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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 4 avril 2007 à 19:13:25
Je vous parle d’un temps dont même vos arrière-grands-parents ne sauraient se souvenir, du temps d’avant l’Empire, du temps où le mot zéphyr ne désignait qu’une douce brise d’été. Autrefois, en ce lieu, se dressait une ville, traversée par un fleuve. De nombreux ponts l’enjambaient, arches majestueuses de pierres taillées à la main, bordées de lampadaires qui éclairaient comme en plein jour. C’était une ville grouillante et lumineuse, célébrissime capitale d’un pays prestigieux. On venait du bout du monde contempler ses monuments, s’instruire dans ses bibliothèques, s’émerveiller dans ses musées, rencontrer la fine fleur des intellectuels et des artistes qui de tout temps avaient rehaussé sa gloire...
Et puis... Il ne reste pas un pont, pas un lampadaire, pas une place, pas un musée. Il n’y a plus de ville. De ce fleuve langoureux qui charriait péniches et touristes, ne reste, après trois siècles de sécheresse, qu’un ruisselet saumâtre transformé par les pluies diluviennes de chaque printemps en un éphémère torrent sauvage. Sauvage comme ses berges à l’abandon. Rive droite, quelques taudis pour vagabonds, criminels et autres bannis. Rive gauche, rien. Ou si peu. Des ruines. Il y eut le bombardement de 2153, mené par les Zéphyriens pour sauver la planète Terre des Corrompus qui asservissaient sa population. Le courroux des Dieux y ajouta le tremblement de terre de 2158. Et si le temps a suivi son cours pour les Terriens honnêtes qui seuls survécurent, en cet endroit il est à jamais figé. Ce lieu abritait le Temple de la Corruption et du Mensonge, édifice mille fois maudit où le Mal règne encore en maître – preuve en est que de ses imprudents visiteurs aucun n’est revenu, victimes sans doute de monstres d’apocalypse ressurgis de la nuit des temps, ou peut-être de créatures extra-terrestres mangeuses d’homme, même si le plus probable est que l’air y soit insalubre. L’Empire n’a jamais accepté d’y envoyer la moindre patrouille à la recherche des disparus, qui enfreignant la Loi protectrice, n’ont eu que ce qu’ils méritaient.
Pourtant, un poète mélancolique, s’il en existait encore à ce jour, pourrait trouver du charme à cet amoncellement aléatoire de pierres blanches et de marbres de couleur, qu’une végétation néotropicale a recouvert en grande partie, mélangeant les verts tendres et les gris moirés, le rouge écarlate de fleurs exubérantes et les dorures ternies autour des colonnes brisées.
Le Temple de la Corruption avait autrefois douze colonnes en façade, en haut d’un escalier qui s’étendait sur toute sa largeur. Cet immense bâtiment, situé tout près du fleuve, regorgeait de statues, de peintures, de tentures précieuses et autres richesses imméritées, que les Corrompus avaient volé au peuple – et il en était d’ailleurs ainsi sur toute la surface de la Terre, qui était alors divisée en Etats, sortes de structures tribales expansionnistes, esclavagistes et guerrières, dont les Zéphyriens heureusement nous ont affranchis.
C’est là que tomba la première bombe, le 10 octobre 2153, comme chacun sait, sur ce symbole du Mensonge où l’on parlait traîtreusement de Droits et de Liberté. L’incendie qui consuma la Bibliothèque aux 700 000 volumes dura une semaine entière. A des kilomètres à la ronde furent projetés des débris de l’immense verrière, des lambeaux de velours rouge aux galons dorés, et des fragments de pages des livres calcinés. Il fallut presque un mois pour que la poussière finisse de retomber.
Etonnamment, cinq ans plus tard, le tremblement de terre mit un peu d’ordre dans ce chaos. Trois colonnes de la façade se retrouvèrent debout, miraculeusement intactes, la Cour d’Honneur fut dégagée, faisant réapparaître la grosse sphère monolithique grise de douze tonnes, à peine ébréchée en son sommet, et quelques statues couchées furent redressées, amputées et bancales, mais érigées à nouveau comme des fantômes têtus échappés du néant.
Depuis... c’est presque toujours le silence. Quelques corneilles criaillent, dont les choucas se moquent. A ras du sol, quelques gémissements de rongeurs terrassés sans bruit par une horde de chats redevenus sauvages – plus grands, plus forts, plus téméraires que le cattus felis des encyclopédies. Le vent, quand il hurle en tempête, semble prendre des accents de révolte héroïque. C’est que, témoin éternel, il a gardé en mémoire les hymnes et les serments, les diatribes et les pamphlets, les joutes et les colères d’orateurs qui croyaient graver leurs noms dans l’Histoire...


Exercice dans l'exercice: celui qui trouve le lieu dont il est question gagne... outre mes félicitations, le droit de participer en retard!
Narwa Roquen,c'est pas parce qu'on est tout seul qu'on peut pas s'amuser!


  
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3 Exercice 13 : Narwa Roquen => Commentaire - Estellanara (Mar 19 jun 2007 à 13:26)


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