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 WA - Participation exercice n°15 A Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 29 avril 2007 à 13:10:00
Une petite histoire normative.
Belle mécanique.


_____________

INFLEXIBLE



Bip....Bip....Bip..Bip..Bip.

Je cherche à tâtons ce foutu radio-réveil. Mon rêve se délite. J’ai beau le retenir, rien n’y fait, les visages se brouillent, le ciel bleu se dissipe, le paradis s’éloigne...Je ne veux pas me réveiller, en équilibre entre les deux mondes. L’obscurité de la chambre donne le change. Encore une demi-heure, ma marge de sécurité. Fixer les chiffres luminescents pour suspendre le temps. Si je me concentre bien, les secondes vont ralentir et ces trente minutes dureront une éternité. Je sais, vous allez me dire que je me mens. Vous avez raison. Je perds le fil et mes pensées me trahissent déjà, vagabondant dans l’écume du jour grisâtre qui franchit sans peine la dérisoire barrière des volets. Et les minutes ont galopé. Trois...cinq...dix ont perfidement profité de mon inattention pour rattraper le temps perdu.

Elle dort encore juste à côté. Comme chaque matin, je reste étonné par la magie de son corps, l’abandon de ses cheveux, épars sur l’oreiller. N’a-t-elle pas entendu la sonnerie ? Ses lèvres ne dessinent-elles pas un léger sourire ? Elle adore faire ça. Je m’approche tout doucement, une pensée câline caressant mon imagination. Mais je m’arrête bien vite, plus le temps. Plus le temps de rien. Je ne vais pas la réveiller, elle ne comprendrait pas. Ce soir, je la retrouverai. Mais ce soir est si loin. Je me lève sans bruit. Si elle savait !

Dans la lumière crue du néon, je dévisage un homme défait. Rasage. Je me coupe légèrement, le fil du rasoir est émoussé. Douche. Je choisis des vêtements confortables dans lesquels je me sentirai bien. Une cravate club? Oui, une cravate club. Un fil dépasse, il me faut le couper. Les aiguilles de l’horloge murale me narguent, je suis presque en retard. Plus le temps de préparer un café. Je sortirai le ventre vide. Mince, un lacet se casse entre mes doigts. Pas ces chaussures ce matin. Tout est silencieux. En saisissant ma sacoche, je pense soudain que des funérailles ne seraient pas plus calmes. Je tourne la clé et me retrouve dehors. La sécurité est maintenant derrière la porte. Une fine averse dégringole des lourds nuages gris qui plombent les perspectives. Je remonte le col de mon imperméable.

Je traverse l’avenue pour m’engager dans le parc endormi. La surface de l’eau dans le bassin circulaire est grêlée par les fines gouttes célestes. Aucune tension dans le sourire du buraliste qui ouvre son kiosque à journaux. Tout est habituel, ordinaire, tranquille. Il n’en est rien. Là-bas, dans le contre-jour, elle m’attend, silhouette sombre et immobile, sur le chemin conduisant à la sortie du jardin public. Je manque de trébucher. C’est la première fois qu’elle est aussi réelle, aussi consistante. Elle se protège sous un parapluie noir et lustré. Mon coeur bat plus vite. Il faut que j’avance. J’ai un bureau qui m’attend, des dossiers à traiter, des rendez-vous à honorer...Une vie banale et quotidienne à quoi se raccrocher. Je pense aussi à mon amour, resté lové au fond du lit, qui me sourit par delà le temps et l’espace. C’est mon phare dans la nuit. Je la retrouverai ce soir. Cet espoir réchauffe un peu le froid intérieur qui étreint mon coeur.

La panique gagne mes sens, atroce sensation d’être pris au piège. Un rat dans un labyrinthe. Un pas et un autre. Ne pas la regarder. Sans l’avoir jamais vue, je sais que c’est une femme d’une beauté inhumaine. J‘entre inexorablement dans sa sphère d’attraction quand un parfum lourd et opiacé flatte mes narines. Sous le banc, un chat observe la scène. Ses oreilles sont couchées, son cou rentré. Tout son corps est tendu, ramassé, la queue collée au sol, faiblement agitée.

Je suis saisi d’un tremblement nerveux incoercible. Un autre pas me porte à sa hauteur. A cet instant précis, je suis un rongeur devant son prédateur ophidien. Si elle tend son bras, elle me touche l’épaule. Si elle me touche, je meurs foudroyé. Mon coeur est au bord de l’arythmie. Ne pas plonger mes regards dans les siens ou je deviendrai alors son prisonnier. Bon sang, nous sommes au vingt-et-unième siècle, je suis un cadre supérieur formé dans une prestigieuse école d’administration, agnostique...je devrais donc résister. Hélas, vaine rébellion. Toutes mes certitudes sont balayées par une peur primitive et instinctive.

Puis je la dépasse Rien ne s’est produit. Elle n’a pas bougé. Une sensation de vide s’installe, accompagnée d’un claquement sec, comme une paire de ciseaux rageusement refermée. Je sors du parc. Vivant. Un mois de liberté! Une éternité! Je reprends mes esprits en attendant sagement au feu tricolore. A son signal, je m’engage sur le passage protégé quand une voix légèrement rauque appelle mon nom. Je me retourne vivement. Elle se dresse devant moi, habillée de noir. Son visage est un abîme de beauté ancestrale. Elle me sourit tendrement en me serrant doucement contre elle pour me déposer un chaste et léger baiser sur la bouche. Ses lèvres ont le goût de miel. Sa main sur ma nuque se fait insistante quand elle me murmure à l’oreille :

« Tu m’as oubliée. Vous m'avez tous oubliée. Mais ma mémoire est grande. Dis mon nom!»

Je suis changé en statue de sel. Le hurlement du klaxon et le bruit insupportable des freins à l’agonie m’obligent à tourner la tête. Une forme carrée et massive se précipite vers moi à une allure vertigineuse. Comme une mouche sur un pare-brise, je vois mon univers basculer en tous sens. Les feuilles de mes dossiers se dispersent en gerbe funéraire.

«Je me souviens...tu es...Inflexible! ».

Je n’ai plus mal.
Fondu au noir.

M



  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2007-05-10 16:33:51 

 commentaire Maedhros, ex n°15 ADétails
« Car je l’attends, ce soir, à Samarcande... » Carpe diem, pauvres mortels, car demain n’est jamais certain.
J’aime bien l’intuition du personnage, prescience tout à fait plausible malgré le banal du quotidien « des funérailles ne seraient pas plus calmes ». Puis à petites touches, le portrait de la Mort avec son cortège de symboles, la montre, la couleur noire, le chat, les ciseaux, le baiser... La panique avant, le calme après. C’est un peu conventionnel, mais c’est bien écrit.
Un petit détail « musical » : primitive et instinctive. Deux « ive ». Je préfèrerais primale et instinctive, ou mieux encore instinctive et primale ( bonjour Mr Gere !).
Et une question : pourquoi « un mois de liberté »? La Mort l’attend une fois par mois ? Un détail a dû m’échapper...
Narwa Roquen,qui carpe diem tous les jours

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2007-05-10 17:03:05 

 AtroposDétails
Pour le "mois de liberté" je n'ai pas de réponse très argumentée sauf à dire que, dans une version précédente, j'avais précisé que la rencontre avec ce noir personnage avait une régularité mensuelle. Puis, j'ai zappé cet élément et maintenu (à tort!) sa conséquence.

Pour la Mort, puisque c'est bien d'elle dont il s'agit, j'avais envie de rendre vie à la Parque noire et âgée (Atropos) dont le nom, en grec, signifie "Inflexible" (d'où le titre).

Les Parques étaient plus présentes dans la vie de l'homme à l'époque. Atropos coupait impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie de chaque mortel (d'où les ciseaux, les fils qui se cassent...).

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-06-27 15:35:10 

 Exercice 15 : Maedhros => Commentaire texte ADétails
Le texte commence par la peinture de la grisaille quotidienne, semée de petits détails réalistes. Puis, il bascule dans le fantastique. Comme souvent, les clés manquantes nous laissent livrés à nos supputations. Est-ce la mort ? Si c’était le cas, le héros ne s’enfuirait-il pas ? Ou se raccroche-t-il à la réalité en niant le caractère tangible de l’apparition ? Pourquoi un mois de liberté ? Pourquoi « vous m’avez tous oubliée » ? Qui sont les autres ? Il me manque trop d’informations pour formuler des hypothèses. Bien vu, le coup du chat.

Est', un de plus.

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2007-06-27 17:29:43 

 Mais comment fais-je??Détails
Comment j'arrive encore à rater des textes alors que je consulte mon ordi deux fois par jour??

Bon, heureusement, Est' et ses retours en arrière me permettent de les rattrapper, ouf :)
Merci, Est'! ^^

Pour ma part, j'ai été surprise par cette panique là. Je dirais plutôt angoisse que panique, il me semble que le personnage conserve une certaine froideur presque jusqu'à la fin, je n'ai pas réussi à ressentir la peur-panique qui fait perdre le contrôle, exploser le coeur, ... MAis peut-être que ça tient à ma vision de la panique: Narwa l'a faite collective, moi je la voyais individuelle, peut-être que la panique des uns n'est pas celle des autres!

Sinon, dommage pour le mois de liberté, en effet, ça laisse un flou sans réponse. Mis à part le lien avec le thème, j'ai beaucoup aimé, cette annonce de mort inéluctable, comme ça, prise dans la banale réalité quotidienne... Impression de fil coupé avant la fin, quand la mort arrive comme ça, sans avertir, au milieu d'une vie...

Mais, euh, c'était un "A"? Où est la partie B??? Hé hé hé


Elemm', pas chiante ^^

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z653z  Ecrire à z653z

2007-07-03 15:34:39 

 Truc simple pour ne rien rater...Détails
... relire les messages les uns après les autres :
là je lis et je réponds au message 10488.
La fonction derniers messages aide aussi mais elle n'affiche que les 20 derniers (et c'est trop peu depuis que je joue à SL et quand vous postez plus vite que votre clavier).

a+

PS : je retiens l'expression : "Tourner sept fois ses mains au dessus du clavier."

Ce message a été lu 7102 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-07-05 17:13:40 

 Encore un mythe qui s'effondreDétails
Et moi qui t'imaginais, vaillant petit grille-pain chromé, avec un casque de spéléo, arpentant les vieilles pages une à une...
C'est quoi ça, SL ?

Est', spécialiste du clavardage mais archi en retard sur les critiques.

Ce message a été lu 7315 fois
z653z  Ecrire à z653z

2007-07-16 14:23:06 

 Google est ton ami...Détails
... mais c'est un "jeu" en ligne.
J'ai posté un avis (en fait c'est plus un mode d'emploi) dessus sur ciao.fr
Je suis sur deux forums dédiés (un qui dépend du site Jeuxonline et un autre plus petit).

Mon pseudo sur SL est Zig Clip.

a+

Ce message a été lu 7279 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-07-17 12:32:19 

 Ha, oui !!! *illumination brutale mais tardive*Détails
Chuis con, en plus je connais...
Tiens bah j'irai jeter un oeil sur ton avis histoire de ne pas me coucher idiote.

Est', chélonophile.

Ce message a été lu 7236 fois
z653z  Ecrire à z653z

2007-07-18 13:06:39 

 SL = Second LifeDétails
Je précise car ça n'était quand même pas très clair.

Pourquoi ta critique du Labyrinthe de Pan (et d'autres avis d'oeuvres fantastiques) n'est-elle (ne sont-elles) pas sur ce site Section librerie ?

a+

Ce message a été lu 7357 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-07-18 14:21:25 

 Tidou tidou...Détails
J'ai demandé à mon ami Google et il m'a répondu illico pour SL. J'ai d'habitude ce réflexe de lui demander mais là, avec une abréviation aussi courte, je m'étais dit qu'il donnerait x résultats incohérents, du genre Syndicat des Lémuriens ou Société Libérale ou Smilodon Lubrique...
Pour le deuxième point, euh... aucune idée. Je ne me souviens même plus de ma critique. Je vais vérifier pour voir si elle est suffisamment étoffée pour figurer en Librerie.

Bonne après-midi, cher ami.
Estellanara, SPTT.

Ce message a été lu 7241 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-07-18 14:23:52 

 *se répond à elle-même avec entrain*Détails
J'avais juste mis un lien vers ma critique Ciao en fait. Est-ce pertinent que je duplique cela sur la Librerie ? Flad', toi qui est le maître des lieux, qu'en penses-tu ?

Est', toujours de la SPTT.

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