épurée. J’aime bien aussi le parallélisme inversé des deux routes : la route symbolique tranche est en quelque sorte le négatif (ou le positif) du ruban de bitume de la réalité.

Le retour à la réalité est également bien raconté, toujours sur le mode émotif que tu exprimes avec talent et ce depuis plusieurs textes. Enfin, la chute finale boucle avec l’histoire dans le message de la petite amie laissé sur le portable.
Bien joué !

Au rayon des bricoles :
-« ...senti une mon coeur... » : ??
-« ... Si, ne ment pas... » : ne mens pas...
-« Tu es certains... » : Tu es certain..
-« ... une des seules odeurs que j'ai spontanément apprécié.. » : une des seules odeurs que j'ai spontanément appréciée(s) .
-« ... une petite pile de bois mort que je n'avais pas remarqué » : une petite pile de bois mort que je n'avais pas remarquée.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-12-17 22:31:44 

 Commentaire Onirian, exercice n°113Détails
Effectivement le texte s’inscrit plus dans le registre du fantastique que dans celui de la faërie, dommage ! D’autant que le passage dans un monde parallèle à l’occasion d’une perte de connaissance - procédé classique - pouvait t’amener à décrire n’importe quel monde... Mais tu as préféré rester dans le tien, onirique, symbolique, poétique. J’aime bien la façon de s’adresser au lecteur en le tutoyant, sous couvert d’un personnage que l’on ne voit jamais, ce qui oblige le lecteur à devenir partie prenante. C’est un procédé très efficace, dont Maître Kipling savait user à merveille. L’idée de l’anosmie pour mettre en valeur la découverte des odeurs est astucieuse !
Le récit progresse entre flashes-back et présent ( mais est-ce vraiment un présent ?), scandé par ce leitmotiv « la route pourvoie ». La route est assimilée à une divinité omniprésente, providentielle et omnisciente, où le libre arbitre s’efface devant la destinée, et où la progression intérieure est la seule destination. Il y a un parcours initiatique dans ce périple, une sorte de deuxième chance...



Bricoles :
- Et si d’autres mourraient : mouraient (imparfait, pas conditionnel, après « si »)
- Parce que bandes blanches se troublaient : oubli de « les »
- C’est la première qui gagnait : c’était
- Tu es certains : un s de trop
- Tu ne sais même pas quoi je parle : oubli de « de »
- Appelons-là Alice : appelons-la
- Poil brûlé, chair qui cuit : il a fait cuire le lapin dans sa peau ?
- Par petite touche : à mettre au pluriel
- La première règle de toute celle : toutes celles
- Je saurais m’en procurer une autre : je saurai
- Quelques fois : quelquefois
- Quand je serai revenu l’autre côté : oubli de « de »
- La revoir exactement telle que je l’ai laissé : laissée
- Une douleur sourde envahi : envahit
- Abrutit par la douleur : abruti
- Je ne comprends pas vraiment ce qu’il me raconte...mon attention sur ce qu’il raconte : répétition
- A quoi ça a servit tout ça. : servi, et le ? à la fin
- Chambre bleue ciel : bleu ciel
- Tube qui rentre : qui entre ; mais « le tube dans ma bouche » suffit
- Elle s’est approchée et les as touchées : les a
- Vous pourrez probablement... il faudra probablement... : répétition
- Ces kilomètres que j’ai parcouru : parcourus
- N’apprend-t-on donc jamais : « n’apprend-on » suffira ; on prononce « t », mais on ne l’écrit pas

L’atterrissage, si je puis dire, est décrit de manière très réaliste. Et la fin est souriante. C’est un bon texte, qui respecte l’essentiel de la consigne, et qui a du sens. C’est une sorte de plaidoyer pour le lâcher prise, puisque « la route pourvoie ». J’ai trouvé une jolie phrase pour illustrer ça, d’un illustre inconnu ( pour moi) nommé Henry Ellis « l’art de vivre consiste en un subtil mélange entre lâcher prise et tenir bon. » J’adhère !
Narwa Roquen,en Italie on dit :"Dio vede et Dio provvede" ( Dieu voit et Dieu pourvoit) t

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-12-23 16:12:59 

 Deux pigeons s'aimaient d’amour tendre…Détails
... mais l’un d’eux s’ennuyait au logis (La Fontaine). J’espère que celui-ci ne reviendra pas dans le même état après avoir goûté l’air du large et ne rentrera pas au logis à moitié-vivant et traînant l’aile.

Domia, Domina, maitresse et mégère. Diantre, la belle ne trouve pas grâce et ses yeux de Chimène font pousser au contraire des ailes dans le dos de son amoureux qui piaffe d’impatience et tourne en rond dans son manège. Cependant, je trouve qu’il se dédouane à relativement bon compte et efface assez facilement une vie devenue subitement trop étroite, lui dont les ailes semblent l’empêcher de marcher !

En tout cas, tu brosses dès l’ouverture, le portrait d’un rêveur des nuages qui semble fasciner par la lumière brillant au bout du chemin qui se perd derrière l’horizon.

Tu utilises subtilement les images qui débordent du cadre de sa vie : la liberté de l’oiseau en haut des cieux, la lumière tutélaire, enfin, tout ce qui peut l‘emmener ou qui l’appelle loin de là où il est. De fait, attiré par sa bonne étoile, il rejoint son peuple, celui qui vit sur la route. Il va se réinsérer harmonieusement parmi les bohémiens. La manifestation du don qu’il détient sera le signe de reconnaissance qui l’admet définitivement dans la tribu en mouvement, à l’instar de la médaille de naissance qu’il porte autour du cou.

Comme d’habitude, les péripéties ne manquent pas. La rencontre avec Altaïr (un nom d’étoile qui signifie l’aigle en vol - mention spéciale pour le choix des noms qui sont empreints de la liberté des vents) en est la parfaite illustration. En visite sur la toile, j’ai reconnu la région qui s’étend au sud-est de Toulouse, une région magnifique qui recèle de nombreux trésors.

Contrairement à ton serviteur, tu as respecté scrupuleusement la consigne. La route est à la fois vecteur d’émancipation et univers des gens du voyage. Les parfums, les arômes, les odeurs confèrent à l’histoire une dimension particulière qui effectivement s’adresse à un sens peu sollicité en général par le texte. De même pour les points-virgules qui parsèment le récit. Je note néanmoins qu’il s’agit du début d’une plus longue aventure. J’attends donc la suite avec impatience !

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-06-07 11:18:30 

 Commentaire WA 113 : NarwaDétails
Le début est efficace, posant rapidement ton personnage de rêveur, lunaire et gamin, et sa
femme acariatre, jamais satisfaite. J'aime bien tes descriptions qui évoquent les cinq sens et la beauté de la nature.
Le beau-frère la voit, la lumière ? Tiens, c'est curieux.
Je me suis demandé plein de fois pourquoi Domia a épousé Vian. Fille de riche, elle devait avoir pas mal de prétendants et il devait forcément s'en trouver un qui amènerait de l'argent. Leur mariage semble récent donc j'ai du mal à imaginer qu'elle puisse l'avoir aimé avant.
Bon, les histoires de ferveur religieuse, ce n'est pas mon trip donc je suis passée vite fait sur les anges etc...
J'ai trouvé la scène où Vian parle de sa femme au passé beaucoup trop rapide. Il est censé être éperdumment amoureux d'elle. Elle représente sa vie et il l'abandonne en une minute ? Cela ne me parait pas crédible.
Pour mon édification personnelle, il s'agit de quel peuple, tes gens du voyage ? Je suis totalement ignare en la matière et je confonds tous les peuples mais quand je me représente les tziganes, j'imagine de belles roulottes peintes et des violons virtuoses. Et quand je me représente les gitans, j'imagine des femmes brunes aux robes brodées de sequins dansant autour d'un feu de camp. Bref, concilier ces images mentales avec les gens du voyage que l'on voit de nos jours, transformant le moindre espace vert en décharge et abandonnant leurs enfants d'un an sur les trottoirs, est difficile. Du coup, je me demande souvent ce que sont devenus les premiers et s'ils sont les ancètres de ceux qu'on voit aujourd'hui.

Au final, une histoire dans un style agréable, avec tes motifs de d'habitude (exaltation de la vie campagnarde, chevaux, vieille femme pleine de sagesse, le mariage vu comme une prison)et juste deux trois raccourcis génant ma compréhension.

Trucs et bidules : rien trouvé !

Est', en pleine lecture.

PS : j'en profite pour te féliciter pour ton inventivité en terme de thèmes ! Je ne sais pas comment tu fais mais ils sont toujours aussi variés et intéressants !

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-06-07 11:23:57 

 Commentaire WA 113 : OnirianDétails
Bien joué l'emploi de phrases nominales au début. Le fait que le narrateur s'adresse directement au lecteur donne un style.
J'ai tiqué sur "je le vois dans ton regard". Cela suggère que le narrateur s'adresse au lecteur en face à face, lui raconte son histoire après coup. Ce n'était pas ce que j'avais supposé au départ.
Originale l'absence d'odorat de ton personnage. C'est super bien joué pour la consigne !
Pour un type qui vient de basculer dans une autre dimension, je trouve le choix du prénom Alice plein de sens ;o)
Tiens, dans ton histoire on mange du lapin comme dans celle de Narwa ! Ca doit être le plat type du routard.
Par moments, je me suis pas mal embrouillée sur qui parle et à qui.
Je ne sais pas quoi penser de la fin. Tu laisses peu d'indices sur l'expérience vécue par ton héros. Rêve ou réalité ? Sa vision aura-t-elle un effet quelconque sur le réel ? Lui a-t-elle juste permis de réfléchir, de prendre du recul ? Qu'en a-t-il retiré ?
Au final, un texte énigmatique, que je ne trouve pas hors sujet, qui aurait bénéficié d'une relecture de plus pour corrections de bidules.

Trucs et bidules :
"il était environ de vingt deux heures" : manque un mot
"simplement parce que bandes blanches se troublaient" : manque un mot
"J'avais senti une mon coeur" : un mot en trop !
"Si, ne ment pas" : conjugaison
"Le soleil brillait au firmament d'un immense ciel bleu, il me réchauffait le visage." : à mon avis, t'as deux phrases, là.
"je vois que tu ne sais même pas quoi je parle" : manque un mot
"Juste, je n'avais aucune raison de rester là" : ça se dit ?
"J'ignorai alors que j'entendrai" : conjugaison
"ce vieux bonhomme sorti de nulle part m'a sorti ça" : répétition de sorti
"Abrutit par la douleur" : abruti

Est', et hop !

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-06-07 15:12:05 

 Commentaire WA 113 : MaedhrosDétails
Le début de ton histoire m'a beaucoup fait sourire car il me rappelait l'album d'Asterix, Le domaine des dieux. Je croyais voir les hordes romaines abbattre les arbres et j'attendais les facétieux gaulois avec leurs glands magiques !
Poétique, la description de ton moment entre hier et demain. Et je l'ai déjà ressenti, ce moment-là. On est comme suspendu entre deux journées et comme dans aucune d'elles à la fois.
La ville où habite le roi est donc très proche de la forêt ? Pas étonnant que celle-ci le dérange.
"débraillés et braillards" : ça sonne bien, ça !
Ah la classe, la vengeance de la forêt ! J'aime beaucoup ! Et j'avais donc raison sur la repousse rapide de la forêt, même si elle n'implique pas de gaulois ni de druide !
Tes premiers nés repartis sur leurs vaisseaux font furieusement penser aux elfes du Seigneur des anneaux.
C'est quoi un thyrse ? Et céphéide ?
Rho punaise, quel choix cornélien que ce roi qui doit sacrifier son enfant ! Et j'aime la manière dont ses cheveux blanchissent. Ce genre de symbole fait très conte de fées et j'aime les contes de fées et leurs codes.
"quand il entendit une voix enfantine crier son nom à tue-tête, il comprit qu’il rentrait vivant dans son tombeau." : c'est beau ça.
J'ai été étonnée que tu parles de curieux venus voir le sarcophage, puisqu'il me semblait que personne n'osait traverser la forêt. Et ta princesse dans son cercueil de verre me fait penser à Blanche-neige.
J'ai moins aimé la deuxième partie du texte, plus contemplative, moins codifiée conte de fée. Et j'aurais aimé une jonction plus nette entre les deux parties, comme par exemple un nouveau flash back sur la construction de la route.
Au final, j'ai adoré la première partie du texte, un conte tragique, au style élégant, truffé de magnifiques images.

Trucs et bidules :
"Il faisait froid et humide, l’hiver approchait." : je pense que c'est plutôt un point virgule
"Il accourait du Nord, descendant les pentes enneigées des Montagnes des Dieux qui s’élevaient plus au nord." : répétition de nord
"Lui ne se dirigeait pas vers l’estuaire du grand fleuve où les ruines altières d’une ancienne cité se dressaient encore au-dessus d’un port en eau profonde où plus aucun navire ne s’amarrait." : rho punaise, du Proust ! (^-^) Je l'aurais coupée en deux, cette phrase
"Si je ne me conformais pas à cette exigence, une tache noire s’étendra en mon coeur" : concordance des temps, deux choix possibles : 1- conformais/s'étendrait, 2- conforme/s'étendra
"« Non... bredouilla-t-il d’une voix." : manque un adjectif là ?

Est', bientôt le week end !

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-06-09 11:44:13 

 Merci pour ta lectureDétails
Alors, pour répondre à tes questions :

- Thyrse : Dans la mythologie grecque, puis romaine, le thyrse est un grand bâton évoquant un sceptre.
(source : wikipédia).

Et voici une illustration....

- Céphéide : une étoile céphéide est une étoile qui pulse selon un rythme très régulier. La première étoile céphéide découverte a été Delta Cephei, dans la constellation de Céphée (d'où son le nom générique). J'ai utilisé cette propriété pour marquer la relation singulière entre l'étoile et le berger (des routes).

M

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