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La magie du chaos

Chapitre premier

Eloignée de tout et pourtant si proche de la vie, la jeune fille était rêveuse comme à son habitude. Entre le chaos et l'harmonie, entre le jour et la nuit, elle ne pouvait se résigner à détacher les yeux de cette flamme ardente. Ce feu qui brûlait avec tant de passion et tant de dévouement était né pour elle... Il l'avait accompagnée tout au long de son interminable trajet et n'avait pas cessé de l'initier au savoir. Cet étrange savoir, à quoi allait-il lui servir, puisque le silence et la solitude étaient ses seuls compagnons de toujours.

Masse compacte et indéterminée, forme vague et incolore, un amas de poussière se trouvait en plein milieu d'un cercle lumineux... Etait-ce le début d'une nouvelle existence ou tout simplement la construction du néant ? D'une blancheur éclatante, d'une transparence immortelle, son corps rejoignait son esprit, il n'y avait ni début ni fin dans cette substance impénétrable... juste un étrange murmure que le vent emportait dans son interminable voyage. Et seuls les yeux de la jeune fille pouvaient déterminer depuis combien de temps elle attendait patiemment un signe, un message qui lui prouverait alors que le moment était venu.

Invisibles, aveuglantes, deux merveilleuses prunelles scrutaient les alentours, en quête d'un espoir mais... toujours ces mêmes tons de couleurs. Le rouge fugitif se perdait dans un éternel décor, puis subitement, ressortait de nulle part pour donner du volume à la sphère, embellissant l'abstrait afin de le concrétiser. Cependant, tout naissait pour mourir aussitôt. La matière avait à peine le temps de se former que déjà, elle se dispersait pour de nouveau se coaliser avec un second corps. Désert sauvage rempli de particules, nombreux étaient les atomes qui cherchaient désespérément un nouveau refuge, une molécule inexploitée. Mais le vide dominait sans pitié, ne laissant aucune trace d'une quelconque forme de vie, détruisant tout être qui cherchait à se développer.

Pourtant, la jeune fille était bel et bien là. Imperceptible, sans aspect physique, elle découlait d'un miracle. Prodige ou conscience du vivant ? Une simple cellule s'était brusquement divisée, échappant aux normes du néant. Ensuite, le chaos a basculé et les rigoureuses lois de l'immobile se sont vues transformées. Comblant alors la lassitude et l'ennui des ténèbres obscures, tout un univers s'est formé. Infiniment plus petite qu'un atome, cette indescriptible sphère opaque avait pourtant la taille des planètes, si ce n'était plus.

***

Cela faisait à peine quelques minutes qu'ils étaient arrivés que déjà, Arthur avait un mauvais pressentiment. En effet, il n'aimait pas du tout la tournure que les événements prenaient : la discussion semblait brusquement s'agiter, comme si un drame se préparait.

Suivant l'ordre de ses parents, il s'était caché dans le vieux refuge du grenier mais... il aurait préféré rester auprès d'eux car les krakens étaient des êtres redoutables, des guerriers sans pitié ni sentiments. D'ailleurs, personne ne pouvait prononcer ce nom sans s'imaginer les terribles hécatombes dont ils étaient la cause. Les krakens étaient pires que des machines de guerre et représentaient, pour tous les habitants de la cité, le début de la fin.

Arthur ne savait que faire. Il ne supportait plus l'idée d'être ici, dans cet étroit refuge, pendant que sa famille risquait sa vie. Alors, il poussa avec prudence l'épais mur de craie, puis après s'être assuré que personne ne se trouvait dans les lieux, sortit de sa cachette. Des voix graves et puissantes le firent sursauter, mais poussé par la curiosité, il se dirigea vers l'escalier. Il voulait enfin comprendre quel était le mystérieux secret que ses parents avaient eu tant de mal à cacher pendant toutes ces années.

" Il y a dix ans, jour pour jour, vous nous l'aviez promis ! Maintenant, nous voulons le voir... à moins que vous ne l'échangiez de nouveau contre... " - en plein milieu de sa phrase, le kraken s'arrêta et émit un rire victorieux et sarcastique.

Arthur se risqua alors à jeter un coup d'oeil au bas de l'escalier, espérant voir l'aspect de ces créatures légendaires. Un simple regard lui suffit pour comprendre la terreur des gens en les apercevant ; trois fois plus grands que ses parents, ils semblaient détenir le contrôle du monde entier en eux. Et sur chacun de leurs visages planait l'ombre de la mort, le sacrifice des vies, l'absence d'amour au dépourvu de cette passion destructive.

Le père du jeune garçon détourna ses yeux de l'effroyable armée et posa un regard rempli de tendresse et d'amour vers sa femme. Celle-ci tremblait désespérément de tout son corps alors, d'un geste protecteur, il la prit dans ses bras et la serra très fort. Tout deux savaient qu'il n'y avait plus d'espoir ; quiconque était sous l'emprise de ces guerriers ne pouvait échapper à leurs lois écrasantes et impitoyables. Sachant qu'ils étaient perdus, le vieil homme tenta le tout pour le tout.

" Je sais que je me répète mais... nous ne l'avons plus ! Il y a plusieurs années de cela je l'ai cherché sans jamais le retrouver. Mais je vous en conjure " - sous l'effet d'une émotion trop intense, sa voix oscilla brusquement dans un éclat de sanglots -" je veux bien... me sacrifier au détriment de toute cette histoire si... si vous me promettez de ne pas toucher à ma famille. "

Il regarda de nouveau sa femme, et remarqua que ses yeux étaient le pur reflet d'une eau déchaînée, d'un vague courant translucide qui ne cherche qu'à rétablir la justice. Lui-même ne parvenait plus à percer cette étrange logique que l'on appelait autrefois l'intelligence. C'est alors qu'un sourire à peine perceptible se dessina sur chacun de leur visage. C'était un sourire complice, un sourire de béatitude qui semblait dérouler devant eux le long chemin qu'ils avaient parcouru ensemble, leur faisant ainsi partager un dernier instant inoubliable. Et pendant ces secondes angoissantes où leur avenir n'était plus assuré, l'homme vieillissait à vue d'oeil, laissant sa jeunesse, sa hardiesse et son amour à sa compagne. Celle-ci ne se rendait compte de rien mais... sa beauté n'était même plus comparable aux astres qui illuminaient la nuit. Plus le temps s'écoulait et plus son embellissement était indescriptible, irréel.

Cependant, Arthur pressentait le pire, il ne voulait plus savoir, il ne voulait pas être témoin de cette cruelle vérité. Alors, il se précipita sans un bruit dans son refuge et referma avec douceur l'épais mur blanc. Son corps entier fut parcouru d'un frisson glacial et des larmes de tristesse jaillirent de son corps. Pétrifié comme un bloc de pierre, il ne parvenait plus à respirer. C'est ainsi que, suffoquant de chagrin, ses pensées s'éteignirent à la lueur de la pénombre, son cerveau cessa toute activité et son corps se raidit brusquement, ne laissant plus que le bruit sourd du silence comme unique mélodie.

***

Sortant de sa torpeur, Arthur redressa brusquement la tête. Dès les premières secondes de son réveil, des images, des pensées, des rêves se mélangèrent à son étrange réalité. Les mondes parallèles qu'il venait de traverser pour enfin reprendre conscience, avaient réussi à embrouiller son esprit, le perdant ainsi dans un incroyable tourbillon d'informations. Et bien que les deux parties de son cerveau cherchaient avec acharnement à réparer cette faille, il lui était encore impossible de comprendre.

Toujours recroquevillé dans son étroit refuge, le garçon commençait à ressentir de fortes douleurs. Brusquement, la porte du grenier s'ouvrit avec puissance, claquant contre le mur de bois dans un bruit d'épouvante. Arthur sentit son coeur défaillir sous l'angoisse qui l'étreignait... mais bientôt, il se remémora la scène qui s'était déroulée auparavant. A peine se souvint-il du regard attendrissant de ses parents, qu'il fut pris d'une soudaine envie d'éternuer tant l'endroit était poussiéreux. Il tenta de se retenir mais malheureusement, le besoin était trop intense et un faible son parcourut l'intérieur des murs.

" Qui est là ? ", hurla une voix masculine, dont les sens s'étaient subitement éveillés.
" Laisse tomber Graek, tu vois bien qu'il n'y a personne ! Viens ! On n'attend plus que toi pour partir... ", répondit sur un ton déterminé une seconde personne.
" Je sais mais... mon intuition m'assure qu'ils le possèdent toujours. Il n'a pas pu partir tout seul, c'est impossible qu'il se soit évaporé aussi brusquement... Comment Kraal a-t-il pu leur faire confiance ? Lui qui habituellement est si méfiant, de quelle manière ces maudits humains ont-ils réussi à le tromper aussi habilement ? " déclara exaspéré Graek.

Arthur, bien que surpris de la présence des krakens, attendit quelques secondes puis, lorsqu'il fut sûr que plus personne ne se trouvait dans les combles, poussa d'un geste violent le mur qui le tenait prisonnier de son histoire. Sans laisser le temps à ses membres de se réhabituer aux forces de la gravité, il se précipita vers la lucarne pour voir ce qui se déroulait au dehors. Il fut tout d'abord surpris de voir, sur le chemin sauvage qui menait à sa demeure, un essaim de krakens piétiner la terre humide sans pitié. Ce troupeau sombre semblait balayer la moindre particule de poussière, si bien qu'il ne restait plus rien du merveilleux décor qu'il contemplait autrefois avec passion.

Néanmoins, le jeune homme constata avec stupeur que deux silhouettes blanches se trouvaient en plein milieu de l'armée macabre. Et le contraste entre ce couple de formes indistinctes et l'imposante file de krakens était si important, qu'il fit aussitôt la relation avec ses parents. Quel était cet étrange pacte dont avaient parlé les krakens ? Et comment se faisait-il que les engagements qu'ils avaient conclus puissent prendre une telle ampleur ? Arthur ressentit un goût amer dans sa bouche... C'était une sensation désagréable certes, mais le simple fait que ses parents aient pu lui cacher cet arcane pendant tant d'années le perturbait profondément. Sa situation était troublante et la forte sensation de déshonneur qu'il éprouvait, évoluait de façon irrégulière avec le temps.

Son regard se dirigea de nouveau vers l'horizon. A présent, les taches sombres ne faisaient plus partie du décor. Arthur murmura alors pour lui-même cette phrase énigmatique, qui se transmettait dans sa famille depuis des générations. Aussitôt, un parfum indescriptible s'en dégagea, lui apportant un peu de réconfort.

Les grains de sable ne peuvent égaler l'éclat du soleil si celui-ci brille dans l'imposante voûte céleste, mais cet astre ne peut en aucun cas ressentir la délicieuse sensation d'être quelque chose d'invisible.

Etant plus jeune, ses parents n'avaient cessé de lui répéter ce monème mélodieux, affirmant qu'un jour il en comprendrait la signification, et parviendrait peut-être même à entrevoir un morceau de ciel bleu par un temps orageux.

Jusqu'à aujourd'hui, il n'était pas parvenu à interpréter correctement cette phrase occulte, dont il ne pouvait saisir le sens. En effet, plus il cherchait sa signification et plus les mots se confondaient les uns avec les autres, les lettres perdaient tout éclat, donnant ainsi un aspect insondable de la douce mélodie. Cependant, il s'entêtait avec acharnement dans cette quête, ne voulant s'avouer vaincu car, au plus profond de lui, il gardait toujours l'espoir. L'espoir de parvenir au sommet de cette montagne infranchissable, afin de savourer la tendre lecture du livre éternel...

" Espoir, faible lueur insaisissable... J'ai grand besoin de ton aide... S'il te plait, fais-moi un signe, ou guide-moi dans mon choix... " dit-il d'une voix suppliante.

Et pendant ces quelques secondes où tout semblait s'effondrer brusquement, Arthur, bercé par les doux battements de son coeur, était songeur. Au plus profond de lui, il espérait une réponse, alors il s'engagea dans l'escalier, ne cessant de se répéter que ce n'était qu'un simple cauchemar qui se terminerait bientôt. Mais... l'omniprésence de ces images et de ces sons, si proches du présent et pourtant si loin du passé, ne pouvait se détacher de son esprit. Ce n'est qu'un peu plus tard, prenant conscience que le soleil serait désormais sa seule raison de vivre, qu'il se résolut à partir. Alors sans se retourner, il se dirigea vers la porte d'entrée, franchit le seuil de la demeure et contempla une dernière fois ce lieu parsemé de souvenirs.

Une profonde envie de vaincre s'empara soudain d'Arthur, qui, tourmenté par le désespoir, fixait chaque détail, chaque couleur, espérant voir apparaître un peu de chaleur qui atténuerait son inconsolable tristesse. Au fil de ces secondes immortelles, son regard se transformait et bientôt, plus rien du petit garçon qu'il était autrefois ne vivait en lui... A présent dansait une flamme impitoyable dans ses yeux, un feu brûlant d'amour et de grisaille qui n'était que le pur reflet de son coeur. Le jeune homme venait enfin de comprendre qu'il fallait se méfier des apparences trompeuses du décor, et maintenant plus rien ne pourrait l'arrêter pour réparer l'injustice, au profit de véracités triomphantes. Accentuant ce profond désir d'équité, Arthur eut l'étrange sensation d'être différent, comme s'il avait été brusquement transféré d'une enveloppe corporelle à une autre. Avant ce jour, jamais il n'avait ressenti une telle force, une telle volonté d'emporter la victoire sur quiconque mais... l'acte que venaient d'accomplir les krakens était un geste de trop. Ils n'auraient pas dû. Et à présent, il prenait conscience de son devoir et était enfin prêt à s'envoler de ses propres ailes.

C'est alors que, suivant le chemin emprunté par l'armée lugubre, Arthur s'engouffra à son tour dans le vaste paysage, afin d'y écrire sa propre destinée.

***

Parmi le tissu d'étoiles scintillant, se dégageait une puissante énergie qui éveillait doucement la curiosité d'Arthur. Assis sur une pierre noire au bord d'un abîme, le jeune homme laissait son esprit vagabonder le long des vallons abrupts. C'était la première fois qu'il éprouvait ces sensations merveilleuses, mais il ne se lassait pas de toujours découvrir de nouvelles émotions. Autour de lui, la pénombre augmentait l'insécurité de ces lieux inconnus et... une force semblait s'emparer progressivement de son corps. Comme d'immenses tentacules, une multitude de bras étoilés se dessinait dans l'atmosphère, envoûtant l'âme d'Arthur qui, sous l'emprise de ce charme trop puissant, ne se rendait compte de rien.

De minces filets d'argents survolaient sa tête depuis quelques minutes quand soudain, ils se dirigèrent tous d'un même élan vers ce corps fragile. Puis, après avoir décrit de mystérieuses figures, ils entamèrent dans une synchronisation parfaite leur descente. Une à une, les traînées de poussière s'enroulèrent avec grâce autour des membres d'Arthur, prenant lentement possession de tout son être. S'ajoutant à l'atmosphère chimérique, une légère brise se leva, donnant à l'ancien rituel une nouvelle forme de vie. Et d'étranges vibrations se propagèrent sur le sol jonché de feuilles, emplissant le décor de magie et de songes.

Parmi les astres, qui veillaient à conserver le charme de l'illusion et du rêve de l'imposante voûte céleste, la lumière du soleil se reflétait dans son propre miroitement, donnant naissance à une merveilleuse lune cendrée. Celle-ci guidait avec patience le jeune homme dans sa quête, l'aidant tout d'abord à extérioriser son énergie trop longtemps dissimulée. Parfois, de vives lueurs parcouraient le ciel nocturne, entourant l'enfant d'un halo protecteur. Celui-ci n'était d'ailleurs plus tout à fait conscient de la puissance qu'il était en train d'acquérir.

Puis, brisant tout à coup les liens qui s'étaient créés avec l'énergie lunaire, Arthur posa ses mains sur le sol, dans le but de se relever. Cependant son corps, sous l'effet de cette mutation furtive ne répondit pas correctement à ce désir. Surpris par ce refus inhabituel, le jeune homme trébucha et ne put maintenir son équilibre plus longtemps. Glissant alors le long de la pierre sombre, il constata avec effroi qu'il se dirigeait tout droit vers le gouffre obscur. Et malheureusement, rien ne pouvait empêcher sa chute vertigineuse car, soumis à son poids, il était emporté par la vitesse. Au cours de son inquiétante descente, la surface lisse de la roche ne faisait qu'augmenter cette vitesse, si bien qu'il arriva avec une rapidité effarante au bord du précipice. Mais lorsqu'il sentit son corps se soulever dans les airs, sa main, emprunte d'un réflexe chercha désespérément un appui. Désormais, Arthur n'espérait plus de miracle car il savait qu'il n'avait pas la moindre chance d'en sortir vivant. Toutefois, au contact d'une matière solide, un nouvel espoir le saisit et ses doigts se refermèrent hâtivement sur ce corps inconnu.

Flottant dans les airs à quelques dizaines de mètres du sol, le jeune homme n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait faire. En effet, suspendu comme une corde dans le vide, il n'avait pas la possibilité de se sortir seul de cette situation désastreuse. Levant alors les yeux au ciel, il chercha l'espérance mais, ce n'est qu'au moment où son regard croisa celui de la lune qu'il se mit à croire au miracle. Pendant ce très court instant, il se surprit à admirer l'amas gigantesque de pierres, et en ayant la sensation qu'il essayait de lui transmettre un message, prit conscience que sa survie n'était plus qu'une question de temps. Les sens d'Arthur étaient en alerte, et c'est ainsi qu'il constata que l'atmosphère environnante était exceptionnelle. L'odeur émergeant tout droit de l'inconnu était agréablement rassurante... et le calme silencieux de la nuit permettait à son esprit tourmenté de s'apaiser. Puis, il entama une invocation, qui résonna comme un cri d'abandon à travers l'abîme.

" Secrets de la nuit, montrez-moi le chemin. Ténèbres nocturnes, ouvrez ce passage et guidez-moi... Mon heure n'a pas encore sonné et mon âme ne pourra reposer en paix, tant que ma raison n'aura pas triomphé du péché... "

Arthur était à bout de forces. Sa main ne pouvait supporter davantage la masse qu'elle maintenait et ses doigts commençaient doucement à glisser le long de l'épaisse substance. Avec un effort surhumain, il parvint à ne pas diriger son regard vers l'imposant gouffre. Mais plusieurs fois la curiosité faillit le perdre, car le besoin d'apprivoiser le vide qui se trouvait juste en dessous de lui était très fort.

Contemplant de nouveau la lune, une larme coula le long de son visage.

Son désespoir était à son comble quand tout à coup, il entendit un bruit de sabots. Il savait maintenant qu'il allait lâcher. Mais de nouveau, un souffle apaisant brisa le silence. Sa vie ne tenait plus qu'à trois misérables doigts. Arthur leva la tête avec peine et vit une ombre massive se détacher du ciel. Mais ne contrôlant plus ses pensées, il n'arrivait pas à savoir pourquoi il s'entêtait à résister fermement... Personne ne pouvait lui venir en aide, tout n'était qu'illusion. La créature lança soudain une myriade de ficelles colorées en direction du jeune homme. Celui-ci ne chercha pas à comprendre et en moins d'une seconde, saisit fortement les morceaux de tissu qu'il enroula autour de son corps. Puis inconsciemment, il sombra dans un autre monde.

Tout à coup, sentant la chaleur du soleil sur sa peau légèrement satinée, Arthur ouvrit les yeux. Il fut aussitôt bombardé d'images, de couleurs, d'odeurs, de bruits nouveaux qui se mêlèrent à son être, le familiarisant tout d'abord avec le décor, pour ensuite l'emporter dans cet univers inconnu. Le jeune homme n'eut pas le temps de savourer les plaisirs de la nature car bientôt, il put entendre un bruit de sabots. Il lui sembla avoir déjà entendu ce rythme de pas... cet écho si proche de ses souvenirs.

" Arthur... Arthur... souviens-toi de ce qui t'est arrivé ! Le ravin... Epuisé par l'émotion, tu t'es évanoui au dessus de ce gouffre. Mais alors, suis-je mort ? " se demanda le jeune homme dans un souffle d'inquiétude.

Il s'assit dans l'herbe humide, puis constata avec stupéfaction qu'il se trouvait au beau milieu d'une vaste prairie. Et après avoir vérifié que son corps entier était fait de chair et d'os, il se retourna. En remarquant qu'un magnifique étalon se dressait fièrement devant lui, son coeur fit un bond dans sa poitrine. Il fut pris d'une admiration soudaine devant l'apparition mythique, si bien qu'il ne chercha pas d'explication plausible à ce phénomène. Brusquement, accompagnant le vent dans un doux bercement, une puissante voix le fit sursauter.

" N'aie pas peur, brave étranger. Je ne viens pas pour t'emporter dans l'au delà, mais plutôt pour te servir. "

Arthur ne comprenait pas d'où pouvait provenir ce son mélodieux. Et, effrayé par cette perception nouvelle, il chercha nerveusement une présence humaine près de lui. Cependant, son regard plongea de nouveau dans celui du cheval ténébreux, dont la crinière, sous l'effet du soleil, était parcourue de reflets ambrés, lui donnant un air divin.

" Oui, c'est bien moi qui te parle... Enfin, parler est un bien grand mot pour les hommes, car il est connu que les animaux sont incapables de produire un son.
-T...tu parles ! " s'exclama le jeune homme, de plus en plus étonné.
" C'est ce que j'essaye de te dire depuis quelques minutes mais, si tu le remarques par toi même, j'en suis fort content. Ah, j'allais oublier l'essentiel, quel est ton nom ?
-Arthur...
-Enchanté de te rencontrer, Arthur. J'ai tellement entendu parler de toi, que je n'ai pas pu résister à l'idée de faire ta connaissance. "

A présent, le jeune homme s'était relevé et de vives émotions le paralysaient, si bien qu'il ressemblait à une statue de marbre, dépourvu de toute expression. Il fixait avec étonnement l'imposante silhouette, se demandant s'il n'était pas en train de rêver.

" Oort ", déclara avec fierté l'étalon.
" Oort ? " interrogea Arthur qui ne comprenait toujours pas ce qui était en train de se passer.
" Eh bien oui, mon nom c'est Oort ", expliqua celui-ci avec évidence.
" Ah oui, excuse moi mais... ce n'est pas tous les jours que je parle avec un cheval. " Arthur réfléchit un instant puis se surprit à demander : " D'ailleurs, comment se fait-il que je puisse t'entendre ?
-Eh bien vois-tu, la région dans laquelle nous sommes regorge d'énergie. Cette énergie est inépuisable, d'où le danger de la laisser à la portée de quiconque. Et c'est justement afin d'éviter qu'elle ne tombe entre de mauvaises mains, que les mystères de l'univers l'ont dispersée sous forme de réserves. Ainsi, elle ne s'accumule plus à un seul endroit de la Galaxie, mais est répartie équitablement dans le cosmos.
-Et donc, il y a plus de chances de la repérer !
-Il y a peut-être plus de chances, mais la force que les gens acquièrent en s'en emparant est moins importante. Ainsi, le danger de faire basculer le monde dans le chaos est nettement plus réduit !
-Je comprends très bien cela, mais je ne vois pas du tout le rapport avec nous ! " s'exclama Arthur, dont l'esprit s'était calmé.
" Bah, il se trouve justement que Goran, notre royaume, soit l'un de ces pôles... "

Oort s'arrêta brusquement. Alerté par ses sens, il pressentait un danger et cherchait à en déterminer la cause. Au moment où il leva les yeux au ciel, il comprit.

" Vite, monte ! " ordonna-t-il à Arthur.
" Quoi ? Que se passe t-il ? " interrogea le jeune garçon pris de panique.
" Quelque chose d'étrange se prépare dans le dôme... Il me semble qu'ils sont en colère après quelqu'un. Mais dépêche-toi donc de grimper ! " supplia l'étalon sous l'emprise de la peur.

C'était la première fois que le jeune homme montait sur un cheval et il ne savait comment s'y prendre. La monture, ressentant son hésitation, tapa nerveusement ses sabots contre le sol, affirmant ainsi son tourment. Arthur décida donc d'enfourcher l'étalon, qui, envahi par la crainte, se pressa de partir. Dès lors, un vent glacial fouetta le corps d'Arthur et très vite, les paysages disparurent un à un, les images se déformèrent et d'étranges bruits se profilèrent autour des deux âmes.

La course folle de l'étalon déclencha la formation d'une substance mystérieuse qui, échappant au contrôle de la Galaxie, évolua de manière importante jusqu'à pouvoir se détacher des deux êtres. Par un quelconque prodige, des myriades de teintes colorées se mirent à errer dans l'espace, comme guidées par une puissance invisible qui ouvrait habilement un passage à travers les cieux. Au même instant, le mince cercle lumineux se transforma, revivifié par la jeunesse. L'éclat de la flamme se fondit dans de nouveaux tons de couleurs, mélangeant appréhension et curiosité.

Appréciant le peu d'humanité qu'elle pouvait recevoir, la jeune fille, masse indistincte, profitait de ce moment de tendresse. Son corps n'était que la vague ébauche d'un peintre, qui, perdu dans sa toile, explorait les moindres recoins d'une âme égarée. Isolée au plus profond de la nuit, elle scrutait les abords de sa prison dorée, espérant voir apparaître un jour nouveau. C'est alors qu'une inhabituelle source de chaleur s'engouffra tout à coup dans ces territoires inexploités, provoquant un désordre éphémère.

Au fil de ces merveilleuses secondes, les yeux limpides de la jeune fille s'imprégnaient de chaque vague nouvelle d'information, faisant naître une seconde forme de pensée. Les molécules quant à elles, venaient de développer une capacité étonnante à se multiplier rapidement, si bien que l'agitation entre les particules devenait de plus en plus forte, menaçant à tout instant de faire céder la pression du globe. Mais bientôt, l'éternelle flamme reparut au milieu du vide, brisant l'équilibre qui s'installait doucement. C'est alors qu'un rouge vif se mêla aux quelques chandelles qui s'éteignirent, refermant derrière elles le livre secret des monts impénétrables.

Le désir de savoir d'où provenait cet étrange phénomène s'empara tout à coup de son esprit. Le temps se figea, l'air se dissipa dans une brume tiède, la sphère translucide n'était plus qu'une infime partie de poussière. Le cycle de la vie venait de prendre fin mais... une trop grande passion s'était emparée de son âme et, par un quelconque miracle, tout n'était pas mort. En effet, malgré la puissance destructrice du vide, une larme perla le long d'un corps sans visage, dépourvu de vie et pourtant, plus vrai que la nature elle-même.

Quelle nouvelle sorte de composition chimique était en train d'apparaître ? L'espérance était la principale source de chaleur qui entretenait sa volonté et sa persévérance. Au moment où tout devait disparaître, où le cercle opaque n'était plus qu'un tas de cendres parmi les nébuleuses, le néant construisait la matière, dont le commencement n'était que ces deux merveilleuses prunelles étincelantes. Mettant un terme à sa création, le chaos reprit sa place, passant à côté de ce regard ténébreux, cette vie qui parvenait à détourner l'incontournable, et qui promettait un avenir tout autre que le présent.

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© Nebka



Publication : 13 juin 2005
Dernière modification : 07 novembre 2006


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signifie que la participation contient un Dessin.


2 Commentaires :

pa mal pa mal..... 
le 01-08-2005 à 21h30
cool ton site
genia pa mal du tt .......kissssssssssssssss
Netra Ecrire à Netra 
le 14-06-2005 à 08h50
Tiens...
Alors finalement tu l'as mis sur Faerie ! Il est toujours aussi beau, ce texte perdu quelque part entre la fantasy et la physique, aussi irrationnel qu'original....


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