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 WA, exercice n°137 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 11 decembre 2014 à 23:06:56
Oui, on l’a déjà fait, dans la WA 31. Oh, vous avez oublié ? Il s’agit de fiction scientifique. A priori, de la SF, mais tous les genres sont permis, tant qu’il y a un savant étrange et une théorie scientifique qui pourrait changer le monde – enfin, le Monde que vous aurez créé. Voilà qui vous ouvre de vastes horizons, dans lesquels votre talent pourra se déployer à sa pleine mesure.
En cette période troublée – course aux cadeaux, réceptions, famille, vacances, bilans de fin d’année et autres intempéries – je me doute que vous n’aurez pas que ça à faire ( et moi non plus d’ailleurs). Alors, restons cool, laissons lentement l’histoire infuser dans nos têtes, entre une tranche de foie gras ( du sud-ouest), un chapon farci et une bûche... Vous avez jusqu’au jeudi 22 janvier, pour pouvoir attaquer ça tranquillement une fois les décorations de Noël enfin rangées dans les cartons. Tiens, une suggestion : si jamais vous êtes coincé dans un repas interminable, avec des gens qui vous ennuient ou pire, qui vous agacent, servez-vous-en comme modèles pour quelques personnages ; ça vous distraira, vous n’aurez pas l’impression de perdre votre temps et ça vous permettra même de rester aimable. Assurez-vous seulement qu’ils ne liront jamais votre texte, parce que s’ils se reconnaissent, le clash est garanti !
Tous mes voeux vous accompagnent. Rien ne vaut la communion secrète entre un auteur et son texte, ce moment tranquille de bonheur où l’on est soi et plus encore. Et si vous avez un moment, allez jeter un oeil sur le discours de Modiano pour le Nobel. A mon avis, ça ne vaut pas celui de Camus, mais c’est intéressant.
Narwa Roquen, la reine du foie gras au Jurançon et piment d'Espelette


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-02-03 19:28:42 

 WA - Participation exercice n°137 (edit)Détails
L'INSOUTENABLE LEGERETE D'ELECTRE



La bande-son

J'ai lu quelque part que votre conception de l'univers était sans doute faussée par votre limite intellectuelle à appréhender sa véritable nature. Une controverse est née à propos de savoir si l'information qui tombe dans un trou noir est définitivement perdue. Dans cette ère d'information continue, un bit d'information qui s'évapore au-delà de l'horizon d'une étoile effondrée sur elle-même apparaît, somme toute, assez dérisoire. Et pourtant, cette simple hypothèse a divisé les rangs des meilleurs physiciens. Bien sûr, leurs joutes se sont déroulées à fleurets mouchetés et leurs assauts ont rivalisé d'affable courtoisie. Evidemment, aucun de ces éminents chercheurs ne s'est rué sur un partisan de l'autre camp, ivre de fureur, une hache entre les mains, prêt à en découdre et à faire gicler le sang.

Naturellement, je n'interviens jamais dans leurs discussions enflammées. Je n'apprends rien d'eux mais je me targue d'aligner dans les dîners mondains quelques phrases bien senties sur le sujet, qui donnent l'illusion du savoir. Cela suffit amplement. Qu'importe de connaître de quoi est fait l'horizon d'un trou noir ou la signification du rayonnement d'Hawking. Le principal, dans ce genre d'occasion, c'est d'être spirituel et de choisir avec la précision d'un missile intercontinental, la créature avec laquelle on a décidé de finir la nuit. La patine scientifique que je m'évertue à entretenir me confère un net avantage sur les stars du petit écran et la valetaille politique avec qui je partage les canapés du buffet. A partir de minuit, la chasse est ouverte et c'est chacun pour soi.

J'ai lu les meilleurs livres de vulgarisation écrits par les meilleurs physiciens du moment. Cela m'aide à ne pas aborder des savoirs qu'ils ne soupçonnent pas. Je ne peux être anachronique. Ainsi, pour les fameux trous noirs, j'avais ingurgité une somme assez incroyable de notions prédigérées. J'avais en tête les images les plus saisissantes et ma phrase d'accroche pour minette près du bar était bien rodée :

"Un trou noir n'a pas de cheveu. Ah ah ah... ce n'est pas comme vous, chère amie ! Vous avez une extraordinaire chevelure et ce blond vénitien est des plus ravissants! Mais ce vieux Wheeler... Quoi, Wheeler ? John Wheeler, l'un des plus brillants physiciens du siècle dernier! Il était sourcilleux sur l'épilation des astres occlus. Saviez-vous, ma chère, que c'est ce bon vieux Johnny qui les a rebaptisés "trous noirs"! Quoi, vous aussi, vous êtes sensible à cet aspect des choses? Oh, vous m'en voyez charmé, très chère! Si j'osais, je vous dirais bien la véritable expression que cet honorable scientifique a utilisée mais je crains que cela... Quoi, si vous insistez, je ne peux rien refuser à une ravissante personne telle que vous! En réalité, il a dit que les trous noirs n'avaient pas de poils! Quel polisson! Oh, vous rougissez, Mademoiselle!"

Emballez, c'est pesé! C'est la raison pour laquelle j'ai toujours un faible pour la physique des objets célestes. Et croyez-moi, celles qui partent à mon bras vers deux heures du matin, possèdent vraiment des corps d’étoiles, des corps sublimes. Quand je les suis du regard, j’entends la musique des sphères ! Le sexe, c'est vraiment magique, pour un être comme moi. Une fusion sans cesse renouvelée. Le sexe, c'est la chose la plus extraordinaire qui m'ait été donné de découvrir et dont je ne me lasse pas.

Attention, je suis certainement un parasite superficiel et vénal, intéressé par l'argent et les femmes faciles. Mais, même pour moi, il faut un certain talent pour se maintenir sur la vague. Il faut surfer parmi les requins et ne jamais perdre de vue la côte. Les temps sont cyniques. Tout s'accélère de nos jours. On dirait que vous manquez de temps. Il faut aller vite en tout domaine. De plus en plus vite. Le temps et la vitesse, des notions si liées dans votre univers ! Si dissociées dans le mien !

Je vais vous raconter mon histoire. Elle n'est pas longue. D'ailleurs, il vaut mieux parce que le temps est compté. Quelle cruelle ironie ! Ce n'est pas juste une image, c'est la plus aride des réalités. Bientôt, je ne serai plus. Pas plus que vous ! De tous les horizons, de tous les temps, il vient, vous savez! Il vient pour moi. J'ai esquivé le rendez-vous le plus longtemps possible mais tout a une fin. Vous comme moi.

En fait, les événements vont se produire de façon inéluctable. J'ai suspendu la course du temps afin de m'accorder une brève parenthèse et vous donner l’illusion d’une narration. Nous sommes sur le fil, là où il n'y a ni avant ni après ; où le présent se rétrécit le long d'un filament qui ne possède qu'une unique dimension. En lisant ces lignes, votre existence est suspendue dans une sorte de paradoxe temporel, une répétition d'intervalles de plus en plus courts qui ralentit le flux du temps et retarde l'instant où tout va se dénouer. Rappelez-vous du paradoxe de Zénon, c'est une assez bonne illustration. La flèche parcourt toujours la moitié de la distance qui la sépare de la cible. Comme il y a une infinité de moitiés, l'écoulement du temps est de plus en plus lent et il s'étire comme un élastique. Plus le but se rapproche, plus le temps se fige. En réalité, c'est un peu plus compliqué que ça mais sachez que, vous comme moi, nous sommes actuellement hors de l'emprise directe du sablier. Il faudra vous contenter de ces explications fragmentaires pour le moment. Je suis la voix dans votre tête et l'univers qui vous entoure n'est plus qu'un reflet distant et imperceptible.

A ce stade, vous devez certainement penser que je suis schizophrène !

Pourtant, ce n'est pas ce que m'avait répondu doucement le psychiatre que j'avais consulté, il y a quelques années. Il m'avait écouté attentivement, les mains jointes en flèche sous son menton. A la fin de la visite, il m'avait gentiment conseillé de revenir le voir chaque semaine. Mon cas n'était pas si grave, m'avait-il assuré, mais il nécessitait néanmoins une assez longue prise en charge thérapeutique. J'avais acquiescé poliment bien entendu. Je lui avais payé sans broncher ses honoraires extravagants et j'avais consciencieusement noté le rendez-vous suivant. Avant de sortir de son cabinet, je lui avais longuement serré la main comme si nous étions déjà devenus d'excellents amis.

Mais, à peine revenu sur le trottoir, j'avais filé acheter un billet de train. Le premier en partance vers l'autre bout du pays. La destination n'avait pas eu d'importance. Dans ce genre de circonstance, mieux vaut ne pas réfléchir, ni vouloir suivre un plan préparé à l'avance. Il déchiffre toujours mon mouvement suivant, quel que soit le soin que je porte à mes stratégies d'évitement. J'avais payé en liquide au guichet de la gare. Pas de carte bancaire. Il surveille tout. Les flux de données n'ont aucun secret pour nous, juste des électrons qui coulent comme une rivière. Il était sur mes talons et ce psy était de toute évidence appointé par lui. Vous comprenez? Il aurait su exactement l'endroit et l'heure.

Je suis plutôt en bonne forme. La gente féminine n'est pas insensible à mes attraits. Mes lunettes rondes cerclées d'or me donnent un côté professoral et rassurant qui endort leur vigilance. Pas de ventre, je vais régulièrement à la salle de musculation. J'entretiens mon corps. Je pourrais le faire sans effort mais j'éprouve une vraie satisfaction à respecter vos standards. Mes cheveux garnissent plutôt agréablement mon crâne et une barbe de trois jours rehausse le velours de mes yeux.

Au total, j'ai mis au point un exemplaire assez réussi du genre « prédateur urbain ». J'ai un secret. Je suis un nomade, un inconnu dans la ville, quelque chose d’étranger sous mon apparence de mouton dans le troupeau. Les attaches ne sont pas faites pour moi. Ni femme ni enfants. Je ne rêve pas de la maison en banlieue où j'irai planter je ne sais quelles racines ou tubercules. Je ne rêve pas d'un statut social en particulier, ni d'une ascension étourdissante vers le sommet des buildings d'affaires qui surpassent les nuages. Je n'attends rien de la sorte. Mes désirs sont plus immédiats. Je suis moins fourmi que cigale. Mes revenus actuels sont fluctuants mais mon banquier me sourit quand j'ouvre sa page sur l'ordinateur. J'ai des papiers d'identité sur lesquels ma photo est toujours très ressemblante. Disons que je suis une sorte de squatter élégant et discret. Un squatter qui n'appartient pas à votre monde.

Je suis une ombre qui traverse la lumière en n'y laissant aucune trace. Cette image me plaît car elle est plus juste que beaucoup d'autres. Quand je voyage, je descends dans des hôtels cinq étoiles. J'adore leur décoration passe-partout malgré les efforts des designers qui s’évertuent à faire croire que l'art peut s'acheter au mètre ! Je demande toujours les étages supérieurs, une chambre avec vue panoramique. Et je paie cash.

Cependant, tous mes avions atterrissent un jour ou l'autre à Roissy. La Terre est ronde, même pour moi. Il y a quelque chose qui m'attire par ici. Paris ou Marseille. Toulouse ou Bordeaux. Nice ou Lyon. Des endroits que je hante volontiers. Ils possèdent des centres de gravité qui courbent l'espace et gauchissent mes trajectoires. Ils me ramènent tôt ou tard vers la France. Il me faut alors redoubler de prudence. Je ne suis jamais aussi près de lui que lorsque je suis en France. A Paris, j'élis domicile, au gré de ma fantaisie, dans l'un ou l'autre des hôtels particuliers qui se mirent dans la Seine. Leurs véritables propriétaires sont loin de se douter que je profite de leur absence pour faire mon nid, comme un coucou, dans leurs somptueux appartements. J'aime la lumière qui joue sur les ors et les marbres. J'aime cette atmosphère si caractéristique qui embaume subtilement l'encaustique et le vieux cuir. J'aime la qualité du silence qui enveloppe les objets hors de prix. J'aime les effluves de l'Histoire qui suintent, invisibles, des murs immaculés.

Je ne suis jamais seul quand j’attends dans une obscurité qui tient plus de la nuit américaine. Quand je dis cela, je ne parle pas des femmes endormies à mes côtés. J'évite le sommeil pour ne pas rêver. Les rêves sont dangereux. Ils forment des labyrinthes et, généralement, on se perd dans les labyrinthes. Pour moi, cela serait bien pire encore.

A ce stade de l'histoire, je dois vous parler de mon origine. Je viens d’un univers aux lois stupéfiantes. Les temps n’y ont jamais commencé. Là-bas, j’étais une virtualité, une somme de probabilités, une vibration délimitant un état qui n'est ni la vie, ni la mort, peut-être les deux à la fois. Je suis né lors d’un effondrement catastrophique de la fonction d’onde qui définissait, au moment de l’observation, l’ensemble de mes caractéristiques potentielles. Après l’émergence, j’étais un évadé quantique échoué par hasard dans votre dimension. Je suis le produit accidentel d’une expérience inédite, menée loin sous la surface de la terre, au fond d'un tunnel circulaire de 27 kilomètres qui s'étend entre la France et la Suisse. Je suis apparu le 21 septembre 2008, au cours d'un incident qui provoqua une fuite d’hélium. Si cette fuite n'entraîna qu'un long retard dans la mise en service de accélérateur de particules, la libération intempestive et inattendue de particules inconnues passa complètement inaperçue. Une pleine poignée de fermions affectés d'un moment angulaire intrinsèque atypique, au-delà des valeurs admissibles. Ma création. Au bout de la translation, j’ai envahi accidentellement le cortex reptilien d’un technicien qui constatait les dégâts à proximité du lieu de l’incident.

Je me suis progressivement acclimaté à votre dimension, si étrangère à la mienne, patientant dans la moiteur des lobes temporaux. J'ai apprivoisé d'abord le temps, cette notion d'écoulement qui était une nouveauté pour moi ! Ensuite, j'ai pris le contrôle du corps que j'avais investi. J'ai dompté sans difficulté les fulgurances électriques hybrides définissant ce que vous appelez la conscience. Ce fut facile, comme passer une éponge sur un tableau noir.

J'ai réécrit des lignes de codes à la volée, laissant ensuite les nouvelles protéines que j'avais créées coloniser le protéome. J'ai essaimé en reprogrammant les neurones, me propageant le long des fibres nerveuses. Mon hôte involontaire s'effaça sans s'en rendre compte. Avant mon intrusion, son doigt s’avançait vers le clavier de son terminal. L’instant d’après, je finissais son geste. Le temps n'est qu'une variable que je peux modifier à volonté.

Quand je sortis à l'air libre, je sentis la douce sensation des particules lumineuses qui traversaient mon nouveau corps. Je n’eus aucun mal à dialoguer avec vos machines électroniques et vos réseaux de données, puisque j’évolue à des vitesses nettement supérieures. J’ai pris d’autres identités. Les os me communiquent l’essentiel de mon carburant. Ils contiennent des atomes de potassium 40 radioactif, par millions de milliards, héritage du brasier atomique originel. Leurs désintégrations, plusieurs milliers de fois par seconde, nourrissent mes besoins et me permettent de résister à la décohérence qui provoquerait ma disparition instantanée de votre univers.

Mais je ne suis pas seul. Il y en a un autre être quantique, fait à mon image.

Connaissez-vous la notion d’intrication ? C’est une propriété de l’infiniment petit, comme la discontinuité, la dualité de la lumière ou l’indéterminisme. L'intrication correspond au principe de non-localité. J'avais croisé Einstein sur le quai de la gare de Berne, dans la première moitié du siècle dernier. Il devisait avec deux Allemands, je crois. J'étais tout près d'eux mais ils ne me virent pas. Ce genre de chose n'est pas très difficile pour moi. J’avais souri quand il leur avait parlé des variables cachées. A ses yeux, elles étaient censées expliquer le curieux phénomène ! Des variables cachées, autant dire une intervention divine ! Einstein s’était contenté d’une approche purement intellectuelle. Au bord du précipice quantique, cet extraordinaire esprit avait soudain eu peur du vide. Il n’y avait rien à quoi il pouvait se raccrocher. Juste nous, qui l’attendions tout en bas. Mais il ne nous a pas rejoints! J'ai le sentiment qu'il confondait l'infiniment petit et l'enfer et qu'il chercha en vain son Créateur dans les dimensions supérieures.

Bien des années après, je me suis arrangé pour faire partie de l’équipe d’Alain Aspect qui démontra que deux photons intriqués réagissaient de la même façon, quelle que soit la distance qui les séparait, répliquant le même mouvement au même instant. Plus tard, d’autres chercheurs démontrèrent, en améliorant la même expérience, que le temps lui-même n’existait pas pour les deux photons intriqués.

C'est une relation semblable qui nous unit, lui et moi. Je le connais bien. Nous sommes nés à la même seconde et il me ressemble tant que je pourrais sans douter l'aimer, bien plus qu’un frère aime son frère ; bien plus qu’un jumeau monozygote a besoin de sa copie génétique. Il est mon double intriqué, ce que vous appelleriez une bizarrerie de la nature. Il possède tous mes attributs. La matière qui forme les humains n’est qu’une vulgaire pâte à modeler entre nos mains. Nous la réarrangeons à notre guise. Nous obéissons à une interaction fondamentale qui vous est encore inconnue, une interaction qui s'affranchit du temps et de l'espace, qui nous attire irrémédiablement l'un vers l'autre. La cinquième interaction fondamentale. Enfin, nous devrions...

Car, en ce qui me concerne, j’essaie par tous les moyens de me libérer de cette emprise. De rompre ce lien invisible qui nous ramène inexorablement l’un vers l’autre. Mais lui, obstiné et immuable, il me poursuit. Il me traque sans cesse, braquant ses détecteurs sur les infimes traces qui signalent mon passage. Je revendique une permanence qu'il me refuse. Je réclame une indépendance qu'il me dénie. Je veux croire qu'il existe un asile où je serais hors de son atteinte. Mais je n'en trouve aucun. J'ai l'impression que cet univers est trop étriqué. De toutes mes forces, je me dérobe. Je connais son visage. Je connais son regard. Je n’ai aucun mérite. Je n'ai qu'à regarder dans un miroir.

D’abord, j’ai essayé de fuir en remontant la flèche du temps.

J’ai combattu sous les murailles de Jérusalem avec mes compagnons de croisade massés autour de moi, les flèches volant en tous sens au-dessus de nos têtes. J’étais aux côtés de Godefroy quand il entra dans la ville assiégée. J’ai vécu ensuite des jours paisibles dans le Royaume latin du Levant. Plus tard, quand les armées de Saladin s'avancèrent à leur tour, je me tins sur la brèche, non loin du mont des Oliviers, près du seigneur Balian, luttant pour repousser les assauts des incroyants. C’est là, de l’autre côté de l’empilement humain, que je croisai son regard. Il avait mon visage, peut-être un peu plus cuivré. Son cri se perdit dans le tumulte. Il se jeta furieusement dans la mêlée, son cimeterre décimant ceux qui se trouvaient sur son chemin, amis ou ennemis. Pas à pas, il se rapprocha de moi, rameutant à sa suite les troupes de Saladin qui commençaient à reculer. Quand il franchit une limite invisible, je sentis un frémissement quantique dans les liaisons de ma structure interne. La manifestation de la cinquième interaction fondamentale. Heureusement, une sorte de tornade très localisée souleva brusquement le sable de la plaine et noya les combattants dans ses furieuses volutes. Une obscurité hurlante enveloppa la muraille écroulée alors même que le soleil était encore haut sur l’horizon.

Soustrait à sa vue, je m'enfuis, mettant le plus de temps et d'espace entre nous. Je ressentis une douleur fulgurante. Une infime partie de mon être venait de m'être violemment arrachée. La douleur cuisante fut accompagnée d’un sentiment de perte inconsolable.

J’ai vécu de nombreuses existences. La mort ne signifie rien pour moi. C’est le miracle permanent de la grâce quantique. J'ai consommé de nombreuses vies avant de comprendre que la fuite n’était pas la solution. J’eus cette révélation loin dans le passé, selon vos critères d’écoulement temporel. La plénitude de la Renaissance touchait à son terme alors que le XVIème siècle s’éveillait à peine. Une époque particulièrement chère à mon coeur. Je séjournais en Italie, à Rome, où je fréquentais le palais apostolique. J’avais pris l'apparence d'un soldat, celle d'un mercenaire sans attache. Le Pape de Fer s’entourait volontiers d’une garde du même métal quand il conduisait ses campagnes militaires destinées à raffermir ses possessions.

J’étais un capitaine de fortune, à la tête d’une petite troupe d’aventuriers venus des quatre coins de l’Europe, attirés par l’appât du gain et la frénésie des sens. Les guerres d’Italie offraient un terrain de jeux absolument unique permettant d’explorer les méandres, sombres ou lumineux, de cette âme humaine qui me fascinait tant. La mort, sous toutes ses formes, y côtoyait le génie qui se libérait peu à peu de la gangue obscure du Moyen-âge. L’honneur et la loyauté étaient des valeurs négociables. Les alliances étaient versatiles. N’avais-je pas servi, quelques années auparavant, sous les ordres des cousins d’Alviano recrutés par la Sérénissime pour barrer la route à l’armée française, fer de lance de la Ligue de Cambrai mise en place par mon futur employeur, le pape Jules II? J’étais présent sur la colline d’Agnadel où la cavalerie française, Bayard à sa tête, balaya les bataillons et les espoirs vénitiens.

Quand la défaite devint imminente, je rompis unilatéralement mon allégeance à Venise, dont le sort était désormais scellé. Je me faufilai, avec mes compagnons, à travers les lignes ennemies. Nous nous fîmes passer pour des mercenaires Suisses, qui se battaient dans les deux camps. Au petit matin suivant, peu après le réveil, je vis le roi de France en grande discussion avec plusieurs seigneurs de sa suite. Louis XII était flanqué d’un ingénieur militaire dont l’apparence me frappa, quand il tourna la tête vers le maître artilleur de l’armée royale.

Je gravai son visage dans ma mémoire. Un nez aquilin surmontait une bouche qui disparaissait presque sous une longue barbe aux volutes soigneusement peignées. Il avait un front haut, encadré par de longs cheveux. Sous des sourcils fournis, ses yeux étaient étonnamment mobiles et attentifs. Tout, chez cet homme plus très jeune, respirait une intelligence et une sagesse hors du commun. Hors de son temps. C’était la première fois que je le rencontrais. Ce n'était pas la dernière.

Car je le revis, à peine deux ans plus tard. Il terminait une commande du Pape de Fer, ornant la voûte de la chapelle Sixtine. Je faisais partie de l’escorte qui accompagnait le Pontife dans une tournée d’inspection. Jules II s’impatientait. Les fresques promises prenaient plus de temps que prévu. La chapelle, encore encombrée d'objets hétéroclites, résonnait d'éclats de voix et de bruits d'outils mordant la pierre tendre. Quand je levai la tête, je ne vis d'abord pas grand chose ! Une bonne partie du plafond était cachée derrière une sorte de plate-forme en bois qui s'appuyait sur les murs latéraux. L’ingéniosité de ce merveilleux artiste était stupéfiante. Il avait conçu cet appareillage astucieux afin de pouvoir peindre debout, à la bonne distance du plafond.

Dès que le Pape pénétra dans la pénombre fraîche de la chapelle, Léonard, qui s'entretenait avec ses aides, s'avança et fit un profond salut. Il présenta d'abord au Saint Père ses esquisses et ses plans. Ensuite, à l’aide d’une longue baguette tendue vers la voûte, il lui désigna les emplacements où il avait prévu de placer les motifs bibliques. Pendant que le Pape et Léonard devisaient sur le calendrier des travaux et les modalités de rétribution, je déroulai la grande feuille de papier où était représentée, en réduction, la fresque sur laquelle l'artiste travaillait. C'était un dessin sans prétention, réalisé à l'encre et au lavis, qui utilisait pourtant des techniques de coordonnées spatiales très élaborées pour l'époque. La composition s'ordonnait autour d'un mouvement assez dynamique unissant l'homme à son créateur.

Celui-ci avait la paume de la main droite tournée vers le bas. Son visage bienveillant et lumineux adoucissait son geste qui ressemblait fort à un avertissement. La créature semblait au contraire implorer son créateur de ne pas l'abandonner, de ne pas la repousser hors de la lumière. Ses mains aux doigts tendus quémandaient comme celles d'un enfant qu'on arrachait aux bras de sa mère ! Une grande force se dégageait de ce dessin, malgré l'absence de couleurs et la sécheresse du trait.

Pourtant j'eus la sensation fulgurante que je pouvais aider Léonard à exprimer encore mieux son talent. Habilement, au départ du Pape, je restai en arrière et j'en profitai pour échanger quelques phrases anodines avec l'artiste. Quand je le saluai pour prendre congé, le bout de mon doigt effleura sa main. Cela suffit. Léonard resta rêveur, immobile comme une statue, me regardant m'éloigner. Puis il secoua la tête et, sortant de sa torpeur, appela ses aides qui accoururent aussitôt. Le Maître avait changé d'avis.

Des générations d'érudits se penchèrent sur la signification de cette fresque, sur le symbolisme de ce quasi-contact divin, sur cette étincelle divine qui instilla le souffle de la vie, la création de l'Homme par son Dieu. Je vais vous dire, moi, ce qu'il faut en penser, puisque j’en suis l’instigateur. Il n'y a ni Homme ni Dieu, ne cherchez pas. Celui que vous appelez Adam, c'est moi. Celui que vous appelez Dieu, n'est autre que mon infatigable poursuivant. Ce n'est pas une étincelle divine qui jaillit entre nos doigts. C'est la première manifestation d'une longue réaction en chaîne qui s'étendra à tout votre univers. Il ne s’agit pas de la création du monde, non, vous n’y êtes pas du tout. Cela annonce au contraire sa destruction, son annihilation au coeur d'une tempête quantique qui déchirera la cohérence de chaque atome, libérant les électrons et fissurant les noyaux sous une pression exponentielle qui tendra vers l'infini avant que tout s'effondre jusqu'au néant et au silence.

Léonard de Vinci m’a permis, involontairement, de regarder la vérité en face. Quoi que je fasse, quoi que je tente, j'ai compris que nos courses convergeraient inéluctablement l’une vers d’autre. Il n’y a aucune distance ni aucun temps qui pourraient différer ce rendez-vous quantique. Dès lors, je pris le parti de considérer cela comme seuls les Anglais sont capables de le faire. Il n’y a pas de danger quand on joue. Alors, j’affectai une nonchalance distanciée et un flegme détaché. Je décidai de jouer avec lui, fixant des règles qu'il ne respectait pas, bien évidemment. Personnellement, je ne me suis autorisé aucune entorse au règlement, quitte à accélérer la fin des temps. Enfin, la fin de vos temps. Les seules techniques auxquelles j'eus recours, je les empruntai aux plus grands stratèges et aux plus fins joueurs d’échecs. A plusieurs reprises, je démasquai mon double intriqué au tout dernier moment, quand il était si près de moi que je sentais déjà les picotements familiers électriser mon épiderme.

Il a pourtant tenté de varier les approches, se cachant sous des déguisements élaborés ou derrière des masques sophistiqués. Mais il ne réussissait pas à déroger aux propriétés de l’intrication dont la ressemblance était sans doute la plus exigeante. A chaque fois, un détail finissait par le trahir, m'offrant une étroite fenêtre de fuite. J’ai ainsi remporté de nombreuses victoires. Mais vous connaissez le proverbe : qu’importent les victoires passées si on perd la dernière. Et celle-là, je viens de la perdre, juste là, à l’instant.

Je nous maintiens toujours en équilibre sur le fil du temps mais ne vous faites aucune illusion, la fin n'est plus une potentialité. Elle est survenue. Je retarde simplement le moment où vous entendrez les trompettes de l'Apocalypse, pour employer une image qui vous est familière. Il ne reste plus beaucoup de bulles quantiques qui emprisonnent d’infimes portions de la réalité dans lesquelles vous flottez comme des flocons enfermés dans une boule à neige. Malgré toute ma puissance, j’arrive au bout de mes artifices. Laissez-vous guider par ma voix. Je vais vous décrire la fin de l'histoire. Quand j'en aurai terminé, fermez juste les yeux et laissez-vous aller, cela ne fera pas mal. Vous sentirez à peine le souffle de votre dernier soupir.

Je suis là, près du bar, un endroit stratégique pour me gaver de petits fours et siffler d’une traite les coupes que me tend le barman compréhensif. J'ai fait mon petit numéro bien rôdé mais ce soir, le gibier est rare et encore plus rares sont les gazelles qui s’approchent du point d’eau. Les conversations sont ennuyeuses à mourir. A travers la large baie ouverte, la Tour Eiffel scintille de mille feux. Je sors sur la vaste terrasse et marche jusqu’à la rambarde la plus éloignée. Là, des citronniers nains délivrent des parfums soutenus et les voix deviennent presque imperceptibles. Dans le ciel immobile, une lune ronde m'observe sans rien dire. Je porte la coupe à la bouche et le breuvage pétille sur ma langue . Bientôt, l’heure sera passée. Je ne tiendrai aucune femme entre mes bras. Il n’y aura pas de sexe cette nuit. Je m'adosse au garde-corps, rassemblant tant bien que mal les forces qui me permettront de quitter la réception. Je rentrerai seul sur le quai de Seine où j'ai pris mes quartiers.

C'est alors qu’une ombre se découpe dans l'encadrement de la baie. Elle fait un pas sur la terrasse, entrant dans le halo lumineux tissé par les spots d'ambiance cachés dans les massifs végétaux. C 'est une femme et elle correspond à tous mes critères : longues jambes, taille resserrée, poitrine avantageuse. Je ne parviens pas à définir la couleur de ses cheveux. Peut-être blonds, certainement clairs. Elle possède un visage anguleux comme celui des mannequins que j'affectionne : des pommettes hautes, une bouche aux lèvres délicatement ourlées et des yeux effilés. Je ne l'ai jamais vue auparavant. Elle est terriblement attirante. J'affecte un détachement olympien, à l'affût, tel ces grands crocodiles qui attendent patiemment, tapis sous la surface de la mare, à un mètre de la berge.

Elle hésite, se retourne, comme si quelqu’un la rappelait depuis l’intérieur du penthouse. Renoncera-t-elle si près du but? Elle semble soupeser les possibilités, suspendue dans son mouvement. Elle prend la pose, comme sur le podium d'un défilé de mode. Je détaille le sari ajouré qui épouse la fluidité de ses courbes en jouant vertigineusement avec les limites de la décence. Je devine la naissance de la poitrine où le profond sillon ombreux est une tendre tentation. Elle sera à moi cette nuit, j'en fais le serment. J'en tremble presque tandis qu'une houle s’élève dans ma poitrine, annonciatrice du désir. Elle se décide et, sans hésiter, vient s’accouder tout près de moi. Un parfum suave m''enveloppe. Tonalités poudrées et capiteuses. C'est un envoûtement sensuel auquel je m'abandonne malgré l'énergie qui s'amasse progressivement autour de nous. Elle plonge son regard magnétique dans le mien et je suis happé par une force irrésistible. Subjugué, incapable de recouvrer mon libre-arbitre, j'attends fébrilement le baiser que me promettent ses lèvres à l'ourlet parfait. Elle me murmure, dans un souffle tiède et parfumé :

« Je m'appelle Electre ».

Electre ?

Alors les voiles des apparences s'écartent dans la tempête qui fait rage. Derrière le masque de chair qui se recompose subtilement, je le reconnais enfin. Il exulte de l'autre côté du miroir. Dorénavant, plus rien ne pourra arrêter l'enchaînement des événements qui vont décomposer la trame du réel. Finalement, je ne peux pas me plaindre. A l'instar de tous les autres hommes, j'ai ressenti le coup de foudre. Comme je vous l'ai souvent répété, c'est toujours une histoire d'électrons !



M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-02-15 21:07:30 

 WA, exercice n°137, participationDétails
Quelque chose en eux de T.Nessi




« Avec cette formidable envie de vie... »
M. Berger




Laboratoire de Génétique Appliquée, Khenchela, avril 2342.
La mélodie du violon était audible depuis le fond du couloir. William, l’assistant de liaison, hésita un instant avant de frapper à la porte. Le professeur n’était pas commode... Mais quand il entendit « Merde, fa dièse ! », il entra sans hésiter.
« Professeur, professeur ! C’est maintenant ! »
L’homme en blouse blanche en se levant d’un bond bouscula son bureau – une simple planche posée sur des tréteaux. Tenant toujours son violon à la main, il précéda son jeune assistant dans les escaliers, et il était déjà entre le 26° et le 27° sous-sol, dégringolant chaque volée à la vitesse d’une tornade, quand le dernier feuillet virevoltant vint se poser mollement au milieu des livres et des dossiers qui jonchaient maintenant le sol carrelé de son bureau.
« Alors ?
- C’est en cours, monsieur. Là-bas, dans le coin à gauche.
- Mais zoomez, bordel, je n’y vois rien ! »
Le professeur, quittant la grande vitre sans tain, se tourna vers l’écran, ou plus exactement vers le drap blanc tendu sur le mur à sa droite. Allongée sur le sable au milieu de quatre de ses congénères, une créature noire et velue écartait les cuisses.
« Je peux avoir le son ?
- Oh pardon...
- Mais filtrez-moi ce bruit de fond, merde ! Ramsès, mon vieux, c’est un instant unique ! C’est la première ! »
Le technicien s’acharna sur les claviers.
« Allez, Cléopâtre, pousse encore. Là, c’est bien.
- Nous sommes avec toi. Ouvre-toi comme une fleur, laisse-le sortir... »
Le crâne apparut, puis la tête, puis en un glissement mouillé le corps tout entier, recueilli par deux grosses mains poilues qui le tendirent à la mère. Cléopâtre se redressa, coupa le cordon avec ses dents et enfouit presque la tête du nouveau-né dans sa bouche, en aspirant vigoureusement. Le bébé agita vivement ses bras et ses jambes et enfin... enfin ! poussa son premier cri, vigoureux et clair.
« Ouais ! Ouais ouais ouais et ouais ! Zoomez, Ramsès, zoomez, c’est un garçon ou une fille ?
- Un mâle, monsieur.
- Un garçon ! C’est un garçon ! »
Le professeur essuya une larme de joie d’un revers de manche, et la voix tremblante d’émotion il prononça ces mots qui furent reportés dans le Grand Livre Chronique.
« Mesdames, Messieurs, vous venez d’assister au plus grand évènement scientifique de ces trente dernières années. Ils peuvent se reproduire ! Notre mission est presque achevée. La Terre est sauvée ! »



Juillet 2348, grand amphithéâtre de Khenchela.

« Mesdames, Messieurs, Monsieur le Président, en tant que responsable du district de Khenchela, je vous souhaite à tous la bienvenue. Ce que vous allez voir et entendre ce matin restera, j’en suis sûre, à jamais gravé dans vos mémoires comme la plus extraordinaire conférence à laquelle vous ayez jamais assisté. Permettez-moi auparavant de resituer l’évènement dans son cadre historique.
En 2304, l’hiver dura 6 mois et des températures extrêmes furent remarquées dans les zones tempérées des deux hémisphères, atteignant -20°. En 2305, l’hiver dura 9 mois, avec, dans les mêmes zones, des températures de -30°. Il neigea sur l’équateur, il grêla sur le Sahara, et en février on nota -7° à Kinshasa. 2306 marque le début de ce que nous nommons la Nouvelle Ere Glaciaire, bien plus froide, semble-t-il, que tout ce que la terre ait jamais connu. L’orbite de notre planète a été déroutée pour une raison inconnue, et les températures extérieures varient entre -40° et +5° selon... les saisons, encore que la notion même de saison ne soit plus que théorique.
La population mondiale a été lourdement affectée par ces changements climatiques. Je ne calomnierai pas en affirmant que les gouvernements des différents Etats ont largement sous-estimé l’ampleur de la catastrophe. Au cours du grand black-out de 2306, quand toutes les transmissions se sont arrêtées, quand nous nous sommes tous retrouvés privés d’électricité, de téléphone et d’internet, il n’a plus été question d’attendre un hypothétique printemps. Survivre jour après jour a été notre seule priorité.
Nous sommes ici à Khenchela, sous les Monts Aurès, dans les territoires de l’ancienne Algérie. Aucun de vous n’ignore qu’un multimilliardaire, Stephen Works, que certains accusèrent de paranoïa et que d’autres appelèrent visionnaire, avait fait construire ici une véritable cité souterraine, redoutant une pollution extrême de la surface terrestre. Il avait choisi cet endroit à cause de ses célèbres sources chaudes, ressource naturelle permettant d’économiser de l’énergie. Il avait bien compris que telle était la clé de notre survie, si nous devions vivre sous terre. Dans son projet initial, le refuge de Khenchela abriterait une population choisie pour ses compétences, afin de perpétuer l’espèce. Malheureusement, une pneumonie l’emporta en novembre 2305. Pour une raison inconnue, il ne révéla l’existence de cette cité miraculeuse qu’à trois personnes : le professeur Euripide Steiner, émérite chirurgien de Boston, qui périt dans un crash aérien en essayant de rejoindre l’Algérie ; Sophia Castafioripoulos, surnommée la Casta Diva, cette délicieuse et célébrissime cantatrice, qui déclina son invitation parce qu’elle était claustrophobe... et dont le corps fut retrouvé gelé en 2307, dans une rue d’Athènes ; et enfin, et ce fut seulement quelques heures avant sa mort, Stephen Works appela Jean Des Ormeaux, l’écrivain et philosophe français, à qui il confia le soin d’organiser et de gérer son refuge.
Mesdames et Messieurs, je vous demande d’avoir une pensée reconnaissante pour Stephen Works et pour Jean Des Ormeaux, disparu en 2322 : nous leur devons la vie.
Il existe peut-être d’autres survivants sur la planète ; les expéditions que nous avons développées en surface, pour rapatrier des matériaux et des machines, ne nous ont jamais amené à en rencontrer ; mais nous n’avons, hélas ! plus les moyens de nous éloigner trop de notre base. Toutes les voies de communication à distance sont coupées, et même en période chaude (si je puis dire) nous ne pouvons plus faire voler des avions, faute de carburant et d’une trop faible irradiation solaire.
Je souhaite du fond du coeur qu’il n’en soit pas ainsi, mais nous sommes probablement les derniers survivants de l’espèce humaine. En 2306, nous étions environ 28 300 ; d’autres sont arrivés plus tard, portant notre nombre à 42 587 en 2309.
Malheureusement les conditions précaires de notre survie ainsi que les séquelles des souffrances des réfugiés – certains avaient traversé la Méditerranée à pied... - portèrent ce nombre à 38 715 en 2312. Une des principales causes de cette récession fut la dénatalité. Nous avions pourtant une population dont 70% avait moins de quarante ans, soit, en clair, à peu près 15 000 femmes possiblement gestatrices. Mais, sans qu’aucune cause ne fût identifiable, moins de 10% d’entre elles furent enceintes entre 2306 et 2312. Et pour être complète, j’ajouterai qu’aucune naissance humaine n’a été enregistrée depuis 2320.
Bon nombre d’entre vous se souviendront jusqu’à la mort de l’exode pitoyable qui les réduisit, après avoir perdu tous leurs biens et souvent aussi la plupart de leurs êtres chers, à marcher dans la neige et la glace pendant des semaines et des mois, voyant inexorablement leurs compagnons de route tomber les uns après les autres. Terrifiés, affamés, démunis, amenés quelquefois à manger des cadavres humains pour subsister, confrontés quotidiennement à la mort pendant un temps toujours trop long, souffrant dans leur chair et dans leur âme... Peut-être la Peur, celle qui vous envahit au point que même la mort semble préférable... Peut-être est-ce la Peur qui rôde encore en nous et autour de nous qui a rendu nos femmes stériles.
Alors, en 2317, après de multiples tentatives d’hormonothérapie, homéopathie, étiopathie, acupuncture et autres, après que toutes les analyses sur les femmes en âge de procréer se fussent révélées strictement normales, il arriva qu’Auguste Legrand, chef de notre Assemblée, convoqua le professeur Nessi. Il avait alors 39 ans, et c’était un généticien surdoué et remuant, qui bataillait chaque jour pour obtenir les crédits indispensables à ses recherches. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je n’étais alors qu’une modeste assistante de 25 ans, consignée à des tâches subalternes. Quand Auguste Legrand lui posa la question directe « Professeur Nessi, pensez-vous pouvoir trouver le moyen de perpétuer l’espèce humaine ? », il hocha la tête plusieurs fois, avec un sourire discrètement ironique.
C’est un des souvenirs les plus forts de ma vie, Mesdames et Messieurs. Imaginez-vous. Bachelier à 15 ans, médecin à 20 ans, professeur de génétique à 25 ans... Ce jour-là, malgré les préconisations en vigueur de revêtir des combinaisons calorifères, il portait un T-shirt noir et un jeans usé. Ses cheveux blonds balayaient ses épaules, ses sourcils étaient broussailleux et ses joues n’avaient pas dû sentir la lame d’un rasoir depuis plusieurs jours. Il avait, au mieux, l’air d’un original, au pire celui d’un innocent réduit à la mendicité. Et cet homme, dont l’apparence peu orthodoxe semblait contredire sa réputation de génie, cet homme répondit, avec une étincelle de malice dans ses yeux verts :
« Oui. Je pense que oui. »
Je n’y ai pas cru. Auguste Legrand scruta les visages de toutes les personnes qui l’entouraient, et je suivis son regard. Je pense pouvoir affirmer que personne, parmi les présents, n’aurait parié un cure-dent sur la réussite du projet. Et pourtant Auguste Legrand alloua au professeur Nessi des crédits illimités, quitte à restreindre encore le confort de ses administrés. Confort ! Une température de 15° dans les lieux de vie, des protéines trois fois par semaine, et des journées de travail de dix heures...
Et nous voilà en 2348, trente et un ans plus tard. Bien sûr qu’il a réussi, avec toujours autant de modestie et de simplicité. Je lui laisse maintenant la parole, afin qu’il vous expose lui-même le résultat de ses travaux. Mesdames et Messieurs, je vous demande d’acclamer debout, avec toute l’admiration et la ferveur qu’il mérite, le sauveur de l’humanité, Thémistocle Nessi ! »
Le professeur s’avança en souriant vers la petite estrade. En croisant l’oratrice, il l’embrassa chaleureusement sur les deux joues. Il ne plaça aucun feuillet sur le pupitre. Il y appuya une main.
« Mesdames et Messieurs, je voudrais avant tout remercier notre hôtesse, l’irremplaçable Isadora Azoun. Originaire de Khenchela, elle dirige le district depuis dix ans. Je suis un vieux fou, vous savez, aux exigences incongrues et incessantes. Une sorte de tyran, oui, oui, mon équipe vous le confirmera. Et pourtant Isadora, sans être informée de très près de l’avancement de mes travaux, a toujours été envers moi d’une infinie patience et d’une non moins infinie générosité. Je voudrais, avant de commencer mon exposé, lui adresser à travers vos applaudissements nourris toute la reconnaissance qui lui est due. »
Donnant l’exemple, il se mit à battre des mains, suivi par la salle tout entière. Il attendit que le silence revînt, avec une expression qui tenait à la fois de la gourmandise et de la facétie.
« Je... Je vous remercie d’être venus si nombreux. La recherche... Vous savez, on est souvent seul avec son microscope, son ordinateur, ses doutes... Et alors... Cela fait bien longtemps que je n’ai plus donné de conférence devant une si large assemblée... Mais... (un sourire) comme tous les gens intelligents, je sais m’adapter.
A vrai dire... c’est une chose assez étrange. Je suis entré à l’université à 15 ans, et pendant mes premières années de médecine... En fait, je suivais deux années en une, mais c’était facile, j’avais du temps libre. Alors j’allais en auditeur libre écouter les cours de philosophie de la Sorbonne. Et à l’époque... l’un des débats qui agitait le plus l’amphithéâtre portait sur la question « pourquoi l’espèce humaine veut-elle survivre ? » C’était, en ce temps-là, une interrogation purement rhétorique, juste un terrain de jeux pour exercer nos jeunes esprits impatients. Le climat était stable, nous avions quatre saisons, la famine n’existait plus, les épidémies étaient sous contrôle. Il restait bien quelques foyers de guerre, mais limités et circonscrits. L’immense majorité vivait dans... un certain consensus, fait d’hypocrisies et de non-dits, mais malgré tout... cela pouvait ressembler au bonheur.
La science nous disait que toutes les espèces vivantes cherchaient avant tout à se reproduire et à se perpétuer : les plantes, qui ne fleurissaient jamais aussi bien que quand elles se sentaient menacées ; les animaux, qui pouvaient se mettre en danger juste pour avoir une chance de se reproduire. Mais les humains ? Espèce supérieure, maîtresse de la planète... Rien ne pouvait nous inquiéter. Pourquoi envisager une survie, puisque nous étions en vie, en paix, heureux ? Nous débattions, mais sans profondeur. Les hypothèses trop spécieuses ne restent que des préoccupations intellectuelles, aussi prégnantes dans nos vies qu’une grille de mots croisés...
Quand, en 2317, Auguste Legrand me demanda de trouver le moyen pour que survive l’espèce humaine malgré la glaciation, ma première pensée fut pour ces cours de philosophie. Et j’avoue qu’alors la réponse que je me fis in petto à cette question « pourquoi ? » se résuma à un simple « pourquoi pas ? ». Le challenge était passionnant, et j’eus l’immodestie de prétendre que j’en étais capable.
Auguste Legrand s’adressa à moi parce que j’étais un scientifique reconnu, et il n’en restait pas beaucoup. J’étais réputé pour mon intelligence, ma créativité et mon originalité. De plus, depuis l’Exode, je tournais en rond dans un laboratoire désert, sans projet, sans avenir, relisant mes travaux passés et me demandant à quoi ils pourraient servir... Auguste Legrand voulait que je trouve de nouvelles ressources qui s’adapteraient à nos besoins énergétiques. Et moi... j’ai fait exactement l’inverse, en me souvenant que j’étais généticien.
Et alors... voilà. Ramsès, diapo. »
Sur l’écran géant fut projetée une photo représentant deux grands singes bruns.
« Je vous présente Daam et Evita, les deux premiers Chims que j’ai créé, in vitro, de manière tout à fait originale... et artificielle.
- Des chimpanzés ! », remarqua quelqu’un dans la salle.
- « Chims ? Non, plutôt chimères. Leur génome est à 98% humain, mais il y a aussi 1% de singe, 0,2% d’ours, et le reste se répartit entre le dauphin, le pigeon, le chat, la grenouille, et le ver de terre. Je vous présente l’avenir d’Homo Sapiens : Homo Pacificus. »
L’auditoire se figea dans un silence lourd.
Thémistocle Nessi émit un petit rire consensuel et en affichant une expression candidement niaise, il martela d’une voix forte :
« Homo Sapiens ! Prétentieux, orgueilleux humains que nous sommes ! L’Homme Sage, l’Homme qui Sait... Et qui n’a cessé, depuis des millénaires, de torturer, de soumettre et d’assassiner ses semblables ! Qui n’a cessé – et plus il devenait savant, plus il devenait cruel – d’exploiter, de polluer, de pourrir cette merveilleuse planète bleue qui n’a jamais été avare de ses bienfaits. Vous n’êtes pas responsables des méfaits de vos parents ni de ceux de vos aïeux. Mais vous gardez en vous, inextinguible et meurtrière, la soif de vous enrichir à n’importe quel prix, et la fierté de votre lieu de naissance... L’esprit de clocher, que vous avez trop longtemps déguisé sous le noble nom de patriotisme, et au nom duquel il y a eu plus de morts que par la plus grave des épidémies ou la plus épouvantable des catastrophes naturelles. Il a fallu que nous soyons réduits à l’état de rats, cachés dans un sous-sol, pour que plus personne n’invoque une supériorité de race ou de culture... L’Homme, espèce supérieure ! Qui n’a considéré que son droit, le droit du plus fort, parce qu’il savait lire et écrire, transmettre sa mémoire, fabriquer des outils et des armes... et négligé tous ses devoirs, non seulement envers ses semblables, mais aussi envers notre Terre nourricière... Hem... Pardonnez mon emportement... Je ne suis pas croyant, mais je ne peux m’empêcher de penser que si la Terre se venge aujourd’hui, nous ne l’avons pas volé. »
Thémistocle Nessi prit une profonde inspiration et but d’un trait le verre d’eau posé devant lui.
« La colère est mauvaise conseillère, vous avez raison. Et je vous assure qu’elle ne présida pas à mes choix. Ou alors... sous sa forme la plus atténuée, la plus compatissante... Revenons un instant à Auguste Legrand, et à son désir de perpétuer l’espèce humaine. Contrairement à ce que la plupart aurait envisagé, et sans doute à ce qu’il espérait, je n’ai pas pensé « ressources », j’ai pensé « créature ». Et une évidence m’est apparue. L’être humain tel qu’il existe aujourd’hui, n’est adapté qu’à une civilisation de confort technologique : nous sommes nus, thermofragiles, nous n’avons plus qu’une vingtaine de dents, nous sommes dépendants pour notre survie de vêtements, de chauffage, d’une alimentation de texture molle, nous ne savons pas hiberner, nous avons besoin de sommeil, nos plaies sont longues à cicatriser, notre système immunitaire est peu performant et qui plus est nous avons en nous des pulsions de toute-puissance qui mettent en danger non seulement notre propre existence, mais aussi celle de l’Autre, et celle de la Terre. Et alors...
J’ai envisagé l’existence d’un être humain qui serait plus résistant, plus intelligent donc plus adaptable, et surtout plus pacifique. Et j’ai étudié les génomes. Voyez-vous, je n’aurais rien pu faire d’utile si avant moi, pendant des siècles, des chercheurs anonymes n’avaient consacré leur vie à étudier dans le moindre détail le patrimoine génétique de toutes les espèces animales et végétales, ainsi que de toutes les races humaines, jusqu’aux peuplades les plus éloignées de la civilisation, dont les comportements nous semblaient à première vue décalés et farfelus. Ces hommes, poussés simplement par la curiosité, ont travaillé apparemment sans but. Ils appelaient ça « faire progresser la science », et leurs contemporains se gaussaient en les traitant d’illuminés. Et pourtant...
La plupart d’entre vous ne savent même plus ce qu’était la tuberculose. Une maladie insidieuse, capricieuse, déroutante, qui pouvait vous foudroyer en quelques heures ou rester latente pendant des années, avant de se mettre à vous grignoter lentement et à vous consumer dans d’atroces souffrances. C’était il y a très longtemps, en Europe, dans les années 1800. Des centaines de médecins ont collecté, jour après jour, tous les symptômes, tous les signes d’apparition de la maladie, permettant son diagnostic alors qu’aucun traitement n’était efficace. Ils ont multiplié les examens cliniques et malheureusement les autopsies, succombant parfois eux-mêmes au terrible mal, pour dévoiler tous les aspects de ce fléau, eux aussi raillés et méprisés par leurs contemporains, pour cette perte de temps et d’énergie... Mais quand le hasard voulut bien que l’on découvrit les remèdes, leur travail s’avéra plus qu’utile, indispensable : tous les pré-requis étaient en place, il n’y avait plus qu’à soigner pour guérir ! Patiemment, pied à pied, ils avaient utilisé ce temps de l’impuissance pour que leurs successeurs remportent une des plus belles victoires de la médecine.
Je convoque des fantômes, me direz-vous. Que nenni.
Nos ancêtres généticiens m’ont permis à moi, Thémistocle Nessi, de créer l’être humain qui survivra à la Glaciation. Oh... je suis intelligent, certes, mais j’ai surtout eu la chance d’être là au bon moment. Sans toutes ces études préalables, je n’aurais jamais réussi. Et alors... voilà, j’ai utilisé à outrance les énergies résiduelles pour faire fonctionner des machines d’une incroyable technologie. Pour cela, je vous l’avoue, Mesdames et Messieurs, mais néanmoins avec la complicité bienveillante de l’Assemblée, je vous ai tous privés de quelques calories par repas et de quelques degrés centigrades dans vos chambres. Je ne m’en suis pas attribué davantage ! Mais moi, je savais pourquoi.
Et alors... parlons des Chims, de ces merveilleuses chimères qui sont devenues des êtres bien réels. 98% de leur génome est humain, ce qui les place en dessous du chimpanzé, qui en a 99%. Mais ce génome humain lui-même est un panaché de nombreux génomes humains. J’ai emprunté sans vergogne à des génies, à des sages : Einstein, Schrödinger, Nelson Mandela, Gandhi, un certain pape...si, si, il s’appelait François, premier du nom... et aussi à une petite tribu amazonienne, les Zo’é, ce qui veut dire « nous ». C’était une tribu vraiment remarquable ; l’entraide était tellement ancrée dans leurs coutumes que personne ne disait « merci ». Il n’y avait pas de chef, et leur seule punition envers les coupables d’une faute quelconque était de les chatouiller...
Les Chims sont intelligents, Mesdames et Messieurs. Leur QI varie de 140 à 170. 80% d’entre eux ont une intelligence de type simultané, mais j’ai veillé à ce que 20% aient une intelligence de type séquentiel : en effet, quand le problème est vraiment ardu, rien ne vaut un esprit capable d’une analyse rigoureuse... Ils savent tous lire et écrire à deux ans, alors qu’ils tètent encore leur mère. Ils connaissent tous le latin et le grec ancien, ainsi que trois ou quatre langues humaines, parfois plus. Seuls quelques rares privilégiés parmi vous ont encore accès à des ordinateurs, et je m’en excuse. Les Chims adultes ont tous un excellent niveau en informatique. Chacun d’entre eux reçoit une formation professionnelle... mais comme ils apprennent très vite, et qu’ils sont encore en nombre limité, ils possèdent en fait deux métiers, l’un intellectuel, et l’autre manuel. Ainsi vous avez des médecins plombiers, des architectes électriciens, des généticiens jardiniers, des chimistes cuisiniers, des astrophysiciens maçons, des mathématiciens couvreurs... et j’en passe... Toutes les combinaisons sont possibles. En revanche, et au risque de vous décevoir, je dois vous informer qu’ils n’ont pas d’hommes politiques... ni de commerçants, ni d’avocats, ni d’huissiers, ni de policiers, ni de soldats... La plupart d’entre eux sont artistes. Peintres, poètes, sculpteurs, musiciens... Il y a même un caricaturiste qui... (petit rire gloussé) Mais je vous en reparlerai. Je me suis penché longuement sur la conformation de leur larynx, et je ne vous cache pas que ce fut une étude particulièrement ardue. Heureusement, dans mes archives personnelles, j’avais à ma disposition le détail complet du génome de La Callas, de Caruso, de Caballé et de Pavarotti. J’ai donc pu ainsi...
- Mais enfin, ce sont des singes ! »
Un homme, rouge de colère, s’était levé au fond de la salle. Nessi le foudroya du regard, mais garda un ton calme quoique grave pour lui répondre.
« Non, monsieur, ce sont des Chims. A un moment donné de son évolution, l’homme avait plus besoin de voir au loin sa proie que de courir vite pour échapper à un prédateur. Et alors il s’est mis debout, ce qui a modifié sa colonne vertébrale et son bassin, rendant la démarche plus instable en terrain inégal, l’empêchant pratiquement d’escalader à mains nues, et compliquant considérablement la naissance des petits, qui requiert le plus souvent l’aide d’un tiers. Que reste-t-il à voir en surface ? Des montagnes de neige, des steppes glacées, des lacs gelés... Des sols glissants, des températures très basses, et une technologie qui pourrait être réduite à néant quand nos stocks d’énergie seront épuisés. Le soleil n’est pas suffisant pour être utilisé, les éoliennes ont un rendement faible, et l’énergie nucléaire sous-entend une infrastructure que nous n’avons plus. Les Chims ont un pelage épais avec un sous-poil très dense ; ils possèdent un tissu sous-cutané fait de graisse brune, comme les ours, qui les rend plus résistants au froid. La température idéale pour un humain est de 22° ; pour un Chim, c’est 5°. Ils sont capables d’hiberner pendant 4 mois si cela est nécessaire, économisant ainsi les ressources. Ils n’ont pas besoin de vêtements. Ils ont 32 dents, comme nous avions autrefois, avec la possibilité de repousse toute la vie. Leur immunité est presque sans faille ; leurs femmes ont de larges bassins et peuvent en cas de besoin accoucher seules. Ah, oui, je ne vous l’avais pas dit... J’ai créé in vitro 642 Chims, avec tous des patrimoines génétiques différents. Et puis... Ils se sont reproduits, Mesdames et Messieurs ! Toutes leurs femmes, toutes ! sont fertiles ! Ah et puis leur vessie est capable, comme celle de la grenouille, de réabsorber de l’eau, si elle venait à manquer. Leurs blessures cicatrisent quatre fois plus vite que les nôtres, leurs membres peuvent repousser s’ils sont sectionnés, même leur moelle épinière est régénérative... Ils ont une espérance de vie de 120 ans, et pour les femmes, une période d’activité génitale de 70 ans ! Leurs sens sont extrêmement développés, ils ont une vision parfaite même en faible luminosité, leur spectre auditif s’apparente à celui du chat, leur odorat est cinquante fois supérieur au nôtre... Et quant à leurs possibilités vocales...
Mais le plus important à mon avis, voyez-vous, c’est que tous ces gens sont extrêmement pacifiques. Ils ne sont pas agressifs, ils ne sont pas égoïstes, ils ne sont pas ambitieux... Ils sont naturellement pleins d’empathie et de compassion, et, à ma grande surprise, je me suis aperçu qu’ils peuvent tous communiquer télépathiquement entre eux, ce qui les met à l’abri du mensonge. Ils forment actuellement une communauté d’environ 3000 individus, qui vivent et prospèrent en paix. Ils sont très attachés à leur famille, mais privilégient plus que tout l’intérêt du groupe. Ils respectent leurs aînés, mais leurs décisions sont toujours collectives. Ainsi ils ont décidé qu’il n’y aurait pas de propriété individuelle, donc, logiquement, pas d’argent. Chacun accomplit la tâche pour laquelle il a été formé, formation qu’il a choisie en toute liberté. Les individus qui commettent une infraction à leur code de bonne conduite... sont chatouillés... et pardonnés.
Actuellement, ils sont en train de mettre au point de nouvelles espèces animales résistantes au froid, que nous pourrons bientôt produire in vitro, puisque, depuis qu’ils peuvent se reproduire, je ne crée plus de Chims, et mes merveilleuses machines sont au repos... Ils travaillent aussi à trouver des variétés de plantes qui pourraient s’acclimater aux conditions extérieures, ainsi que de nouvelles serres autonomes en énergie pour perpétuer les légumes traditionnels de la planète. Mesdames et Messieurs... la courgette, la tomate, le citron... Est-ce que vous vous souvenez encore de leur goût ? D’ici un ou deux ans, les Chims en produiront assez pour que vous puissiez en consommer tous les jours ! Nous allons tous mourir, voyez-vous... Les Chims seront là pour nous aider dans notre vieillesse, pour nous soigner, nous nourrir, nous réconforter... Mais plus encore... Depuis combien de temps n’avez-vous pas mis le nez dehors, je veux dire, en surface ? Les plus jeunes et les plus téméraires s’y risquent, quoi, une fois par an, si la température est positive... et ils rentrent au bout de dix minutes... Les Chims sortent tous les jours, par tous les temps. Sans combinaisons spéciales. Ils courent, ils grimpent, mais aussi ils pratiquent des relevés, ils construisent des serres, des hangars, des igloos-relais qui leur permettent d’explorer de plus en plus loin. Une tempête de neige ? Ils émettent et reçoivent des ultra-sons qui leur permettent de s’orienter, et ils ont tous, de manière innée et instinctive, la notion du nord... Ils ne se perdent jamais ! Cette planète, que vous trouvez hostile, ils vont l’apprivoiser pas à pas, ils vont la recoloniser, ils vont s’en faire une alliée indéfectible ! »
Une femme se leva du premier rang de l’assistance.
« Si je comprends bien, Professeur, parce que vous êtes – ou vous croyez être – plus malin que les autres, vous avez fait régresser l’évolution de plusieurs millénaires... Et vous appelez ça sauver l’humanité ?
- Chère Madame... L’humanité en soi... telle qu’elle s’est comportée... Je ne suis pas sûr qu’il soit raisonnable de la perpétuer... Mais certains de ses aspects, oui, la philosophie qui en entretenant le doute permet de laisser des portes ouvertes, et surtout l’art, qui engendre tant de bonheur... Parce que si un jour une espèce extra-terrestre devait entrer en contact avec nous, ce sont les seules choses qui pourraient nous rendre admirables à leurs yeux !
- La philosophie ! L’art ! Transmis par des singes ! »
Thémistocle Nessi adressa son plus beau sourire à l’auditoire. Puis il leva un bras, et à ce signal le mur derrière lui coulissa, dévoilant un autre amphithéâtre, strictement symétrique, où était assise une assemblée de Chims. Les Sapiens, sidérés, étaient pâles et muets. Et les Chims partirent tous d’un immense éclat de rire... Puis l’un d’entre eux se leva. Il portait au cou un noeud papillon blanc, à moitié enfoui dans l’épais pelage noir. Il salua, puis se tourna vers l’assistance chim et d’une mélodieuse voix de baryton il demanda dans un sourire « Et alors ? »
Il leva une baguette de chef d’orchestre. Une vingtaine de jeunes Chims descendit des gradins et vint se placer autour de lui, en arc de cercle, debout.
A capella, les jeunes voix, pures et cristallines, reprirent un chant ancien... à peine modifié.
« Nous sommes la garde montante
Nous arrivons nous voilà
Sonne trompette éclatante taratatata ratata... »
L’assemblée humaine resta interdite. Pas un murmure, pas un applaudissement. Les jeunes s’égayèrent dans les gradins, quadrupèdes rapides et joyeux. . Des Chims adultes se levèrent, présentant leurs instruments. Violons, violoncelles, flûtes, hautbois, trompettes... Et après l’introduction musicale, la salle tout entière se mit à chanter, en un choeur si limpide et si vibrant que les poils clairsemés des humains se dressaient et que leurs yeux, malgré eux, s’embuaient de larmes.
« Va pensiero sull’ali dorate
Va ti posa sui clivi sui colli
Ove olezzano tepide molli
L’aure dolci del suolo natal
Del Giordano le rive saluta... »

L’art est un mystère. L’émotion que procure l’art en est un autre. Mais, sans nul doute, les deux sont des manifestations humaines.
Narwa Roquen, qui court après le bus...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2015-02-18 10:18:38 

 WA 137 Narwa : commentaireDétails
Hello hello hello ! Ça boume ? Pas trop dur le début d'année ?

D'emblée, j'aime bien le titre !
Je trouve un peu perturbant qu'il n'y ait pas de description du labo mais bon, ça reste clair.
Ton vieux scientifique est rigolo et sympathique avec son "c'est un garçon". On perçoit d'emblée sa relation émotionnelle avec ses sujets d'expérience.
En plus, il joue du violon comme Einstein !
Le flashback qui explique ce qui s'est passé est un poil téléphoné mais rien de choquant. C'est jamais facile à introduire de façon naturelle, ces petites bêtes.
Les noms des personnes qui savaient pour l'existence de l'abri et les raisons pour lesquelles ils ne sont pas venus sont assez comiques; j'imagine que c'est volontaire.
Rho nom d'un petit schtroumpf !! Elle est vraiment décimée ton espèce humaine !
J'aime bien le détail croustillant de la traversée de la Méditerranée à pieds.
Thémistocle ?? Ça c'est un nom !
Son manque total de modestie est assez caricatural mais pourquoi pas.
L'utilisation du terme chimère est bien trouvée.
Je vois arriver le truc pendant le discours : il a relancé la machine à évolution qui s'était arrêtée avec la quasi disparition de la sélection génétique et il a créé une nouvelle espèce intelligente adaptée aux nouvelles conditions climatiques. C'est parfaitement logique. Qu'est-ce qui dans l'espèce humaine est digne d'être perpétué ? Les connaissances, la culture. Une nouvelle espèce le fera.
Joli plaidoyer pour la recherche fondamentale. Je ne peux qu'être terriblement d'accord.
Je ne veux surtout pas rentrer dans le débat "est-ce que le nouveau pape est plus cool que l'ancien" mais en tant qu'athée et scientifique de formation, cela m'a choquée et cela m'a paru extrêmement déplacé de voir le nom du pape dans la liste des génies et des sages... A moins bien sûr que tu prévois qu'il va changer d'opinions dans le futur.
Je trouve ça amusant qu'il leur ait appris le grec et le latin. Lubie de vieux scientifique, j'imagine.
Le fait qu'ils aient deux professions, une manuelle et une intellectuelle est intéressante et ouvre des perspectives assez vertigineuses en termes de réflexion. Le choix des professions est également très éclairant sur la personnalité hippie / anar de ton scientifique. Je demande quand même à voir un monde sans commerçants... Le troc n'est pas viable à grande échelle.
Ah ouais, quand même, ils peuvent faire repousser leurs bouts, télépather... C'est des chimères de compétition ! T'y es allée à fond sur leurs capacités.
Ah ce ne serait pas du Narwa sans un peu de bisounours power ! Ce n'est pas une critique, d'ailleurs, ça m'est arrivé d'en écrire aussi. Par moments, ça fait du bien.
Hihihi, sont communistes les chimères !
L'objection de la femme est intéressante.
Je suis quand même épatée que Nessi ait eu carte blanche pour créer le futur monde tout seul, selon ses opinions personnelles, radicales et relativement extrémistes. En même temps, s'il était le seul scientifique qualifié restant.
Effectivement, la bipédie a rendu très compliqué l'accouchement mais elle a tout de même permis de libérer les mains pour utiliser des outils.
J'émets un doute sur le fait que l'art soit humain uniquement. Après tout, on a découvert que récemment que les chimpanzés ont le sens de l'humour.
La fin est inattendue est assez poétique.

Le rayon des trucs et des machins :
Rien trouvé.

En conclusion, des idées intéressantes, une réflexion d'actualité et un petit souffle façon Planète des singes qui n'est pas pour me déplaire. Maintenant, j'aimerais bien une histoire dont les chimères seraient les héros. Ils doivent avoir des modes de pensée totalement différents des nôtres, ce serait intéressant. En plus, je leur trouve un côté très mignon.

Estellanara, qui est toujours aussi chiante

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2015-02-24 07:36:07 

 Commentaire RoquenDétails
Woahhh!!!
Ben en voilà de la SF en règle!
J'aime beaucoup cette histoire, du début à la fin, magistrale. Il y a un côté assez effrayant à se dire que l'Humanité est dans les mains d'un seul homme, heureusement de bonne volonté mais avec quand-même un certain plaisir pervers à contrarier ses congénères, et pour faire si peu cas de leurs sentiments, pour être aussi créatif/décalé, et aussi malin, il serait Asperger que ce serai pas surprenant, non? Et s'il avait été moins pacifiste, ça aurait pu être la catastrophe! Mais il y a toujours une morale dans les histoires de Narwa... :-)

Merci pour ce joli moment (pour ne pas paraphraser une certaine pseudo-journaliste, beurk!!) !!

PS: Ah oui, et au rayon des bricoles, je crois avoir vu une phrase commencer par "La plupart d'entre vous ne savent pas...", mais je ne sais plus où (je ne l'ai pas retrouvé en relisant et là c'est l'heure de la douche! ^^)

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2015-02-24 10:37:19 

 WA 137 Maedhros : commentaireDétails
Salut toi ! Toujours fidèle au poste à ce que je vois? Tant mieux!
Amusant que vous ayez tous deux opté pour des jeux de mots pour vos titres!
La mention d'une info anachronique me fait penser que ton personnage pourrait venir du futur.
La drague scientifique ! Voilà bien le genre de stratagème avec lequel on pourrait me séduire ! J'ai toujours trouvé l'intelligence très sexy ! Je suis dingue d'Egon Spengler par exemple.
Eh ben mazette ! Elle doit pas être futée la gonzesse qu'il emballe avec un baratin pareil !
Ton style est toujours aussi soigné et fluide.
L'emploi du nous pour parler du flux d'information laisse penser que la personne qui le poursuit est de même nature que lui. La tournure, remarquablement économe en mots, est habile.
Je trouve que les digressions et le long monologue noient un peu le récit.
Fichtre ! C'est pas tous les jours que je lis le verbe "gauchir" !
Tu laisse filtrer au compte-goutte les détails sur la nature de ton narrateur, comme dans cette phrase où tu laisses entendre qu'il ne dort pas.
Houla, le déluge de jargon scientifique ! On comprend quand même vaguement la naissance de ta créature quantique.
La référence au LHC est claire et l'utilisation que tu fais de l'incident très intéressante ! J'aime beaucoup !
Les gens imaginaient que le LHC risquait de créer accidentellement des trous noirs; toi tu lui fais créer des monstres quantiques !
Ah oui, ça me rappelle quelque chose, l'intrication. Je passe toujours très rapidement sur les dossiers de physique quantique dans mon magazine, n'ayant pas le niveau pour y comprendre quoi que ce soit.
"balaya les bataillons et les espoirs vénitiens" un zeugme ! J'adore cette figure de style, trop rare.
Houuuuu, mais tu nous fais du Da Vinci code ou quoi ?! Tu nous mets des significations mystiques dans un tableau connu, petit canaillou ?!
"encore plus rares sont les gazelles qui s’approchent du point d’eau" : c'est mignon ça, comme métaphore !
Ah ! Une ruse ! Le double quantique a pris l'apparence d'une belle blonde pour tromper la vigilance de l'autre ! Oui, c'est ça ! Excellent choix de prénom, hihihi !
La fin est amusante, pour une fin du monde.

Le rayon des trucs et des machins :
"Qu'importe de connaître" : il me semble que qu'importe est suivi d'un nom; avec un verbe, cela me choque
"vers de deux heures du matin" : faute de frappe
"la chose la plus extraordinaire qui m'a été donné de découvrir" : qu'il m'a été, non ?
"Nous obéissions à une interaction" : obéissons, faute de frappe
"ce lien invisible qui me nous ramène" : qui nous ramène, faute de frappe
"la cohérence chaque atome" : de chaque
"j'en fait le serment" : fais

En conclusion, une super idée pour l'incident du LHC, un bon respect de la consigne, un style agréable mais j'ai trouvé que ça manquait de rythme.

Est', toujours aussi chiante.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-02-25 19:04:45 

 Merci pour ta lectureDétails
les chants quantiques sont les plus beaux!!!


M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-03-01 12:29:32 

 Oh mia patria sì bella e perduta!Détails
Ce n’est pas « le jour d’après », mais le surlendemain... le mois suivant, le siècle plus tard, où tu plantes le décor de cette fable post-moderne. Elle réunit de fort belle façon les tentatives de créer un surhomme, au sens Nietzschien (Demain, les chiens, les manipulations génétiques), les fins du monde cataclysmiques, (cette ère de glaciation m’a rappelé « Quintet », le film génial mais trop souvent méconnu d’Altman) et la confrontation évolutionnaire entre l’espèce en voie d’extinction et l’espèce mutante qui va lui succéder (Les Plus qu’humains, de Sturgeon). Le tout est couronné par le magnifique choeur des esclaves, tiré de Nabucco, l’opéra de Verdi, qui écrivit là un hymne à la résistance italienne conte l’oppression autrichienne. Sans oublier le titre qui renvoie bien sûr à Tennessee Williams, l’auteur qui s’est toujours élevé contre toute forme de ségrégation, de racisme ou d’exclusion. Et puis, de façon plus indirecte, le choix de l’Algérie pour situer la cité du recommencement, qui a également réveillé les échos du roman de Pierre Benoit qui situait l’Atlantide finalement pas très loin des mont Aurès, qui appartiennent à la chaîne de l’Atlas, ce géant qui soutint la voûte céleste sur ses épaules.

La qualité de tous ces ingrédients a permis de façonner une histoire cohérente qui interroge sur la nature humaine. Les descriptions contextuelles sont fouillées et crédibles : la glaciation, les matériels génétiques empruntés aux espèces animales présentant des caractéristiques adaptées au nouvel environnement, la gestion du microcosme humain aux ressources limitées... Tu dis souvent que tu n’es pas à l’aise dans ce style de SF, mais tu t’en sors ici avec les honneurs et les lauriers. C’est crédible, toujours argumenté et le substrat technologique est très intéressant.

J’ai bien aimé aussi le choix des noms qui convoquent un passé glorieux : Cléopâtre, Ramsès, Thémistocle...ils donnent une petite patine rétro à l’ensemble. La confrontation finale entre les Chims (bien vu, la racine commune !) est assez savoureuse entre les « fin de race » et leur progéniture indirecte. Ceux-ci, au-delà de leur extraordinaire adaptabilité à leur nouveau monde, prouvent que l’habit ne fait pas le moine est une expression intemporelle et que ce qui fait qu’un humain est humain, son aspiration à l’élévation, fait toujours partie de leur patrimoine génétique (bon, là, je ne sais pas si Dawkins serait tout à fait d’accord, lui qui a développé la notion de gène égoïste, mais c’est une affaire de spécialistes, après tout, non ?).

La consigne du thème est parfaitement respectée et ce scientifique surdoué, en avance sur son temps, comme ses illustres prédécesseurs, avec ses faiblesses et ses qualités, est bien campé, tiraillé qu’il est entre sa nature et sa mission. Le violon est un art difficile qu’il partage certes avec Einstein mais aussi avec Sherlock Holmes !

Si je me permettais, à titre perso, d’inférer ma perception de la portée de l’histoire, et c’est la raison qui m’a poussé à reprendre un vers du choeur des esclaves dans mon titre, je dirais que, bien sûr, la mission confiée à Thémistocle a été remplie et l’espèce humaine évoluée repart avec des atouts qui devraient lui éviter les mêmes erreurs, mais une bonne partie de ce qui a été accompli de Beau par l’humanité ne procède-t-elle pas justement de ses propres contradictions, de ses faiblesses et de ses zones d’ombre ? Mais bon, ceci constituerait sans doute mieux le sujet d’une disserte de philo pour les nuls !

Au rayon des bricoles :
- Je ne calomnierai pas en affirmant... : Je ne calomnierais (vu la phrase, je pense que le conditionnel va mieux !)
- dont 70% avait moins : dont 70% avaient moins
- les deux premiers Chims que j’ai créé : les deux premiers Chims que j’ai créés

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-03-04 23:37:00 

 Commentaire Maedhros, exercice n° 137Détails
Maintenant, dans les WA, quand il y a un jeu de mots dans un titre, on appelle ça un titre « à la Maedhros ». Eh bien, le Roi des Titres a encore frappé : de Kundera à Giraudoux, en trois mots, voilà un joli panorama de la littérature !
Que ce prénom est bien choisi... Electre, la lumineuse, celle par qui la vérité advient, et qui évoque aussi l’électricité, cette histoire de petites choses qui vous donnent la lumière ou la mort...
La légèreté, c’est bien le style de ton narrateur, faux dandy intergalactique qui entre deux conquêtes, sur un ton badin, nous parle de choses graves. Je trouve le texte très élégant, étourdissant dans ses envolées scientifiques, sidérant dans ses connotations historiques, et malgré tout enivrant et léger comme le champagne...

Bricoles :
- Celles qui partent à mon bras vers de deux heures
- La chose la plus extraordinaire qui m’a été donné : qu’il ( encore que le subjonctif puisse se discuter)
- J’ai réécrit des lignes de codes : code
- La plénitude de la Renaissance touchait à son terme amis : mais
- Une tempête quantique qui déchirera la cohérence chaque atome : de


Je t’envie cette facilité que tu as à parler le chinois scientifique comme si tu l’avais appris au berceau. Je suis ( et serai sans doute toujours) incapable d’écrire un pareil texte, par manque de connaissances et manque de vocabulaire. C’est pourquoi j’admire d’autant plus !
J’ai adoré le paragraphe « En fait, les évènements vont se produire... », et aussi celui « A ce stade de l’histoire, je dois vous parler de mes origines... »
La rencontre avec Léonard vaut son pesant d’or. Sauf que, sauf erreur de ma part, le plafond de la Sixtine a été peint par Michel Ange, entre 1508 et 1512, et que la fresque que tu décris ressemble à « La création d’Adam », de Michel Ange...
En revanche, c’est bien Léonard qui fut l’ingénieur militaire de Louis XII entre 1509 et 1512.
Cela ne gâche en rien la qualité du texte, qui dans son mélange d’Histoire et de SF reste d’une grande originalité, et d’autant plus fort que le narrateur parle de l’inéluctable d’un ton très détaché, comme s’il s’agissait d’un jeu. Un jeu mortel, certes...
Voilà encore une belle preuve de ton talent, qui ne lasse pas de nous séduire...
Narwa Roquen, clap clap clap

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-03-07 13:15:24 

 Faites entrer l'accusé!Détails
Rrrrrâââââhhhhhhhhhhhhhhhhhhh..... mais c’est bien sûr ! C’est en forgeant qu’on devient forgeron et en sciant que Léonard de Vinci ! Je rends à César ce qui lui appartient ! Je me suis emmêlé les crayons en voulant établir un lien là où il n’y en avait pas !

Bon, hum, après, en cherchant bien, on peut dire que, comme il s’agit d’univers parallèles, peut-être qu’il y a en a un dans lequel le grand Léonard peignait aussi bien que le divin Michel-Ange ! C’est tout à fait possible dans la théorie des cordes et des multivers.

Mouais... je ne sais pas si je ne m’enfonce pas encore un peu plus...

M

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