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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Lundi 24 octobre 2016 à 22:40:44
Cheval de paix







« Quand j’entrai dans la chambre de Sa Majesté, la Reine Aimée, votre mère, était dans son fauteuil, face à la fenêtre. Une couverture de laine lui couvrait les genoux, et dans la cheminée brûlait une belle flambée. Il faisait chaud dans la pièce, mais elle grelottait de tous ses membres. Vous le savez, mes Seigneurs, c’est sa maladie, elle tremble tout le temps. Les yeux tristement immobiles, elle fixait le pavé de la cour comme si elle y attendait une apparition miraculeuse. Je toussotai pour attirer son attention.
« Votre Majesté ?
- Oui, Donatien », soupira-t-elle. « Je suis là. Je suis encore là. »
Elle ne me regarda pas tandis que je délivrais le message que vous aviez confié à votre coursier. Que la négociation piétinait depuis trois semaines, que les deux parties étaient intransigeantes, et que la guerre civile était imminente.
Elle soupira encore.
« Je suis fatiguée, Donatien. Je vais mourir. Mes fils seront rois après moi. Qu’ils se partagent le royaume, je sais qu’ils ne se combattront pas. Je ne peux plus rien faire pour eux... ni pour personne...
- Mais, Votre Majesté... vous savez bien que vos fils, en vrais frères jumeaux, ne souhaitent pas se séparer, même pour un royaume... Il suffirait que vous paraissiez, vous, la Reine Aimée, pour que tous ces querelleurs ploient le genou et s’en remettent à votre sagesse... »
Lentement, très lentement, elle tourna vers moi son noble visage, durement éprouvé par les ans. Je m’effrayai de la voir si pâle, si fragile, si résignée. Dans ses yeux, mes chers Seigneurs, dans ses yeux dont l’azur impitoyable avait fait fléchir plus d’un guerrier indomptable, il ne restait plus qu’un désir las de déposer son fardeau à jamais.
« Je vous ferai préparer le carrosse le plus confortable, Votre Majesté. Nous voyagerons lentement, le Thérapeute vous donnera des calmants...
- Et c’est une vieillarde droguée qui passera les portes de Meaulnes-la-Forêt ? Quel respect croyez-vous que je puisse encore leur inspirer ? Non, non, il vaut mieux qu’ils ne me voient pas. Qu’ils ne me voient plus jamais. De toute façon... »
Et son regard revint s’attacher au pavage de la cour déserte.


J’étais désespéré, mes Seigneurs, écrasé par la responsabilité qui lacérait mes épaules. Si je ne faisais rien, si la Reine ne venait pas à votre secours, le royaume volerait en éclats, la mort, la souffrance et la famine se répandraient comme le feu dans un fenil, et ce serait ma faute, ma seule faute. Je me retirai, des larmes plein les yeux. La tête basse, j’allai m’asseoir seul sous le grand chêne près de la Fontaine aux Loups, là où votre père aimait à rendre la justice, et là où il m’avait, par un lumineux matin de printemps, armé chevalier... Là où je lui avais juré allégeance, où j’avais promis de consacrer ma vie à la sauvegarde du Royaume...
Je prends de l’âge, moi aussi, mes Seigneurs. Je n’ai jamais ménagé ma peine au service de mon Roi puis de ma Reine, et jamais je ne l’ai regretté. Mais le temps nous rend moins forts, moins sûrs de nos capacités. Et si le sentiment d’impuissance met la jeunesse en rage, il conduit les vieillards au désespoir...
- Vous n’êtes pas un vieillard, Donatien !
- Si, je le suis, Prince Clément, puisqu’à présent vous me vouvoyez. Vous ne le faisiez pas lorsque j’étais jeune...
- Mais nous étions des enfants !
- C’est vrai, Prince Constant. Et j’étais un guerrier dans la force de l’âge. Mais laissez-moi finir mon récit.
J’étais donc là à me lamenter sur mon sort en versant des larmes amères comme une grand-mère au coin du feu, quand un froissement de feuilles mortes me mit aux aguets. Je portai aussitôt la main à la garde de mon épée, un guerrier reste toujours un guerrier. Mais aucun danger ne me menaçait. Traversant les fourrés à pas comptés, royal dans son allure et dans son port de tête, un chat noir aux immenses yeux verts se dirigeait vers moi. Campé sur ses pattes, me toisant d’en bas, il planta son regard inaltérable dans mes yeux mouillés et me dit :
« Hé bien, monsieur le Commandant de la Garde et Premier Conseiller Royal, que voilà une piètre attitude pour un homme de votre rang ! »
Je restai là, abasourdi, sidéré comme un caillou et stupide comme une poule.
« Si je comprends bien... » - le chat s’assit et se lécha négligemment une patte- « si je comprends bien, vous êtes dans une grande difficulté.
- Il est vrai », répondis-je.
- « Hmm... et je dirais même que cette difficulté... confine au désespoir.
- Cela est juste », concédai-je en m’essuyant les yeux.
- « Monsieur le Commandant de la Garde et Premier Conseiller Royal... seriez-vous assez désespéré pour faire confiance... à un chat ? »
J’écarquillai les yeux. Mais qu’avais-je à perdre ?
« Je ferai confiance à tout être qui me proposera son aide. Il en va de la survie du Royaume. »
D’un bond le chat sauta sur ma poitrine et il me fixa de si près que son nez touchait presque mon nez.
« Demain, à midi, veille à ce que la Reine soit dans son fauteuil, face à la fenêtre. Et laisse-moi faire. »



Vous pensez bien que je ne fermai pas l’oeil de la nuit ! Et que le lendemain, bien avant midi, j’étais près de Sa Majesté, et que comme elle je scrutais les pavés de la cour en attendant une apparition miraculeuse.
Le douzième coup résonnait encore au clocher que les sabots d’un cheval frappèrent le pavage. Il était blanc comme la lumière la plus pure, éblouissant dans la lumière de midi. L’encolure était massive, le chanfrein droit, les oreilles petites et agiles, le regard fier... Je m’étranglai d’admiration devant le dos court, le rein puissant, la queue haute, l’épaule oblique, les membres fins, le placer altier, la rondeur de la croupe... Il se mouvait léger comme l’oiseau dans le vent, et sûr comme le rocher dans la tempête... Jamais de ma vie je n’avais vu pareil destrier. Il était d’une beauté absolue, totale, parfaite, il possédait la force, la majesté, la grâce...
Je vis la Reine se redresser dans son fauteuil.
« A qui est ce cheval ? Il est... Il est... »
Les mots lui manquaient, et j’étais trop stupéfait pour lui venir en aide.
Alors apparut près du cheval une jeune femme. Brune de peau, ses longs cheveux noirs ruisselaient sur ses épaules. Quand elle tourna la tête vers nous, ses yeux verts rayonnaient d’une chaleur plus forte que le soleil, et son sourire était comme l’espoir de l’aube... Je connaissais ce regard... Il s’était planté dans mes yeux la veille, et je n’étais pas près de l’oublier... C’était de la magie... Vêtue d’une longue cape noire sur un habit noir de cavalier, elle s’inclina gracieusement dans notre direction et désigna le cheval de sa main gantée.
La Reine sursauta.
Elle se tourna vivement vers sa femme de chambre.
« Amélie, ma robe bleue. Non, pas la turquoise aux tresses dorées, la robe d’équitation, je sais, elle est un peu usée... et mes bottes. Donatien, pas de selle. Avec un tel cheval, je n’en ai pas besoin. Pas de mors. Un licol et une longe. Et vite ! »
Elle se leva, droite et fière. Elle ne tremblait plus ! On aurait dit qu’elle avait rajeuni de vingt ans. Fini le pas hésitant, trébuchant, qui devait s’appuyer sur un bras ou sur une canne. Fini le regard las, le soupir triste, les lèvres tombantes, le teint grisâtre et le dos voûté. Elle descendit les escaliers majestueusement sans même effleurer la rampe.
J’avais posé le licol et noué la longe en guise de rênes. Elle caressa le chanfrein superbe de sa main nue, recueillit dans son oreille le « frrr frr » amical de la superbe monture, puis se tourna vers la femme brune.
« Je peux vraiment ?
- Il est à votre service, Votre Majesté, tout comme je le suis.
- Ah... quel bonheur ! »
La femme brune présenta ses mains nouées pour le genou royal, et la Reine monta avec l’agilité d’une jeune fille...
« Donatien, que faites-vous là les bras ballants ? La Garde devrait déjà être prête ! Nous partons sur le champ pour Meaulnes-la-Forêt. Ne m’avez-vous pas dit que mes fils avaient besoin de moi ? »
Mes Seigneurs, vous savez que je ne suis pas un menteur. Je vous jure que jamais, jamais – et la reine Aimée a toujours été une cavalière hors pair – jamais je ne l’ai vue chevaucher aussi vite, aussi droite, aussi parfaite ! Nous peinions à la suivre ! Elle se riait des fossés, des fourrés, des troncs d’arbre en travers des chemins... Car bien sûr elle ne suivit pas la route. Elle nous entraîna dans les forêts, les combes et les sentiers à chèvre longeant les précipices. Elle ne galopait pas, elle volait ! Nos montures s’essoufflaient, et son cheval avait l’oeil vif et le flanc sec ! C’était... c’était un miracle, mes Seigneurs, ou de la sorcellerie, je ne sais pas, mais c’était une magie blanche, éblouissante, merveilleuse, enivrante...
Elle ne mit pas pied à terre en arrivant, vous le savez. Lorsque Germain du Nord et Titouan du Sud accoururent vers elle – tandis que sidérés vous restiez sur le seuil de la grande tente qui avait été montée pour les négociations – elle les interpella d’une voix forte :
« Hé bien, mes enfants ? Ainsi vous voulez déchirer le Royaume ? »
Ils se jetèrent à genoux, la tête basse, d’un seul et même élan.
« Suivez-moi. Allons discuter un peu plus loin. Donatien, toi seul. »
Elle se laissa glisser à terre sans aucune aide et s’installa bien droite, à l’autre bout de la prairie, le dos calé contre un grand frêne, et les deux hommes s’assirent respectueusement près d’elle en la dévorant des yeux. Je restai debout, montant la garde. Le cheval s’était mis à brouter, sans s’éloigner de plus de dix pas, et il gardait les deux hommes dans son champ de vision, comme si lui aussi veillait sur notre Reine.
« Vous me faites beaucoup de peine, mes enfants. Vous vous comportez d’une manière indigne. Notre royaume est petit, et au fil des siècles nous sommes devenus tous plus ou moins apparentés. Titouan, tu n ‘es pas le fils d’un homme du Nord ? Germain, ta fille n’a-t-elle pas épousé un homme du Sud ? Quand dans votre maison vos enfants en viennent aux mains, est-ce que vous les laissez se molester ? Je suis sûre que non. En bons pères de famille, vous leur imposez le calme, et vous écoutez leurs doléances afin de rétablir la paix. Parce que vous pensez que, au-delà de leurs différends, le plus important c’est qu’ils continuent à s’aimer comme des frères. C’est exactement la même chose aujourd’hui. Je vais vous écouter, et nous trouverons ensemble la meilleure solution pour que vous restiez frères au sein du même royaume. Titouan, parle.
« Majesté...nous souhaitons construire des bateaux pour naviguer sur la Dorette jusqu’à la mer. La plupart de nos convois qui traversent le Nord sont attaqués...
- Ce n’est pas nous ! Ce sont des bandits venus des Iles !
- Mais vous ne faites rien pour nous protéger !
- Il y a cinquante lieues de route ! Comment faire ? Délaisser nos champs, laisser crever nos bêtes pour vous qui nous méprisez et nous détestez ?
- Oh là, oh là... Restez calmes, mes braves. Des bateaux, pourquoi pas. Et ?
- Et ils veulent prendre le bois dans la forêt de Meaulnes ! », s’écria Germain du Nord.
- Ben oui, c’est la plus proche du Sud !
- Mais c’est le seul endroit où poussent les Trompettes Renommées, ces champignons si délicieux qui font partie de notre tradition... et dont l’exportation à l’est et à l’ouest assure le tiers de nos revenus !
- Et pour trois champignons, nous serions ruinés ? Ils sont fades, de toute façon, et ils collent aux dents...
- Ce ne sont pas trois champignons, c’est la survie de plusieurs dizaines de familles, et c’est notre fierté, mais bien sûr vous ne pouvez pas comprendre, vous ne vous gavez que de soupes d’orties assaisonnées de crottin de chèvre ! Vous n’êtes que des barbares !
- Et vous, des assassins !
Les deux hommes se levèrent brusquement, prêts à en découdre. La Reine tendit un bras vers chacun d’eux pour les inviter à se rasseoir.
« Allons, allons... » (et le ton était impérieux malgré son sourire), « la violence n’est jamais une solution. Et en ma présence, je vous l’interdis. »
Ils se rassirent en maugréant. Je compris alors pourquoi, mes Seigneurs, malgré votre patience et votre diplomatie, vous n’aviez rien pu obtenir d’eux. Ils étaient campés sur leurs positions, obstinés comme des mules rétives, et il avait fallu toute l’autorité de la Reine pour les ramener au calme.
- C’est vrai , Clément et moi avons passé les trois quarts du temps à essayer d’éviter qu’ils ne se cognent dessus...
- Et quelquefois les soldats ont dû nous aider ! Aucun d’entre eux n’écoutait ce que disait l’autre...
- Or donc la Reine se tourna vers Germain, qui se croyant gagnant, lança d’une voix perfide :
« De toute façon ces bateaux ne verront jamais la mer. Ce n’est qu’un prétexte pour nous dépouiller. Si les Sudiens étaient vaillants, ils cultiveraient leur terre...
- Tu viendras me montrer comment tu fais pousser du blé sur des cailloux ?
- Les cailloux, on les enlève.
- Et labourer une terre sèche, tu sais faire ?
- Une terre, ça s’irrigue...
- Ma Reine, voilà que cet homme se croit plus malin que tous les Sudiens réunis !
- Ca, ce n’est pas difficile », ricana Germain.
- « Germain, non ! », intervint la Reine. « Vous vous égarez, mes enfants. Nous sommes ici pour éviter une guerre civile et non pour savoir qui est le plus intelligent ou le plus courageux. Calmez vos coeurs impatients. Songez que je n’oublie jamais que nos ressources sont limitées. Nous ne possédons ni mines d’or ni mines de diamants. Nous travaillons, tous, et notre terre est baignée de notre sueur. Elle n’est pas ingrate, et que je sache, chaque citoyen de Karis mange à sa faim. Aussi, je vous prie de m’écouter et de faire taire vos rancoeurs. Si je divise le royaume en deux en le partageant entre mes deux fils, non seulement cela brisera le coeur de deux jumeaux qui s’aiment, mais aucun de vous ne s’en trouvera gagnant. »
Les deux hommes hochèrent la tête. Je soupirai de soulagement. Notre Reine allait réussir. La paix serait sauvée !
Et puis en une fraction de seconde tout s’accéléra. Face à la Reine qui reprenait son souffle pour apporter son message conciliateur, devant ces deux hommes muets de respect et d’admiration, une jeune femme sortie de nulle part encocha une flèche sur son arc en hurlant « Meurs, vieille folle ! » Et je vis la flèche empennée d’or se diriger limpide et inéluctable vers le coeur de ma Reine. J’étais trop loin pour m’interposer. Je me précipitai néanmoins, désespéré d’être inutile, et ce que je vis alors restera gravé dans ma mémoire jusqu’à l’heure de ma mort. Le cheval ! Ce cheval blanc, qui paissait paisiblement, indifférent aux discours humains, ne fut plus qu’un éclair fulgurant qui saisit la flèche entre ses dents et la brisa d’un coup sec. Puis il se cabra dans toute sa splendeur, et l’archère décontenancée tomba à la renverse. Il posa alors un sabot ferme sur la poitrine de la femme et regarda la Reine, attendant ses ordres.
« Laisse-la se lever, ô mon splendide sauveur. Approche, ma fille. N’aie aucune crainte. La colère est mauvaise conseillère, mais avec l’âge vient la patience. Viens. »
La jeune femme se leva, les yeux baignés de larmes.
« Que t’ai-je fait pour que tu souhaites ma mort ?
- Mon mari... a été tué dans un convoi. Je ne veux pas la paix ! Je veux qu’il soit vengé ! Je veux que les Nordiens meurent ! Je veux... »
Elle éclata en sanglots. La reine la prit dans ses bras et la berça comme un enfant.
« C’est trop de chagrin pour toi... Pleure, ma belle, pleure, il est temps de pleurer. Je suis la mère de tout le peuple de Karis, et pour tous mes enfants je veux la paix et le bonheur. Personne ne pourra te rendre ce que tu as perdu, mais qu’as-tu gagné en risquant ta vie aujourd’hui ? Reste avec moi. Regarde ces deux frères Karisiens. Ils comprennent maintenant que la paix est la moins mauvaise des solutions, et si je l’obtiens, ce sera grâce à toi. Germain, n’avez-vous pas sur les rivages du Nord quelques vieux bateaux inutilisés ?
- Euh... Oui, peut-être...
- Et vu que toutes les forêts de Karis m’appartiennent, n’y a-t-il pas une forêt plus au nord où ne poussent pas de champignons ?
- Si... sans doute...
- Donatien, pourrions-nous engager une centaine de soldats supplémentaires pour protéger les routes du Nord ? Si je vendais quelques bijoux dont je n’ai guère l’usage, et que mes fils ne porteront sûrement pas...
- Je pense que cela est tout à fait possible, Votre Majesté.
- Fort bien. Je vous convie donc tous au château, ce soir, pour déguster une magnifique assiette de champignons... juste sautés à la poêle, voyez-vous, et relevés d’une belle tête d’ail bleu et d’une bonne cuillérée de safran... »
Le visage de Titouan s’éclaira.
« Vous ne les bouderez pas, n’est-ce pas, Titouan ?
- Votre Majesté, ces condiments-là sont la fierté de notre Sud ! Avec eux, je pourrais manger la queue du Diable !
- Je pense que quelques chevreaux grillés seront bien meilleurs. Pour le pain, les fromages et les fruits, puis-je compter sur vous, Germain ?
- Ce sera un honneur, Votre Majesté. »



Le retour se fit au pas, la reine Aimée portant en croupe la dénommée Amélie, qui avait voulu la tuer ; elle était entourée de Titouan du Sud, sur sa mule, et de Germain du Nord, sur son cheval de trait. J’ouvrais la marche, toujours aux aguets, et je les entendis deviser gaiement tout le long du chemin. J’entendis même rire Amélie. Et j’éprouvai une fierté intense d’avoir voué ma vie à une Reine si merveilleuse. Elle qui la veille encore ne songeait qu’à mourir, où avait-elle puisé la force de se dévouer une fois de plus à son peuple, où avait-t-elle trouvé l’intelligence et la patience d’écouter, de comprendre et de convaincre ?


La Reine mit pied à terre dans la cour du château, sans aucune aide, et aussitôt elle se porta à la tête du cheval. Elle caressa longuement le chanfrein et l’encolure, embrassa doucement cette zone au dessus du naseau dont le parfum musqué est aussi enivrant que la plus forte des eaux de vie, et dont le velouté n’a d’égal que certaines parties cachées sous les jupons des ... Pardon, mes Seigneurs, je m’égare. Elle se tourna alors vers la femme brune qui l’attendait en souriant, et je vis qu’elle refoulait ses larmes. Une vilaine ride verticale était revenue déchirer son front.
« Vous êtes la Longue Dame Brune, n’est-ce pas ? Ma nourrice me chantait votre légende, quand j’étais petite fille... Elle disait que depuis la nuit des temps, vous veniez toujours nous secourir lorsque le royaume était en danger. Et vous l’avez sauvé, une fois encore. Et... lui aussi... »
Sa voix se brisa, je la sentais prête à fondre en sanglots.
« Ma Reine », lui répondit la Magicienne en s’inclinant gracieusement, je suis honorée que ma magie ait pu vous être utile. Mais savoir parler aux hommes pour ramener la paix dans leur coeur est une magie bien plus grande encore. Il n’est pas temps encore pour vous de céder la place. Votre peuple a besoin de vous. Et si ce cheval peut vous aider à conserver vos forces, il sera ici chaque matin, de son plein gré, pour une belle promenade en forêt. Qu’en penses-tu, Espoir ? »
Le cheval émit un hennissement très doux, comme une promesse sacrée. Et il posa la tête sur l’épaule de la Reine. Sans doute lui murmura-t-il quelque chose à l’oreille, car la Reine éclata de rire et me lança :
« Donatien, une double ration de notre meilleur foin pour mon noble destrier, et nos plus belles carottes, et des pommes, aussi, maintenant, tout de suite, et de même tous les matins ! Hé bien, Donatien ? Vite ! Vous vieillissez, mon ami... »
Narwa Roquen,l'hiver vient


  
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Réponses à ce message :
3 WA 150 commentaire : Narwa - Estellanara (Ven 17 mar 2017 à 15:52)
3 Hippo-tonique - Maedhros (Dim 30 oct 2016 à 19:34)
       4 Redites et pléonasmes... - Narwa Roquen (Dim 30 oct 2016 à 20:17)
              5 Comm' Roquen 150 - Elemmirë (Mer 7 dec 2016 à 10:02)
              5 Dr Strange... - Maedhros (Dim 30 oct 2016 à 20:46)


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