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 WA, exercice n°145 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Samedi 7 novembre 2015 à 21:48:00
Je viens de lire « Soie », d’Alessandro Baricco. C’est un roman. En édition poche, il a 142 pages, et 65 chapitres. Le plus long devrait tenir sur une page A4, le plus court fait une dizaine de lignes. L’écriture est étrange, décalée, impressionniste. Il y a des raccourcis, et il y a des répétitions. Beaucoup de hiatus temporels. Beaucoup de silences, d’esquisses, de sous-entendus.
Je vous propose d’essayer ce style. Faites des paragraphes courts, ne vous appesantissez pas, suggérez, décrivez par petites touches selon votre inspiration. Vous êtes libres du genre et de l’intrigue. L’écueil qui vous guette est de tomber dans la sécheresse, aussi soyez vigilants afin de garder un peu de poésie et d’émotion.
Vous n’avez pas moins de quatre semaines, et bien entendu beaucoup plus... Le jeudi 10 décembre me semble une bonne date pour commencer à se dire qu’on est en retard... Mais je ne saurais, en toute équité, vous en blâmer...
Narwa Roquen, hors du temps


  
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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-12-14 22:38:05 

 WA, exercice n°145, participationDétails
Répastruire




Réparer est plus difficile que construire. C’était un des leitmotivs de Maître Chen, mon précepteur. Et si on pouvait mélanger les deux ?



Je réalise aujourd’hui que ce vieil homme, que j’ai tant moqué enfant, était un sage. Je suis Reine depuis quatre jours. Et je règne sur un pays en ruines. Oui, nous avons gagné la Guerre des Choux, et nous avons maintenant le droit d’en être les seuls producteurs, car nous avons écrasé l’armée de nos ennemis, ces Baalysiens cupides et sots. Splendide monopole ! Nos champs sont ravagés, nos hangars détruits, nos cultivateurs morts au champ d’honneur. Nous n’aurons même pas, la saison prochaine, de quoi nourrir les survivants.


Dans son mausolée de marbre, mon père doit être furieux. Il venait tout juste de prendre une seconde épouse, plus jeune et plus belle que ma mère, dans l’espoir d’avoir enfin un fils pour lui succéder. Mais il est mort au combat et la jeune épousée a fait une fausse couche. Nous voilà donc, ma mère et moi, survivantes. Elle dans ses longs drapés noirs, digne et silencieuse, comme toujours. Moi, parée de la couronne d’or incrustée d’émeraudes, vêtue du blanc de la royauté, ignare, innocente, et responsable de dix-huit millions d’âmes meurtries.
Je m’appelle Lou. Dans le dialecte du village de mon père, ça veut dire « presque ». Déjà une condamnation.



Autour de moi, les dignitaires du gouvernement – ceux que mon père avait choisis – s’inclinent avec respect devant la Royauté que j’incarne, mais leurs regards sont condescendants quand ils ne sont pas apitoyés. Aucune crainte. Je connais pourtant toutes leurs bassesses, j’ai passé toute mon enfance à courir partout dans le palais, chien fou errant, tel était mon surnom, qui prendrait garde à un chien fou errant ? En tant que fille non destinée au trône, j’étais une ombre indifférente – mais j’entendais. Ai-je vraiment besoin d’eux ? C’est la question qui me taraude depuis quatre jours. Me tueront-ils avant que je ne les rejette ? Telle est la question subsidiaire.
Faut-il détruire avant de reconstruire ?
Dois-je me contenter d’un rôle d’apparat et les laisser continuer d’agir à leur guise ?
Devrais-je abdiquer ?
Et si je me trouvais un mari qui prendrait les rênes de l’Etat ?
Est-ce que je suis capable d’assumer cette charge ?
Qu’est-ce que je veux ?




Je souris, je souris, je souris. Maître Chen me l’a appris.
« Quand tu ne sais pas où aller, souris. »
J’ai présidé le Conseil en souriant beaucoup. Ils ont tous parlé très fort sans me demander mon avis. Intentionnellement, j’ai bâillé, et j’ai mis fin à leurs discussions avec une innocence enfantine.
« Je suis fatiguée. J’ai beaucoup de chagrin à cause de la mort de mon père. Le Conseil est reporté à demain, à la même heure. Je vous remercie de votre aide précieuse et de votre fidélité inaliénable. »
Je les ai flattés, logiquement ils ne devraient pas vouloir me tuer avant demain. Il me reste une heure avant que la servante ne porte le dîner dans ma chambre. Qui pourrait m’aider ?


Le cimetière est désert. Un petit vent frais fait voltiger les feuilles mortes. L’hiver n’est pas loin. C’est bien. En hiver il ne se passe jamais rien. J’aurai le temps de dormir devant la cheminée, et de jouer de la harpe. Je n’ai pas envie d’avoir des soucis.
Je me glisse entre les tombes, enveloppée dans une grande cape noire. Ombre entre les ombres, telle que j’ai toujours été. La voilà. La tombe de Maître Chen. Il avait sûrement, et à juste titre, une piètre opinion de moi. Mais s’il était encore vivant, ce serait à lui que je demanderais conseil.
Je m’agenouille devant la stèle grise, aussi simple qu’il est possible. Maître Chen était probablement riche, mais il a toujours vécu à la limite du dénuement. Non pas par avarice. Il disait :
« L’or asservit l’esprit de l’homme. Le seul bien indispensable à l’esprit de l’homme, c’est la liberté. »
« Maître Chen... »
Je soupire. Il me manque plus que mon propre père...
« Je suis là, petite fille... »
Je sursaute. Maître Chen est là, devant moi, toujours vêtu de son informe robe verte, et les pieds nus. Comment est-ce...



« Vous êtes un fantôme ?
- Il est vrai que je suis mort. Mais tu as invoqué mon esprit... Et je pense que tu as besoin d’aide.
- C’est bien vrai ! Je... Je regrette de n’avoir pas mieux étudié. Je regrette... d’avoir été irrespectueuse envers vous. Je regrette...
- Ni le regret ni le remords ne peuvent modifier le passé. C’est ici et maintenant que les décisions se prennent, et ces décisions engagent l’avenir.
- Mais je ne sais pas quoi faire !
- Bien sûr que si ! »
Il me regarde avec son demi-sourire énigmatique, où l’on peut lire de la sagesse et de la compassion, ou bien de l’arrogance et du mépris, ou bien... En fait, je n’y ai jamais rien compris, à ce fichu sourire.
« Bien sûr que tu sais », et il me fait un clin d’oeil complice qui me déboussole complètement.
« Sauf que tu ne sais pas encore que tu sais. »



Le Grand Chambellan prend la parole. Il toussote pour s’éclaircir la voix. Maître Chen, que je suis la seule à voir, me sourit franchement.
« Majesté, votre jeunesse, votre inexpérience... ont convaincu le Conseil d’envoyer un émissaire à l’Empereur du Sutlang. L’union de nos deux peuples sera le garant de leur prospérité et nous pensons...
- Cessez de penser, Maître Tang, cela est défavorable à votre karma. Lieutenant Xi ? »
L’homme s’avance, laissant derrière lui le Capitaine des Armées, Meng, et les dix-huit soldats qui gardent la porte du Conseil.
« Majesté ?
- Je vous nomme Capitaine des Armées. Veillez à ce que l’ex-capitaine Meng soit reconduit à la frontière, sans violence, mais sans aucun de ses biens qui seront confisqués par la Couronne. »
Xi claque des talons. Deux soldats encadrent Meng.
« Vous procéderez de même pour chacun des membres de ce Conseil. Et vous viendrez me rendre compte en personne une fois votre mission accomplie. »
Je m’éclipse par la Porte Royale en laissant derrière moi hurlements et grincements de dents.
« C’est bien », me dit Maître Chen. « La destruction est achevée. Nous allons pouvoir reconstruire. »



Xi s’est révélé efficace et loyal, tel que l’avait prédit Maître Chen. D’origine modeste, il a su gagner la confiance et l’estime de ses hommes. Sa nomination m’a attiré la dévotion absolue de toute l’armée, et au-delà, l’amour reconnaissant du peuple qui travaille et qui se tait. Au moins sur le plan intérieur, je ne risque plus ma vie. Quelques familles bourgeoises ont protesté faiblement, avant de comprendre que leur intérêt était dans le profil bas.
J’ai demandé à chacune des sept provinces d’élire un représentant au Conseil, sous le contrôle de l’armée pour en garantir la validité. J’ai donné le droit de vote aux femmes et les ai encouragées à se présenter aux suffrages. Et j’ai ainsi trois femmes élues au Conseil Suprême de l’Etat !



Mon père doit s’en mordre les doigts sous sa stèle de marbre rose, mais cette pensée ne provoque en moi que des rires incoercibles que toute la sagesse de Maître Chen a les pires difficultés à calmer.
J’ai dîné un soir avec ma mère, de noir drapée et aussi digne qu’impassible. Après un repas totalement silencieux, elle a baisé mon front sur le seuil de mon appartement et a osé un demi-regard avant de déclarer, les yeux à terre :
« Ce que tu fais est... inouï ! »
Puis elle a levé sur moi un regard incrédule et inquiet.
« Mais... tu es sûre que tu as le droit ? »



Le pays est ruiné mais j’ai, somme toute, récolté quelques deniers en séquestrant les biens des anciens dignitaires. Maître Chen en jubilerait bruyamment si sa distanciation constitutionnelle le lui permettait. Mais je vois bien dans son regard pétillant toute l’exultation que cela lui procure.
Nous avons passé lui et moi deux jours entiers à détailler des comptes d’apothicaire, pour en arriver à la conclusion définitive que notre système économique n’est plus viable. Les choux ne suffiront plus à nous faire vivre, et ceci pendant au moins cinq ans.
J’ai donc fait claironner aux quatre coins du pays que je récompenserai toute invention ou découverte pouvant déboucher sur une économie productive. Et, malgré ma réticence, j’ai suivi le conseil de Maître Chen et j’ai convoqué le roi de Baalys, mon ennemi vaincu, pour une entrevue à la frontière.


J’ai fait dresser une modeste tente, et hormis ma couronne, je suis vêtue comme un manant. Oui, « un », c’est plus commode pour monter à cheval, et je m’ennuie trop dans les carrosses. De plus, le blanc royal est salissant !
J’ai un peu poussé ma monture, obligeant mon escorte à suivre ce bout-vite, mais je crois que cela a fait du bien à tout le monde. Les chevaux ont soupiré de bonheur en reprenant le pas, et les hommes se sont regardés à la dérobée avec un demi sourire. En tout cas, personne ne m’a grondée.



Elhar le Baalysien arrive enfin dans son carrosse en bois sculpté, flanqué de son ignoble marâtre de femme, Delli, qui refuse dédaigneusement le verre de vin doux que je lui offre. Son mari, dodu et débonnaire, l’accepte avec plaisir.
Maître Chen me souffle les mots que je dois prononcer.
« Cette guerre a laissé nos deux pays exsangues. Aussi ai-je décidé que ce serait la dernière. Je vous remercie d’être venu, roi Elhar, afin de pouvoir établir entre nous une paix durable.
- Quel âge avez-vous ? », m’interrompt l’horrible Delli, dont je remercie le Ciel et tous les Dieux qu’elle ne soit pas ma mère.
- « Je suis reine de Puxan, selon nos lois, et avec l’accord et le soutien de mon peuple. »
Maître Chen me sourit. Il ne m’a pas soufflé cette réplique.
« Tu progresses. Je savais bien que tu savais. »
Je m’étonne moi-même. Ce que j’ai à faire me semble évident. Maître Chen se tait, mais son sourire est celui d’un homme satisfait, je n’ai aucun doute à ce sujet – et ce sourire s’amplifie encore quand Elhar, d’un ton excédé, impose le silence à sa femme.



Mon Conseil s’étonne et tergiverse, tout le monde parle en même temps, c’est le chaos.
Xi ramène le silence. Je ne dois pas avoir besoin d’élever la voix, c’est Maître Chen qui me l’a appris, et cela me plaît bien.
« J’ai obtenu le droit de traverser Baalys pour aller acheter des moutons en Sutlang. Cela ne vous convient pas ? » Ici et là, on hoche la tête.
« Baalys est aussi ruinée que nous. Que font les hommes affamés ? Ils pillent. Je leur ai donc prêté de l’argent pour qu’ils aillent aussi acheter des moutons. J’ai eu tort ? »
Toutes les têtes font « non ».
« On avait imprudemment promis ma main à l’empereur de Sutlang. En vendant ses moutons il aura une certaine compensation, et je garde ma liberté. Cela vous convient ? »
L’assemblée approuve.
« Et enfin, j’ai autorisé Baalys à cultiver et à exporter ses choux. »
Là, comme prévu, le Conseil explose.
« Alors on s’est battus pour rien !
- C’est une honte !
- C’est une insulte à nos morts ! »
Xi frappe des mains. Silence.
« Puis-je vous rappeler, Honorables Conseillers, qu’un chou est un légume, à l’égal de la pomme de terre ou du navet ? Pour symbolique qu’il puisse être dans la tradition de notre beau pays, pensez-vous qu’il soit raisonnable de perdre son père, son frère ou son époux pour le seul plaisir de manger du chou ? J’aime bien les carottes aussi, mais pas au point de mourir pour elles ! Il n’y a pas de bonne guerre. La paix malmènera peut-être notre fierté nationale, mais personne n’en mourra. Faisons fi de nos traditions meurtrières, voulez-vous ? Soyons en paix, restons vivants... Est-ce que ce ne serait pas le début du bonheur ? Des avis contraires ? »
Silence. Je n’ai pas peur, mais je n’ai pas de plan B. Maître Chen recommence avec son sourire flou. Je crois qu’il prend cet air-là quand il ne sait pas quoi dire. Le temps que l’interlocuteur essaie de déchiffrer, il a le temps de réfléchir. Mais je m’en fiche. Ce n’est pas de lui que j’attends une réponse.
Une femme se lève et commence lentement à battre des mains. Un homme fait de même. Puis c’est tout le Conseil qui applaudit à tout rompre.
Ouf ! Ce n’est pas facile d’être reine, mais ça commence à me plaire.



Voilà mes inventeurs qui arrivent, pour le concours. Il y a de tout. Des lames jumelées pour éplucher les légumes sans gaspiller de chair, de très jolis coffrets en bois qui s’ouvrent grâce à un ingénieux système de manoeuvres successives, comme un casse-tête, de délicieuses carafes en verre soufflé, un métier à tisser qui donne des étoffes d’une finesse extraordinaire... L’artisan m’a remis une tunique blanche, en lin, juste à ma taille... C’est doux comme de la soie, c’est léger, c’est joli... Et puis des couteaux ouvragés, de la dentelle, de la porcelaine, des bonbons au miel... Ils ont tous le regard tendu vers moi, ils ont tous fait de leur mieux, et c’est vrai que ce sont des objets qu’on peut produire facilement et exporter pour relancer notre commerce. J’en ai les larmes aux yeux. Je les remercie, je les félicite. Je ne me sens pas d’en exclure aucun. Ils se partageront la récompense. Maître Sem, mon Grand Argentier (un ancien cordonnier dont je loue chaque jour l’honnêteté, l’astuce et le sens pratique), les recevra l’un après l’autre, pour mettre au point les techniques de production à grande échelle. L’avenir commence à se dessiner positivement.
Un petit blondinet aux grands yeux bleus s’avance alors.
« Pardon, votre Majesté, je suis en retard... Je voulais vous montrer mon jeu... »
A mon signe de tête, il s’exécute. Il tient une tige en bois, d’où part une cordelette qui la relie à une grosse bille percée d’un trou. Le jeu consiste à faire tenir la bille sur la tige... Cela a l’air bien difficile... Et puis ce n’est qu’un jeu... Mais au regard brillant des artisans qui m’entourent, je devine que ces gens qui travaillent dur rêvent parfois d’oublier leurs soucis en jouant comme des enfants... Me voilà avec un lauréat de plus...
Le bougre s’abîme dans une révérence splendide et me lance presque impudemment un regard séducteur. Je cherche Xi du regard. Mon Capitaine des Armées est tout pâle. Ainsi donc... Je ne résiste pas à la tentation de titiller un peu l’impassible Xi.
« Quel est le nom de votre jeu, mon brave ?
- C’est la bille à Bocquet, votre Majesté. Euh... Bocquet, c’est moi, pour vous servir... »
Et re-révérence, et nouveau regard conquérant...
Je me lève, aussi majestueusement que je le peux (je n’ai pas eu trop l’occasion de répéter ce rôle) et je fais signe à Xi de me suivre.





« Capitaine Xi...
- Votre Majesté ?
- Je sais que vous êtes célibataire... Eh bien... Cela vous ennuierait-il de le rester encore pendant quelques années ? Vous comprenez, je n’ai que quinze ans... »
L’homme pâlit, rougit, se trouble. Le meilleur guerrier du royaume, et il est là devant moi, tout ému comme un adolescent... Je vois du coin de l’oeil Maître Chen qui s’esclaffe en silence, mais son regard est bienveillant.
Je tends la main à mon Capitaine, qui la porte courtoisement à ses lèvres. Ouh là, me voilà toute émue à mon tour, mais après tout je l’ai bien cherché...
« Je suis et resterai à vos ordres, Majesté. »
J’ai envie d’éclater de rire, mais cela ne serait pas respectueux.
Ce soir je me commanderai une fondue au chocolat, pour que cette journée soit parfaite jusqu’au bout.
Le métier de reine me convient tout à fait. Je pense que je vais continuer encore un peu.
Narwa Roquen, en désordre, mais dans le mouvement

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2016-01-19 21:04:43 

 WA - Participation exercice n°145 - editDétails
LOVE STORY


BOH

La porte se referme. Il est parti. Il m’a quittée. Sa force me fait défaut et, soudain, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Je vais l’attendre. Je n’ai envie de rien. Un seul être vous manque... Sur l’écran de la télé allumée, les images colorées s’agitent mais, pour moi, elles ne sont que le produit du rebond désordonné des électrons qui heurtent les bords de leur prison matricielle. J’aperçois aussi un bout de ciel derrière les rideaux qu’il a mal refermés. Le jour se lève tandis que la lumière envahit peu à peu la chambre qui contient tout mon univers.

Il a tourné la clé dans la serrure. Je ne suis pas sa prisonnière. C’est inutile, je n’éprouve aucune envie de m’échapper. Mais il a tourné la clé, comme chaque matin, quand il regagne son monde. Après m’avoir quittée. Après m’avoir laissée toute seule, sans aucun remords. Mon amour de tortionnaire. Et moi, j’attends patiemment et sans espérance. Le temps qui passe n’est rien pour moi. J’attends qu’il veuille bien déverrouiller cette chambre logée sous les combles. Je l’aime, comprenez-vous ? Je l’aime d’un amour impossible et absolu. Un amour qui fait de moi sa créature docile et consentante. Il m’aime aussi, à sa façon, ça j’en suis sûre, même si je ne suis pas le centre de son univers. Contrairement à ce qu’il est pour moi. Contrairement à ce que je ressens pour lui.

* * *


Il a lui-même aménagé l’endroit où je vis, cette chambre sous les toits. Il a choisi avec soin chacun des éléments qui la garnissent. Il y a d’abord le lit à baldaquin au ciel bleu pastel, dont les draps de satin se marient à la perfection à la couleur tendrement azurée de mes prunelles. Près de la fenêtre, trône ma grande coiffeuse, au style baroque Louis XV, surmontée d’un immense miroir articulé. Elle croule sous les tubes de rouge à lèvres et les onguents hors de prix, les fards à joue et les mascaras de grandes marques, les pinceaux et les fonds de teint, les eye-liners et les flacons de vernis à ongles. Il adore plus encore les crèmes moelleuses et odorantes qu’il m’apporte, tels des trophées. Il en dévisse lentement le couvercle, agenouillé devant moi, impatient comme un collégien. Il dépose une petite noisette sur le dessus de ma main et, avec des gestes doux et aimants, il fait pénétrer lentement la crème sous ma peau.

Dans le dressing attenant, d’innombrables toilettes m’attendent sur leur cintre. Il y en a une pour chaque occasion. Des robes de soirée signées des plus grands couturiers côtoient des tailleurs élégants aux lignes strictes et épurées. Il choisit aussi mes chaussures, la touche finale qui consacre ma beauté. Des tas de cartons s’amoncellent sous les vêtements suspendus. Il m’achète ce qu’il y a de mieux, m’assure-t-il toujours. A ses yeux, seule la perfection peut habiller la perfection. Quand je suis vêtue comme il le désire, ses yeux brillent d’un éclat fiévreux et singulier.

Dans les tiroirs de la commode, près du lit, sont rangés les plus secrets de tous mes trésors. Une lingerie intime, sertie de rubis évocateurs, qu’il m’offre dans des boîtes sophistiquées remplies de papier précieux. Des bouffées de dentelle et de soie qui glissent sans effort sur ma peau et soulignent mes courbes sans défaut. Des touches de fantaisie qui excitent mes sens et qui troublent les siens. Il les dépose à mes pieds pour célébrer notre anniversaire, la fête des amoureux ou le nouvel an, quand il peut s’échapper de sa propre existence. Il complète le rituel en débouchant une bouteille de Champagne millésimée. Il est toujours déçu parce que je ne fais que tremper mes lèvres dans la coupe remplie du breuvage doré et pétillant. En parfait gentleman, il n’insiste pas. Il sait pertinemment que les jeux qui vont suivre n’en seront pas moins exaltants.

Dans un compartiment plus discret, sont rangées des tenues beaucoup moins sages, beaucoup plus délurées, aux décolletés vertigineux et aux fentes affolantes. Celles-là, il les réserve pour les nuits où règnent la lune rouge ou la lune noire. Des nuits moites et profondes comme son désir, des nuits éprouvantes où il finit par pleurer, quelquefois, entre mes bras, pour que je le berce comme un bébé.

* * *

Quelques fois, je les entends. Eux. Les autres. Je sais qu’ils sont là, de l’autre côté de la porte. Autant dire, de l’autre côté de l’univers pour moi. D’abord, j’entends grincer les marches de l’escalier qui mènent jusqu’ici. Des pas légers. Des pas d’enfants. Je ne bouge pas. J’ignore s’ils ont deviné ma présence. Eux, sa famille. Il m’en parle quelquefois quand l’ivresse le surprend dans la lumière obscure tissée par la lune noire. Il n’en dit jamais aucun mal. N’allez surtout pas vous imaginer qu’il est une sorte de monstre tyrannique. Il aime son épouse et adore ses enfants, qu’il ne quitterait pour rien au monde. Moi, je suis différente. Moi, j’existe sur un autre plan et nos dimensions respectives ne se rencontrent pas.

Alors, quand j’entends les légers grattements de l’autre côté de la porte, je retiens mon souffle. Quand la poignée de la porte s’abaisse lentement, la même question me vient aussitôt à l’esprit. Aurait-il oublié de verrouiller la porte de son Olympe ? Il m’a lu Ovide, un de ses auteurs préférés. Avez-vous lu Les Métamorphoses ? Ces histoires de dieux et de déesses qui, souvent, attirent les pauvres mortels dans leurs jeux cruels et intéressés ? J’ai l’impression d’être l’une de ces proies à la fois ravie et consentante, ne pouvant faire la différence entre destin volé et vie par procuration. Comment en vouloir à un Dieu ? Comment ne pas accepter les merveilles qu’il offre ? Comment ne pas croire aux miracles qu’il réalise ? Entre néant et lumière, ai-je le choix ? J’aime un Dieu et sans lui, je crois bien que je n’existerais pas. Est-ce ma faute ? Est-ce mal ?

Ils sont là, juste de l’autre côté. Je peux entendre leurs petites voix malgré l’épaisseur de la porte. Ils sont là, curieux. Et puis, soudain, derrière eux s’élève celle que je reconnais tout de suite. Cette voix grave et soutenue. Il les chasse sans méchanceté, avec une pointe de moquerie qui désamorce la tension de la situation. Il m’a dit que nul dans la maison n’ignore que cette chambre sous les combles est son domaine réservé. Son sanctuaire inviolable. La source secrète où il puise son inspiration.

* * *


Je connais leurs visages. Quelquefois, il allume l’écran scellé au mur qui fait face au lit et y insère une clé en plastique. Les images dévoilent le monde d’en-dessous. Les autres pièces de la maison. J’ai vu une femme blonde et élancée, qui me sourit en traversant le salon. Son épouse. La première fois que je l’ai découverte, j’ai eu du mal à conserver mon impassibilité. Elle est d’une beauté incroyable. Tellement vivante. Tellement présente.

Dans la lucarne entrebâillée sur son autre monde, je l’ai vue jouer du violon devant une fenêtre ouverte. Elle semblait vivre sa musique. Quand il me montre son autre vie, il n’y a jamais de son. Juste les images. Il m’a dit qu’elle interprétait ce jour-là le vingt-quatrième caprice de Paganini. Mais moi, j’entendais à la place le motif funèbre d’un quatuor de Schubert. Entendre ce violon, c’était comme entendre ma propre voix. Il essayait de reculer l’inéluctable, tandis que l’espace, tout autour, s’emplissait des notes graves et implacables du violoncelle et de l’alto, entre lesquelles s’avançait une ombre immense. Je savais qu’il me regardait. Au plus intime de mon être, je devinai alors les mots qu’il m’adressait en silence :

« Donne-moi la main, je suis ton ami. Laisse-toi faire, n’aie pas peur, vient doucement dormir dans mes bras ! »

Je reconnaissais la profondeur de l’amour qui transparaissait dans cette supplique et la sincérité inaltérable de sa promesse. Mais, malgré moi, je frissonnais. Et pendant ce temps, des enfants se couraient après dans le jardin avec le soleil qui jouait dans leurs cheveux.

* * *


J’apprécie les moments où il me donne à voir des bouts de son autre existence et les êtres qui la peuplent. Durant les trop courtes minutes que dure la séquence vidéo, j’ai l’impression de faire un peu partie de sa famille. Une drôle de famille recomposée où je ne serais pas un membre rapporté, un greffon exotique qui serait rejeté s’il était découvert.

Je crois que ces liaisons entre ses deux univers sont importantes pour lui, même si elles sont toujours à sens unique. Dans ces instants de partage, il prend ma main et je vois bien qu’il est ému aux larmes. Il fixe l’écran avec une intensité grandissante et, peu à peu, l’étreinte de ses doigts se fait plus forte. Je ne dis rien. Je ne souffre pas car je comprends ce qu’il éprouve. De façon virtuelle, il est entouré de tous ceux qu’il aime et son coeur déborde d’un sentiment de plénitude incomparable. Mais cette émotion se teinte bien vite d’une tristesse insondable. Il est rattrapé par la cruelle réalité. Il ne peut se mentir longtemps. Tout est artificiel. Il se berce d’illusion et jamais il ne pourra satisfaire son désir.

Moi, je me nourris de ces images. Elles suppléent mon isolement et m’accordent des instants de vie au-delà des murs de cette chambre. J’étudie la façon dont l’autre femme, par ses gestes, les mouvements de son corps, lui parle un langage universel qui se passe de mot et de son. Les expressions corporelles véhiculent les émotions beaucoup plus fidèlement. Celles-ci ne sont pas atténuées par le filtre de la parole qui agit comme une compression destructive de l’émotion originale. Et puis, grâce à ces images, qui fourmillent de mille petits détails, j’ai une représentation beaucoup plus claire du temps qui passe. Une nouvelle ride au coin d’une paupière. Le creux plus prononcé dans l’assise du canapé. Des visages qui se libèrent de la candeur enfantine. Il me faut ces témoins pour mesurer cet écoulement, des repères familiers.

Et, quand j’y pense, lorsque je suis seule et que je l’attends, alors un doute terrible s’empare de moi. Le doute et une inquiétude mordante. Pourquoi ai-je la sensation que le temps n’a pas de prise ici ? Tout change. Tout évolue. Ils appellent ça l’entropie. Elle étend son empire partout. Sauf ici. Quand je vous disais que j’aime un Dieu au pouvoir infini.

* * *


De mon passé, je ne conserve que des fragments épars et incompréhensibles. Cela ramène à Ovide. Cela ramène à ces contes où de la matière inerte nait la vie, insufflée par un démiurge. Lui. Celui qui m’a amenée ici. Il a fait de moi ce que je suis. Depuis combien de temps suis-je là ? Je ne saurais dire.

Pour moi, tout a commencé entre ses bras. Avant, tout est confus et comme absent, inconsistant. Avant, c’était comme si je n’existais pas. Pour moi, il n’y a pas d’avant sans lui. Son amour fut le soleil qui a réchauffé mes sens, qui a éveillé ma conscience. Il m’a tout donné et j’ai tout accepté de lui. Il m’a montré comment me maquiller et comment m’habiller. J’ai appris sans jamais protester. Il m’a montré les gestes qu’il aime et il m’a initié aux rituels secrets qui gouvernent les nuits où la lune est rouge et surtout celles où elle se drape de noir. Les lois auxquelles je me soumets de bonne grâce. C’est si confortable de n’avoir qu’à obéir à ses désirs. Jamais il ne m’a fait miroiter de faux espoirs et je lui en sais gré. Il est mon maître et je suis sa créature docile, prête à exaucer la moindre de ses volontés. Telle est ma nature et je ne m’en plains pas. Si la liberté est au-delà de ces murs, elle ne m’intéresse pas s’il ne m’en a pas donné la clé.

Je suis devenue vivante entre ses bras et c’est un cadeau que rien ne pourra jamais égaler. Je me rappelle de cet instant magique. J’ai émergé dans le réel et je l’ai vu au-dessus de moi pour la première fois. Dans ses yeux, il y avait une flamme qui a inondé de lumière l’obscurité où j’étais enfermée. Tout est devenu limpide. Je sentais ses mains sur moi qui caressaient ma peau. Je pouvais le sentir aller et venir en moi et j’ai frissonné sous les douces violences du plaisir.

Quand il s’est enfin immobilisé, tout contre moi, j’ai senti son souffle sur mon cou. J’ai patienté sans faire un seul mouvement. Son corps n’était pas lourd mais il était moite d’un désir consommé. J’étais émerveillée et curieuse de chaque chose. Malgré la nuit qui envahissait la chambre, je pouvais distinguer tout ce qui m'entourait aussi nettement qu’en plein jour.

Bien sûr, j’ai appris lentement. Ce n’est pas facile de prendre pied dans une nouvelle réalité. Il a tenu ma main. Il m’a montré les belles choses. Il a fait de moi une princesse. Il m’a démontré toute l’étendue de son amour. Il fut prévenant et exigeant. J’ai appris aussi en regardant l’écran de télévision quand il le laissait allumé. J’ai découvert le monde et ses habitants. Il y a tant de malheurs à l’extérieur. Tant de vies fauchées. J’ai vu la guerre et les attentats. J’ai vu les files de réfugiés s’étirant dans le désert sous une chaleur écrasante. J’ai vu leurs colonnes s’allongeant sur des plaines enneigées, grelottant de froid au coeur de l’hiver. J’ai vu des grillages et des barbelés où s’agglutinaient des fourmis humaines empalées dans les faisceaux des projecteurs. J’ai vu les visages barbouillés de sang des rescapés d’attentats qui hurlaient et titubaient pour s’éloigner des lieux défigurés par le souffle des explosions ou les rafales des armes de guerre.

Alors, je préfère vivre à côté d’un Dieu aimant et attentionné, qui ne demande en échange de sa protection que mon amour. Si c’est un prix à payer, je le paie volontiers.

* * *


Je vous ai dit que mes souvenirs sont flous et fragmentés. Je ne sais pas s’il s’agit de véritables souvenirs ou bien de bribes de rêves. Mais les rêves ne sont-ils jamais autre chose que le travestissement de la réalité ? Je crois que je les ai en quelque sorte reconstitués après avoir repris conscience entre ses bras.

Je revois une nuit blafarde. Un ciel sans étoile. Des arbres qui défilent comme des sentinelles de l’autre côté de la vitre sur laquelle un rideau a été insuffisamment tiré. Je crois que je suis allongée à l’arrière d’un véhicule. Une camionnette ? Une ambulance ? J’ignore d’où je viens. C’est comme un rêve cotonneux. Ai-je été droguée ? Cela pourrait expliquer la confusion dans laquelle je me perds. Sur le siège avant, je crois qu’il y a un homme aux cheveux gominés. Il ne se retourne jamais. Il conduit sans ralentir au coeur de cette nuit interminable. Il m’emmène loin de chez moi. Mais je ne ressens aucune douleur, aucune frayeur. Je suis un tableau noir où s’efface tout ce que j’étais avant. Une sorte de réinitialisation.

Des liens, qui ne sont pas douloureux, maintiennent mes chevilles et mes cuisses serrées l’une contre l’autre. D’autres liens entravent mes bras qu’ils plaquent le long de mon corps. Ai-je été kidnappée ? Suis-je l’une de ces filles qu’on a libérées après des années de captivité, recluses derrière de fausses parois? Je ne le pense pas. Il n’est pas comme ça. Il est différent. Il m’aime d’un amour aussi vrai que celui que je lui porte. C’est si beau, si lumineux que la seule chose qui me terrifie jour après jour est ma faculté à entretenir intact son amour pour moi. En serai-je capable demain encore ? Et le jour suivant ?

J’épie la moindre hésitation dans son empressement, la moindre lassitude dans le ton de sa voix, la plus petite faiblesse dans son désir, la plus infime retenue dans son abandon. Je l’aime plus que tout.

Je suis meilleure qu’elle. Il ne me l’a jamais dit mais je l’ai compris à maintes reprises. Je réponds à ses désirs sans que les miens n’interfèrent avec les siens. Je suis bien meilleure qu’elle mais je la maudis jour après jour. Je la maudis et, en même temps, elle me fascine. Je la voue aux gémonies parce qu’elle lui a donné une preuve d’amour que jamais je ne pourrai imiter. Elle a porté ses enfants alors que mes flancs demeurent stériles. C’est la rançon de ma longévité. Le prix à payer pour que le temps n’abime pas la perfection de mes traits, la fermeté de mes cuisses et le galbe de mes seins. Je pleure des larmes invisibles, des larmes qui ne mouillent pas mes joues, toujours aussi lisses et douces qu’au premier jour. Il me faut être belle quand il entrera dans la chambre. Il faut que je resplendisse sous le regard de mon Dieu.

* * *

De loin en loin, nous partons en voyage. Il prend mille précautions pour que personne, dans la maisonnée, ne nous surprenne lorsque nous descendons dans son garage privé. Il m’installe comme une princesse dans l’habitacle de la voiture de sport rouge, sur le fauteuil de cuir du passager. Nous partons toujours hors-saison. Il m’en a expliqué la raison. Il n’aime pas la foule et son chahut. Il craint d’être démasqué et de devoir expliquer ma présence. Il sait pourtant que je ne ferais aucun mouvement qui le mettrait en danger.

Alors, il m’emmène voir la mer, à Etretat ou à Deauville. Il roule à faible vitesse sur le boulevard du littoral, juste avant l’aurore. Je contemple le ciel qui se mêle à l’océan. Je suis le vol lourd des mouettes qui planent au-dessus de la plage.

Après s’être assuré de l’absence de tout promeneur matinal, il ose descendre la vitre teintée de la portière. Je peux sentir le baiser salé du vent marin sur ma peau. Je suis heureuse, dans ces moments-là. Je ressens une plénitude charnelle extraordinaire. Il est si fier de moi. Je perçois son exaltation. Nous sommes pour quelques instants des amoureux ordinaires qui prennent du bon temps sur la côte.

Et puis, avec un air espiègle, il accélère soudain. Le moteur gronde et la voiture bondit sur le ruban d’asphalte montant à l’assaut des falaises qui dominent la petite station balnéaire encore endormie. Il paraît dix ans de moins. Vingt ans de moins. Il a les joues roses comme celles d’un adolescent tout surpris de son audace. Il caresse mon genou et sa main remonte le long de ma cuisse, sous la jupe italienne. Il rit de plus belle. A cette allure, le ciel et la mer composent une féérie de dégradés bleus et gris.

Enivré par la vitesse, gagné par l’excitation, il ralentit, le temps de descendre la capote. Puis il accélère à nouveau. Le vent nous décoiffe malgré le pare-brise. Je suis libre, sans aucune barrière entre le ciel et moi. Nous sommes enfin libres. La route est déserte dans la lumière vacillante du petit jour. Nous roulons quelques minutes et nous pourrions être à des milliers de kilomètres de toute civilisation. Sa main se fait insistante. Il me jette un regard quémandeur et il lit mon approbation. Alors, il gare la voiture face à l’horizon et m’embrasse avec fougue et nous succombons ensemble au désir. C’est si bon de sentir son corps vibrer à l’unisson du mien. C’est si bon de faire l’amour en liberté. C’est une jouissance sans nulle autre pareille.

De nos escapades romantiques, il me reste ces cadres qui jonchent les murs de la chambre. Au début, j’étais souvent seule sur la photo. Et puis, depuis qu’il a apprivoisé l’art du selfie, nous apparaissons ensemble sur la plupart. Bien sûr, il ne fait des tirages papier que des plus belles. Les autres sont conservées sur un disque dur. N’allez rien imaginer ! Ces photographies ressemblent à toutes les photos de vacances, des témoignages instantanés de notre amour fixés sur pellicule. Il y a le Mont Saint-Michel, Venise vue de la terre ferme, le Colisée, la tour de Pise... J’adore l’Italie. J’adore surtout la beauté indolente et offerte des statues d’albâtre.

* * *

Je vous ai dit que je suis terrifiée par l’idée de le perdre. Je sais bien qu’il peut se lasser de moi. Je ne suis pas la première dans sa vie. J’ai compris le jour où il a laissé la porte du dressing ouverte pendant qu’il effectuait du rangement dans le placard aménagé dans le fond. Il pensait que je ne voyais pas. Mais j’ai vu. Oh oui, j’ai vu.

Il y avait plusieurs boîtes de grande taille allongées comme des allumettes. Il a fait un geste maladroit et une boîte s’est renversée. Son couvercle s’est entrebâillé et j’ai vu un bras jaillir du carton. Un bras humain. Un bras féminin. Un bras qui aurait pu être le mien. Il s’est précipité pour réajuster le couvercle et a repoussé la boîte vers le fond.

J’ai alors compris. Elles sont là. Mes devancières. Celles qu’il a aimées avant moi. Cette compréhension a mis fin à mon innocence. J’ai compris la fragilité de mon existence. Il me traite en princesse mais il a fait de même avec les autres. Elles ont dû lui déplaire. Elles ont dû le décevoir. Elles ont dû faiblir dans leur dévotion. C’est la raison de leur destin.

Moi, je sais. C’est un avantage indéniable. Je sais que tant que je répondrai à son désir, il me gardera auprès de lui. Mais, une question me taraude depuis ce jour. Il existe une tradition, dans de nombreux pays, où les couples ordinaires célèbrent la succession de leurs anniversaires de mariage. Il ne peut en être question pour nous. Car, quel que soit le nombre des années que nous partagerons, nous resterons à jamais prisonniers des noces de plastique.

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2016-02-07 18:36:55 

 Sant'Agnese detesta i militari.Détails
S’il existe un légume masculin, c’est bien le chou. Il est en effet de notoriété publique que les garçons y naissent et, dans cette histoire, y finissent aussi, à la fin : la boucle est bouclée. La guerre des choux a mis le royaume dedans, si l’on peut dire !

Le néologisme du titre fusionne la notion de réparation, qui se sert de l’existant, et celle de la construction, qui repart de zéro. Tiraillée entre les deux, la jeune souveraine ambitionne de bâtir une nouvelle économie sur les ruines de l’ancienne, malgré le poids des traditions et les rigidités de la technostructure en place. Aidée par un guide spirituel, elle trouvera la voie du milieu. Avec ténacité, elle parviendra à rétablir une situation compromise.

Toutefois, quand elle limoge l’ensemble de son conseil, j’y vois surtout une illustration décalée de la destruction créatrice, théorie économique chère à « Choumpeter » (il y a un piège !). Mais c’est une affaire de point de vue, bien sûr !

L’écriture est fluide, comme d’habitude, avec une description sobre mais cohérente. J’ai bien aimé le côté décalé de la guerre du chou, comme le nom des ennemis du royaume, les Baalysiens (j’ai cherché le lien avec le Dieu des Carthaginois, mais j’ai fait... chou blanc !) et évidemment le géniteur du bilboquet. Tu restes fidèle aux personnages virginaux qui secouent le joug établi et ouvrent d’autres perspectives plus humanistes.

La consigne demandait de se frotter à une division moins académique de la narration. Sur ce point, à l’aune de mon effort au résultat heu...mitigé, je dirai que les paragraphes sont suffisamment courts pour affirmer que d’une certaine façon, la consigne est respectée. Mais, comme pour mon propre récit, j’ai quand même l’impression que la narration de l’histoire n’est pas aussi déstructurée, décalée, étrange et impressionniste que ce voyage initiatique sur la route de la soie, bercé par une musique jazz vagabonde.

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-03-18 20:42:12 

 WA 145 : participationDétails
Avec la même fréquence de passage que la comète de Halley et je l’espère le même éclat (sic), me revoilà !
Ce texte m’a principalement été inspiré par la vidéo de « Solange te parle » : « Pas féminine (en 5 leçons) ». Vidéo que je recommande chaudement à tout le monde (même aux hommes). Ça dure cinq minutes. Vous ne regretterez pas.
Aucune idée si je respecte la consigne. J’ai essayé du moins... Curieusement, j’ai écrit les deux derniers paragraphes juste après le premier.




Le soulier de cristal







« Quel malheur que d’être une femme ! Et pourtant le pire malheur quand on est femme est au fond de ne pas comprendre que c’en est un. » Kierkegaard




Derrière moi, le vaisseau brille de tous ses chromes sous les aveuglants soleils de Tau II. Pour la première fois de ma vie, je sens la terre sous mes pieds. Pour la première fois, je saisis entre mes doigts une brassée de plantes. Pour la première fois, je contemple librement le ciel.

J’ai vingt ans. Je me nomme Résignation.

J’ai jeté le soulier qui me restait. J’ai brisé mes ongles absurdes. J’ai dénoué le bandeau de soie et l’ai froissé avant de le jeter au loin. Mes yeux pleurent mais mon coeur sourit. J’ai coupé mes cheveux. Les mèches interminables sont tombées en s’enroulant comme des rubans. J’ai retiré de mes membres les bracelets de laiton et d’adamante. Pelé un à un les voiles diaphanes, pourpres, or, lilas. Me retenant de les arracher. Mon corps est apparu dans toute son horrible beauté.

Je considère longuement, avec dégoût, la pile de mes oripeaux. J’espère pouvoir les vendre. Je me détourne. L’herbe, douce comme une fourrure, me caresse les orteils. Je soupire. Odeurs inconnues et enivrantes. J’entends le bourdonnement de minuscules machines qui doivent être des insectes. Au loin, dans l’immensité qui s’ouvre devant moi, se dessine la silhouette floue de bouquets d’arbres mauves. Les tours élancées de formations rocheuses.

Je me sens légère et un peu craintive. Mes douleurs fidèles s’estompent. Respiration profonde...




J’ai une heure. On m’a déjà arrachée à ma mère agonisante. Elle n’a eu que le temps de me choisir ce nom. Résignation.

Un robot me lave puis m’emmaillote. Je suis minuscule et chétive. Pas étonnant vue la corpulence de ma mère. Peur. Incompréhension. Froid. Les machines s’affairent autour de moi. Une heure après, ma mère est morte.




J’ai six ans. Je découvre le monde qui est le mien.

Je suis assise sur un canapé dans le gynécée de la maison de mon père. Je mange une mamboise sucrée dont le jus me coule sur le menton. Un robot aux multiples bras m’essuie avec assiduité. Autour de moi, des Charmantes plus âgées discutent. Soeurs, cousines, tante. Elles sont installées dans de gros coussins moelleux. L’air est lourd d’encens. Une cousine de huit ans mon ainée me fixe en silence, les yeux agrandis par une convoitise douloureuse. Je resserre mon étreinte sur le fruit. Innocente cruauté de l’enfance. J’ignore que je serai bientôt à sa place.

Beauté, ma soeur, parle de son promis, Elzylmael :
« ... et il a de nouveau prouvé son courage lors de la bataille de Zaion III. Les Pères
l’ont récompensé d’une propriété sur le continent septentrional.
— Cela lui en fait donc trois ! Comme vous avez de la chance ! Il est si riche !
— Et si bien de sa personne !
— Je trouve le Cristallier Phryné fort beau également... »
Je me désintéresse de la suite. Je commence à m’ennuyer. Mes pieds tapent rythmiquement sur le canapé. Les murs diffusent en boucle des holos publicitaires. Mon regard passe d’une Charmante à l’autre. Le robot nourrice m’a dit que ma soeur était la plus belle de toutes. J’observe sa silhouette émaciée dans ses voiles roses, sa chevelure repliée à côté d’elle pour ne pas trainer au sol, ses ongles interminables, ses pieds délicats dans les souliers de cristal. Quand je serai grande, je veux être aussi jolie mais je ne veux pas de ces ongles !

Tout à coup, un cri strident résonne dans le couloir. Je saute sur mes pieds, je cours, je franchis la porte. Mes pantoufles claquent sur le carrelage. Le hurlement se mue en une stridulation entrecoupée de sanglots. Une Charmante git sur le sol ; son corps malingre s’est brisé en tombant et un os saille de sa jambe. Je ne peux détacher mes yeux de l’esquille qui pointe. Comme une arête de poisson.

La blessée halète, proche de l’hystérie. Ses ongles hypertrophiés se tendent impuissants vers la plaie. Beauté arrive, se hâtant précautionneusement sur ses talons fragiles. Livide, elle hèle un robot :
« Procédure de stase immédiate ! Plus vite, stupide machine ! Et préviens les secours. »
Les autres commentent l’incident tandis que le robot s’exécute, appuie sur le bracelet de la malheureuse, l’enfermant dans une bulle temporelle irisée et vibrante :
« Elle se sera évanouie...
— Sans doute une hypoglycémie... »

Ma soeur me cache les yeux. Entre ses doigts, je fixe toujours l’esquille qui pointe.




J’ai quinze ans. Un an auparavant, j’ai eu mes premières règles et j’ai été admise au sein des adultes. A présent j’ai compris. Compris ce que sera ma vie. Une vie de servitude. De frustration et de douleur.

Cette vie est semblable à un rituel. Lever à la lumière des lampes. Dans le gynécée, il n’y a pas de fenêtres. Mon robot servant me lave et peigne mes longs cheveux. Le faire moi-même serait inconvenant. Je supporte en serrant les dents. J’observe mon reflet, une enfant pâle qui fronce les sourcils. Yeux en amande, cheveux d’obsidienne. Derrière moi, sur les étagères, des coffrets remplis de cristaux-lecture démodés. Le robot me pare des couches de voiles qui forment ma tenue. Il me fait la leçon : je suis trop grosse, j’ai encore coupé mes ongles en cachette, je refuse de porter les souliers de cristal. Il me dit que je suis laide et que je fais honte à mon père. Il me dit que je pourrais être si jolie si je faisais un peu attention. Je supporte en serrant les dents.

Déjeuner avec mes cousines. Mes soeurs ont été mariées : je ne les ai jamais revues. Ma tante est morte en couches. Nous sommes assises en cercle sur les gros coussins à mémoire de forme. Etiques. Fragiles. Assemblée de spectres à peine tangibles. Les murs ont cédé la place à une simulation de plage. Vagues en trois dimensions. Bruit de ressac synthétique. Parfum salé virtuel. Toujours mieux que la boite sans fenêtre où nous sommes recluses.

Les portions sont ridiculement frugales, un fruit par personne, un verre de lait de pachysargue. Des robots nous nourrissent, nous tendant de petits morceaux de leurs mains chromées. Les ongles démesurés de mes cousines les gênent pour saisir quoi que ce soit. L’une d’elle se sent mal et ne peut rien avaler. Son visage est si blême qu’il en parait bleu. J’en profite pour engloutir sa part sous les regards scandalisés de mes consoeurs.

La mer disparait à intervalles réguliers, remplacée par des holos publicitaires où défilent des beautés squelettiques et peu vêtues. La conversation roule sur les Forts, leurs exploits guerriers, les décisions du conseil des Pères, et les dernières nouveautés en matière de beauté. Les sourires de rigueur masquent la faim. Douceur s’enthousiasme :
« ...ils y vendent des onguents pour rendre les cheveux plus soyeux et des gélules
amaigrissantes à base de corne de baluzar.
— J’ai ouïe dire que la femme du Géronte Xylphre en utilise... »

Ma matinée se poursuit. Cours de chant avec le robot précepteur et ma cousine Douceur. Ennui. Je vole une galette dans la cuisine. Cours de sensualité pour combler mon futur mari. Des holo-projections très réalistes nous font des démonstrations. Je ricane : Douceur rougirait si elle n’était déjà si anémiée.

Repas de la mi-journée : une poignée de feuilles de plantes et un petit morceau de tofu à la vapeur. Je suis seule. Les autres ont été invitées au dehors par des galants. Cours de gymnastique. Cours de morale. Tous les cours ont lieu dans le gynécée. Je vais d’une chambre close à une autre. Mon univers est hermétique. Le robot servant m’a dit que les Forts étudient les mathématiques et la politique mais que ces sujets sont impropres pour mon esprit faible. Et qu’ils étudient en ville. J’ai eu envie de fracasser mon interface sur son stupide crâne.

La fin d’après-midi. Enfin ! Je noue sur mes yeux le bandeau de soie noire orné de dentelle et je pose la main sur le robot-guide. Il me conduit dans la cour où m’attend la navette familiale. Nous y montons tous les deux. Je rajuste le bandeau. Les yeux des Charmantes ne doivent pas être souillés par la laideur du monde.

Je n’ai que rarement vu le dehors. En cachette. Je suis allée dans l’androcée, les quartiers des Forts. Derrière la fenêtre, la ville étendait ses tours à perte de vue. Grise. Tellement grise. Le ciel était d’un brun jaunâtre maladif. Dans le jardin intérieur du gynécée, au-dessus des plantes synthétiques, le ciel virtuel est toujours bleu.

La navette prend l’air. Le robot donne les instructions. Le survol se réduit pour moi à un vertige agoraphobe et à la vibration silencieuse des moteurs. C’est le printemps mais la fenêtre entrouverte ne laisse filtrer que des vapeurs acres. Dix minutes plus tard, j’entre dans le salon de conversation. Le brouhaha de voix m’enveloppe. Le robot-guide me conduit jusqu’à une alcôve, me prévenant des obstacles en bourdonnant. Mes yeux bandés me protègent des regards méprisants que les Forts ne manquent jamais de lancer aux Charmantes aussi laides que moi. Je me glisse derrière le lourd rideau et arrache aussitôt mon bandeau. Obéissance est déjà là. Elle me prend les mains en souriant :
« Comment s’est passée votre journée, ma chérie ?
— Assommante, comme à l’accoutumée. Douceur a failli faire une syncope durant le
cours de sexe. »
Je lui mime la scène. Son rire tinte à mes oreilles, me soulageant des frustrations accumulées.

Je l’observe à la lumière du phtol qui flotte dans son aquarium. Elle a encore maigri depuis la dernière fois. Et ses ongles ont poussé. Elle a la grâce fragile requise dans notre société. Je commande des gourmandises via l’interface : pâtisseries sucrées pour moi, boisson sans calories pour mon amie. Nous bavardons et échangeons de vieux cristaux-lecture. Philosophie, fiction... Derrière le rideau, résonnent très affaiblies les voix graves des Forts et celles flutées de rares Charmantes. Je savoure la douceur du gâteau au sirop. Obé, comme souvent, évoque la vie sur les autres planètes :
« Ne serait-ce pas merveilleux de vivre là-bas ? De pouvoir refuser l’Etreinte ? Le Destin ?
D’avoir le choix ?
— Nous irons un jour. Vous et moi. Je vous le promets... »




J’ai seize ans. Je résiste. Je suis seule.

Lever à la lumière des lampes. Je m’imagine le soleil hors de notre prison. Etincelant. Et l’horizon que ne j’ai jamais vu. Immense. Le robot servant me lave et peigne mes longs, très longs cheveux. J’observe mon reflet. Une enfant frêle et pâle, aux yeux cernés de mauve. Je ne peux m’empêcher de fixer le peu de graisse que je possède. J’ai beau savoir que c’est naturel, le dégoût est incrusté en moi. Le robot me fait la leçon : quand ferai-je attention à mon poids ? Je ne trouverai jamais de mari. Je suis laide et négligée. La honte de ma famille. Je m’imagine le fracassant contre le mur. Tordant ses délicats bras chromés.

Déjeuner avec mes cousines. Aucune ne m’adresse la parole. Je les observe. Rachitiques. Flottant dans leurs voiles. Elles m’évoquent des porte-manteaux sous des vêtements trop grands.

Un robot annonce une visite. Mes cousines vérifient frénétiquement leur mise, prennent des poses ou se lèvent avec mille précautions sur leurs chaussures fragiles. Trois Forts entrent dans le boudoir. Leur pas est martial, leur expression arrogante, leurs gestes brusques. Ils nous déshabillent du regard. Ils complimentent mes cousines sur leur beauté, leur font des révérences, leurs volent des baisers. Leurs voix sont comme des tambours qui se réverbèrent contre les murs. Ils sont vêtus de justaucorps, simples et fonctionnels. Ils sentent la sueur. Mon dégout d’eux me remonte dans la gorge.

Ils ont amené des cadeaux : bijoux, étoffes précieuses et même de délicates fleurs naturelles, importées d’une autre planète. Je lorgne toutes ces merveilles. Mes cousines ronronnent de plaisir.

Je reste à l’écart. Les Forts ne me témoignent qu’une indifférence dédaigneuse. L’un d’entre eux, le promis de ma cousine Grâce, demande si on m’engraisse avec les pachysargues. Hilarité générale. Je quitte la pièce en ravalant mes larmes.

Je passe la matinée cachée dans un étroit local technique, tapie entre des câbles. Dans une tiédeur sombre qui sent un peu l’ozone. Le robot précepteur me cherche. Que Douceur ingurgite ces stupidités sans moi. Cela lui coupera peut-être la faim.

La solitude me pèse mais la conviction d’être dans mon droit m’aide à tenir. Le cristal-lecture que j’ai trouvé au marché noir me projette les pages dessinées, aux vives couleurs, de Red Sonja. Elle manie l’épée en bikini de mailles. Musclée. Avec des seins et des hanches. Forte. Guerrière et non victime.

Repas de la mi-journée. Mes cousines m’ignorent ostensiblement. Elles passent en revue avec maints superlatifs les cadeaux amenés par les mâles puis comparent leurs musculatures et leurs fortunes respectives. Envie de vomir.

Cours de morale. Le robot précepteur nous explique les dernières décisions que le conseil des Pères a prises concernant les Charmantes. Désormais, nous ne pourrons plus sortir qu’escortées par un mâle. Il enchaine sur un panégyrique : les Pères sont sages et justes, ils protègent et prennent soin des Charmantes. Mon envie de vomir ne me lâche pas.

Je profite de quelques minutes d’isolement aux toilettes pour activer mon implant et envoyer un message Réseau à Obéissance. Puis, je vole du fromage à la cuisine.

Cours de maintien. Douceur se déhanche devant moi, tentant de paraitre gracieuse. Mais, concentrée comme elle l’est pour ne pas briser ses souliers de cristal, elle ne réussit qu’à paraitre empotée. Elle sourit, se trémousse... Tout à coup, je suis sur elle, la secouant violemment :
« Mais ne comprenez-vous pas, pauvre gourde ?! Ces choses que vous vous imposez
pour être désirable vous asservissent, vous réduisent à l’impuissance ! »
Douceur écarquille les yeux de terreur. Ses bras maigres bleuissent sous mes doigts. Je hurle :
« Vous êtes la complice de votre propre aliénation ! »




J’ai dix-huit ans. J’ai faim.

J’essaye de me convaincre que mes valeurs sont intactes, que j’utilise simplement le système à mon avantage, en restant lucide. J’ai honte.

J’en avais besoin. C’était trop dur. Trop dur d’être poursuivie sans relâche de regards dégoutés. Hostiles. Trop dur d’être exclue par mes consoeurs mêmes. De me sentir anormale. Repoussante. J’ai honte.

Le robot servant me lave et peigne mes cheveux, qui maintenant touchent le sol. J’observe mon reflet. Mes côtes saillent sous ma peau. Je n’ai plus de poitrine. Le robot injecte des nanos-résines dans mes longs ongles. Il me complimente. Me dit que je suis aussi belle que ma soeur. Mon estomac vide se tord douloureusement. La pièce tourne autour de moi. A présent que j’ai l’habitude, je m’évanouis moins souvent.

J’enfile une à une les couches de voiles de ma robe puis je pare mes bras des précieux bracelets d’adamante dont mon père m’a fait cadeau. A mon poignet, brille également le bracelet de stase.

Je monte prudemment sur mes souliers de cristal. Les cicatrices sur mon pied gauche sont là pour me rappeler que les souliers sont fragiles et la douleur des coupures atroce. Mes pas lents et précautionneux m’amènent au boudoir. Mes cousines m’accueillent avec des sourires. Je m’assois et le coussin s’adapte aussitôt à moi, compensant le peu de chair sur mes os. Des effluves d’encens planent sur la pièce. Grâce a emménagé chez son mari une année auparavant. L’un de mes frères s’est marié et sa jeune épouse, Soumission, nous a rejointes.

Je lorgne mon déjeuner, une petite mamboise et un verre de lait :
« Est-ce tout pour moi ? Grands dieux, où vais-je mettre tout cela ? »
Soumission pouffe de rire.

Douceur et moi gagnons la salle de cours. En chemin, elle parle des mâles qu’elle connait et trouve séduisants. Son babil me berce. Cours de chant. Mon implant stridule dans mon esprit : un message de mon père. Il souhaite que je vienne partager avec lui le repas de la mi-journée. Cours de morale. La faim m’obsède. Des images de pâtisseries hantent mon esprit sans que je puisse les chasser. Je peux même sentir leur parfum.

Je traverse le gynécée. J’avance encore plus lentement qu’à l’accoutumée. Je garde une main sur le mur. Je me sens faible et des papillons sombres dansent devant mes yeux. En arrivant au portail, je remonte le bandeau de soie noire. Un des robots guide qui attendaient le long du mur se dirige vers moi. Un mâle arrivant d’un autre couloir, un jeune garde, l’intercepte :
« Mademoiselle, me ferez-vous l’honneur ? »
Il me sourit aimablement et me tend son bras. J’acquiesce, ajuste le bandeau sur mes yeux et pose la main sur un biceps ferme et tiède. Nous parcourons l’androcée.

Depuis que je prends soin de mon apparence, les mâles ne sont plus que sourires. Ils me complimentent et rivalisent de prévenance. Il est si agréable de se sentir séduisante. Choyée. J’ai honte. J’ai tellement honte.

Mon guide me laisse devant la salle à manger. Les écrans sont fermés sur les hautes fenêtres : je découvre mes yeux. Quatre mâles siègent à une large table de marbre, trois jeunes et un vieux. Le vieux porte sur le cou un scorpe qui lui injecte de la drogue. L’odeur de la nourriture m’assaille, lancinante. Mon père s’approche et me prend par la taille :
« Mes hôtes estimés, voici ma benjamine, Résignation. Ma chère fille, laissez-moi vous
présenter sa Grandeur le Géronte Xylphre, le chef-Cristallier Phryné et le Reître Gorgomyre. »
Un frisson glacé me remonte le long du dos : l’un d’entre eux est-il mon futur mari ? Se forcer à sourire.

Un robot vient me nourrir tandis que les mâles manient leurs pincettes avec dextérité. Les murs de la pièce diffusent des holos publicitaires où des mâles couverts de muscles vantent des navettes rapides. La nourriture me redonne vie. Phryné me caresse du regard. Il m’offre les meilleurs morceaux du plat, un gigot de dindosoie en sauce. Mon père m’observe avec fierté. Je me roule dans son approbation comme dans une couverture soyeuse.

Cours de sensualité. Mon implant tinte de nouveau. Obéissance. Elle pleure. Je me lève brusquement et je quitte la salle. Le robot précepteur m’appelle en vain. Je longe les couloirs du gynécée. Trop lent. Je retire mes souliers de cristal et je cours pieds nus. Si quelqu’un lui a fait du mal, je le tuerai de mes mains.

Dans l’antichambre, je m’enveloppe dans la fourrure d’un pauvre animal massacré sur une lointaine planète. Le robot guide me rappelle que j’ai besoin d’un chaperon pour sortir. Pas le temps pour ces inepties : je lui ordonne de passer outre.

Dix minutes après, je franchis la porte du salon de conversation dans une bourrasque de neige. Obé est recroquevillée dans notre alcôve habituelle. Je me glisse sur la banquette à côté d’elle et la prends dans mes bras. Elle enfouit son visage dans mon manteau. Entre deux sanglots, elle parle. C’est sa soeur. Elle s’est suicidée.




J’ai dix-neuf ans. Ce jour sera le tournant de ma vie.

Comme chaque matin, je me drape de soies or et pourpres, j’orne mon corps grêle de bijoux précieux. Je respire profondément. Je peux y arriver.

Le robot me tend mon petit déjeuner morceau par morceau. Douceur et Soumission discutent. Cette dernière fait part de son expérience :
« ...et vous n’avez nul besoin de la redouter. Mon Etreinte s’est bien passée. »
L’Etreinte. Un euphémisme pour la défloraison. Douceur baisse les yeux. Le sujet la gêne mais elle est avide d’informations. Soumission poursuit tout en absorbant sa triple part. Sa grossesse lui vaut ce traitement de faveur. Elle va accomplir le « merveilleux » Destin des femelles de notre planète.

Je les écoute distraitement. Je suis inquiète. Obéissance doit rencontrer son promis, Gorgomyre, ce matin. Son père veut fixer la date du mariage. Je serre les poings. Je ne veux pas la perdre. Je n’ai qu’elle.

Je me force à manger. Ce peu d’énergie me sera utile plus tard. J’essaie de me convaincre que nous pourrons toujours nous voir lorsqu’elle sera mariée. Elle ne sera pas si loin. Les navettes vont vite. Mais la peur me noue les entrailles plus sûrement que la disette.

Le temps se traine, comme enlisé dans du goudron. La voix du robot précepteur bourdonne :
« Ces différences sont notre richesse. Et c’est pourquoi les Pères mettent en valeur les
qualités des Charmantes en leur permettant de... »
Si seulement ce mariage ne se faisait pas. Si seulement Obé ne lui plaisait pas. Si seulement...

Le soir, je vais attendre mon amie au salon de conversation. Elle est en retard. Je ne tiens pas en place. Dans l’alcôve voisine, le jeune garde que j’ai convaincu d’être mon chaperon patiente en buvant sur mon compte. Obé arrive. Elle s’assoit de mon côté de la table. Je lui prends les mains. Elles sont glacées. Je n’ose pas poser la question fatidique.

Elle murmure :
« Il ne parait pas si méchant... Juste bourru.
— C’est un mâle. »
L’acidité de mon ton pourrait ronger la cité toute entière. Les yeux en amande d’Obé se remplissent de larmes. Je me maudis. J’ajoute doucement :
« Vous avez raison. Je l’ai rencontré l’année dernière. Il m’a semblé... courtois.
— Cela se fera juste après le solstice. »
Je déglutis. C’est si proche. Elle reprend et avec chacune de ses phrases, une larme coule sur sa joue :
« Je ne veux pas de ce mariage... Comme j’aimerais refuser. Mais j’ai peur. Peur de la
réaction de mes parents. Qu’ils me haïssent. Et que ferais-je sans mari ? Que serait ma vie ? Ah, je n’ai pas votre force...
— Quelle force ?
Je hausse les épaules :
— Je sacrifie moi aussi à ces coutumes aberrantes qui nous dépouillent de nos droits. »

Obéissance est agitée de sanglots silencieux. Sa détresse me déchire le coeur. Je la prends par les épaules, la force à me regarder :
« Vous êtes aussi forte que je le suis. Qu’importe que vous donniez l’impression de vous
soumettre quand la flamme de votre volonté est intacte. Vous savez ce qui est juste. Vous n’acceptez pas. Dans le secret de votre esprit, vous résistez. »
Un long silence. Je commande des boissons pour mâles, sucrées et légèrement alcoolisées, à l’odeur d’épices. Obé sirote la sienne :
« Peut-être serai-je tout de même heureuse ? Peut-être est-ce un égalitariste ?
— Oui. Et peut-être se prendra-t-il les pieds dans son manteau nuptial et fera-t-il une
chute fatale du haut de la tour des Pères ?
Obé pouffe nerveusement. Je renchéris :
— Ou peut-être encore une claque de félicitation par trop virile entrainera-t-elle la
rupture opportune d’un anévrisme jusqu’alors caché ? »
Nous éclatons de rire.

Mais très vite, la mélancolie revient :
« Résignation, je vais m’installer chez lui dès demain. Nous reverrons-nous ?
— Ayez confiance. Je vous ai promis jadis que nous irions ensemble dans ces autres
mondes. Cela sera. De ce jour, je n’aurai de cesse que nous n’ayons quitté cette planète. »
Je pose mon front sur celui d’Obéissance et nos regards se mêlent. Le sien est plein d’angoisse. Je pense à sa soeur qui a mis fin à ses jours. Impulsivement, j’effleure ses lèvres des miennes :
« Je viendrai vous chercher, mon âme, je le jure. Tenez bon. »




J’ai dix-neuf ans. Ma vie a un but. Fuir.

Avec chaque mois qui passe se rapproche le risque d’un mariage. Cela me priverait du peu de marge de mouvement dont je dispose.

Je conforte la confiance de mon père en étant plus docile que jamais. Je suis assidue aux cours, aimable avec tous les mâles. J’endure tout cela. Je suis focalisée sur l’objectif.

Toutes les nuits, dès que je suis seule, je me connecte au Réseau. J’ai besoin de connaissances. Informatique. Cartes de l’espace. Pilotage. Langues des autres colonies. Je dois ruser ; ce genre de savoir est interdit à mon sexe. Nous devons rester dans l’ignorance du dehors. Je plane sous une identité mâle : Conan. Mon corps patiente dans le noir. Mon esprit flotte dans l’espace virtuel, explorant, triant les données. Grisé de sons et de lumières envoyés à mon cerveau sans passer par mes sens. Je charge mon implant de tout ce que je peux trouver. J’apprends. Jusqu’à tomber d’épuisement.

J’ai choisi ma destination : Tau II, une planète moins technologique que celle-ci. Où les deux sexes ont les mêmes droits. J’y demanderai l’asile politique.

Tous les jours, j’écris à Obéissance. Des messages anodins et inoffensifs. Qui restent sans réponse. Son mari, sans doute.

Elle me manque. Sans nos petites échappées au salon de conversation, le gynécée est un cachot claustrophobique. Les journées des gouffres de solitude.

J’endure tout cela. En souriant. Une Charmante doit sourire. Sourire pour plaire. Sourire au lieu de parler. Sourire même quand elle en a assez. Quand elle a peur. Faim. Mal.

Mon projet avance mais je prends de plus en plus de risques. J’ai dérobé dans les appartements de mon jeune frère une tenue complète. Justaucorps et bottes. Dans la chambre de chacune de mes cousines, j’ai volé un bijou de prix. Il ne leur manquera guère. J’ai attendu le repas pour me glisser chez elles. Pieds nus. Le coeur palpitant, le souffle court. Guettant la moindre voix.

Chez Douceur, j’ai failli me faire prendre. Toutes ces poupées sur les étagères. Je me suis attardée. J’ai dû simuler un évanouissement. Le mâle, très occupé à me palper sous le prétexte de me porter secours, en a oublié sa suspicion. Tous mes larcins sont dans mon local technique, derrière une brassée de câbles.

Tout doucement, je me ré-alimente. J’aurai besoin de forces.

Nuit après nuit, j’étudie l’informatique et le pilotage. Je suis épuisée mais exaltée. J’ai appris par coeur les coordonnées stellaires de ma destination et l’itinéraire à programmer. Je pénètre le système de sécurité de la maison de mon père. Caméras, portails blindés, codes secrets. Les vaisseaux ne se posent pas dans la cour comme les navettes de surface mais sur un spatiodrome situé sur le toit de la maison. Bien gardé. Je n’ai pas d’arme. Il me faudra une diversion.




J’ai vingt ans. La ville est attaquée. C’est l’occasion que j’attendais.

Notre Géronte a manqué de respect à celui de la cité voisine. Leurs bombes vont pleuvoir sur nos tours. La première m’a tirée du sommeil. Dans ma chambre hermétique, j’imagine la nuit zébrée par des éclairs de lumière. En une seconde, ma décision est prise.

Je me connecte au spatiodrome sous l’identité numérique de mon père et je déclare l’un des vaisseaux hors service. J’avale ensuite rapidement deux bouchées sucrées. Je fourre dans un sac mes bracelets précieux et mes cristaux-lecture préférés ; je ne reviendrai pas.

Le vacarme des explosions, des sirènes et des tirs se rapproche. Des secousses sporadiques agitent le bâtiment. Un robot déboule dans ma chambre. Il me dit de gagner l’abri souterrain puis repart immédiatement. Mon coeur cogne dans ma poitrine.

Le couloir est obscur. La maison a basculé sur l’alimentation auxiliaire. Je noue mes cheveux en chignon puis me hâte délicatement sur mes souliers de cristal. Je dois faire illusion si je croise quelqu’un. Les vêtements volés et les bijoux de mes cousines rejoignent le sac. Je n’ai que très peu de temps. Je traverse le gynécée, m’arrêtant à chaque croisement pour surveiller. Des hurlements me parviennent de l’extérieur, étouffés. L’air sent le brûlé. Un mâle me croise à vive allure, sans me prêter attention, le lance-venin au poing. Le portail de l’androcée. Personne à gauche. Personne à droite. Je longe la galerie. Le bruit d’une cavalcade. Je me plaque contre le mur, entre deux colonnes. Des soldats passent en courant sans me voir.

Le toit. Le ciel nocturne de la cité est en feu. Je pianote le code de mon père pour accéder au tarmac. Il est quasiment désert. Deux mâles errent, désoeuvrés. Un seul vaisseau est resté au sol. Celui que j’ai déclaré hors service. Tapie dans l’obscurité, j’attends.

Une explosion ébranle la maison. Les deux mâles se précipitent pour voir. Je retire mes souliers et je cours vers le vaisseau. Les cris stridents des lances-venin résonnent tout autour. J’arrive à la soute, hors d’haleine. Le cockpit est éclairé. Je me fige. La silhouette carrée d’un mâle s’encadre dans la lumière. Il descend la passerelle. Son regard va de ma bouche à mes hanches puis retour. Il fixe un instant le bandeau noir noué à mon cou. Inutilisé. Je n’ose pas bouger.

Il s’arrête à deux mètres de moi. Il porte un plastron de soldat. Chacune de ses cuisses est plus épaisse que moi.
« On s’est perdue, ma jolie ? »
Que faire ? Je n’aurai pas deux fois une pareille occasion. S’il ne me laisse pas passer, tout est fini.
« Ou...oui, c’est cela. »
Ma voix est un bredouillement aigu. Le mâle me lorgne, les yeux brillants, sans aucune retenue. Il doit être en train de me souiller en pensée. C’est la guerre. S’il me viole et se débarrasse de mon corps, personne ne le saura. Mes doigts se crispent. La sangle de mes chaussures s’imprime dans la chair de la main.
Je peux y arriver. Je n’ai pas peur. Je suis Red Sonja. Lentement, je me déhanche et lui souris :
« Peut-être... consentiriez-vous à m’escorter jusqu’à l’abri ?
— Mais bien sûr...
— Vous êtes fort aimable, monsieur. »
Je prends un air vulnérable et je scrute le toit. Les deux autres mâles regardent toujours ailleurs. Parfait.
« J’étais si effrayée mais à présent que vous êtes là...
— Je vais prendre soin de toi, ma toute belle. »

Il s’avance, la mine réjouie et lubrique. Je me ramasse sur moi-même et bande mes muscles atrophiés. Il est tout proche. Son odeur musquée m’arrive aux narines. D’un geste vif, je brise un des souliers de cristal sur le sol et dans le même mouvement, lui enfonce dans la gorge. Les tessons acérés déchirent sa tunique et sa peau. Il porte les mains à son cou. Le sang gicle. Expression de stupeur absolue. Il s’écroule en gargouillant. Sans un cri.

Rapidement, je m’accroupis et déclenche son bracelet de stase. La sphère irisée l’entoure, figeant ses mouvements, interrompant l’hémorragie.

Je programme les commandes du chasseur. Mes mains tremblent. Je n’ai jamais fait ça. Coordonnées de la cible. Auto-pilote. Le moteur vrombit. L’accélération m’écrase dans le fauteuil. Au-dessous de moi, la cité brûle, à l’agonie. Ses tours se recroquevillent sous les bombes. Les premiers feux de l’aube dessinent l’horizon. Large. Infiniment large. Le vaisseau sort de l’atmosphère et plonge en hyperespace. Je suis libre.

Adieu mes soeurs, mes cousines... Puissiez-vous comprendre que vous méritez mieux. Adieu mon père. Vous ne m’aimiez que soumise. Obéissance, moitié de mon âme, tenez bon, je vous sauverai.




Derrière moi, le vaisseau brille de tous ses chromes sous les aveuglants soleils de Tau II. Pour la première fois de ma vie, je sens la terre sous mes pieds. Pour la première fois, je saisis une brassée de plantes. Pour la première fois, je contemple librement le ciel.

J’ai vingt ans. Je me nomme Résignation. Mais résignée, jamais je ne le fus.





Estellanara, une femme qui connait son malheur.

PS : Et exceptionnellement, rien que pour Narwa, un vrai happy end :






J’ai vingt et un ans. Devant chez moi s’est posé un vaisseau-cargo. Sur son flanc, sont peints une pin-up en short vert et un trèfle à quatre feuilles. Deux hommes en sont descendus. Un grand costaud aux cheveux roux et un andorien longiligne couvert de fourrure sombre. Le roux porte dans ses bras une mince, très mince jeune femme. L’andorien tient un panier de siliplexi. Mes yeux s’emplissent de larmes.

Le roux dépose la jeune femme qui fait quelques pas pieds nus et se jette dans mes bras. Il commente, hâbleur :
« Mission accomplie ! Ça a été comme sur des roulettes ! »
L’autre homme lui fait signe de se taire. Il a un bras en écharpe. Le roux un large pansement de peau synthétique sur la mâchoire. Je leur souris chaleureusement.

Je pose mon front sur celui d’Obéissance et je plonge mes yeux dans les siens. Nous restons ainsi un long moment. Plénitude.

Puis, elle s’écarte doucement et va prendre le panier de siliplexi des bras du mercenaire. Elle me présente le minuscule bébé :
« Je l’ai nommée Captive. Cela a plu à mon mari...
La petite fille pose sur moi ses yeux grands ouverts.
...mais désormais, son nom sera Résilience. »

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-03-21 11:37:20 

 Commentaire WA 145 : MaedhrosDétails
Appelle-moi mauvaise langue mais j'étais curieuse de lire ton texte sur un exercice de concision, hihi !
Les phrases "Je ne suis pas sa prisonnière." et "comme chaque matin, quand il regagne son monde." m'ont immédiatement fait penser que ta narratrice est une prostituée.
Ensuite, certains détails comme "Mon amour de tortionnaire." m'ont fait penser qu'elle pouvait être une maîtresse entretenue, en quelques sortes. Cela revenait un peu au même.
Houlala, la relation malsaine !
Tu décris très bien la dépendance psychologique pathologique de ton héroïne.
Haaan, non !!! Il la garde dans sa propre maison ! Avec ses gosses et sa femme ! C'est pas vrai ?! C'est le comble du malsain, là.
Bon, elle est prisonnière, tout de même, cette petite. Même si sa prison est essentiellement psychologique.
C'est bien joué, la façon dont tu suggères que les années passent.
A partir de "de la matière inerte nait la vie", je commence à me douter qu'elle est un robot ou un cyborg, une skydoll.
Les souvenirs suggèrent qu'elle a eu un autre propriétaire auparavent ou qu'elle a été fabriquée à partir d'une femme humaine.
OK, le fait qu'elle soit incapable de pleurer et de procréer confirme le fait qu'elle est un robot.
Les sentiments qu'elle a pour son propriétaire sont incroyablement malsains. Brrr...
C'est bien joué de montrer qu'elle est jalouse de sa femme.
Ah c'est horrible, la scène où elle voit les autres poupées !
Je n'ai pas compris quelle est la question à la fin.
" des noces de plastique" : très jolie phrase de fin.
J'ai pas trop senti le thème dans ton récit mais moi aussi, j'ai eu du mal à appliquer la consigne.

Au final : un texte fort bien écrit, plein d'émotions, qui met mal à l'aise. On peut le lire aussi à un niveau symbolique comme une critique de la femme objet.
Les bricoles : j'en ai pas vu

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-03-21 15:42:17 

 Commentaire WA 145 : NarwaDétails
La guerre des choux ? J'imagine que le choix du motif de la guerre vaut pour une condamnation générale de celle-ci. (pfiou, c'était claire cette phrase ?)
18 millions de sujets ? Vindjous, c'est un grand royaume !
Ah j'adore le coup du "presque" !
(Chen, c'est pas le nom du vieux moustachu dans Pokemon ?)
On ne sait pas trop dans quel genre de conte on est, au début. J'opte pour un méd' fan' mais la présence du maître chinois ne colle pas trop.
Ah mais si car tout le monde est chinois !
Ah, merci, un texte féministe !
Je trouve que le conseil prend facilement la décision d'autoriser les ennemis à cultiver les choux.
Et il me semble que le peuple devrait aussi grogner. Effectivement, ils se sont battus pour rien.
A la fin, je ne comprends pas pourquoi elle cherche le capitaine du regard. Xi est amoureux d'elle ? Tu l'as précisé à un moment ? Je l'ai loupé.
Du chocolat ? Dans un méd fan ? (O.O)
Le style est un peu plus haché que d'habitude mais globalement, je ne vois pas trop la consigne.

Au final : un texte qui reprend tes thèmes classiques. Ah, y avait pas de chat ! (gros clin d'oeil) Il est plaisant de lire des utopies quand la réalité parait si grise.
Bricoles : je n'en ai pas trouvé

Est', en pleine lecture

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2016-03-21 19:55:11 

 Doll StoryDétails
Merci pour ta lecture.

Attention, spoiler!

 En fait, j'imaginais plutôt la relation ambigüe et contemporaine d'un homme avec une poupée de silicone.

C'est un marché fétichiste actuellement en plein essor où les japonais, notamment, mais cela arrive aussi chez nous, peuvent vouer une adoration sans bornes à ces poupées ultra-réalistes. J'avais vu un reportage à ce sujet.

Sur la toile, il n'est pas très compliqué de tomber sur des sites vantant les incroyables ressemblances et fonctionnalités de ces sextoys grandeur nature.

Le lien suivant ouvrira une page assez soft qui en présente les grandes lignes!

A terme, on arrivera peut-être à créer réellement Pris, le réplicant féminin destiné au repos du guerrier et imaginé par K. Dick dans Blade Runner. 


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-03-22 20:40:46 

 PoupéesDétails
J'ai eu plusieurs fois une doute sur le fait qu'elle était animée mais le fait qu'elle se maquille et s'habille elle-même m'avait orientée vers une Skydoll (comme dans la BD de Barbucci et Caneppa), donc un robot.

Je connais les poupées silicones car je suis collectionneuse de poupées asiatiques. Pas celles-ci mais du coup, je m'intéresse à tout ce qui ressemble de près ou de loin à une poupée (poupée articulées, poupées imprimées en 3D...).

Le rapport à l'érotisme des japonais m'a toujours fascinée. De l’extérieur, ils paraissent incroyablement pervers alors qu'ils ont des chiffres d'agressions sexuelles très bas et un grand nombre de gens asexuels. J'ai vu pas mal de reportages là-dessus.

Ce serait drôlement chouette, je me commande un Roy direct, hihihi !!
Plus sérieusement, ça poserait une quantité incroyable de nouveaux problèmes éthiques !
Comme dans Real humans, une série assez sympa.

Est', qui versifie.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2016-03-27 20:53:08 

 Cendrillon 4.0Détails
Je me permets, en préambule, de te retourner, en bon camarade, ta remarque sur mes efforts de concision. Je crois bien qu’en ce domaine, tu peux me donner des leçons. Douze pages TM12, j’appelle ça un exploit de concision !!!! (sans rancune)

Nos deux textes s’ancrent sur la même perspective quelque part, non ? Une vision assez extrémiste de la femme par l’homme. La femme réduite à l’état de poupée d’un côté, la femme ravalée au rang de faire-valoir du guerrier de l’autre, messieurs, vous avez le choix des armes !

Mais trêve de comparaison, ton texte s’inscrit dans un contexte de science-fiction que n’auraient critiqué ni Farmer (Ose), ni Silverberg. Tu décris la société patriarcale de façon très cohérente, avec beaucoup de précisions matinées forcément d’éléments extrême-orientalisants. On sent l’amatrice de SF qui en connaît les codes et passages obligés.

Tes femmes-Geisha traversent leur propre existence sans rien comprendre de ce qui les entoure, du haut de leurs talons vertigineux. Elles sont modelées quasiment depuis l’utérus pour satisfaire les moindres désirs des seigneurs-guerriers. Elles sont comme le cristal, belles, translucides et infiniment fragiles (bien vu l’horrible blessure). J’ai bien aimé les noms avec lesquels on les affuble, tant à titre collectif (les charmantes) qu’à titre individuel. Il y a une certaine poésie fataliste qui s’en dégage.

Tu décris avec soin les préceptes qui entourent leur éducation et cette obsession à ce qu'elles correspondent aux canons de l’idéal féminin vu par les phallocrates querelleurs. En fait, tu as juste étiré au maximum les canons actuels. Une sorte de photoshop culturel qui modifie in vivo les lignes corporelles des femmes. Des « Pris-onnières » que même les créateurs des Nexus 6 n’ont pas imaginées ! Bien vu. Ce sont de jolies fleurs qu’on fait pousser hors-sol loin de la lumière.

Bien vu aussi la façon dont tu rythmes le temps qui passe, sorte de compte à débours calé sur l’âge de l’héroïne et qui la conduit inexorablement vers son destin. Le choix des noms est bluffant de vérité.

Le titre renvoie aussi à la Cendrillon du conte mais la tienne brise les convenances et, shocking, ses souliers sur la tête éberluée de son prince charmant. Elle ne compte pas du tout à ce que celui-ci la retrouve un jour ! Magnanime, elle n’oublie pas de le sauver in extremis.

On ne peut rester sur la fin, alors tu en as rajouté une seconde, juste pour Narwa. Je préfère nettement la première.

Au final, une très juste et belle histoire de science-fiction. Comme tu l'as aussi souligné, je ne vois pas bien la consigne mais cela ne fait rien!


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-03-30 13:23:58 

 Merci pour ta lecture !Détails
Hihihi !! Tu as tout à fait raison, c'est même loin d'être ma plus courte nouvelle, arf ! Mais 20 ans en douze pages, c'est pas si mal ! (^-^)
J'avais été meilleure sur l'exercice "percutant" me semble-t-il.

Certes, il y a un gros fond de féminisme et de critique de la société dans nos deux textes. J'imagine que c'est d'actualité en ces temps de frotteurs de métro, de femens, de voile intégral...
Effectivement, je me sens parfaitement chez moi dans la SF ! Et j'ai eu de très bonnes lectures pour essayer de nourrir mes écrits.
C'est marrant comme, une fois que j'ai eu les souliers de cristal, certaines scènes me sont venues instantanément à l'esprit, comme celle de la blessure.
C'est un peu ce que j'ai voulu faire en effet, avec les noms, mettre une ambiance.
Absolument. On peut se dire en première lecture que ces canons sont extravagants et surréalistes mais ce sont juste des exagérations de l'existant. A part pour le bandeau qui cache les yeux.
J'aimerais vraiment dessiner Résignation. Je suis certaine que ce serait très graphique. Je me la représentais très bien dans mon esprit.
Merci beaucoup. Les noms des Charmantes se sont imposés d'eux-mêmes après celui de l'héroïne. Ceux des mâles, j'ai voulu leur donner des sons qui rappellent la mythologie grecque.
Héhé, ma Cendrillon se passera de prince, finalement !
Elle le sauve tout de même car, même si elle a une grande violence en elle, ce n'est pas une meurtrière.
Pour les fins, j'ai écrit les deux en même temps. La première ne me satisfait pas car on ne sait pas ce qu'il advient de son amie. La seconde ne me satisfait pas car je trouve la première plus forte.
Au départ, je voulais m'arrêter à la première mais je me suis dit que peut-être certains apprécieraient la deuxième. Tous les goûts sont dans la lecture !
Et puis, je me suis fait un gros clin d’oeil à moi-même dans la deuxième en faisant apparaître des personnages d'une précédente nouvelle.
Merci beaucoup ! Ravie que tu apprécies.
Bah, tant pis pour la consigne ! On fera mieux la prochaine fois (^_^).

Est', qui versifie, qui versifie...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2016-04-03 21:00:20 

 commentaire Maedhros, exercice n°145Détails
Je vous l’emballe ? Ca, pour de l’emballage, ça vaut son pesant de silicone !
J’ai adoré le côté « 6° sens » où même si quelques détails nous interpellent, on marche à fond jusqu’à la mise au point finale qui nous laisse tout bêtes. Alors, on relit avec acharnement, savourant les fausses pistes et grinçant des dents aux indices que l’on n’a pas vus – ou pas voulu voir ?

Bricoles :
- une bouteille de Champagne millésimée : millésimé
- Vient doucement dormir : viens
- il se berce d’illusion : je préfèrerais « d’illusions »



J’ai adoré le paragraphe « moi je me nourris de ces images » et surtout « le filtre de la parole qui agit comme une compression destructive de l’émotion originale ».
Quant aux paragraphes... pas évident, c’est vrai. Nous avons tous du mal à condenser notre pensée et à suggérer le tout par le focus sur un détail. Difficile de se libérer du grand angle... Mais c’est bien, nous avons encore du travail ! Et comme l’important n’est pas la destination mais le voyage, merci de nous l’avoir rendu plaisant, en fidèle et agréable compagnon de route.
Narwa Roquen, à la ramasse

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2016-10-02 16:08:08 

 Commentaire Estellanara, WA n° 145Détails
En préambule, je m’élève fortement contre la phrase de Kierkegaard. Outre que je m’inscris en faux, la situation de la femme dépendant de la société où elle vit et non de sa seule constitution féminine, je trouve sa formulation perverse puisqu’elle ne laisse aucune place à la controverse ! Je vais t’en envoyer un autre, d’aphorisme, mon cher K. , et en forme de question par souci de cohérence : un philosophe qui a des certitudes est-il encore un philosophe ?

Mais revenons au texte, caricature d’un monde machiste et ultraviolent. L’ultraviolence est aussi dans l’écriture, elle en est le fil conducteur. Quotidienne, psychologique autant que physique, justifiée par une idéologie totalitaire et élitiste, ou ponctuellement paroxystique dans le sang, les bombes et les morts, elle en est presque étouffante. Tu décris avec une profusion de détails l’implacable conditionnement auquel sont soumises les femmes, tellement parfait qu’elles en arrivent à se croire heureuses de leur sort. Ce qui renvoie à l’éternelle question : qu’est-ce que le bonheur ?
J’ai une autre question : y a –t-il des pauvres sur ta planète, ou ont-ils tous été remplacés par des robots ? Et s’il y a des pauvres, comment vivent leurs femmes ?
Et encore une : vu le niveau de technologie et l’existence (bien trouvée) de bulles de stase, comment se fait-il que les femmes meurent en couches ?

Dans ce contexte délétère, c’est avec cohérence que tu traces le cheminement de l’héroïne ; au fil des ans elle découvre le sort qui lui est promis, résiste, finit par céder pour sortir de l’isolement, tout en gardant dans sa tête un petit coin d’espoir lucide, qui, à la faveur d’une conjoncture favorable, la sauvera. C’est déjà en soi un happy end ! que personnellement je préfère à l’autre... Arrgghh... Jamais contente !Mais je te remercie de l’hommage.

Bricoles :
- J’ai ouïe dire : ouï

Je trouve que tu as bien respecté cette consigne, qui était quand même très difficile.
Le titre est bien trouvé, avec son petit clin d’oeil à Cendrillon, autre victime innocente d’un monde cruel.
Mention spéciale pour les précisions ( savoureuses) sur l’alimentation. C’est vrai que c’est une des pierres angulaires du récit, mais peu d’auteurs s’attardent (surtout dans la SF) sur ce que mangent leurs héros. C’est une des richesses de ce texte. Une autre en est le paradoxe entre l’évolution technologique et l’archaïsme des mentalités, qui donne envie de dire : tant de moyens pour si peu d’égalité, est-ce que ça vaut la peine ?
Heureusement, ton héroïne a été mal nommée, ou peut-être ce nom mal venu lui a –t-il donné la force de se battre...
Narwa Roquen, tout vient à point...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2016-10-04 16:41:31 

 Merci pour ta lecture !Détails
(hors sujet)
Pour ma part, je constate la véracité de cette citation très souvent (hélas).
Ah oui, bien sûr, le malheur d'être une femme est plus ou moins grand selon le pays. A ma connaissance, il n'existe pas actuellement de société humaine tout à fait égalitaire. Je serais ravie de me tromper et, si c'était le cas, je fais mes bagages tout de suite !
Prenons l'exemple de ma société (France actuelle) :
- les femmes subissent au quotidien toutes sortes de violences (viol, harcèlement, agressions sexuelles, insultes sexistes...) et ne sont pas en sécurité dans l'espace public (spécialement dans les grandes villes)
- les femmes sont moins bien payées dans le privé (-20% en moyenne)
- les femmes ont peu de pouvoir politique (des quotas ont dû être imposés)
- les femmes subissent le plafond de verre (quasiment pas de femmes PDG)
- ...

Mon interprétation de cette citation est que les femmes qui ne se rendent pas compte de la difficulté de leur condition dans notre société sont celles qui sont victimes du conditionnement de l'éducation. Et qui donc, d'une certaine façon acceptent les inégalités qui existent.
Mais je me plante peut-être complètement.
Cela dit, je n'aime pas tout ce qu'a dit le beau Kierkegaard; loin de là !
(/hors sujet)

Concernant ta remarque sur la définition du bonheur, il y a un peu de "Le meilleur des mondes" dans ma conception générale des tyrannies. :o)

Oh oui, il y a des pauvres sur ma planète. Je les imagine un peu comme ceux du monde réel. Les pauvres du monde réel sont souvent fascinés par les riches (les stars...) et essayent de les imiter avec leurs maigres moyens (fausses Rolex chinoises...). Les pauvres de mon monde font sans doute la même chose. Sans doute les femmes s'astreignent-elles à des régimes draconiens pour coller aux canons de beauté des hautes classes. Mais naturellement, elles ne peuvent se permettre d'être oisives.

J'imagine ma bulle de stase comme une enceinte close où le temps est arrêté. On ne peut interagir avec le contenu qui se trouve dans un état temporel différent. Un dispositif crée la bulle et la détruit.
Si le corps d'une malheureuse parturiente est épuisé au point qu'elle ne survive pas à ses couches et qu'on la mette en stase quelques instants avant sa mort, on ne ferait que prolonger ad vitam un état fixe où elle est sur le point de mourir. Sans possibilité de la réalimenter dans la bulle puisque le temps y est fixe.
Pourquoi n'y a-t-il pas de technologie permettant de sauver ces femmes ? Eh bien, la technologie est la propriété exclusive des Forts. Ils la mettent principalement au service de la guerre, qui est leur passe-temps favori. J'imagine qu'ils se soucient peu que les femmes meurent en couche. Cela leur apparaît sans doute comme une fatalité liée à leur extrême minceur. Quand leur épouse décède, ils en prennent simplement une autre.

Comme j'écrivais à Maedhros, aucune des deux fins ne me satisfaisait pleinement. Je trouvais la première meilleure mais elle ne disait rien du sort d'Obéissance.
J'aime bien quand même la deuxième qui est, en plus, une private joke avec moi-même, reprenant deux de mes anciens personnages.
De rien ! Je dois dire que, vue la morosité actuelle de l'actualité et, dans une certaine mesure, de mon quotidien, j'ai envie de plus de happy ends ! Et de textes légers. Pas comme celui-ci, quoi !

Une seule bricole ? Waouh ! Je progresse !

Oh j'ai réussi avec le thème alors ? Chouette ! Parce que je ne savais vraiment pas, n'ayant pas lu l'oeuvre à laquelle tu faisais référence.

Personnellement, j'aime beaucoup parler de nourriture. J'en prends rarement le temps; c'est dommage.

Je suis super contente de mes noms propres ! Ça m'est venu tel un flash, hihi !

Encore merci pour ta lecture !

Est', au fond près du radiateur

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