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  WA - Participation exercice n°128 - II Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 23 mars 2014 à 20:15:35
Bien, voici la suite... la fin arrive bientôt... bon courage Narwa...

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Le Trésor était un caisson de bois précieux. Les premières analyses, non invasives, avaient déterminé qu’il s’agissait d’une essence primitive ayant essaimé dans le sillage des conquistadors des étoiles. Ces guerriers qui franchirent le pont des étoiles, un foudroyeur dans une main et un sac de graines génétiquement modifiées dans l’autre. Cette essence était la lointaine parente des conifères géants, aux fûts rouges et noueux, à la ramure hérissée et persistante, qui peuplaient les versants ensoleillés des planètes façonnées à l’image sublimée de l’ancien berceau de l’Humanité. Le coffre était un assemblage de lourds panneaux taillés dans une seule pièce de bois tendre aux tons doux et à la patine presque féminine. Ils étaient parcourus de veines blondes et lumineuses qui semblaient avoir été méticuleusement dessinées par un artiste. Elles racontaient, chacune, une histoire différente. L’ensemble constituait un cube parfait d’une toise de hauteur. Un homme cube.

Chaque face comportait un motif gravé si finement qu’il n’était discernable que lorsque une lumière réglée sur une longueur d’onde bien spécifique le frappait selon un angle très rasant. Alors naissaient sous le regard augmenté des chercheurs une équerre, un fil à plomb, un compas, une équerre, ciseau et un maillet, pulsant doucement d’une lueur irisée. Ces symboles ésotériques éveillèrent des échos inquiétants parmi les congrégations millénaristes qui attendaient la déchirure des cieux et l’invasion des monstres du Chaos.

Des vecteurs quantiques furent suscités dans la profondeur de l’hexaèdre régulier. Des rayons éphémères, qui n’existèrent dans la même dimension temporelle que le temps d’un silence musical, balayèrent le graphe hexaédrique. Ils révélèrent la présence de tubes de métal rangés selon un plan pyramidal dont la base comprenait neuf unités. Quarante-cinq tubes d’or massif flottaient à l’intérieur du cube sans jamais perdre leur ordonnancement géométrique, même lorsqu’ils furent soumis aux plus fortes contraintes. Ils étaient maintenus par une énergie non mesurable et d’origine inconnue. Les rayons fantômes se firent alors plus inquisiteurs et rien ne put échapper à leurs investigations. Il fallut cependant dériver vers les concentrateurs qui les alimentaient la quasi-totalité de la production énergétique du réseau interplanétaire. Chaque seconde d’analyse engloutissait la consommation annuelle d’une cité de plusieurs millions d’habitants. Ce prix exorbitant était cependant dérisoire au regard du mystère à percer. Mais les tubes résistèrent au rayonnement, la matière dont ils étaient composés se révélant totalement étanche.

Sur les planètes lointaines, agglutinés sur les agoras, les pèlerins, en foules compactes, ânonnaient les mantras de conjuration, reprenant à perdre haleine le rituel scandé par les prêtres blancs qui se balançaient d’avant en arrière. Derrière des véhicules anti-émeute, les Unités Singes se tenaient immobiles, sanglées dans leurs uniformes noirs, les visages cachés sous des masques simiesques.

Alors, il fallut prendre quelque risque. On convoqua une petite machine zéro conscience. Sa carapace segmentée, ses graciles pattes d’araignée, ses antennes de télécommunication et ses pinces préhensiles la faisaient ressembler aux crustacés carnassiers qui peuplaient les hauts fonds bordant le continent austral de Jodelle, l’une des sept planètes jumelles du système de la Pléiade. D’abord, elle découpa au laser d’or, un regard guère plus épais qu’un cheveu où elle glissa lentement un long filament moléculaire. Celui-ci se tortilla en boucles ordonnées qui envahirent peu à peu tout l’espace disponible tout en le scannant en continu. Le coffre et les tubes demeurèrent inertes. L’énergie inconnue ne s’échappa pas dans la salle de confinement hautement sécurisée creusée au plus profond du satellite artificiel stabilisé à l’extrême limite de l’horizon des évènements d’un trou noir acheminé pour l’occasion.

A des centaines de milliers de kilomètres du satellite, un cybergardien, dénué de tout sentiment humain, était prêt à désarrimer le satellite de ses ancres énergétiques pour le faire basculer irrémédiablement dans le puits gravitationnel au fond duquel bouillonnait une singularité moirée. Il n’y avait que des avatars biochimiques qui s’affairaient dans les salles souterraines. Des pantins hors de prix, animés à distance. Seul le personnel technique du satellite était humain.

Une ouverture plus importante mutila le panneau de bois. Cette fois, la petite machine s’introduisit lentement à l’intérieur du coffre. Ses antennes frémissaient comme si elle ressentait une émotion impossible. Des bruits métalliques qui roulèrent en cascade s’élevèrent peu après. Ce n’était que les tubes qui tombaient sur le sol. L’énergie mystérieuse qui les suspendait dans le vide s’était brutalement évanouie. La petite machine attendit les ordres, ses longues antennes orientées vers la découpe du panneau. Elle avait esquivé deux cylindres qui avaient roulé jusqu’à elle mais ne put s’écarter de la trajectoire d’un troisième. Il cogna durement contre sa carapace segmentée, la repoussant contre le bois. Elle ne réussit pas à se dégager, bloquée par les tubes qui s’amoncelaient devant elle. Une diode se mit à clignoter sous son ventre. Une diode rougeoyante. La petite machine appelait à l’aide. Mais qu’était-elle? Un petit amas de rouages et de technologie aisément remplaçable. Heureusement, elle ignorait tout cela. Alors, elle suivit les instructions de son programme. Qu’elle soit ou non sauvée l’importait peu, pourvu que le code fut respecté.

L’Empereur s’impatienta. Son temps était précieux. Plus précieux que la valeur de tout ce que contenait le satellite. Plus précieux que cet étrange legs de la planète-mère désertée. Il donna ses ordres.

Le panneau mutilé fut ouvert sans autre forme de procès par une escouade de petites machines zéro conscience. Les tubes furent emmenés vers une autre salle, encore plus profonde, encore plus sécurisée. Les consignes et les procédures ont ceci d’admirable qu’elles sont bien plus puissantes à la fin que ceux qui les avaient prescrites. Bien sûr, personne ne remarqua que la diode rouge de la petite machine prisonnière s’était éteinte. Ses longues antennes frémirent à nouveau de façon inexplicable. Mais cela passa totalement inaperçu dans le feu de l’action. Personne ne compta la cohorte de petites machines qui transportaient les tubes en une longue procession le long de couloirs immaculés. Il y avait pourtant une unité surnuméraire. Aucun cylindre n’était visible entre ses pinces puisque le code n’avait pas été mis à jour. Alors pourquoi suivait-elle ses semblables en l’absence de tout ordre donné en ce sens? En observant plus attentivement sous son ventre, on aurait pu remarquer que la minuscule diode s’allumait encore par intermittence. Une couleur chatoyante où dansaient l’ambre et le carmin, le fauve et le cyan. Une couleur inédite. Une couleur étrangère. Une couleur impossible à produire par les frustres circuits de la petite machine.

Les tubes étaient munis d’un couvercle vissé à une extrémité. Une fois l’opercule retiré, le tube révéla qu’il contenait de fines feuilles dont la texture rappelait le papier. Elles formaient un rouleau très serré qui comprenait plus de mille feuillets numérotés. Chaque feuillet était recouvert de nombreuses lignes d’une écriture serrée et régulière. Une fois tous les cylindres ouverts, près de cinquante mille feuillets jonchaient le sol, mis en tas par les petites machines zéro conscience. Elles exécutaient les ordres des avatars agglutinés de l’autre côté de la vitre blindée de la salle d’exploration, eux-mêmes commandés depuis une base en orbite autour de la plus proche planète.

L’Empereur parla à nouveau.

Les avatars pénétrèrent dans la pièce où les tubes étaient éparpillés sur le sol. Les techniciens humains pâlirent un petit peu plus et leurs pensées se tournèrent vers le cybergardien qui avait leur destin entre les mains. Quand l’avatar en chef essaya de lire le premier feuillet qui tremblait dans sa main reconstituée, il renonça très vite. C’était une langue parfaitement inconnue. Une langue morte plutôt. Une langue originelle qui n’avait plus cours dans l’Empire. Dix mille ans. Les flots du temps avaient englouti le passé. Dix mille ans. Le Jugement et ses attendus avait effacé toute trace du système rebelle. L’évolution naturelle avait fait le reste. Les mots qui étaient formés sur ce papier synthétique étaient incompréhensibles.

Les machines de traduction semi-conscientes refusèrent de répondre aux sollicitations et aucune autorité, même l’Empereur, ne put réduire leur résistance. Le Jugement était irréfragable, supérieure à la plus haute norme, fut-elle impériale. Avaient-elles dans leur mémoire profonde un espace réservé aux langues pré-Barrière ? Elles ne répondirent pas non plus sur ce point là. Les procédures et les consignes. C’était toujours la même vieille histoire.

Cependant, la nature humaine est ainsi faite qu’elle ne renonce jamais. C’est sans doute sa plus grande force et l’origine de ses plus grandes erreurs. L’Empereur réunit un groupe d’experts et les enferma au sommet de la plus haute tour du palais impérial, sous la garde d’une unité entière de Singes. Il leur mit un marché en main. Il ne les libèrerait que lorsqu’ils auraient décrypté cette langue disparue. Aucune visite ne fut permise. Aucune distraction. Plusieurs devinrent fous et se précipitèrent du haut de la tour qui culminait à plus de huit kilomètres au-dessus du niveau de la mer. Ils moururent bien avant d’avoir heurté le sol.

Les autres s’attelèrent au travail, redécouvrant l’art ancestral de la traduction. L’exercice n’était pas à proprement parler de traduire une langue totalement étrangère. Les langues véhiculaires de l’Empire dérivaient des langues originelles de la planète-mère mais le chemin avait été très long. Les experts firent notamment appel à la psychotypologie de l’apprenant pour évaluer la distance typologique entre la langue morte et les langues vivantes. Cette technique mobilisait toutes les connaissances lexicales, grammaticales et phonologiques disponibles pour identifier les ressemblances permettant de relier un mot de la langue cible avec un mot d’une langue de référence. Et, à défaut d’un mot entier, au moins un phonème, un graphème voire un morphème. Les dimensions flexionnelles de la langue à décrypter furent également une lutte de tous les instants.

Il fallut aux experts, aidés par quelques machines zéro conscience forcément très limitées mais dévouées et non inhibées, démêler les subtilités des langues fléchies, des substantifs déclinables ou non, qui marquaient ou non le genre qui, lui, pouvait découler parfois du déterminant mais parfois du lexème. Sans compter tous les autres pièges qui faisaient s’écrouler des constructions élégantes et prometteuses mais in fine inconsistantes ou qui menaient les travaux dans des impasses stériles et chronophages.

Ce fut un travail de fourmi compte tenu de l’énorme distance qui séparait les langues véhiculaires de l’Empire et la langue disparue. Le labeur du groupe d’experts dura près de dix ans. L’Empereur les avait avertis. Le groupe devait fournir une traduction fiable et fidèle des cinquante mille feuillets. La moindre incohérence serait sanctionnée par le saut de la Foi. Jeté du haut de la Tour, celui qui survivrait à la chute serait gracié. Aussi, les traducteurs impériaux remirent encore et encore leur ouvrage sur le métier. Ils ne s’aperçurent jamais qu’une petite machine zéro conscience leur avait donné, aux moments stratégiques, le petit coup de pouce nécessaire qui leur permit de faire progresser significativement leur travail. Une petite machine qui cachait sous son ventre une diode s’illuminant de temps à autre d’une couleur chatoyante.

Enfin, lors d’une belle soirée printanière, quand le soleil dardait ses nouveaux rayons sur une nature renaissante, embrasant les collines qui moutonnaient au pied du Palais Impérial, une audience exceptionnelle fut organisée. Les Hauts Seigneurs des Régions Etoilées furent convoqués. Venus en grand nombre, ils se pressaient sur la galerie qui ceignait la salle des Honneurs, collections scintillantes de vêtures multicolores et de perruques poudrées. Un Ambassadeur plénipotentiaire des Gnomes Forgerons avait également été convié, reconnaissable à sa haute stature et à ses longs cheveux blancs qui ruisselaient sur ses épaules. Il portait avec prestance une cuirasse d’apparat annelée et sur sa hanche, le pommeau ouvragé d’une épée dépassait d’un fourreau damasquiné. Il se tenait sur le premier degré du Trône monumental qui resplendissait d’une aura bleutée et glaciale.

La vision de l’Empereur était terrifiante pour celui qui n’y était pas préparé. Son statut divin écrasait ses adorateurs qui ne pouvaient que s’agenouiller à ses pieds pour ne pas défaillir à sa vue. Ses traits étaient parfaits. Il ne pouvait en être autrement. Sa taille était celle d’un géant et sa force celle d’un titan. Son esprit était pénétrant et il pouvait, par la pensée, toucher d’autres esprits, même à très grande distance. Il avait une voix de stentor et ses mots retentissaient comme le tonnerre. C’était l’Empereur. C’était un Dieu.

Devant le Trône, une estrade avait été installée. Sur cette estrade, un pupitre en verre avait été installé, entouré de part et d’autre par deux rangées de sièges. Sur le rebord antérieur du pupitre affleurait la bouche grillagée d’un micro. Cramponné à la tablette se tenait le porte-parole du groupe d’experts. Ses collègues étaient assis sur les sièges. Ils faisaient bonne figure mais leur teint était assez pâle.

Quand le soleil frôla l’horizon, la voix de l’Empereur résonna dans l’hémicycle :

« Il est temps de lire, Traducteur ! »

(à suivre)

M


  
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3 Commentaire Maedhros, exercice n°128, I et II - Narwa Roquen (Mer 9 avr 2014 à 22:31)


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