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Avec le Temps

Résumé des épisodes précédents :

Mélamine Courtepointe vit en dimension V ( le violet est la couleur officielle des sorciers) ; les deux principales puissances sont le Territoire de l’Est et le Territoire de l’Ouest, que dirige d’une main de fer Maîtresse Orchidée Hautecour.
Dans le même Monde se trouvent trois autres dimensions importantes : la dimension H (Humains), la dimension T ( Turquoise), regroupant les Anges sous la houlette du Grand T, et la dimension R (Rouge) pour les Démons, commandés par le Grand R.
La Mort s’appelle Thanata ; c’est une grande coquette avec plusieurs cheveux sur la langue, qui tranche le fil de Vie de ses ciseaux dorés (quand ils coupent). Elle a trouvé un compagnon en la personne d’Esprit-des-Saules.
Mélamine a été élevée par Alyane Courtepointe et son mari Tilsitt Purchaudron (les filles prennent le nom de la mère, les garçons celui du père), qui la croient leur fille aînée, alors qu’en réalité ses parents biologiques sont Corinanthe Courtepointe (la mère d’Alyane) et Aztarek Phanigann, célébrissime sorcier venu du passé. Les autres enfants du couple Alyane/Tilsitt sont Deliria, Walkyria, et Balthazar.
Mélamine s’est mariée avec Iriador Kersigatt, vaillant sorcier de l’Est ; ils habitent la chaumière de Mélamine, non loin de Calidysme, la capitale du Territoire de l’Ouest. Ils ont eu une petite fille, Emeraude, qui, profitant de ses pouvoirs de Pur Esprit pendant la grossesse, a réalisé un des rêves de Mélamine : avoir enfin des chats verts à la naissance, et non par un sortilège post-natal, comme c’était le cas jusque là. Emeraude s’est révélée être une enfant particulièrement précoce, et très douée pour la magie.
Au cours d’une escapade en amoureux où ils ont encore partagé une aventure, Mélamine et Iriador ont décidé de mettre en route un deuxième enfant... Malheureusement quand Félinor vient au monde, il a une tête de chat ! Grâce à Emeraude, à toute la famille et aussi aux chats de Mélamine, la malédiction est levée. Thanata devient la marraine d’Emeraude, tandis qu’Alyane commence à s’adoucir...
Quelques années ont passé. Emeraude rentre à l’école, et Felinor commence à faire des bêtises. Quelle n’est pas la surprise de Mélamine quand elle apprend, de la bouche même d’Orchidée Hautecour, que celle-ci, sentant sa fin proche, l’a choisie pour lui succéder ! Et plus étonnant encore, elle se montre à Mélamine sous un jour tout à fait nouveau, aimable, chaleureuse, et presque maternelle...
Orchidée Hautecour est morte après avoir, pendant dix-huit mois, appris à Mélamine comment diriger un Etat. A peine investie de ses fonctions, celle-ci remanie profondément le Conseil et lui imprime son style personnel, plus amical et plus direct. Elle continue cependant à aller sur le terrain pour régler certaines crises personnellement, parfois au péril de sa vie.
L’année de sa première rentrée scolaire, Felinor découvre qu’il est un Esprit-Clef, qui peut accéder aux pensées de tous les êtres vivants, même les sorciers, quelle que soit la force de leurs barrières mentales. Il révèle ainsi à Mélamine que l’enfant qu’elle porte a été envahi par l’esprit maléfique d’un Démon qui essaie de l’influencer. Les autres moyens ayant échoué, Mélamine, au péril de sa vie, se résout à tuer l’enfant pour triompher du Démon. Grâce à Dynamis, l’Entité de l’énergie, appelé par Felinor, elle survit à cette épreuve. Dynamis prend Felinor en stage pour un an, et devient son parrain.


« Je vais partir.
- Bien sûr, mon chéri. Bonne journée, à ce soir. Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid.
- Non, tu n’as pas compris. Je m’en vais. Je veux dire... que je ne reviendrai pas. »
La brioche qu’elle tenait à la main s’arrêta devant sa bouche puis redescendit lentement vers la table, comme une feuille d’automne que le vent amène gracieusement au sol.
« Tu ne... »
Les mots ne passaient pas ses lèvres.
« Je te quitte. »
Elle était Maîtresse Suprémissime, et les larmes embuaient ses yeux.
« Mais... pourquoi ?
- Je n’ai pas de raison à te donner. Je m’en vais. »
Il lui tourna le dos et se téléporta.
Mélamine resta assise dans sa cuisine peinte en vert, sur son joli coussin de chaise rayé vert et blanc, un chat vert sur le bahut, un chat rayé vert et blanc sur l’autre chaise vide. Et plus rien n’avait de sens.

Elle reçut l’Ambassadeur d’Ambroisie, jetant un sort d’Illusion sur son propre visage pour qu’il parût souriant et aimable, alors qu’elle continuait de pleurer sans bruit. Elle signa les rapports des Conseillers sans les regarder, reporta le Conseil au lendemain, remit à plus tard tout ce qu’elle aurait dû faire la veille et retourna se lover dans son canapé vert, sans la moindre tasse de thé et sans la moindre brioche. Elle n’avait envie de rien. Par chance Felinor était encore en stage chez Dynamis. Et Emeraude ? Elle pourrait peut-être lui mentir un jour ou deux, dire qu’Iriador était en déplacement. Mais la petite était finaude, et son sort d’Illusion ne la tromperait pas longtemps. Et puis pourquoi ? Qu’avait-elle fait, qu’avait-elle dit ? Elle travaillait beaucoup, certes, gouverner le Territoire de l’Ouest n’était pas une mince affaire, mais elle se ménageait toujours une journée par semaine qu’ils passaient ensemble, où ils riaient encore comme des enfants, où ils étaient complices, amis... Et hier soir encore... Elle l’aurait senti s’il l’avait aimée moins ! Ils étaient en communion totale, leurs esprits aussi unis que leurs corps, sans retenue, sans mensonge possible... Avait-il pu la tromper malgré tout ? Non, pas lui, pas Iriador ! Avait-elle été si distraite, si négligente ? Ce n’était pas possible. Elle passa au crible tous ses souvenirs de la veille. Tout était limpide, insouciant, authentique. Il n’avait pas menti et elle n’avait rien perçu d’étrange parce que tout était normal.
Quelqu’un lui aurait jeté un sort, dans la nuit, ce matin ? Sans que je m’en aperçoive ? Réfléchis, Mélamine, reprends-toi. De quoi avait-il l’air ? Il avait l’air inquiet. Tracassé. Contraint. Mais on n’ensorcelle pas un sorcier de la classe d’Iriador aussi facilement ! Il se serait débattu, j’aurais senti son trouble, j’aurais... Ce matin, ses barrières étaient levées. Totalement. Contre son gré ? Cela paraît impossible, pour jeter un sort il faut que l’autre soit accessible, on apprend ça en première année... Ou alors il faut les relever ensuite, par une Emprise de Barrières... Mais il n’y a pas cinq sorciers capables de faire ça dans tout le Territoire...
Elle éclata en sanglots. Ces détails techniques lui soulevaient le coeur. Elle se fichait complètement de savoir qui, et comment et pourquoi quelqu’un avait pu ensorceler Iriador. Tout ce qu’elle savait, dans son corps et dans son coeur, c’est qu’il n’était plus là, qu’il lui manquait et qu’elle était tellement malheureuse qu’elle ne savait plus quoi faire.
Et c’est alors que rentra Emeraude, toute joyeuse de sa bonne journée à l’école. Bruyante, remuante, enthousiaste, excitée, elle jeta son sac dans l’entrée, se versa un verre de lait dans la cuisine, et hurla avec l’assurance des adolescents persuadés d’être toujours le seul centre d’attention possible :
« Salut m’an ! T’es rentrée tôt, super ! Ah t’aurais vu comment je lui ai cloué le bec à la mère Piedaubeurre ! Sa théorie sur les mutations cryptomnémoniques, je l’ai enfoncée sévère ! Coup de bol, j’avais lu la veille le dernier article d’Artiganz Bonnekish, qui démontre clairement que la phénoménologie... »
Elle s’arrêta net sur le seuil de la pièce.
« Maman ! »
Elle courut la prendre dans ses bras, la serra très fort, la consola en inversant les rôles, trouva l’esprit de Mélamine confus et sanglotant, incapable de formuler une pensée cohérente.
« Felinor ? »
Mélamine secoua la tête.
« Papa ? Il est mort ?
- N... non... Il va bien. »
Emeraude, calme, posée, adulte, se détacha de sa mère et lui tendit un mouchoir. Elle grimaça un peu quand son sort d’Apaisement fut rejeté avec un tintement sonore par un esprit trop indépendant pour être si facilement influencé. Mélamine lui sourit à travers une cascade salée.
« Merci, ma chérie. Mais je... Tu sais, c’est un vieux réflexe... Ca m’aurait sûrement fait du bien... »
Emeraude claqua des doigts et Prairie, Sapin et Menthe s’avancèrent fièrement en procession, marchant sur leurs pattes de derrière, portant précautionneusement deux tasses de thé au gingembre et un pot de miel à la cannelle. Mélamine ouvrit de grands yeux.
« C’est toi qui leur a appris ?
- Ben oui... Je voulais t’épater un peu... Mais ils étaient d’accord, tu sais !
- Ca, je m’en doute », renifla Mélamine.

« Tu es bien jeune pour que je te parle de mes soucis. Ton père est parti... parce qu’il a sûrement de bonnes raisons de le faire. Je suis sûre qu’il continuera à s’occuper de Felinor et de toi comme avant, et qu’il sera toujours un père merveilleux...
- Tu rigoles ou quoi ? C’est innommable ce qu’il a fait, inqualifiable, stupide, débile ! Je refuse d’être la fille de ce sale type !
- N’insulte pas ton père. Il se peut... que quelqu’un lui ait jeté un sort.
- A Iriador le Magnifique ? L’inventeur de la clé USB (1) ? Le Sauveur des Territoires de l’Est, le vainqueur des Géants, celui que tout le Monde Violet appelle LE Kersigatt ? On t’a lancé un sort de Bêtise, à toi aussi, ou quoi ? »
Il y eut un éclair bleu et Felinor se matérialisa dans la pièce.
« Ah, les tourments de l’adolescence... Cette violence incontrôlable qui vous saisit sans prévenir, cette certitude de pouvoir sauver le monde, de tout savoir mieux que quiconque... »
Il évita de justesse le sort Coup de Poing que lui décochait sa soeur.
« Dynamis m’a dit que tu avais besoin de moi. Je suis là. »
Mélamine eut l’impression que le soleil se levait dans la nuit noire. Elle serra ses deux enfants dans ses bras.
« Oui, j’ai besoin de vous, mes enfants. »

L’estomac plein à craquer de beignets aux crevettes sauce mandragore et de madeleines au chocolat, Felinor s’assit sur le tapis du salon et ferma les yeux.
« Il est loin... Il est malheureux... Il pense à toi... Tu lui manques... Il... »
Le gamin, très gêné, se tortilla dans sa transe et ouvrit les yeux.
« Bon, ça, ce sont des choses de grandes personnes. Je ne suis pas censé comprendre. Mais une chose est sûre, maman : il a été obligé de faire ça. Par peur qu’il ne t’arrive quelque chose, à toi... ou à nous.
- A vous ? Mais qui a pu le contraindre ?
- Je ne sais pas. Il n’y a pas pensé. Je suis un Esprit-Clef, c’est vrai, mais il est loin, et il y a un double écran... Attends... »
L’enfant fronça les sourcils et se concentra à nouveau.
«Il a reçu un message ce matin. Quelqu’un lui montrait Emeraude sur le chemin de l’école, et... oh !... une boule de feu la foudroyait... Puis une voix a dit dans sa tête : « Si tu ne veux pas que ça arrive, quitte ta femme tout de suite. Le piège est prêt, ta fille est en route. Si tu en parles à quiconque... » Il a eu peur, peur... »
Felinor se tut. Il avait les yeux rouges et cernés, il était pâle.
« Tu es épuisé, mon pauvre petit. »
Elle le prit dans ses bras, embrassant le petit front si lisse et si frais.
« Tu es formidable, mon fils. Je suis fière de toi. Je sais que cela t’a coûté un gros effort, mais grâce à toi nous savons la seule chose vraiment importante : Papa nous aime toujours.
- Oui », murmura Felinor, « mais il y a des méchants qui l’ont obligé à partir, en le menaçant de nous faire du mal.
- On va les retrouver », s’écria Emeraude, l’oeil brillant et les joues empourprées à la fois de colère et d’excitation, « et on va se battre contre eux et on va les exploser ! J’appelle tante Walky et tonton Jammes, grand-père Phanigann et mamie Corinanthe !
- Oh là, oh là, Emeraude ! Tu n’appelles personne. Il faut d’abord que je réfléchisse. Papa aussi est en danger. Ils pourraient se venger sur lui. Moins nous ébruiterons l’affaire et mieux cela vaudra.
- Mais alors... On ne va pas se battre ?
- Si, ma chérie, nous nous battrons... quand ce sera le moment. Felinor, je sais que tu es fatigué, mais il faut que tu retournes près de Dynamis. Là tu seras en sécurité. Et au fait, qui t’a appris à te téléporter ?
- C’est rien », murmura l’enfant d’une voix pâteuse et sans ouvrir les yeux, « c’est juste une question d’énergie...
- Et... Est-ce que tu crois que tu pourrais emmener Emeraude ?
- Mais je ne veux pas te laisser, moi ! Je suis grande, moi, je suis presque adulte, je peux t’aider ! C’est mon père, après tout ! Et il a fait ça pour me sauver la vie !
- Emeraude, je ne vais pas pouvoir te surveiller tout le temps, j’ai des choses à faire. Et s’ils te prennent en otage, je serai pieds et poings liés. Je comprends que cela te vexe un peu, mais le meilleur service que tu puisses me rendre actuellement, c’est d’aller à un endroit où je ne me ferai pas de souci pour toi. Felinor, penses-tu que Dynamis accepterait de recevoir Emeraude ?
- J’en suis sûr », bâilla Félinor. « Il me l’a proposé. »
Puis il prit la main de sa soeur en souriant.
« Viens ! Tu vas te régaler, il y a plein de choses fantastiques là-bas ! »
« Maman ! Appelle-nous vi... »
Le reste se perdit dans un éclair bleu. Mélamine sourit. Iriador l’aimait toujours, ses enfants étaient à l’abri.
« Et maintenant, qui que tu sois, à nous deux ! »

Elle se fit une tasse de chocolat chaud et laissa longtemps son regard errer dans les flammes de l’âtre, tandis que Sapin, qui avait été le plus rapide pour prendre la meilleure place, ronronnait vaillamment sur ses genoux. Puis le chat se leva et s’étira, enfonçant un peu ses griffes à travers le tissu de la longue robe verte, jusqu’à la chair tendre des cuisses.
Mélamine sursauta.
« Tu as raison, il faut que je bouge, je n’ai pas de temps à perdre. Alors, voyons... Il me faut... un messager, un amant, une bonne scène de ménage... »
Thanata répondit immédiatement à son appel, et fit voltiger plusieurs fois les nombreux plis de sa robe blanche aux fines rayures dorées avant de se poser délicatement sur le canapé.
« Oui mais ssi ss’est esssentiel, ssecret et urzent, il vaudrait mieux trouver un lieu où perssonne ne peut nous esspionner. Viens ! »
Elle l’entraîna chez elle, dans l’espace entre les mondes. Bien malin serait celui qui pourrait écouter aux portes de la Mort !
« Alors ssi z’ai bien compris, ze vais ssersser Iriador et ze lui dis... Mais ssans que perssonne n’entende... SSa va être ssimple... Ze ssuppoze qu’il est ssurveillé... Mais non, mais non, ne t’en fais pas, ze me fais un peu moussser, là, mais ze ssuis ssûre d’y arriver... Tu ssais que z’adore zouer les zidiotes... Ssa me repoze... »
Elle fit un clin d’oeil à Mélamine, déposa un baiser glacé sur sa joue et la raccompagna chez elle pour disparaître aussitôt.
« Et d’un. Et maintenant, Lacanel Doltisko. »

Plus dynamique et innovante que jamais, Mélamine avait mené tambour battant son Grand Conseil, malgré une nuit blanche, accablant comme d’habitude ses collaborateurs de projets de créations, modifications et refontes, sans compter les demandes de rapports en tous genres ; et comme chaque fois ils se retrouvaient émerveillés, épuisés, valorisés et enthousiastes.
Devant la porte de la Salle du Conseil, que Mélamine franchit la première, se tenait Lacanel Doltisko. Mélamine lui sourit en rougissant ostensiblement, et tout le monde les vit parcourir l’interminable couloir en se tenant par la main, lui se penchant pour murmurer à son oreille, et elle riant avec insouciance en le couvant des yeux. Ils atteignirent le Grand Hall, véritable bijou d’architecture en marbre violet, somptueusement éclairé par 888 torches de feu perpétuel, dont 420 réunies en un immense lustre de cristal qui tintinnabulait au moindre courant d’air comme le plus limpide des carillons.
Ils tombèrent nez à nez avec Iriador Kersigatt qui à l’évidence sous le coup d’une émotion violente, avait monté quatre à quatre les dix-huit marches du perron. Et autour d’eux circulait la foule habituelle des dignitaires, visiteurs, secrétaires, demandeurs, agents d’entretien et autres techniciens de surface ou de volume ; le Grand Hall en fin de matinée était toujours une véritable ruche de sorciers et d’humains pressés, bruissante et voletante comme un essaim en plein essor.
Iriador attaqua d’emblée.
« Ah te voilà, traîtresse ! »
Mélamine, livide, lâcha la main de Lacanel et répondit froidement :
« Prends garde à tes paroles ! Je suis la Suprémissime !
- Une traînée, oui ! Et voilà ton amant, ce bellâtre infâme pour lequel tu négliges tes propres enfants ! Alors que hier encore...
- Avec le temps, va, tout s’en va ! Mes enfants sont bien où ils sont. Et tu ne les reverras jamais !
- Tu n’as pas le droit ! Après toutes ces années...
- Tu sais, avec le temps, même les plus chouettes souvenirs...
- Pour toi j’aurais vendu mon âme...
- Pour quelques sous, je sais ! Mais que m’as-tu donné ? Du vent et des bijoux !
- Alors j’ai été floué ! Toutes ces années perdues...
- C’est exactement ça ! Adieu ! »

Elle se téléporta dans l’instant, avec Lacanel. Iriador disparut une demi seconde plus tard.
Au Palais, les conversations furent très animées jusqu’au soir, chacun ajoutant sa rumeur au commérage du voisin.

« Alors, j’étais comment ?
- Magnifique ! Tu devrais faire du théâtre !
- Je n’avais pas le choix. En le rejetant, je le protège, et j’oblige mes ennemis à reprendre l’offensive, puisque Iriador ne leur sert plus à rien. Tu es sûr que ton oncle ne sera pas contrarié de nous recevoir ?
- Bien sûr que non. La clef USB d’Iriador l’a beaucoup amusé, et il se fait une joie de le rencontrer. Et je lui ai souvent parlé de toi !
- Mais... tu n’es pas vraiment le neveu de ...
- Pas tout à fait. J’ai été son apprenti, autrefois, et il m’a pris en affection. Et comme il n’a pas encore d’enfant...
- Oui, remarque...
- Il a le temps ! », explosèrent-ils tous deux en s’esclaffant à qui mieux mieux...

La demeure de Chronos ne payait pas de mine. C’était en réalité, vu de l’extérieur, un vaste champ de ruines, décombres ravagés d’un édifice qui aurait pu être un château ou un temple. Colonnes brisées, pans de murs effrités, cheminées éventrées, dallages soulevés par des herbes folles... Lacanel mena Mélamine à une petite porte en bois de chêne, qui se tenait droite et seule au milieu d’un éboulis, avec une incongruité presque provocante.
« Tu es sûre qu’Iriador saura nous rejoindre ?
- Je sais qu’il a compris où nous allions. Et je pense qu’il aura demandé à Thanata de l’emmener. »
Une vive lumière les éblouit, tandis qu’une voix bien connue criait :
« Ah, ma ssérie ! Ze ssuis ssi zheureuse ! »
Ils étaient dans un hall gigantesque, auprès duquel celui du Palais faisait figure de maison de poupée. Les murs et le sol étaient constitués d’immenses blocs de diamant, recouverts de chaudes tentures et de luxueux tapis de couleurs vives. Chronos était à l’autre bout de la pièce, expliquant quelque chose à Iriador à propos d’une statue de marbre. Le temps d’un battement de cils et il embrassait bruyamment Mélamine sur les deux joues.
« Ah ! Ca me fait plaisir d’avoir de la visite ! Ca bouge, ça bouge, c’est super ! »
Son visage était celui d’un tout jeune homme alors que ses yeux contenaient toute la sagesse du monde. Il était vêtu simplement, d’une chemise blanche aux manches bouffantes, et d’un pantalon noir moulant qui mettait en valeur ses formes juvéniles. Une large ceinture d’or soulignait sa taille fine. Il tira Mélamine par le bras et la souleva de terre en riant pour la jeter dans les bras d’Iriador, ému jusqu’aux larmes.
« Et voilà ! Les amoureux sont réunis ! Vite, vite, Clepsydre, du vin pour nos amis ! Alors, Lacanel, toujours célibataire ? Raconte, raconte, comment est ta dernière conquête ? Jeune, jolie et stupide, comme les autres ? Thanata, ma chère, goûte-moi ce nectar ! Je t’en donnerai une bouteille pour Esprit-des-Saules. Et comment va-t-il ? Tu aurais dû l’amener ! Mélamine, Iriador, à table ! Clepsy, allons, le repas ! »
La gouvernante claqua des doigts et une porte à double battant s’ouvrit sur une salle à manger chaleureuse et intime, où le bois avait remplacé le diamant. Dans la cheminée, une biche entière rôtissait sur la broche, aux bons soins de deux marmitons en costume rouge et toque blanche.
« J’espère que tu ne te formaliseras pas, Mélamine, mais c’est à la bonne franquette, hein ? La salle à manger officielle est tellement grande qu’il faut crier pour se faire entendre. Allez, les Minutes, service ! »
Une dizaine de petits serviteurs en habit rouge, avec de bonnes joues rebondies et un sourire mutin s’affairèrent aussitôt, et mille et une victuailles succulentes s’amoncelèrent bientôt dans les larges assiettes des convives. Mélamine ouvrait de grands yeux éblouis et elle se rappela alors qu’elle n’avait rien mangé depuis la veille au soir...

Assise dans le canapé moelleux devant la cheminée du petit salon – ambiance orientale, parfums capiteux, tentures de soie rouge, tapis profond rouge grenat, coussins brodés de motifs dorés - , la tête sur l’épaule d’Iriador, Mélamine sentait le sommeil la gagner, malgré le délicieux café à la cardamome qu’elle venait de savourer.
« Ah, mes amis, si vous me permettez... Notre Suprémissime a un petit coup de mou... »
Il s’agenouilla devant Mélamine, posa sa main sur ses yeux rougis – chaleur, douceur, bien-être - et compta jusqu’à dix. Mélamine bâilla, s’étira, l’oeil vif et le corps dispos, comme après une longue nuit de sommeil.
« Sympa, hein ? », plaisanta Chronos. « On gagne un temps fou ! » Et il éclata de rire comme un gamin qui a fait une niche.

« Et maintenant, qu’allons-nous faire ? », demanda Iriador, dont le front se barrait d’une ride d’inquiétude.
« J’ai un plan », sourit Mélamine, « si tu veux bien continuer à jouer la comédie. »
Iriador se renfrogna.
« Je n’aime pas trop me disputer avec toi, même pour rire. En réalité, ça ne m’amuse pas du tout.
- Je sais, mon amour. Et ce que je vais te demander est encore plus difficile. Mais il n’y a que toi qui puisses le faire... »

L’article parut dès le lendemain matin et fit la une de la Gazette de l’Ouest.
KERSIGATT CONTRE COURTEPOINTE !
Iriador Kersigatt, l’époux de notre Suprémissime Mélamine Courtepointe, nous a accordé une interview exclusive.
Question : Pouvez-vous nous confirmer la rumeur selon laquelle vous seriez séparé d’avec Maîtresse Courtepointe ?
IK : C’est exact. Et elle veut m’empêcher de voir mes enfants !
Question : Qu’allez-vous faire ?
IK : J’ai déposé plainte auprès du Conseiller à la Justice ; mais bien entendu cela n’aboutira à rien, Holster Rudéclair est totalement à sa botte !
Question : Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
IK : Détruit, je suis détruit. Elle m’a trompé, bafoué, trahi, elle a ruiné ma vie. Mes enfants me manquent terriblement, et je voudrais qu’ils sachent que leur mère est la seule responsable de tout ceci, que je les aime plus fort que jamais, et que je me battrai jusqu’au bout pour les revoir.
Question : Iriador Kersigatt, envisagez-vous de vous venger ?
IK : Je hais cette sorcière, et je n’ai plus rien à perdre. Je suis prêt à tout pour retrouver mes enfants.

Quand Mélamine arriva au Palais, après avoir passé la nuit chez Chronos, elle constata avec satisfaction que les regards se détournaient, que les sourires étaient narquois, et que plus d’un journal était replié à la va-vite à son approche.
Elle rédigea une note incendiaire à l’attention du directeur de La Gazette, le menaçant des pires représailles si son « torchon maudit » faisait encore une fois allusion à cette « affaire privée ». Citronnelle Vadlavant, sa secrétaire, en prit connaissance avant de l’expédier et se permit un commentaire.
« Mais, Mélamine, la liberté de la presse...
- Ils peuvent se la mettre où ils veulent, la liberté de la presse ! C’est ma vie, et j’en fais ce que je veux ! »
Elle avait hurlé délibérément, afin d’être entendue à tous les étages.
« Et maintenant dégage, j’ai du travail ! »
Elle s’enferma à double sort et essaya vainement de s’intéresser à un dossier, mais tous ces mots alignés n’avaient aucun sens. En désespoir de cause, elle fit apparaître un chocolat chaud et attendit.
Thanata apparut un peu avant midi, les joues presque roses d’excitation, portant ce jour-là, en l’honneur du premier jour du printemps, une robe blanche brodée de petites fleurs bleues. Mélamine sourit en pensant que son amie avait bien changé depuis qu’elle vivait avec Esprit-des-Saules (2). Son visage était plus enjoué, sa voix plus aimable, ses toilettes plus audacieuses... C’était comme si elle avait repris goût à ... la vie ?
« Ssa y est ! On le tient !
- Raconte !
- Ss’est Sserval Tenthrède ! Il est allé voir Iriador, et lui a promis de l’aider à sse venzer, au nom, bla bla bla, de la ssolidarité entre ssorciers et tout le bazzar... Il a dit qu’il attendait zuste l’occazion favorable...
- Tenthrède ! J’aurais dû m’en douter ! Il est vrai que je l’ai remercié de manière un peu cavalière... Et ses complices ?
- Ssa, ze ssais pas, il était sseul. Mais quand tu l’auras zarrêté, il avouera leurs noms...
- Je ne peux pas ! Ce serait sa parole contre la mienne !
- Et le ssort de Vérité, ss’est fait pour les ssiens ?
- Je suis trop impliquée dans cette affaire, Thanata. Il y en aurait pour dire que je suis un dictateur et que ma justice est totalement arbitraire ! »
Thanata haussa les épaules.
« Oh tu ssais, les zens... Quoi que tu fassses, ils ssont zamais contents : tu n’as pas de pouvoir ils te méprizent, tu en as, ils te zalousent...
- Je veux les prendre sur le fait ! Mais nom d’un sort pourri ! Cette attente me tue !
- Ne dis pas n’importe quoi », répondit la Mort en se rongeant un ongle.
- « Très bien ! Je vais la leur fournir, moi, l’occasion favorable ! »
Thanata fronça les sourcils.
« Sseule, ma ssérie ? Ze ssais que tu n’as peur de rien et que tu es fortisse, mais ss’ils ssont pluzieurs ?
- Ze... Je n’ai pas dit mon dernier mot !
- Phanigann ? Dynamiss ? Chronoss ?
- Non. Iriador et moi.
- Comme tu veux. Ze sserai là, de toute fasson... »

Mélamine et Lacanel étaient assis sur un banc, sur la place centrale des jardins Hautecour. Face à eux, la statue de marbre de la précédente Maîtresse Suprême, érigée sur ordre de Mélamine, semblait veiller sur eux avec aux lèvres son habituel sourire énigmatique. L’ombre du monument s’étirait gracieusement jusqu’à leurs pieds. Orchidée Hautecour avait consacré ses derniers mois à former Mélamine à sa future fonction, dont elle l’avait elle-même investie, après avoir passé sa vie à ne lui manifester que brimades hostiles et désapprobations ironiques. Mélamine eut un serrement de coeur : la clairvoyance de la vieille sorcière lui aurait été bien utile un jour comme celui-ci!
Le joli soleil de cet après-midi de mars faisait la cour aux timides bourgeons, l’herbe se parait de pousses d’un vert tendre pour former un écrin soyeux aux premières pâquerettes, et les oiseaux se répondaient en trilles séducteurs dans une joyeuse sérénade...
Iriador avait appelé Mélamine sur sa boule privée, probablement avec Tenthrède près de lui, pour essayer de négocier un droit de visite à ses enfants. Elle l’avait d’abord rabroué sèchement, bien sûr, puis lui avait concédé à contrecoeur un rendez-vous dans ces jardins, sachant qu’elle jouait sa vie. Mais comment faire autrement ?

Lacanel tenait la main de Mélamine et lui parlait à voix basse. Et elle, très émue, hochait la tête et souriait. A cette heure de l’après-midi, le jardin aurait dû être parcouru de nounous avec leurs poussettes, de jeunes enfants se poursuivant à grands cris, d’étudiants en école buissonnière et de vieux sorciers à la retraite réchauffant leurs os transis à la tiédeur du gai soleil.
Mais ils étaient seuls.
Mélamine y avait veillé. A sa demande, Citronnelle Vadlavant avait étendu un sort de Déviation sur tout le pourtour des jardins, qui suggérait aux passants d’aller voir ailleurs... Et ils tournaient autour, avec l’intention d’ y pénétrer mais sans pouvoir s’y résoudre, à la prochaine allée peut-être...
Il y eut un double flash lumineux sur l’allée Nord, sur leur gauche, suivi de trois autres sur l’allée Est. Le sort de Déviation n’empêchait pas les téléportations, Mélamine y avait pensé. Elle sentit la présence d’Iriador sur l’allée Nord ; la silhouette à ses côtés ne pouvait être que celle de Serval Tenthrède. Sans se retourner, elle projeta son esprit derrière elle, et l’aléthidégnosie (3) lui permit d’identifier Martingal Tuefrelon, Exactus Rivesaltes et Bartoldin Zirtek. Evidemment... Ils faisaient partie des Conseillers qu’elle avait renvoyés à son premier Conseil, et ils s’étaient ligués contre elle sous la houlette du plus pervers d’entre eux.
Elle vit s’approcher Tenthrède, mal dissimulé par un sort d’Invisibilité qui aurait fait ricaner Felinor, tant il était peu assuré et mal ancré. Derrière lui, Iriador marchait d’un pas raide et contraint, et la tension crispait son beau visage. Les trois autres, qui se croyaient également invisibles, se déployèrent en demi cercle dans son dos. Elle aurait pu encore fuir au Sud, vers le Palais, il n’y avait que le pont Phanigann à traverser, et l’Esplanade Pourpenseur... appeler la FBI (4), Phanigann lui-même, Holster Rudéclair, qui lui ferait reproche, de toute façon, de s’être encore mise en danger, Walkyria, Corinanthe, Dynamis, Chronos, Thanata...
Elle frissonna. Elle était la Suprémissime. Ce titre était incompatible avec la lâcheté.
Elle se redressa.
« Eh bien, Serval Tenthrède, tu intrigues et tu menaces, mais tu n’as même pas le courage de te montrer au grand jour ! »
Piqué au vif, le sorcier apparut. Au moment où il ouvrait la bouche pour répondre, Citronnelle Vadlavant, qui surveillait la scène sur son moniteur comme au bon vieux temps où elle inspectait les Chaudrons d’Or (5), lui envoya un sort d’Echo, et sa voix se répercuta aux quatre coins de Calidysme.
« Cette fois c’en est fait, Courtepointe ! Donneuse de leçons, sainte-nitouche, perfide et hypocrite ! Je pensais que te priver de ton mari suffirait à te rabattre ton caquet. Pauvre innocent que j’étais ! A combien de sorciers en même temps as-tu juré un amour éternel ? Tu es l’incarnation de la tyrannie, Courtepointe ! Va, Iriador, cet honneur te revient : libère le Monde Violet de cette honte ! »
Iriador lança une boule de feu retentissante qui foudroya Exactus Rivesaltes, juste derrière Mélamine. Martingal Tuefrelon et Bartoldin Zirtek ripostèrent. Iriador leva un Bouclier, Tenthrède, pris de court, esquiva en se jetant à terre. Mélamine en profita pour tirer sur lui mais le manqua. Voyant cela, Tuefrelon et Zirtek attaquèrent de concert mais leurs projectiles se heurtèrent au Bouclier de Lacanel. L’air grésillait d’étincelles bleutées comme au coeur du plus violent des orages.
Citronnelle Vadlavant suivait le combat en se mordant les lèvres et dans sa terreur en avait oublié la consigne. « Dès qu’il attaque, ouvre les portes ! »
Elle sursauta enfin et annula le sort de Déviation. Ils entrèrent dans le jardin de tous les côtés à la fois, nounous, enfants, étudiants, retraités...
Les premiers arrivés virent Tenthrède lever les bras très haut et jeter un immense sort d’Immobilité qui toucha du même coup Iriador, Mélamine, Lacanel, Tuefrelon, Zirtek... et aussi les promeneurs les plus proches de la place. Un silence de mort pétrifia les jardins. Ceux qui pouvaient encore bouger observaient la scène, à la fois horrifiés et fascinés.
« Tu n’es vraiment pas une guerrière, ma pauvre Courtepointe ! Et tes soupirants ne valent guère mieux ! Que voulais-tu prouver ? Que tu étais, comme toujours, la plus courageuse, la plus intelligente, la plus douée de nous tous ? Tu es en mon pouvoir, maintenant, et ton orgueil va recevoir la punition qu’il mérite ! Dommage ! Tu n’auras plus l’occasion de t’améliorer ! »
Un rictus sardonique déformait son visage et ses yeux brillaient de plaisir tandis qu’avec délectation il faisait craquer les phalanges de ses doigts. Pour jeter le sort mortel, il tendit l’index vers Mélamine, mais les mots terribles qu’il s’apprêtait à prononcer ne franchirent jamais ses lèvres. La foule encore indemne émit un murmure de stupeur. Il regarda autour de lui, puis dans un sursaut inquiet, se retourna. La statue ! La magnifique statue d’Orchidée Hautecour, sculptée dans un somptueux marbre violet, le plus pur et le plus fin qui eût jamais existé dans tout le Monde Violet, la statue descendit de son socle, et d’un pas alerte et courroucé vint se planter devant Serval Tenthrède.
« Alors, Serval ? », ricana le visage d’Orchidée Haut et Court, dans toute la force de l’âge, plus hautaine et plus cinglante que jamais.
Le vieux sorcier leva le bras pour se protéger et gémit :
« Non ! Maîtresse Hautecour ! Vous ne pouvez pas ! Vous êtes...
- Je suis ?
- Vous... Vous étiez...
- Pauvre mollusque stupide ! Tu croyais être débarrassé de moi ? Tu croyais pouvoir trahir ma mémoire impunément ? J’aurais dû le faire de mon vivant, tiens, pour une fois que je voulais être gentille... Mais ça ne m’a jamais réussi ! Meurs, misérable ! »
La foule poussa un « ooh ! » d’effroi et recula d’un pas. Un éclair blanc foudroya Tenthrède entre les deux yeux. Le sort d’Immobilité se leva. Les deux autres malfrats se jetèrent à genoux en implorant grâce. Justement la FBI venait d’arriver, et les sorciers masqués neutralisèrent les conspirateurs et sécurisèrent le périmètre. Orchidée Hautecour, rayonnante dans son marbre violet, vint s’asseoir sur le banc près de Mélamine.
« Ma chérie, tu es toute pâle ! Tu devrais porter du violet, ça rehausse plus le teint que le vert pomme ! Sans moi tu étais cuite, cette fois, hein ? Heureusement que dans ce Monde, on peut toujours changer les règles... »
Son regard était pétillant de malice.
« Comme je le disais hier encore à Phanigann : « Si tu as le droit de revenir, je ne vois pas pourquoi cela me serait refusé ! » Sympa, ma petite mise en scène, non ? Evidemment, si tu avais choisi un autre lieu ça aurait coupé mon effet... Je me suis permise de t’influencer un peu, tu ne m’en veux pas ? Tu verras, il y a encore moyen de s’amuser, de l’autre côté ! Et pour ma part, question rigolade, j’ai de sacrés arriérés ! »
Iriador s’était précipité vers sa femme et l’embrassait fougueusement.
« J’ai eu si peur pour toi ! Mais tout va bien, maintenant.
- Oui », acquiesça Mélamine en hochant la tête. « Il faut juste que j’arrive à regagner la confiance de milliers de sorciers, à qui tous ces mensonges ont dû donner une drôle d’image de leur Suprémissime...
- Encore un p’tit coup de main ? »
Chronos venait d’arriver, véritable dandy en redingote vert bouteille, cape noire et haut de forme.
« Que dirais-tu d’effacer cette journée, au moins pour le reste du Monde ? Ce n’est pas très légal, mais je suis le patron, après tout. Il te faudra faire un rapport pour les Archives Secrètes, bien sûr, puisque quatre sorciers auront disparu de cette dimension, et je suis sûr que notre bonne Orchidée saura plaider ta cause en haut lieu.
- Les Bleus ? J’en fais mon affaire ! Et si nous finissions la soirée chez Mélamine ? Ses madeleines au chocolat me manquent ! Je vais juste ranger la statue, avant, on est tout engoncé dans ce machin-là...
- Moi je suis libre, ce soir », ajouta Chronos, « j’ai tout mon temps, ah ah ah... Et au fait, il faudrait prévenir ce bon vieux Dynamis, je serais ravi de bavarder un peu avec lui...
- Z’y vais ! Ze les ramène, avec les zenfants, et Essprit... Quoi ? »
Un Mortifère (6) lui tapa sur l’épaule.
« On veut bien enlever les corps, Maîtresse, mais vous n’avez pas coupé les fils !
- Les fils ? Quels fils ? Ah oui, les fils. Zzut, où ssont mes ssizos ? Voilà, crac crac, deux de moins. Pfff...Bossser, touzours bossser... C’est tépuizant ! »

« Je vais partir.
- Bien sûr, mon chéri. Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid. »
Iriador prit Mélamine dans ses bras.
« Finalement tu avais raison, la musique de la dimension H a des ressources insoupçonnées...
- J’étais sûre que tu comprendrais... et que tu serais le seul à comprendre !
- Quand repartons nous en week-end là-bas ?
- Bientôt, mon amour, bientôt... Mais passer quelques jours à la maison, seuls...
- Vraiment seuls ? Emeraude chez Thanata, et nous... Va vite te recoucher, mon coeur, trois appels en boule et je te rejoins... Comme dit Chronos, il faut savoir prendre du bon temps... »

N.d.A.

(1) : La clef Un Seul Bond permet de voyager dans le temps
(2) : cf « Esprit-des-Saules », in Concours « Le Réveil »
(3) : Faculté magique de connaître par le seul regard la véritable identité du sujet
(4) : La Flash Brigade Interterritoriale maintient l’ordre et la sécurité dans toute la dimension V
(5) : cf « Le Chaudron d’Or », in Concours « Prédestinations »
(6) : Les Mortifères sont des créatures transdimensionnelles chargées de transporter les dépouilles des sorciers jusqu’à la dimension T

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© Narwa Roquen



Publication : 07 décembre 2009
Dernière modification : 07 décembre 2009


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1 Commentaire :

Netra Ecrire à Netra 
le 08-12-2009 à 12h19
Sympa ^^
Bon le début est un poil télécommandé, hein, on les connaît trop bien pour que ce soit crédible ! Parfois j'ai l'impression que tout est facile dans ton monde, surtout depuis qu'il y a Emeraude et Félinor ! J'ai trouvé qu'il y avait moins de suspece que les fois précédentes, peut-être parce qu'on se doutait qu'un jour ou l'autre tu ferais revenir les mécontents du conseil... M'enfin, c'est un univ...

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