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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 20 fevrier 2016 à 19:59:46
A LA TABLE DES MONSTRES


La bande-son

Mon père avait un rituel invariable quand il remontait des sous-sols.

Il s’arrêtait dans la buanderie où ma mère avait ses machines. Il y avait aussi un grand évier de pierre marbrée. C’était le petit lavoir dans lequel ma mère lessivait les immenses draps blancs qu’elle étendait ensuite dans l’enclos derrière la maison. Au-dessus du grand robinet en cuivre, au long cou de cygne, une niche était creusée dans l’épaisse muraille, la place attitrée d’un gros morceau de savon de ménage dont ma mère se servait avec des gants.

Je voyais mon père remonter ses manches jusqu’au coude, ouvrir à fond le robinet, faisant gicler l’eau avec force, et empoigner le bloc de savon. Il me faisait un clin d’oeil dans le grand miroir qui surplombait l’évier. C’était un code secret entre nous. Le temps du partage. Le temps de la réunion tant attendue. Il est loin ce temps-là, hein, Commandant ? Bien loin.

Mon père prenait tout son temps pour se laver les mains. A la manière des chirurgiens, il ne s’arrêtait pas aux mains. Il passait le savon sur ses poignets et remontait jusqu’en haut de ses avant-bras. Il frottait fort et longtemps. Le savon de ménage décapait tant sa peau qu’elle en devenait écarlate. Mais il n’en avait pas fini. Il prenait une brosse et il recommençait. Trois fois. Jamais plus, jamais moins. La musique de l’eau qui tambourinait contre le fond de pierre m’évoquait ce chant limpide et frais qu’entonnent, après une rude bataille, à la fois les vainqueurs et les vaincus. Vous voyez à quoi je fais allusion, hein, Commandant ? Ce chant éphémère qui réconcilie les guerriers venant de s’entre-tuer pendant de longues heures. Ce chant qui accompagne le crépitement des brasiers allumés sur la plaine, où amis et ennemis, les corps se consument sans distinction de grade ou de privilège.

Une fois son méticuleux nettoyage achevé, mon père s’essuyait avec autant de soin. Il utilisait les torchons que ma mère empilait pour lui sur la margelle de l’évier. Ils étaient toujours propres et sentaient le frais. Elle les changeait chaque jour.

Mon père était un gaillard de plus de sept pieds, une vraie force de la nature. Quand il avançait de son pas lourd et traînant, on aurait dit le Destin en marche. Ses pognes étaient énormes, tels des battoirs. Mais peut-être était-ce mes yeux d’enfant qui les voyaient ainsi. Mon père, c’était mon héros. C’est ce que sont les pères pour leurs fils, hein, Commandant ? Je n’ai pas les mots qui vont bien mais c’est dans l’ordre des choses, non ? Quel fils ne voit-il pas son père comme ça ? Bon, je vous accorde que, comme le Père Noël, ces choses ne durent qu’un temps. Mais moi, j’avais l’âge d’y croire encore. Sinon mon histoire serait banale et je ne perdrais pas mon temps à vous la raconter. Nous avons mieux à faire, non ?

Donc, j’ai six ou sept ans. Et nous sommes sur Belliqueuse.

Belliqueuse est une planète des Systèmes Extérieurs, autant dire au-delà de la frontière de l’Empire, bien après la dernière station de l’Astrométro. Arrivé là, il faut encore prendre la Crémaillère des Etoiles, ce tortillard qui se traîne à des vitesses infra-luminiques. On voit peu de Voyageurs sur Belliqueuse. Il faut dépenser beaucoup trop de chrono-crédits pour s’y rendre. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

C’est quoi, Belliqueuse ? Une planète de type standard aux immenses forêts et aux lacs profonds. Pas d’industrie lourde, pas de technologie de pointe, aucun artefact alien, une immigration formée aux métiers de la forêt et de la pêche. Cela a donné naissance à une société de type médiéval, castes et châteaux, seigneurs et féodaux, codes rigides et quêtes initiatiques, le tout couronné par une mythologie fondée sur d’invincibles héros et peuplée de magiciennes jeteuses de sort et d’une galerie de créatures fantastiques. Un Gloubi-Boulga d’influences mal définies régurgitées à la va-vite. Heureusement, les fonctionnaires de l’Astroport et des Services Impériaux veillent avec efficacité et nonchalance. Tant que les quotas sont remplis, ils n’interviennent pas. Le Gouverneur Impérial peut dormir du sommeil du juste dans son palais flottant en orbite basse au-dessus de la ceinture équatoriale.

Je suis né à l’ombre d’un château dont le Seigneur, un Prince, possédait un domaine forestier qui couvrait une partie non négligeable du troisième plus grand continent. Avec ma famille, j’habitais une tour adossée à la muraille intérieure, à un jet de pierre du donjon seigneurial. Bien sûr, notre tour n’était pas aussi haute mais elle dépassait les faîtages d’ardoise des maisons pelotonnées contre la muraille extérieure du château, le plus loin possible des bois qui montaient à l’assaut de la vaste butte seigneuriale.

Dans mon souvenir, quand je regardais l’horizon de la meurtrière de ma chambre, j’avais l’impression d’être sur une île battue par les flots d’un océan vert profond. Je savais que des monstres vivaient sous la surface, sous la canopée. Ils étaient capables d’avaler d’une seule bouchée l’imprudent qui s’écartait de la route en plastbéton qui reliait le Château au réseau des voies terrestres continentales.

Au pied de la butte, formant une lisière à la courbure parfaite, des conifères géants en rangs serrés balançaient leurs lourdes branches sur un rythme lent et incessant, inquiétant. Quand vous les fixiez trop longtemps, cela finissait par vous taper sur les nerfs. J’ai entendu que le vent pouvait avoir ce genre d’effet. Le vent des fous, qu’on l’appelle, sur certaines planètes. Sur Belliqueuse, son équivalent, c’est cette danse des arbres, et elle, elle peut vraiment rendre fou. Le feu, le fer et les machines avaient peut-être jugulé la forêt mais, à intervalles réguliers, un bûcheron ou un technicien arboricole, ou même un membre de la maisonnée princière, ne rentrait pas à la nuit tombée. Les équipes lancées à sa recherche rentraient toujours bredouilles.

Au coin de l’âtre, les anciens racontaient, lors des longues veillées d’hiver, qu’une nymphe d’une beauté surnaturelle hantait la forêt. Une beauté inhumaine bien sûr, le côté anthropomorphique des contes et des légendes ! Ils disaient que tous les arbres étaient ses amants. A l’aide de puissants enchantements, elle leur enjoignait de venir partager sa couche quand elle le désirait. Les anciens murmuraient que les enfants qui bourgeonnaient de cette étrange union possédaient de longs cheveux de bruyère et une peau dure et crevassée comme une écorce végétale. Ils les appelaient, en se signant trois fois d’affilée, les Anges de la Forêt. Des Anges exterminateurs, bien entendu ! Ceux qui avaient la malchance de contempler leurs yeux lumineux et mordorés, n’y voyaient qu’une seule chose. Une ultime image. La vision de leur terrible trépas.

La nymphe était furieuse contre les humains mais elle était impuissante contre leurs machines. Alors elle se vengeait quand elle surprenait un téméraire ayant surestimé ses capacités. On le retrouvait, bien après sa disparition, coincé entre les racines immergées d’un grand saule, comme si l’arbre l’avait foulé à ses pieds. Sur son visage se lisaient une épouvante sans nom et la trace d’une indicible douleur, sans compter les vilaines plaies qui déchiraient un peu partout son corps supplicié.

Je vous ai prévenu. Ma planète porte bien son nom. Vous pensez peut-être que tout ceci est pure superstition ? Peut-être. Mais quand on pense à tous les évènements qui nous ont conduits ici, l’un et l’autre. Songez-y un instant. Songez à la somme de toutes les circonstances accumulées ayant permis cette rencontre ! Impossible de la traduire en équation rationnelle n’est-ce pas, mais vous êtes là et vous écoutez mon histoire. Alors, continuons.

Mon père n’était pas noble mais nous vivions sous la protection tutélaire du Prince. Cela nous conférait un statut particulier. J’avais le droit de fréquenter les lieux interdits aux Serv.... Ah oui, vous ignorez sans doute ce que sont les Serv ? C’est un terme tiré du Contrat de Service, le contrat standard que signent les techniciens embauchés par les Seigneurs, sur Belliqueuse. Cela fait référence, parait-il, à un concept bien plus ancien, mais celui-là, je ne connais pas. Bref, mon père n’était pas un Serv. Pour un enfant de six ou sept ans, cela le rendait presque aussi puissant que le Seigneur lui-même et lui accordait de droit la place enviée du Roi de la Montagne, quand il jouait avec ses petits camarades.

Nous pouvions prier dans la chapelle seigneuriale, quand aucun membre de la Maison Princière de s’y trouvait, bien sûr. Nous avions droit à une petite part des venaisons et des récoltes du château, et cela subvenait à tous nos besoins. Nous avions même quelques automates domestiques encore opérationnels, quand le Château les remplaçait par des modèles plus récents.

Ma mère m’adorait. Elle me préparait toujours de succulentes brioches ou des pâtés en croûte qui fondaient sous la langue. Elle avait eu une grossesse compliquée. Le soleil de Belliqueuse possède une force gravitationnelle qui ne ménage pas les organismes exogènes. Ni les esprits du reste. Elle avait voulu braver les recommandations sanitaires de l’Empire en enfantant selon les règles naturelles. Elle a souffert pendant huit mois et je n’ai vraiment respiré qu’au bout de plusieurs minutes incertaines. La ménine toute ridée qui m’avait nettoyé, juste après la césarienne, s’était signée quand elle avait remarqué la tache qui ombrait mes lombaires. Une tache pâle et verdâtre où elle avait cru reconnaître une forme sylvestre. C’était à ses yeux une marque funeste.

Mon père avait ri en me prenant dans ses bras. Il m’avait levé au-dessus de lui et il paraît que je me suis arrêté aussitôt de pleurer. Mon père m’a rendu à ma mère et n’a pas dit un mot. Mais ma mère m’a confié qu’il avait été très fier et très ému de ma réaction.

Venons-en au fait. Le temps passe et j’aime raconter les histoires. J’avais donc six ou sept ans. L’âge où les pères sont des héros et les mères, pas encore des saintes. Mais ça, vous le savez, non ?

C’était un matin.

J’étais allé observer les gens d’armes du Princes sur le terrain d’entraînement aménagé derrière la muraille nord. J’aimais bien voir les machines bourdonnantes s’éveiller sur leur socle et les prologrammes reconstituer les différents types de terrains qu’on trouvait sur Belliqueuse. Sous les ordres d’instructeurs sourcilleux, les hommes du Prince menaient d’impressionnants assauts contre des preneurs d’otages d’outre-espace ou contre des éco-rebelles en tenue de camouflage. Mais la plupart du temps, ils s’évertuaient à sécuriser une clairière arrachée de force à la forêt primordiale. Ils repoussaient les assauts des créatures ou des éléments lancés par la Nature hostile. Des tsunamis végétaux, des pluies canopéennes transformant les chemins en bourbiers d’où jaillissaient des homoncules terreux aux bras démesurés et à la force herculéenne. Il y avait aussi des moustigres aux dards barbelés, des sangsues sauteuses qui vous arrachaient la gorge pour boire à la jugulaire et les mimonkeys, les singes mimétiques qui s’insinuaient sous les tentes pour tout saccager à l’intérieur. Les répliqueurs reproduisaient fidèlement les comportements et les stratégies. Les blessures, plus ou moins graves, n’étaient pas rares malgré les mesures de sécurité qui entouraient les exercices.

J’ai surpris, à plusieurs reprises, des conversations qui tournaient autour de la Nymphe qui était supposée régner au coeur de la forêt. D’après la légende, elle vivait dans un endroit où les règles de la physique étaient différentes des nôtres. Aucun chemin humain ne conduisait jusqu’à lui. C’était un lieu inviolable et secret appartenant à une autre dimension.

De toute ma vie passée sur Belliqueuse, je n’ai jamais aperçu cette Nymphe. Je n’ai lu aucun rapport digne de foi ayant jamais rapporté des preuves tangibles de son existence. Plus tard, j’ai compris. Bien plus tard. Vous ne m’écoutez pas. La douleur est trop forte ? Je vais essuyer la bave rougeâtre qui suinte de vos lèvres. Ne bougez pas, vous souffririez bien davantage. Vous êtes toujours avec moi ? Bien. Bien. Mon histoire n’est pas finie. Regardez, je pose mes mains. Elles vous font peur, je sais. Elles ne tremblent jamais.

Tenez, à propos de mes mains, j’ai lu un vieux texte. Il remonte à des temps où les mots n’étaient encore écrits que sur du papier. L’imprimerie, ils appelaient ça. Des gens écrivaient des histoires et d’autres gens les lisaient. C’étaient une sorte de commerce, voyez-vous. Des mots contre de l’argent, bizarre non ? Bref, j’ai lu l’histoire d’un joueur que le jeu a perdu. Un joueur qui aurait pu être sauvé par l’amour d’une femme mais qui a préféré l’enfer du jeu et la déchéance qui allait avec. Cette admirable femme a cru pendant quelques heures qu’elle avait vaincu la malédiction et rompu le cercle infernal. Mais non, celui qui avait juré qu’il remettait sa vie entre les mains de sa bienfaitrice, avait bafoué sa parole et avait replongé dans son vice pour ne plus jamais remonter. Une histoire tragique comme l’était l’époque, je suppose. Et bien, l’auteur avait fait une description minutieuse des mains de ce joueur pendant le jeu et c’était ahurissant la façon dont elles semblaient douées d’une vie propre. La magie des mots est fascinante, même s’ils remontent à des temps pré-Egiréens. Ils arrivent à faire vibrer le présent. Quand j’eus fini de lire cette histoire, j’ai regardé mes mains et je vous jure que j’ai ressenti la même émotion.

Dans l’arène, l’entraînement allait bon train. Peut-être avais-je eu soif ou avais-je cru entendre ma mère m’appeler, je ne m’en souviens plus. Mais, pour une raison ou une autre, je suis revenu chez moi. Ma mère n’était pas là. L’automate de service s’activait dans la salle commune, ses cardans grinçant de sinistre façon. Je me rappelle leur bruit désagréable. La machine n’allait pas tarder à tomber en panne. C’est là que j’ai remarqué la porte ouverte, tout au fond du couloir ; La porte menant aux sous-sols ; celle qui faisait face à la buanderie ; celle que refermait mon père derrière lui. La porte défendue.

A six ou sept ans, on joue à l’aventurier, au magicien de l’espace ou au commando Orion, la crème des spacemarines impériaux. On joue à des jeux qui font appel à l’imagination. Alors, un petit pas après l’autre, je me suis approché de la porte. Je m’attendais à ce que mon père en jaillisse et me barre le chemin. Mais il n’est pas apparu. J’étais sur le seuil et mon ombre s’allongeait déjà sur les marches qui m’invitaient à la suivre. Je n’étais pas une poule mouillée, non. J’ai posé mon pied sur la première marche. Le monde ne s’est pas écroulé. Aucune grosse voix ne m’a hurlé de reculer. J’éprouvais une sensation de puissance enivrante. J’ai posé mon autre pied sur la seconde marche et rien ne s’est passé non plus. Une main sur le mur, j’ai continué jusqu’en bas. Il y avait un couloir qui aboutissait à une salle au sol pavé d’où partaient trois autres corridors.

J’ai emprunté celui de gauche, en sachant que je ne devais pas faire ça. Mais à six ou sept ans, les interdits sont relatifs. Que pouvait-il m’arriver ? Mon père était là, non ? Une porte s’encadrait dans la paroi et elle était entrouverte. Je percevais des murmures et des soupirs, des voix désincarnées et des bruits métalliques. C’était intriguant. Je suis parvenu à la hauteur de la porte. Elle s’ouvrait sur une pièce assez étriquée. Elle m’a fait penser à une chambre d’hôpital : des murs blancs, des appareils chromés munis de tubes souples, des cadrans, des oscilloscopes et des flacons suspendus. Il flottait des odeurs entêtantes de produits chimiques. Au centre, sous une couronne de lumières aveuglantes, il y avait un grand fauteuil articulé comme ceux des cabines de téléconsultation. Un homme s’y trouvait attaché, sur lequel se penchait une forme spectrale qui ondoyait sous le violent éclairage. Cela ressemblait à une chrysalide fantomatique à l’intérieur de laquelle quelque chose se mouvait. A l’époque, cette vision m’apparut simplement monstrueuse. Je revois encore la bouche ouverte et démesurée de l’homme sanglé dans le fauteuil. Il devait hurler mais je n’entendais qu’un sifflement ténu et inoffensif.

Soudain, mon père fut devant moi. Je redevins d’un coup le petit garçon désobéissant. Mon père était grand, je vous l’ai dit. Ce jour-là, il me parut immense, sa tête paraissait toucher le plafond. Il portait une curieuse tenue qui réfléchissait bizarrement la lumière. C’est à ce moment que j’ai aperçu ses mains. Elles étaient rouges et poisseuses. Des gouttelettes sanglantes se formaient lentement au bout des doigts. Quand leur poids devenait trop lourd, elles s’en détachaient au ralenti pour plonger vers le sol dallé sur lequel elles explosaient en silence. Mais dans ma tête, c’était aussi assourdissant que le fracas des mines qui délogeaient, dans la forêt, les souches millénaires. Les mains de mon père étaient immobiles le long de son corps mais elles semblaient prêtes à me sauter à la gorge.

J’eus la sensation d’être face à deux monstres dérangés dans leur occupation et qui voulaient me faire payer cet outrage. Deux monstres habités d’une sourde fureur, ramassés et attendant que mon père les libère sur moi. C’était si palpable que d’effroi, j’ai reculé. J’ai levé la tête. J’ai vu le visage de mon père et ses yeux brillaient d’une fièvre étrange. Il n’a pas crié mais son expression était bien pire. Je me suis mis à trembler.

« Remonte, vite ! »

Ce fut les seuls mots que prononça mon père. Ils ont résonné comme le premier coup de tonnerre avant l’orage. J’ai tourné les talons et je me suis enfui, en sentant son regard dans mon dos. D’une traite, j’ai voilé au-dessus de l’escalier et je me suis précipité à l’air libre où j’ai télescopé ma mère qui revenait vers la maison. Elle a compris tout de suite. Elle m’a passé un gant d’eau froide sur le visage puis elle m’a serré entre ses bras et m’a embrassé.

J’avais six ou sept ans. La vie reprit son cours. Tout avait changé mais aucun mot ne fut échangé sur ce qui s’était passé dans la salle du sous-sol. Nous continuâmes à vivre comme avant. Mon père poursuivit son rituel. Je n’ai jamais posé la moindre question, ni à lui ni à ma mère. Cela resta à l’intérieur.

Et puis j’ai grandi. Mon père devint moins inaccessible, plus humain, plus ordinaire, comme tout ce qui m’entourait. J’ai compris certaines choses et le monde devint moins surnaturel autour de moi. J’ai appris les arrangements et les dissimulations. C’est à ce moment que j’ai senti mes mains, ces mains que vous voyez là, s’éveiller à la vie, appelant en moi des instincts ancestraux. Ma mère a reconnu la première cette transformation. Elle a soupiré et a détourné la tête. Mon père n’a eu aucune réaction mais, à partir de ce jour-là, j’ai vu l’inquiétude qui naissait dans son regard quand il le posait sur mes mains. Il voyait ce que j’avais vu dans la salle du sous-sol. A chaque repas, quatre monstres se faisaient face, de chaque côté de la table et ils se reconnaissaient. Il advint de moi ce qui devait advenir. J’ai trouvé ma place dans la société. Il n’y a pas de Nymphe sur Belliqueuse. Il n’y en a jamais eu. Aucun papillon chatoyant ne naîtra jamais de la chrysalide de plastique. J’ai fait voeu d’allégeance, comme mon père longtemps avant moi.

Les chiens ne font pas des chats, mais ça, tu le sais, hein, Papa?


M


  
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Réponses à ce message :
3 WA 147 Maedhros : commentaire - Estellanara (Mar 10 jan 2017 à 15:14)
       4 Merci pour ta lecture - Maedhros (Jeu 12 jan 2017 à 19:16)
              5 Bon sang mais c'est bien sûr ! - Estellanara (Ven 13 jan 2017 à 12:03)
3 Commentaire Maedhros, WA n° 147 - Narwa Roquen (Dim 4 sep 2016 à 22:02)


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